Je me jetai à terre pour me prosterner aux pieds de l’ange qui me montrait ces choses, mais il me dit : Garde-toi de le faire car je suis ton compagnon de service et le compagnon de tes frères les prophètes, et de ceux qui gardent les paroles de ce livre… Adore Dieu !… Apoc., XXII, 8, 9.
Les protestants croient à l’existence des anges. Pourrions-nous, en effet, limiter la création de Dieu à l’étroite sphère que nous habitons, et les êtres raisonnables et sensibles, objets de ses tendres soins, à notre race déchue ?
En nous parlant de l’armée des cieux l’Écriture ne fait pas exclusivement allusion aux étoiles et aux autres corps célestes, mais elle désigne des myriades d’êtres bienheureux qui peuplent des sphères resplendissantes de lumière et qui jouissent à jamais, dans une sainte activité, d’une gloire sans mesure et sans fin.
Ces êtres intelligents et bienheureux s’appellent anges (messagers), soit parce qu’ils accomplissent la volonté de Dieu saintement, promptement et joyeusement, soit parce que le Seigneur a parfois choisi quelques-uns d’entre eux pour accomplir des messages spéciaux.
Quelle est la nature caractéristique des anges, leur figure, leur nombre, leur mode d’action, leurs demeures ?
Ces questions nous feraient sortir du domaine de la grande question qui concerne notre régénération et notre salut pour nous lancer dans le domaine de l’imagination, où tant d’âmes se laissent égarer. Ici la Parole de Dieu ne nous promet plus de nous guider. Sachons nous arrêter humblement et sagement dès les abords de cette route fertile en écueils.
Les anges sont supérieurs à l’homme, nous ayant devancés dans la création et dans la jouissance des grâces de Dieu ; toutefois, les hommes jugeront les anges (1 Cor., VI, 3.) ; car un jour toutes les voies de Dieu doivent être justifiées aux yeux de toutes ses créatures. Les anges s’étant identifiés avec la volonté de Dieu se réjouissent des bénédictions accordées à la terre ; c’est pourquoi il est écrit : qu’il y a plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui s’amende que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de repentance (Luc, XV, 7.).
Les anges sont proposés à notre imitation, jamais à notre adoration. Pour justifier l’opinion des protestants à cet égard, il suffit de rappeler la déclaration formelle exprimée dans l’épigraphe placée à la tête de ce chapitre. L’ange réprouva saint Jean, qui, dans son extase, se prosternait à ses pieds. Je ne suis, lui dit-il, que ton compagnon d’œuvre : Adore Dieu !
D’autres anges, créés primitivement semblables à ceux dont nous venons de parler, abusant de leur liberté morale, choisirent la voie de la malédiction en désobéissant à Dieu. Nous ignorons quel fut leur péché.
Quelques expressions de l’Écriture nous donneraient à penser qu’ils se rendirent coupables de calomnie. Le nom de diables, par lequel on les désigne, signifie calomniateurs ; dans l’Apocalypse, le démon est appelé l’accusateur des frères ; le nom de Satan signifie à peu près la même chose.
Jésus-Christ, dans ses discussions avec les Juifs, l’appelle le menteur, le père du mensonge. Les autres noms que l’Écriture donne aux démons expriment l’idée des vices les plus exécrables. Ici, c’est le destructeur ; là, le prince des ténèbres ; ailleurs, l’ange de l’abîme, le lion rugissant, le dragon, le serpent, l’ancien serpent, le tourmenteur, le meurtrier, le séducteur, celui qui pécha dès le commencement.
L’inimitié de Satan contre Dieu se manifeste surtout par sa haine pour les créatures chéries du Seigneur, que Saint Paul représente comme ayant à lutter contre « les principautés et les puissances, contre ceux qui ont l’empire des ténèbres de ce siècle, contre les malins esprits qui agissent à présent dans les enfants de rébellion. »
Les conclusions que les protestants tirent de ces révélations appartiennent à un ordre moral élevé. Comme ils s’abstiennent de faire des images des anges bienheureux, de peur de porter atteinte à la dignité de ces esprits glorifiés, et surtout de peur de favoriser un culte superstitieux que Dieu a condamné, ils s’abstiennent aussi de donner à l’esprit du mal les formes grotesques dont les artistes l’ont affublé ; car ils craignent, soit d’affaiblir par le ridicule des idées sérieuses et élevées, soit d’entretenir des terreurs qui ont en général un caractère plutôt charnel que religieux.
La contemplation du monde des esprits, étranger à celui dont nous faisons partie, élève nos idées de la grandeur, de la sainteté et de la justice de Dieu, et nous excite à nous tenir sur nos gardes, afin que nos cœurs ne se laissent point séduire et que nous soyons fidèles à Celui qui est venu écraser la tête du serpent et détruire pour jamais les œuvres des ténèbres.