« Cadmus fils d’Agénor, quitta la Phénicie, par ordre du roi, pour aller à la recherche d’Europe enlevée par Jupiter. Ses efforts ayant été sans succès, il vint dans la Béotie et y fonda la ville de Thèbes. Il épousa Harmonie, fille de Vénus, dont il eut Sémélé et ses sœurs. Sémélé ayant eu commerce avec Jupiter, conjura le dieu de lui accorder les mêmes faveurs qu’à Junon. Pour satisfaire à sa demande, Jupiter vint à elle avec tout l’appareil de la majesté divine, au milieu des foudres et des éclairs. Sémélé ne put supporter l’aspect de tant de majesté : aussitôt elle mit au monde avant le terme, le fruit quelle portait dans son sein, et fût elle-même consumée par les flammes. Jupiter prit l’enfant et le donna à Mercure, qui le transporta dans l’antre de Nysa, situé entre la Phénicie et le Nil. Bacchus y fut élevé par les nymphes, et parvenu à l’âge viril, il découvrit le vin et apprit aux hommes la culture de la vigne. Il fit aussi, avec de l’orge, la liqueur, qui fut appelée bière. Avec une armée d’hommes et de femmes, il entreprit une expédition pour exterminer les impies et les méchants. Il en fit une dans l’Inde qui dura trois ans. C’est en mémoire de cette expédition que les Grecs ont institué leurs fêtes triétériques, en l’honneur de Bacchus. Ils croient que durant ces fêtes, le dieu se rend visible aux hommes. Mais c’est surtout pour leur avoir fait présent du vin, que Bacchus reçoit des hommes un culte religieux ; de même que c’est pour avoir découvert le froment que Cérès a obtenu les honneurs divins.
Quelques auteurs citent un autre Bacchus de beaucoup antérieur à celui-ci : ils lui donnent le nom de Sabazius, et le font naître de Jupiter et de Proserpine. Ils placent au temps de la nuit et enveloppent de mystères, sa naissance, ses fêtes, ses sacrifices, pour signifier le voile que la pudeur jette sur notre origine. C’est lui qui le premier essaya d’atteler des bœufs au joug : c’est pour cela qu’on le représente avec des cornes. Mais le fils de Sémélé est bien postérieur. Il était d’une beauté remarquable, mais d’une excessive mollesse et avait un violent penchant pour la luxure. Dans les expéditions qu’il entreprit, il était entouré d’une troupe de femmes armées de longues piques, ornées de guirlandes de lierre. On lui donne aussi pour compagnes de ses voyages, les Muses, jeunes vierges habiles dont tous les arts : elles charmaient le dieu par leurs danses et la mélodie de leurs chants. Il eut pour précepteur Silène, sous la conduite duquel il fit de grands progrès dans la vertu. Il s’adapta au front une mitre comme remède contre les violents maux de tête causés par l’excès du vin. On lui donna le nom de Bimater, parce qu’on trouve deux Bacchus, issus d’un seul père, mais de deux mères. On lui met à la main une férule, et en voici la raison. Les premiers hommes, par un usage immodéré du vin, tombaient dans une sorte de frénésie, et se frappaient mutuellement à coups de bâton : or, comme la mort était souvent pour quelques-uns la conséquence de ces rixes, Bacchus les engagea à se servir de verges au lieu de bâtons. Son nom de Bacchus lui est venu des Bacchantes. Il est aussi appelé Linéus, ou Dieu du pressoir, parce que les raisins se foulent dans un pressoir ; ou bien encore Bromius, d’un mot grec qui signifie bruit, à cause des tonnerres qui accompagnèrent sa naissance, il s’entoura des Satyres pour jouir des charmes de leurs danses et de leurs chants. Il est l’inventeur du théâtre, et c’est lui qui apprit à former des concerts de musique. Voilà ce que l’on sait de Bacchus. On lui donne pour fils Priape, qu’il eut, dit-on, de Vénus, parce que l’état d’ivresse porte naturellement aux plaisirs sensuels.
