Précis de prédication chrétienne

9. LES ILLUSTRATIONS

On a souvent souligné la simplicité de l'Évangile Jésus le déclare accessible aux enfants (Luc 10.21). N’empêche qu’il comporte des points difficiles. Nous avons de la peine à les comprendre (2 Pierre 3.16), et plus encore, vu notre mentalité dévoyée, à nous y soumettre (1 Corinthiens 2.14 ; 2 Corinthiens 4.3-4). Des illustrations sont donc nécessaires  pour bien faire saisir en quoi consiste la Bonne Nouvelle et pour la rendre acceptable.

A. Plusieurs raisons militent en faveur de cet usage :

1. La Bible est rédigée du commencement à la fin dans un langage populaire, imagé, concret. Cela est vrai de la loi, des psaumes des prophètes, des maximes de sagesse, des épîtres. Le sommet est atteint ici comme ailleurs, dans l'enseignement du Sauveur. D’autres que lui ont utilisé la parabole, mais lui s'en est servi d'une manière si insistante et frappante que le genre est resté durablement attaché à sa personne. Pour illustrer les réalités du monde invisible, il use de comparaisons empruntées à la vie courante. Nous ne saurions mieux .que de suivre son exemple.

2. C'est un seul et même Dieu qui est le créateur du monde matériel et l'auteur de la rédemption. Il n'est donc pas surprenant qu'il existe des analogies entre les deux domaines. Par la force des choses, tous les hommes se soumettent aux lois de la nature. L’Évangile est certes une folie pour ceux qui périssent, (1 Corinthiens 1.18), mais si l'on peut par des comparaisons le rendre plus accessible, pourquoi se priver de cette ressource ? À la condition, bien entendu, de ne pas le dépouiller de son mordant. Ne nous faisons d'ailleurs pas d'illusions. Une image, si bien présentée qu'elle soit, n'est pas une preuve. Comme le dit la sagesse populaire : « comparaison n'est pas raison. » Dans notre monde désaxé, n'importe quelle erreur est susceptible d'être illustrée d'une manière persuasive. La seule garantie de vérité que nous ayons, c'est une soumission inconditionnelle à l'Écriture Sainte. Mais une illustration peut écarter tel ou tel obstacle.

3. Elle est aussi de nature à rompre la monotonie de l’exposé, à réveiller l'attention. La plupart des gens ont de la peine à suivre un raisonnement abstrait, et cette inaptitude risque de s’aggraver avec le développement des moyens audio-visuels, que le professeur Chaunu a une fois qualifié « d'idiots-visuels ! » Quand l'auditoire commence à s'assoupir, une jolie histoire, une image un peu vive allègent l'atmosphère.

4. C'est aussi le moyen de renouveler un message connu. Nous sommes appelés à réitérer sans cesse le salut par la grâce de Jésus pour quiconque croit. Il en résulte une accoutumance regrettable. Les auditeurs ne réagissent plus à ce qu'ils ont entendu trop souvent. Une illustration inédite jette une lumière originale sur une vérité ancienne et lui donne une fraîcheur inattendue.

5. Elle s'incruste mieux dans la mémoire qu'une réflexion abstraite. À cet égard aussi, les paraboles de Jésus sont inégalables. Quand on les a lues une fois, on s'en souvient toujours. Si nous désirons que notre message ait des résultats à long terme, prenons soin de l'illustrer.

B. Encore faut-il que les illustrations aient les qualités requises.

1. Elles doivent être simples, aisément compréhensibles. Si elles exigent de laborieuses explications, elles compliquent le sujet plus qu’elles ne l'éclairent. Attention donc à ne pas se lancer dans des images d'un niveau qui dépasse celui du public auquel on s'adresse !

2. Elles doivent être pertinentes. Une fenêtre bien placée donne l'éclairage voulu à un tableau. Au contraire, si la fenêtre est au mauvais endroit, le tableau ne sera pas mis en valeur. Telle illustration est décalée par rapport à la vérité qu'elle est censée expliquer, et l'auditeur est dérouté. À la limite, elle trahit la vérité. Lors d'un concert donné par les Mineurs du Borinage, le pasteur invitant avait fait une comparaison entre le mineur qui extrait les richesses du sous-sol et l’Évangile qui va chercher des trésors dans les profondeurs du cœur humain. À la sortie, quelqu'un m'a fait remarquer que l'Évangile, au contraire apporte ses richesses dans des cœurs  qui auparavant ne sont que misère et pauvreté !

