Sans moi, a dit Jésus, vous ne pouvez rien faire.
Dans l’église, les Jean le Bon ne manquent pas, ce roi vaillant qui, en pleine bataille à Poitiers, était constamment alerté par son fils qui, effrayé, lui criait : « Père, gardez-vous à droite ! Père, gardez-vous à gauche ». Dans nos communautés, certains enseignants, à l’instar de ce dauphin, nous répètent sans relâche : « Soyez sur vos gardes et repoussez l’ennemi qui vous attaque de toute part. Vous devez lutter sans faiblir contre le péché pour plaire à Dieu ». Une vraie tâche de Titan qui nous est demandée puisqu’il faut, simultanément, veiller sur nos paroles et nos regards, être en état d’alerte auprès de nos deux oreilles, contrôler sans défaillance nos moindres gestes, toujours prêts à pourfendre, en même temps, la médisance, l’impureté, la vanité, la négligence, l’égoïsme, l’impiété… pour s’adonner sans répit aux bonnes œuvres, à la prière, aux exercices de piété…
Ouf !
Autant vouloir chasser nos ténèbres avec un balai. Incités par une prédication légaliste qui accumule les « il faut », les « vous devez », le chrétien, culpabilisé, s’efforce d’être à la fois plusieurs « moi », plusieurs gardiens impitoyables, toujours en éveil. Chacun de nous tend à être, non point un seul individu, mais tout un comité d’individus, une équipe de surveillants armés de gourdins qui agissent en ordre dispersé réclamant de l’aide, tous en même temps.
— « Au secours, s’affole le gardien des lèvres ! La tentation de médire est trop forte. Vite, je perds pied. »
Celui des pensées, submergé à son tour, demande à grands cris qu’on mande d’urgence toutes les forces disponibles sur son champ de bataille. La rancœur et la jalousie le harcèlent. Pas de répit. La défaite est proche.
Le vigile des yeux, attentif à la pureté des regards, n’est pas en reste lui qui, également débordé, se plaint d’être oublié. Il veut du renfort pour tenir bon…
Du côté des oreilles, c’est le même appel de détresse, la même impuissance à détecter et à neutraliser les rumeurs bruyantes et impures des ténèbres.
Bref, quand le « Moi » s’en mêle pour décrocher la sainteté, l’enfant de Dieu est multiple. Il y a en lui l’homme d’église, l’homme d’affaires, le père de famille, le citoyen… tous plus incompétents et impuissants les uns que les autres, tous manipulés par Satan qui se gausse de voir le Moi prendre les rênes du combat, un Moi dépassé qui s’évertue — en vain — à maintenir tous ces « petits moi » sur la voie de la sanctification. Peine perdue ! Loin d’être un, le croyant à la remorque de son Moi religieux est écartelé et déchiré, semblable à un homme qui court de tous côtés pour colmater des brèches qui s’ouvrent partout à la fois sous la poussée des eaux. Ainsi, tiraillé par d’innombrables obligations qui, toutes, réclament la priorité, beaucoup de chrétiens s’efforcent en vain de s’acquitter de toutes. Aussi sont-ils rapidement découragés et vaincus. Sans doute de bonne foi à cause d’un enseignement erroné, ils ont cru que Dieu devait seulement « les aider » dans la lutte contre le péché, c’est-à-dire ajouter seulement le petit supplément de force qui manquait à leur propre énergie défaillante…
Ici, laissons-nous enseigner par Josué, le chef d’Israël. Il vient de passer le Jourdain et campe avec ses troupes à Guilgal avant d’entreprendre la conquête du pays. Il quitte sa tente, seul, et se dirige vers Jéricho. Arrivé sur les lieux, il considère avec perplexité les murailles impressionnantes de cette forteresse inexpugnable, lorsque, soudain, se dresse devant lui un homme debout, une épée nue dans la main (Josué 5.13). Surpris et se sentant menacé, Josué tient à savoir quelles sont les intentions de cet inconnu. Aussi, le questionne-t-il : Es-tu des nôtres ou de nos ennemis ? Autrement dit : Es-tu un soldat de plus qui vient nous prêter main forte ou un adversaire que je dois combattre ?