Quelques-uns pensent que Priape était chez les anciens le nom emblématique de cette partie du corps humain que la pudeur ne nomme pas. D’autres disent que cet organe, étant le principe de la reproduction des êtres animés, avait, pour cette raison, de tout temps reçu les honneurs divins. C’est la même doctrine que celle des Égyptiens, qui prétendent qu’Isis faisant chercher les membres mutilés d’Osiris, et ne pouvant trouver celui-là, le fit honorer comme un dieu, lui érigea un temple, où elle lui dédia une idole, qui le représentait dans un état impudique. Et, chez les Grecs, ce n’est pas seulement dans les bacchanales, c’est dans toutes les autres fêtes, que ce dieu reçoit un culte religieux : on l’introduit au milieu des rires et des jeux dans tous les sacrifices. Il a beaucoup de rapport avec Hermaphrodite, dieu ainsi nommé parce qu’il est né de Mercure et de Vénus. On dit que quelquefois ce dieu apparaît parmi les hommes, et qu’il a les deux sexes : mais, comme ces faits sont extraordinairement rares, quelques-uns les rangent au nombre des phénomènes qui présagent quelque événement extraordinaire, heureux ou malheureux.
Les Muses sont filles de Jupiter et de Mnémosyne d’autres disent d’Uranus et de la Terre. Ce sont, suivant la fable, de jeunes vierges, qui tirent leur nom d’un mot grec qui signifie instruire, parce qu’elles enseignent la vertu aux hommes.
Voici maintenant ce que les Grecs disent d’Hercule. Persée naquit de Jupiter et de Danaé, fille d’Acrisius. De Persée et d’Andromède naquit Electryon. Celui-ci fut père d’Alcmène, qui donna à Jupiter Hercule. Le dieu donna à la nuit qu’il passa avec elle la durée de trois nuits ordinaires. C’est la seule circonstance où Jupiter n’ait pas été poussé à cette action par la volupté, passion qui l’avait toujours porté à séduire les autres femmes qu’il avait corrompues ; cette fois il n’avait pour but que d’obtenir un fils. Junon, dévorée de jalousie, retarda les couches d’AIcmène, et mit elle-même au jour, avant le terme Eurysthée, parce qu’elle avait entendu Jupiter prononcer que celui des deux enfants qui naîtrait ce jour-là même, serait roi des Persides. Alcmène accoucha ensuite d’un fils, qu’elle exposa, pour éviter le courroux de Junon. Mais Minerve, éprise de la beauté de l’enfant, persuada à Junon de lui présenter son sein : l’enfant, malgré son âge, le saisit avec une telle force que Junon, de douleur, le jeta à terre. Alors Minerve le porta à sa propre mère en l’engageant à le nourrir.
Ensuite Junon envoya deux dragons pour le dévorer : mais l’enfant sans s’effrayer, étouffa les serpents entre ses mains. Lorsque Hercule fut parvenu à l’âge viril, Eurysthée qui occupa alors le trône d’Argos, lui imposa douze travaux. La difficulté de cet ordre, jeta Hercule dans le plus grand embarras. Pour comble d’infortune, Junon lui envoya une maladie semblable à la rage ; l’excès de la douleur le rendit frénétique : et, le mal faisant tous les jours de nouveaux progrès, il perdit la raison à un tel point qu’il essaya de tuer lolas, son neveu qu’il chérissait. Celui-ci se sauva par la fuite : mais Hercule perça de ses flèches comme des ennemis, ses propres enfants, qu’il avait eus de Mégare, fille du roi Créon. Enfin, retenu à lui-même, il exécuta les douze travaux que lui avait imposés Eurysthée. Il tua aussi les Centaures, et Chiron lui-même le célèbre médecin.
Voici une circonstance singulière que présente la naissance d’Hercule. La première femme mortelle avec laquelle Jupiter avait eu commerce était Niobé, fille de Phoronée ; la dernière fut Alcmène, mère d’Hercule : or on place Alcmène seize générations après Niobé. Après Alcmène, Jupiter cessa d’avoir aucun commerce avec des mortelles.
