Après ce sommaire de l'enseignement de Paul sur le vrai caractère des dons de l'Esprit, nous sommes enfin en mesure d'examiner sérieusement cette partie précise du texte où Paul traite ce qu'il appelle le don de parler « diverses langues ». Il s'agit, comme nous l'avons signalé, de 1 Corinthiens 12.10, 28, 30 ; 13.1, 8 ; 14.1-33, 37-40.
Il est évident que, de ces textes, le dernier, le long chapitre 14 de cette épître, est le plus important. Nous l'examinerons dans le plus grand détail ; mais, afin d'être conséquents, nous examinerons préalablement les quelques mentions de « langues » dans les chapitres 12 et 13. De cette manière, rien n'échappera à notre attention.
Nous suivrons cette étude en nous référant chaque fois au texte original grec, afin d'en déterminer le sens le plus exact. Je tâcherai d'être le plus direct possible, en évitant les complications inutiles.
Écouter Dieu d’abord
Il serait bon, avant d'examiner mon commentaire, de relire attentivement les textes eux-mêmes, si possible plus d'une fois, dans un esprit de prière. Il serait encore mieux de lire les trois chapitres (1 Corinthiens 12-14) d'affilée et en entier, afin d'obtenir une vue d'ensemble et de saisir le sens général du passage, le but de l'argument, l'objectif essentiel de Paul. Ensuite, les détails deviendront beaucoup plus compréhensibles. Il serait sans doute utile de noter dans la marge du texte biblique les versets qui « parlent » de façon vraiment claire, ainsi que ceux qui présentent des difficultés.
De cette manière, chacun sera infiniment mieux placé, non seulement pour suivre le développement de mes propos et de mon analyse du texte, mais — ce qui est très important — pour évaluer correctement mes arguments et ceux d'autrui.
Cette discipline permettra au Saint-Esprit d'enseigner chacun en faisant appel à la Parole même de Dieu. Ainsi, nous éviterons de tomber dans des explications artificielles et arbitraires.
Les trois passages de Paul dans 1 Corinthiens 12
Dans ce chapitre 12, Paul ne fait allusion au « parler en langues » que trois fois : aux versets 10, 28 et 30.
Aux versets 7-10 et 28-30, Paul dresse deux listes représentatives de dons spirituels (que l'on fera bien de comparer avec ses deux autres listes parallèles : Romains 12.3-8 et Éphésiens 4.7-16).
Regardons de près le vocabulaire employé par Paul dans ses deux premières mentions :
Ainsi, le texte original emploie une formule identique dans les deux cas.
Signification de l'expression grecque : guëénê glôssôn.
Voici la terminologie précise que Paul emploie dans ce chapitre pour décrire le « don des langues » et que Segond traduit assez correctement par l'expression : « diversité de langues » (1 Corinthiens 12.10) et « diverses langues » (1 Corinthiens 12.28). Darby la traduit un peu plus exactement : « (diverses) sortes de langues ».
Le mot guénos (au pluriel : guénê), qui est traduit dans ce contexte : « sortes » ou « diversité, est intéressant. Il dérive de la racine grecque qui signifie : « engendrer, naître, devenir » et il signifie essentiellement : « postérité » ou « famille », « ceux que l'on a engendrés ». De là, ce mot a acquis facilement le sens de « race, nation, nationalité ». Sur un total de 21 mentions dans le Nouveau Testament, il se réfère au moins sept fois, sans compter le texte que nous examinons, à des nationalités. (En voici les mentions : Marc 7.6 ; Actes 4.36 ; 18.2, 24 ; 2 Corinthiens 11.26 ; Galates 1.14 ; Philippiens 3.5) Dans tous les autres cas il signifie soit : « famille », soit (par analogie) « espèce » ou « sorte » ou « genre ».