3. L’illustration doit être crédible. Il convient d'avoir une certaine compétence dans le domaine d'où on la tire. Au temps de ma jeunesse un peu naïve, j'avais montré que dans la vie courante, nous ne manquions pas de mettre notre confiance dans les hommes auxquels nous avions affaire, et que par conséquent, il n'était pas déraisonnable de notre part d'avoir foi en Jésus-Christ. Jusque-là tout allait bien. Mais comme exemple, j'avais parlé de ma confiance dans mon boulanger : je ne le soupçonnais pas de mettre du poison dans son pain ; j’étais sûr qu'il y mettait de bons ingrédients, à savoir du sucre et du lait ! Un immense éclat de rire m'a prouvé que je venais de lâcher une sottise. C’était plus grave que je ne le pensais. Car en énonçant une contre-vérité dans un domaine où l'auditeur peut facilement contrôler ce qui est dit, on dévalorise le message fondamental. Il y a des anecdotes plus ou moins invraisemblables qui font partie du stock des illustrations classiques. On peut les utiliser. Mais mieux vaut s'abstenir de garantir l'authenticité de l'histoire évoquée. On signalera qu'on l'emploie parce que -authentique ou non- elle permet de bien comprendre telle révélation biblique. De la sorte on ne demandera pas à l'auditeur l'effort d'un acte de foi dans un domaine où celui-ci importe peu.

4. Les illustrations ne doivent pas être trop nombreuses. Certes, à cet égard, nous sommes en danger de pécher plutôt par défaut que par excès. Il arrive cependant que tel prédicateur supplée mal à la pauvreté de sa réflexion par la surabondance de ses images. Une maison sans fenêtre donne l'impression d'une sinistre prison. Mais une serre où tout est vitré est rarement une œuvre d'art.

5. L illustration ne doit pas prendre trop de place. Inutile de multiplier les détails. Dans une anecdote, on laissera de côté les éléments qui ne sont pas directement nécessaires pour la clarté du sujet.

C. Où puiser les illustrations ?

1. En tout premier lieu, dans la Bible. On a dit que l'Ancien Testament est un livre d'images qui agrémente l'enseignement du Nouveau. Les prescriptions du culte lévitique mettent en valeur les divers aspects du sacrifice de notre Sauveur à la croix. Les péripéties de l'histoire d'Israël ont été consignées « pour nous servir d'exemples » (1 Corinthiens 10.6) – à suivre ou à ne pas suivre – dans notre marche chrétienne. Les Évangiles, les Actes et les épîtres nous présentent des expériences concrètes qui nous font comprendre la portée de nos devoirs. L’Apocalypse est remplie d'images grandioses sur les puissances invisibles en action dans la lutte entre le bien et le mal et sur le triomphe final du Christ.

2. La vie courante, la famille, le monde du travail, l'artisanat, le commerce, l'agriculture, sont des domaines qui ont l'avantage d'être familiers à tout un chacun et desquels nous pouvons tirer bien des suggestions utiles.

3. Les expériences que nous avons faites nous-mêmes peuvent être utilisées. Une certaine réserve est certes de rigueur. D'abord il ne faut pas violer le secret professionnel en divulguant ce qui nous a été confié. C'est aussi un peu agaçant d'entendre un prédicateur raconter constamment des entretiens où il joue le beau rôle. Il donne l’impression de vouloir se mettre en valeur. Il se discrédite aussi en s’humiliant trop fréquemment des circonstances où son attitude n'a pas été la bonne. Sont à conseiller les incidents que le prédicateur a pu observer, mais sans y participer activement. L’auditeur n'a pas lieu de douter de l'exactitude de l'événement, et en même temps l'orateur s’efface en ce qui le concerne lui-même. Il n'est pas interdit de parler de soi à la troisième personne. Paul l'a fait : « je connais un homme qui... » (2 Corinthiens 12.2), mais son allusion à lui-même est si transparente qu'on hésite à invoquer cet exemple.

4. Il existe des recueils d'anecdotes. Il n'est pas mauvais d’en avoir sous la main, à condition de ne pas en abuser. Je me souviens lors d'un séjour de vacances, d'avoir entendu, trois ou quatre fois de suite, un même pasteur. Invariablement, il a inséré dans son sermon une histoire médiocre, plaquée maladroitement sur le sujet traité. J’en ai gardé un souvenir négatif.

Plutôt que de piocher mécaniquement dans un recueil d'illustrations, il est préférable de réfléchir pour trouver soi-même des exemples adéquats qui permettront à l'auditeur de bien assimiler ce dont il est question.

Exercice : trouver pour trois thèmes (par exemple : la gravité du péché, la puissance de l'amour, la certitude du salut) des illustrations appropriées, une au moins étant biblique, et une autre au moins tirée de votre expérience personnelle.

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