De retour de ses travaux. Hercule donna la main de sa propre épouse Mégare à son neveu Iolas, dans son désespoir de la mort de ses enfants. Il demanda ensuite pour lui-même Iole, fille d’Euryte ; mais le père la lui ayant refusée, il en tomba malade : l’oracle qu’il consulta sur cette maladie, lui répondit qu’il n’en guérirait qu’en vendant sa liberté et en se réduisant en esclavage. Il s’embarqua donc pour la Phrygie où l’un de ses amis le vendit comme esclave à Omphale, reine du peuple appelé alors les Méoniens et aujourd’hui les Lydiens. Pendant le temps de son esclavage, il eut d’une servante un fils nommé Cléolaüs. Devenu ensuite l’époux d’Omphale elle-même, il en eut aussi des enfants.
Il passa ensuite en Arcadie, où il descendit chez le roi Léus. Il séduisit en secret la fille du roi, puis il prit la fuite en la laissant enceinte. Il contracta alors un nouveau mariage avec la fille d’Énée, Déjanire, dont l’époux Méléagre venait de mourir.
Il eut ensuite commerce illégitime avec la fille de Phylée, l’une de ses captives, et en eut un fils nommé Tlépotème. Dans un festin que lui donnait Énée, l’esclave qui faisait le service ayant manqué à quelque chose, il le tua d’un coup de poing. Puis dans un voyage qu’il entreprit, il arriva aux bords du fleuve Evène, à un endroit où le centaure Nessus, pour une somme convenue, passait les voyageurs. Déjà il avait transporté Déjanire au-delà du fleuve ; mais épris de sa beauté, il tenta de lui faire violence. Celle-ci appelle à grands cris son mari ; et aussitôt Hercule décoche une flèche qui va percer le centaure. Surpris dans l’acte même du crime, et sur le point d’expirer de sa blessure, il propose à Déjanire de lui donner un philtre, qui lui assurerait inviolablement la fidélité d’Hercule. Il lui ordonna de prendre du sang qui coulait de sa plaie, de le mêler avec de l’huile, et d’en enduire la tunique d’Hercule. Déjanire exécuta cet ordre, et garda secrètement le poison. Cependant Hercule aima encore une esclave, fille de Phyllas et en eut un fils nommé Antiochus. Il séduisit aussi une fille du roi Arménius, nommée Astyanire, dont il s’était également fait une esclave, et il en eut un fils nommé Ctésippe. Un Athénien nommé Thespis, fils d’Erechthée, avait eu de plusieurs femmes cinquante filles. Cet homme tenait à honneur que ses filles eussent des enfants d’Hercule. Dans ce dessein, il l’invita à un sacrifice solennel, après lequel il lui donna un splendide festin ; puis il lui envoya chacune de ses filles, l’une après l’autre. Hercule eut commerce avec toutes la même nuit, et devint ainsi père des Thespiades. Il prit ensuite comme esclave le jeune Iole. Puis comme il allait offrir un sacrifice, il envoya demander à Déjanire son épouse, la robe et la tunique dont il avait coutume de se servir dans les sacrifices. Déjanire frotta la tunique du poison que lui avait laissé le centaure et l’envoya d’Hercule. Il n’eut pas plutôt revêtu cette fatale tunique, qu’il se sentit déchiré par des douleurs inouïes. C’est que la flèche, qui avait percé le centaure avait été trempée dans le sang de l’hydre de Lerne : de sorte que la tunique, teinte du sang qui avait coulé de la blessure faite par cette flèche, répandit sur le corps d’Hercule, un feu qui lui dévorait la chair. Dans l’excès de sa douleur, il tua l’esclave qui lui avait apporté la tunique. Puis il monta lui-même sur un bûcher, pour obéir à l’oracle, et il termina sa vie dans les flammes. Telle est l’histoire d’Hercule. Maintenant disons quelque chose d’Esculape. On dit qu’il était fils d’Apollon et de Coronis. Il cultiva avec un soin extrême l’art de la médecine, et il y acquit une telle renommée, qu’on lui présentait un grand nombre de malades désespérés auxquels il rendait la santé. Jupiter en fut tellement piqué, qu’il le frappa de ses foudres et le fit périr. Apollon, pour venger la mort de son fils, tua les Cyclopes qui forgeaient les foudres de Jupiter. Le maître des dieux, indigné d’une telle audace, chassa Apollon du ciel et lui ordonna d’aller se mettre au service du roi Admète. Tel fut le châtiment qu’il lui infligea. »
Voilà ce que nous trouvons au quatrième livre de la bibliothèque de Diodore.