D'ailleurs, dans l'hébreu de l'Ancien Testament, le mot « familles » a couramment le sens de « nations ». L'expression : « toutes les familles de la terre » signifie « toutes les nations » et elle revient souvent dans les Psaumes, ainsi que dans la promesse faite par Dieu à Abraham dans Genèse 12.3 : « Toutes les familles de la terre seront bénies en toi. » David dit, au Psaume 22.28 : « Toutes les familles des nations se prosterneront devant ta face ».
Langues ou pseudo-langues ?
Ce n'est certainement pas pour rien que Paul emploie la locution guénê glôssôn pour décrire cette activité de l'Esprit. Il ne l'aurait certainement pas choisie s'il n'entendait pas ici de véritables langues, telles qu'elles sont parlées par les différentes races d'hommes, par les nations. Par cette expression, Paul nous donne une clé pour comprendre le sens du don en question. Il n'emploie pas le mot grec phônê, qui aurait un sens plus vague et que l'on pourrait traduire « voix » ou « son » ; il dit bien glôssa qui signifie très exactement « une langue », une vraie langue. De plus, il qualifie ce mot en précisant qu'il s'agit de familles (au pluriel) de langues (au pluriel). Ces deux passages, à eux seuls, nous aident à comprendre le sens que Paul donne au don des langues. Il est évident qu'il a en vue des langues humaines, exactement comme dans Actes 2. Rien dans ces textes ne nous laisse supposer qu'il avait en vue un « langage » inintelligible.
À ceux qui ont de la peine à accepter cette étude, je dis simplement que je ne cherche pas à fonder une doctrine sur ce passage. Il y en a d'autres qui sont beaucoup plus convaincants. Je signale simplement le sens normal de l'expression grecque employée par Paul dans ces deux textes (1 Corinthiens 12.10, 28). Il est certain qu'un lecteur grec de l'Antiquité lisant ces paroles pour la première fois ne penserait pas un instant qu'il s'agisse d'autre chose que d'une allusion à de véritables langues humaines, des « familles » ou « sortes » ou « nationalités » de langues, exactement comme le texte le dit.
Autrement dit, l'Esprit de Dieu compte, parmi les dons qu'il fait à l'église, celui de parler de véritables langues humaines autres que celle de la communauté de notre appartenance.
Il est évident que ce genre de don est infiniment plus utile à l'œuvre de Dieu qu'un langage inintelligible.
Pourquoi « langues » au pluriel ?
Notre texte fait ressortir un autre point intéressant. Paul dit (1 Corinthiens 12.10) : « à un autre (est donnée) la diversité des langues ». Paul ne dit pas « langue » mais « langues » au pluriel. Il ne dit pas non plus que ces langues sont distribuées parmi les membres de l'église mais qu'elles sont données à un individu : « à un autre... » (au singulier).
Cela soulève une question d'une actualité brûlante. Plus que jamais l'Église de Christ a besoin aujourd'hui d'hommes et de femmes sachant parler deux ou plusieurs langues. Dans le contexte de l'évangélisation contemporaine qui dépasse les frontières nationales, le croyant qui est à la fois bilingue et rempli de l'Esprit a un ministère d'une valeur inestimable. Il a une contribution unique et indispensable à apporter à la situation dans laquelle nous nous trouvons placés, que ce soit dans l'Église ou dans le monde.
Nos frères dans les pays en voie de développement ont un besoin croissant d'aides de toutes sortes. La majorité des langues humaines souffrent d'une carence inexcusable de littérature chrétienne. Nous, en Europe, avec nos multiples versions de la Bible, nos concordances, nos grammaires et nos dictionnaires grecs, nos ouvrages d'édification et nos journaux d'information, nous sommes de véritables « capitalistes spirituels » en comparaison des jeunes églises d'Afrique et d'Asie. Par la radio, par la page imprimée, par les itinérances, par l'interprétation des prédications, nous pouvons aider l'Église à mettre en commun ses richesses spirituelles — comme l'Église primitive de Jérusalem le faisait, même jusqu'au partage des biens matériels.