Or, ce n’est ni l’un, ni l’autre puisque le mystérieux guerrier se borne à répondre : Non ! Il n’est pas un soldat de plus venu se joindre à l’armée d’Israël pour se placer sous les ordres de Josué. Ce serait un maigre renfort. Plus qu’un simple guerrier, cet homme est en réalité le Chef de l’armée de l’Eternel. C’est donc Dieu et toute son armée qui va se lancer dans la bataille et en diriger les péripéties. A Josué et à ses hommes d’exécuter ponctuellement les ordres que communiquera le divin Chef. C’est à lui et non au fils de Nun que reviendra la gloire de la conquête du pays promis. Peu avant de mourir, Josué devait déclarer à tout Israël enfin installé en Canaan : Ce ne fut ni par ton arc, ni par ton épée (que le pays a été conquis)… C’est par l’Eternel votre Dieu, qui a combattu pour vous… (Josué 24.12 et 23.3).
Trop de chrétiens n’attendent de Dieu qu’un simple coup de pouce (un petit soldat de plus) pour parvenir à la sanctification. Aussi se contentent-ils d’adresser au Seigneur une petite prière pour obtenir plus sûrement la victoire sur le péché, leur énergie propre ne pouvant suffire. Jamais Dieu n’acceptera de jouer ce rôle secondaire de « complément ». Dieu n’aide pas ainsi, il ne porte pas secours à un « Moi » apparemment bien disposé mais sans force. Dieu ne peut collaborer avec lui, même s’il est pieux et déterminé à poursuivre la sainteté. La vieille nature est toujours impuissante et encombrante ; elle doit être regardée comme morte pour laisser toute la place à Celui qui est notre sanctification (1 Corinthiens 1.30). D’ailleurs, le Seigneur refuse d’être simplement une roue de secours, un bouche-trou. Il ne peut consentir à jouer un rôle secondaire ; ce qu’il veut, en vérité, c’est prendre en main les opérations pourvu que son enfant soit disposé à lui abandonner le gouvernail de sa vie. C’est un « lâchez tout » qu’il réclame. Une mort à soi-même, c’est-à-dire la ferme décision de « renoncer à l’effort fébrile d’une piété trop sûre d’elle-même ». Les chrétiens sont si remuants et bruyants dans leur désir de plaire à Dieu et de le bien servir qu’ils restent sourds à sa voix, lui qui réclame avec insistance qu’on le laisse agir.
Ne livrez pas vos membres au péché comme des instruments pour accomplir le mal ; mais donnez-vous vous-mêmes à Dieu comme étant vivants de morts que vous étiez, et offrez à Dieu vos membres pour accomplir ce qui est juste (Romains 6.13).
Défions-nous de nous-mêmes ; laissons au Dieu de paix le soin de tenir le gouvernail de notre vie ; sous l’impulsion de ce gouvernement unique, notre vie sera à la fois sereine et forte ; alors le Tout-Puissant, présent en nous, nous assurera une constante victoire sur tous les fronts pourvu que rien ne s’oppose à son action. Là est l’essentiel… Dès lors, les fardeaux les plus lourds ne meurtriront plus nos épaules et la joie éclatera sur notre visage à la gloire de Dieu. Pas de repos sans la foi ; pas de service efficace sans la foi : Pour nous qui croyons, nous entrons dans le repos (Hébreux 4.2). « Chaque pas en avant dans la foi est en même temps un pas dans le repos et la victoire. Tout comme nous avons trouvé le repos de la conscience en laissant le Seigneur se placer entre nous et nos péchés, de même nous trouverons le repos du cœur en le laissant se mettre entre nous et nos difficultés. Lorsqu’en toutes choses ‘la domination reposera sur son épaule’ alors aussi ‘l’accroissement de la paix n’aura plus de fin’ (Esaïe 9.5-6 trad. Luther). Que tout ce que nous faisons, fût-ce le travail le plus insignifiant, soit le produit d’une vie de paisible communion avec Lui » (Steinberger).
Conclusion : Je suis absolument incapable de me sanctifier moi-même. La sanctification n’est pas amélioration ou réforme du moi, mais mort du vieil homme et naissance et vie de l’homme nouveau. Que Dieu opère cette œuvre et je serai propre à toute bonne œuvre. Il n’y a pas de vrai ouvrier que Dieu ne sanctifie jour après jour.
Que le Dieu de paix vous sanctifie lui-même tout entiers et que tout votre être, l’esprit, l’âme et le corps soit conservé irréprochable lors de l’avènement de notre Seigneur Jésus-Christ. Celui qui vous a appelés est fidèle et c’est lui qui le fera (1 Thessaloniciens 5.23-24).
Que le Dieu de paix… vous rende capables de toute bonne œuvre pour l’accomplissement de sa volonté, qu’il fasse en vous ce qui lui est agréable par Jésus-Christ auquel soit la gloire aux siècles des siècles (Hébreux 13.21)
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