Quant au reste de la théologie des Grecs, le même auteur atteste qu’ils l’ont empruntée aux autres peuples. Voici ce qu’il dit à ce sujet au troisième livre de ses histoires : « Les Atlantides prétendent que leur premier roi fut Uranus ou le Ciel ; il eut de plusieurs femmes quarante-cinq enfants, dont dix-huit d’une seule mère, nommée Titée. Comme cette femme était douée d’une grande sagesse et qu’elle avait fait beaucoup de bien, elle fut divinisée après sa mort, sous le nom de la Terre. Uranus eut aussi deux filles, dont l’une s’appelait Basilée, et l’autre Rhéa ou Pandore. Basilée éleva ses frères avec une affection toute maternelle, ce qui lui valut le nom de mère. Après la mort d’Uranus, son père, elle épousa Hypérion, l’un de ses frères, et lui donna deux enfants qu’elle appela le Soleil et la Lune. Les frères de Rhéa redoutant ces deux enfants, commencèrent par massacrer Hypérion, puis ils étouffèrent le Soleil dans les eaux du fleuve Éridan. A cette nouvelle la Lune se précipita du haut d’un toit. La mère en perdit la raison. On la vit errer dans le pays, les cheveux épars, dansant au son des tambours et des cymbales.
Enfin elle disparut de dessus la terre. Frappé de ces événements extraordinaires, le peuple plaça le Soleil et la Lune parmi les astres du ciel et fil de la mère une divinité, à laquelle il érigea des autels : et, dans les honneurs qu’il lui rendait, figuraient toujours les tambours et les cymbales.
Les Phrygiens racontent qu’un de leurs rois nommé Méon eut une fille appelée Cybèle, qui inventa la flûte. On lui donna aussi le nom de Orée ou mère des montagnes. Elle était liée d’amitié avec un Phrygien nommé Marsyas qui fut l’inventeur du chalumeau, et qui garda sa chasteté jusqu’à la mort. Mais ensuite Суbèle se lia avec Attis et devint enceinte ; son père s’en étant aperçu tua Attis et les nourrices. Cybèle en perdit la raison. Elle parcourut la contrée et la fit retentir de ses lamentations, qu’elle accompagnait du son du tambour. Elle avait pour compagnon Marsyas ; mais celui-ci ayant défié Apollon à la musique, fut vaincu et le dieu l’écorcha tout vif. Apollon épris d’amour pour Cybèle, suivit ses pas errants jusqu’aux régions hyperboréennes. Il fit ensevelir Attis et honorer Cybèle comme une divinité. C’est l’origine de ces fêtes que célèbrent encore aujourd’hui les Phrygiens, et dans lesquelles ils pleurent la mort du jeune homme, offrent des sacrifices à Cybèle et à Attis sur des autels qu’ils ont élevés en leur honneur, plus tard même ils élevèrent au jeune homme dans une de leurs villes, à Pessinonte, un temple superbe, où ils lui rendaient les honneurs divins et lui offraient des sacrifices avec la pompe la plus solennelle. Après la mort d’Hypérion, les enfants d’Uranus se partagèrent le royaume de leur père. Les deux plus illustres étaient Atlas et Saturne. Le premier habita les régions voisines de l’Océan, et devint très habile dans la science des astres. Il eut sept filles qui furent appelées Atlantides. Par leur commerce avec les principaux d’entre les dieux, elles devinrent la tige d’une postérité nombreuse et illustre ; car les enfants qui naquirent d’elles furent mis au rang des dieux et des héros. L’aînée de toutes, Mina, donna à Jupiter Mercure. Saturne, fameux par sa cupidité autant que par ses débauches, épousa Rhéa, sa sœur, qui lui donna Jupiter. Il aurait existé un autre Jupiter, père d’Uranus : il régnait en Crète ; mais il fut effacé entièrement par le fils de Saturne : car le royaume de celui-ci fut l’univers entier. Le Jupiter de Crète eut dix enfants nommés les Curètes : on montre encore aujourd’hui son tombeau dans cette île. Saturne régna sur la Sicile, la Libye et l’Italie. Son fils Jupiter se proposa un genre de vie tout opposé à celui de son père. Il monta sur le trône, ou du libre consentement de son père, comme le prétendent