Ne me dites pas que ce genre de ministère est « moins spirituel » que l'emploi d'une langue « angélique » dans un culte personnel ou qu'une expression inintelligible dans une rencontre de chrétiens. Nous sommes souvent moins réalistes que Dieu. Dieu vise avant tout l'évangélisation du monde, le salut des âmes et l'édification de son peuple par la croissance numérique et spirituelle de l'Église.
Qu'avons-nous fait pour préparer les chrétiens de l'Ouganda, du Tchad, du Vietnam, du Cambodge à la fournaise de souffrances dans laquelle ils sont depuis des années ? Avons-nous pour excuse le fait qu'ils habitent trop loin ou que nous ne connaissons pas leurs langues ? Si l'Église de Christ avait été davantage remplie de son Esprit, elle aurait su fournir à ces pays une aide beaucoup plus efficace alors que les frontières étaient pleinement ouvertes à l'Évangile. À présent, notre responsabilité demeure ; seulement la tâche est devenue infiniment plus difficile.
Oui ! Je crois aux langues miraculeuses telles que nous les voyons dans Actes 2 ! Mais je crois tout autant aux langues des hommes de notre monde moderne torturé par une méchanceté diabolique et toujours croissante. À nous de leur apporter le message de Christ, à nous de leur enseigner « tout le conseil de Dieu »... Et comment le faire si nous ne savons pas parler à leur cœur ? Et comment pourrons-nous le faire sinon dans leur propre langue maternelle ? Ce dernier miracle est en fait plus grand que le premier.
Pourquoi en queue de liste ?
Pourtant ce n'est certainement pas pour rien que Paul met le don des langues au bout de chacune des deux listes de dons dans ce chapitre (versets 10 et 28). Que ce ne soit pas un accident de sa plume, cela est démontré de façon indiscutable par le verset 28, où Paul affirme catégoriquement que Dieu reconnaît une gradation dans l'importance relative des divers dons de l'Esprit. Revenons maintenant à ce verset 28 qui contient la deuxième mention de Paul sur le don des langues.
« Dieu a établi dans l'Église, dit-il, premièrement des apôtres, secondement des prophètes, troisièmement des docteurs, ensuite... puis... [et, en dernier lieu, ceux qui ont le don de parler] diverses langues. »
Ce n'est sûrement pas dans le but de ridiculiser le don des langues que Paul lui accorde une place inférieure dans l'économie de Dieu : loin de là ! car il croit au véritable don des langues et l'inclut parmi les autres opérations de l'Esprit de Dieu. Seulement, il ne veut pas que les croyants de Corinthe attachent une importance exagérée à ce don. Il leur fait comprendre que ce n'est qu'un détail (et d'une importance très relative) parmi beaucoup d'autres choses qui doivent les préoccuper bien davantage.
C'est pourquoi, juste après avoir établi le principe selon lequel Dieu reconnaît une gradation dans l'importance des différents dons spirituels, Paul résume son attitude par la phrase suivante :
« Aspirez aux dons les meilleurs ».
Et cela, c’est un ordre. Celui donc qui aspire délibérément à ce qui est inférieur est coupable d'une désobéissance envers Dieu. Il est possible que Dieu ne lui accorde pas tout ce qu'il désire ; mais c'est le devoir du disciple d'aspirer à ce qui est meilleur.
« Tous parlent-ils en langues ? »
Voici maintenant la troisième mention de Paul du don des langues dans son chapitre 12. Il demande : « Tous parlent-ils en langues ? » La forme grammaticale de cette phrase, avec l'emploi de la négation grecque mê, exige une réponse négative. Cela équivaut en fait à affirmer que tous ne parlent pas en langues. Il n'y a pas la moindre ambiguïté dans ce texte.
