1.[1] Quand Pompée se fut enfui avec le sénat romain au-delà de la mer Ionienne[2], César, maître de Rome et de l'Empire mit en liberté Aristobule. Il lui confia deux légions et le dépêcha en Syrie, espérant, par son moyen, s'attacher facilement cette province et la Judée. Mais la haine prévint le zèle d'Aristobule et les espérances de César. Empoisonné par les amis de Pompée, Aristobule resta, pendant longtemps, privé de la sépulture dans la terre natale. Son cadavre fut conservé dans du miel, jusqu'au jour où Antoine l'envoya aux Juifs pour être enseveli dans le monument de ses pères.
[1] Sections 1 et 2 Ant., XIV, 7, 4.
[2] 49 av. J.-C.
2. Son fils Alexandre péril aussi à cette époque : Scipion[3] le fit décapiter à Antioche, sur l'ordre de Pompée, après l'avoir fait accuser devant son tribunal pour les torts qu'il avait causés aux Romains. Le frère et les soeurs d'Alexandre reçurent l'hospitalité de Ptolémée, fils de Mennaeos, prince de Chalcis dans le Liban. Ptolémée leur avait envoyé à Ascalon son fils Philippion, ci celui-ci réussit à enlever à la femme d'Aristobule, Antigone et les princesses, qu'il ramena auprès de son père. Épris de la cadette, Philippion l'épousa, mais ensuite son père le tua pour cette même princesse Alexandra, qu'il épousa à son tour. Depuis ce mariage il témoigna au frère et à la soeur beaucoup de sollicitude.
[3] Q. Caecilius Metellus Scipio, beau-père de Pompée et gouverneur de Syrie.
3.[4] Antipater, après la mort de Pompée[5], changea de parti et fit la cour à César. Quand Mithridate de Pergame, conduisant une armée en Égypte, se vit barrer le passage de Péluse et dut s'arrêter à Ascalon, Antipater persuada aux Arabes dont il était l'hôte de lui prêter assistance ; lui-même rejoignit Mithridate avec trois mille fantassins juifs armés. Il persuada aussi les personnages les plus puissants de Syrie de seconder Mithridate, à savoir[6] Ptolémée du Liban et Jamblique. Par leur influence les villes de la région contribuèrent avec ardeur a cette guerre. Mithridate, puisant une nouvelle confiance dans les forces amenées par Antipater, marcha sur Péluse et, comme on refusait de le laisser passer, assiégea la ville. A l'assaut, Antipater s'acquit une gloire éclatante ; car il fit une brèche dans la partie de la muraille en face de lui et, suivi de ses soldats, s'élança le premier dans la place.
[4] Sections 3 à 5 Ant., XIV, 8, 1-3.
[5] 48 av. J.-C.
[6] τόν τ' ἔποικον τοῦ Λιβάνου. Si l'on acceptait la conjecture d'Aldrich (τῶν τ' ἐποίκων), il faudrait traduire : « les plus puissants de la Syrie... et, parmi les dynastes du Liban, Ptolémée et Jamblique ». Il s'agit de Ptolémée, fils de Sobémos, non de Ptolémée, fils de Mennaeos. Cf. ma note sur Ant., § 129.
4. C'est ainsi que Péluse fut prise. L'armée, en continuant sa marche, fut encore arrêtée par les Juifs égyptiens qui habitaient le territoire dit d'Onias. Cependant Antipater sut les persuader, non seulement de ne faire aucune résistance, mais encore de fournir des subsistances à l'armée. Dès lors ceux de Memphis[7] ne résistèrent pas davantage et se joignirent de leur plein gré à Mithridate. Celui-ci, qui avait fait le tour du Delta, engagea le combat contre le reste des Égyptiens au lieu appelé « camp des Juifs ». Dans cet engagement, il courait de grands risques avec toute son aile droite, quand Antipater, en longeant le fleuve, vint le dégager ; car celui-ci, avec l'aile gauche, avait battu les ennemis qui lui étaient opposés ; tombant alors sur ceux qui poursuivaient Mithridate, il en tua un grand nombre et poussa si vivement le reste qu'il s'empara de leur camp. Il ne perdit que quatre-vingts[8] des siens ; Mithridate dans sa déroute en avait perdu huit cents. Sauvé contre son espérance, Mithridate porta auprès de César un témoignage sincère de la brillante valeur d'Antipater.
[7] Peut-être les Iduméens, qui formaient à Memphis une importante colonie, dont un décret s'est récemment retrouvé (Dittenberger, Orientalis graeci inscr., n° 747). Antipater, leur compatriote, dut les gagner sans peine. Mais il peut s'agir aussi des Juifs de Memphis ou des habitants de cette ville en général.
[8] 40 (ou 50) d'après Ant., § 135.
5. César, par ses louanges et par ses promesses, stimula Antipater à courir de nouveaux dangers pour son service. Il s'y montra le plus hardi des soldats, et, souvent blessé, portait presque sur tout son corps les marques de son courage. Puis, quand César eut mis ordre aux affaires d'Égypte et regagna la Syrie, il honora Antipater du titre de citoyen romain et de l'exemption d'impôts. Il le combla aussi de témoignages d'honneur et de bienveillance, qui firent de lui un objet d'envie ; c'est aussi pour lui complaire que César confirma Hyrcan dans sa charge de grand-prêtre.