Paul vient d'expliquer, dans ses deux listes de dons, que ceux-ci sont disséminés parmi les membres de l'église. Il dit : « À l'un est donné, par l'Esprit, une parole de sagesse ; à un autre, une parole de connaissance... à un autre, la foi » et ainsi de suite. Quand il dit : « Tous sont-ils apôtres ? Tous sont-ils prophètes ? Tous sont-ils docteurs ?.. Tous parlent-ils en langues ? », la réponse sous-entendue est évidemment dans chaque cas : non. Vouloir donc imposer à tous les croyants le don des langues est nettement contraire à la Parole de Dieu. C'est faire un non-sens de l'enseignement de Paul.
Mais Luc ne dit-il pas le contraire ?
On me répondra peut-être que, dans le livre des Actes, tous les croyants ont effectivement parlé en d'autres langues, car il est écrit qu'ils « furent tous remplis du Saint-Esprit et se mirent à parler en d'autres langues... »
Nous avons déjà étudié cette question, mais il serait utile de la regarder d'un peu plus près.
Il est possible, certes, qu'en ce premier jour de Pentecôte, tous les disciples aient parlé en d'autres langues. À première vue, c'est ce que le texte semble dire. Mais cela n'est pas une raison pour contre-dire l'enseignement de l'apôtre Paul dans 1 Corinthiens 12.30. La naissance de l'Église fut de toute façon un événement unique et elle fut accompagnée de plusieurs phénomènes particuliers, y compris les langues semblables au feu et le grand bruit venant du ciel qui ne se sont pas renouvelés.
Pourtant, comme nous l'avons déjà vu, il n'est pas certain que tous les disciples aient parlé en d'autres langues ce jour-là. Il n'est pas tout à fait sûr non plus que les premiers versets du chapitre 2 des Actes s'appliquent aux cent vingt plutôt qu'aux douze apôtres seulement. C'est ce que laisse croire le dernier verset du chapitre 1 puisque les douze y sont mentionnés de façon particulière. Il est cependant très probable que, dans Actes 2.1-4, il s'agisse des cent vingt dans leur totalité.
Mais là encore, répétons-le, le texte ne dit pas de façon explicite que tous ont parlé en d'autres langues. Il affirme qu'ils étaient tous ensemble dans le même lieu et qu'ils furent tous remplis de l'Esprit. Pourtant, ceux qui connaissent le grec remarqueront que le mot « tous » (grec : pantes) est placé dans la phrase de manière à qualifier le verbe « furent remplis » mais pas nécessairement le verbe « se mirent à parler (en d'autres langues) ». Si Luc avait vraiment voulu nous faire comprendre que tous les disciples s'étaient exprimés en langues, il aurait sûrement placé le pronom « tous » (pantes) avant (et non après) le verbe « furent remplis (grec : éplésthésan) » ; ce pronom aurait ainsi servi à qualifier les deux verbes à la fois. Ou bien, Luc aurait répété le mot pantes de manière à rendre explicite l'idée d'une expérience universelle en langues. Or, il ne l'a pas fait.
Il me semble que la manière la plus correcte de lire ce verset est la suivante : « ils furent tous remplis du Saint-Esprit et ils (pas nécessairement « tous », mais le groupe de disciples en général, les uns parlant peut-être pour les autres) se mirent à parler en d'autres langues ». Cela n'exclut pas la possibilité que tous aient parlé en langues ; mais il n’est pas possible de l’affirmer. Pouvons-nous réellement concevoir cent vingt personnes parlant toutes à la même occasion pour se faire comprendre par les auditeurs ? L'Esprit de Dieu ne peut être l'auteur d'une confusion pareille !
Avant de quitter Actes 2, rappelons-nous ce que Pierre dit dans sa prédication : C'est ici ce qui a été dit par le prophète Joël... » Actes 2.16-21 Joël 2.28-32. Mais Joël ne fait aucune allusion au « parler en langues inconnues » ; il ne parle que de « prophétiser ». Puisque l'apôtre Paul nous apprend, par 1 Corinthiens 14 , à différencier la prophétie (que nous allons étudier un peu plus loin) et le « parler en langues », je refuse de croire que Pierre ou Joël, sous l'inspiration du même Esprit, se soient trompés en confondant ces deux termes. À mes yeux, la meilleure explication de cette citation de Joël par Pierre est que les disciples se sont presque certainement exprimés des deux manières : certains parlaient en langues et d'autres prophétisaient.
Cette explication n'est pas fantaisiste : nous avons vu dans notre commentaire sur Actes 10.46 que Pierre entendait les convertis de la maison de Corneille « parler en langues et glorifier Dieu ». Nous avons pris également en considération le fait que, lorsque Paul (dans Actes 19.6) imposa les mains aux douze hommes d'Éphèse, « ils parlaient en langues et prophétisaient ». Si à Césarée et à Éphèse l'effusion de l'Esprit a produit ces deux formes d'expression simultanées, serait-il étonnant qu'à Jérusalem l'Esprit ait agi de la même façon ?
Cela n'a pas tellement d'importance pour notre discussion ; mais ces réflexions nous amènent à conclure que même Actes 2 n'enseigne pas que le don des langues soit accordé à tous les croyants, pas plus que les chapitres 10 ou 19 des Actes.
Remarque sur 1 Corinthiens 12.31
Avant d'examiner les textes de 1 Corinthiens 13, regardons la manière dont Paul conclut son argument du chapitre 12 sur les dons et comment il introduit sa conception de l'amour dans le chapitre 13.
« Aspirez aux dons les meilleurs. Et je vais encore vous montrer une voie par excellence » (1 Corinthiens 12.31, version Segond).
Ce verset est très souvent interprété de manière à créer un contraste et même une opposition entre les dons de l'Esprit et le fruit qui est l'amour, comme si l'on pouvait avoir soit l'amour sans aucun don, soit un don sans connaître l'amour. On ne fait qu'ajouter à la confusion quand on affirme que l'amour est simplement l'un des dons de l'Esprit parmi les autres. Certains l'appelleraient « le plus grand » des dons, allant jusqu'à dire qu'avec l'amour, ils n’ont pas besoin d'être enrichis d'un autre don. Pourtant, aux yeux de Paul, l'amour n'est pas un « don » ; comme nous l'avons déjà dit, il est plutôt le mobile ou la « force motrice » du don.
Quand l'Esprit de Dieu remplit un homme, cet homme commence à aimer : l'amour de Dieu atteint les autres à travers sa personnalité transformée ; sa vie est une « explosion » d'amour divin. Or, pour que cet amour soit utile à autrui, il faut qu'il prenne une certaine forme, il doit être « canalisé » d'une manière ou d'une autre : et ce « canal » n'est autre chose que le « don » spirituel. Le don est une capacité de transmission de l'amour de Dieu ; autrement dit : un moyen de servir Dieu et ses semblables. Un « don » est une qualification spirituelle qui permet à l'homme d'être utile en communiquant l'amour de Dieu autour de lui.
C'est une grosse erreur de supposer que les dons de l'Esprit, en tant qu'action divine, puissent exister indépendamment du fruit de l'Esprit Galates 5.22. Les dons ne sont en réalité que les moyens par lesquels l'amour de Dieu est transmis. L'amour de Dieu en agissant prend une orientation différente selon la personnalité et la condition de l'individu. L'amour et le don sont deux choses parfaitement distinctes ; pourtant, il n'est pas possible de les séparer, pas plus qu'on ne peut dissocier l'œil du sang qui lui apporte la vie et la santé, ou bien la sève de la branche de l'arbre.
Je n'ai pas trouvé de version qui traduise cette phrase (1 Corinthiens 12.31) de Paul d'une manière satisfaisante ; aussi voudrais-je la retraduire ici moi-même. Pour ceux qui savent le grec, je donne les paroles mêmes de Paul.
Après nous avoir fait comprendre dans les versets précédents (1 Corinthiens 12.20-30) qu'il y a des dons plus importants que d'autres, Paul nous dit :
ζηλοῦτε δὲ τὰ χαρίσματα τὰ μείζονα. |
zêlouté dé ta charismata ta meizona |
« Recherchez (zélouté) cependant (dé) les dons (ta charismata) les plus grands (ta meizona) »
Puis il ajoute, immédiatement après, cette phrase :
Καὶ ἔτι καθ' ὑπερβολὴν ὁδὸν ὑμῖν δείκνυμι. |
kaï éti kath’ hyperbolên hodon hymin(e) deiknymi |
« et d’ailleurs, (kaï éti) je vous montre [hymin(e) deiknymi] une voie (hodon)...(kath'hyperbolên) ».
Paul veut leur montrer quelque chose en rapport avec la recherche des dons spirituels, une voie à suivre ; mais quelle voie ?
J'avoue qu'il est difficile de faire ressortir le fond de la pensée de l'apôtre. L'expression qui suit, kath’ hyperbolên signifie littéralement : « à outrance, au delà de toute mesure, de façon extraordinaire ». Les versions courantes la rattachent au substantif hodon (— voie, chemin) comme si elle servait d'adjectif. Pourtant, j'ai fait des recherches linguistiques sans trouver un seul exemple d'un usage semblable. Je préfère la considérer telle qu'elle est en réalité : comme une locution adverbiale que l'on rattacherait normalement à un verbe. Il n'est cependant pas facile de voir à quel verbe elle se rattache. En fait, il y a ici deux verbes : « Aspirez.. » et : « Je vais vous montrer... ». Logiquement, elle devrait modifier le deuxième de ces verbes, mais cette solution ne semble guère acceptable. On dirait, presque, qu'il faut après tout la traiter d'adjectif comme le font la majorité des versions. Je me demande pourtant si, du fait que les conjonctions kaï éti (= « et d'ailleurs ») lient les deux phrases si étroitement, nous ne pourrions pas rattacher la-dite locution au premier verbe : « Aspirez... ». Malgré l'anomalie grammaticale, il me semble que cela correspond réellement à la pensée de Paul. Il vient de parler des dons spirituels. Maintenant il nous dit, non seulement de rechercher les meilleurs, mais de les rechercher d'une certaine manière, au moyen d’« une voie par excellence ».
J'aimerais traduire la phrase entière de la façon suivante :
« Aspirez donc aux meilleurs dons — et, d'ailleurs, je vous montre la façon la plus formidable (de le faire, c'est-à-dire : d'y aspirer)... (ou, peut-être : « je vous montre comment y aspirer à outrance »).
Là-dessus, Paul écrit son chapitre sur l'amour ! Il nous exhorte à chercher avec zèle les meilleurs dons, mais il ne veut pas que nous les cherchions en étant animés d'un zèle charnel (ce zèle amer dont parle Jacques dans son épître Jacques 3.13-18). Paul nous fait comprendre que « la voie par excellence » de cette recherche est précisément l'amour, cet amour qui est véritablement le fruit de l'Esprit.
La plénitude de l'Esprit produit en nous l'amour miraculeux de Christ. Cet amour cherche à tout prix à s'exprimer et il le fait à travers le don qui est accordé à chacun. Le don lui-même n'est qu'une expression de l'amour de Dieu en Christ. C'est donc une folie que de rechercher ce don par une motivation charnelle, car, dans ce cas, le don lui-même ne peut pas provenir d'une action du Saint-Esprit. Même si le don revêtait des aspects surnaturels, nous ne pourrions pas l'attribuer à l'œuvre de Dieu ; il pourrait même être une contrefaçon satanique.
Paul nous fait comprendre ici que si le mobile de notre recherche n'est pas l'amour divin qui sait se sacrifier, souffrir et s'effacer comme Jésus-Christ l'a fait, le résultat est vain. Il y aura peut-être beaucoup de bruit et même des phénomènes remarquables, mais l'empreinte de la main de Christ n'y sera pas. C'est pour cette raison que Paul, avant d'aller plus loin, écrit le chapitre 13 de son épître, afin de définir sans équivoque la nature du vrai amour, celui qui émane de la plénitude du Saint-Esprit.