quelques-uns, ou, selon d’autres, par la volonté du peuple auquel Saturne s’était rendu odieux ; Saturne avec le recours des Titans déclara la guerre à Jupiter : mais il fut vaincu et demeura errant par le monde. Jupiter était doué d’une force de corps extraordinaire et excellait dans toutes sortes de vertus. Il s’appliqua à réprimer et à punir les méritants, et à récompenser les hommes vertueux ; ce qui fit qu’on lui donna après sa mort le nom de Zên, père de la vie, parce qu’il avait appris aux hommes à bien vivre. Nous venons de rapporter les principaux points de la théologie des Atlantides, dont les Grecs se sont, dit-on, emparés. »
Voilà ce que dit Diodore au troisième livre de ses histoires. Et, dans le sixième, il confirme ce qu’il a dit de cette théologie par le témoignage d’un auteur messénien, nommé Evémère. Voici ce qu’il dit : « D’après les principes que les anciens ont transmis à leurs descendants au sujet de la divinité, nous voyons qu’ils partageaient les dieux en deux classes : la première est celle des dieux éternels et immortels, ce sont le soleil, la lune et les autre astres du ciel ; ils y ajoutaient les vents et tout ce qui participe à leur nature. Ils donnaient à chacun de ces dieux une origine éternelle et une durée sans fin. La seconde classe est celle des dieux terrestres. Nés au milieu des hommes, ces dieux n’étaient venus aux honneurs suprêmes de la divinité que par les bienfaits dont l’humanité leur était redevable. Ce sont Hercule, Bacchus, Aristée, et les autres dieux de même origine. D’un côté les historiens, de l’autre les poètes, créateurs des fables, nous ont laissé sur les dieux de la terre des traditions nombreuses et diverses. Parmi les historiens, Evémère a traité ce sujet d’une manière spéciale dans une histoire sacrée, dont il est l’auteur. Parmi les inventeurs de fable, Homère, Hésiode. Orphée et les autres poètes de ce genre ont imaginé une foule d’aventures merveilleuses, qu’ils ont attribuées à ces dieux. Nous essayerons de rapporter succinctement ce que les uns et les autres ont écrit, et pour mettre quelque ordre dans cette matière, nous exposerons leurs récits successivement. Evémère, devenu ami de Cassandre et obligé par cette raison de remplir des commissions de confiance, jusque dans des pays éloignés, vint, dit-on, dans les parties méridionales de l’Arabie heureuse. De là s’embarquant sur l’océan même, il y fit une assez longue navigation, et aborda en plusieurs îles de cette mer. Il en rencontra une entre autres qui s’appelait l’île Panchaïe. Tous les habitants vivaient dans une piété extraordinaire, faisant sans cesse de grands sacrifices aux dieux et apportant souvent dans leurs temples des offrandes d’or et d’argent. L’île entière semblait n’être qu’un temple. Evémère admira ce qu’on lui dit de l’ancienneté et ce qu’il vit lui-même de la magnificence de leurs édifices, Nous en avons fait le détail dans les livres précédents. Il y a surtout au sommet d’une colline fort élevée un temple de Jupiter Triphylien. On prétend qu’il a été bâti par le dieu même lorsque, n’étant encore qu’un homme, il régnait sur toute la terre. Dans ce temple est une colonne d’or, sur laquelle sont gravées en caractères panchaïens les principales actions d’Uranus, de Saturne et de Jupiter. Il y est marqué qu’Uranus le plus ancien roi du monde avait été un homme juste, bienfaisant, très versé dans la connaissance des astres et le premier qui ait fait des sacrifices aux dieux du Ciel, ce qui lui fit même donner le nom d’Uranus. Il eut pour fils de sa femme Vesta, Pan et Saturne, et pour filles Rhéa et Cérès, Saturne régna après Uranus et ayant épousé Rhéa, il en eut Jupiter, Junon et Neptune. Jupiter qui succéda au trône de son père épousa Junon, Cérès et Thémis. La première lui donna les Curètes, la seconde, Proserpine et la troisième, Minerve. Étant allé ensuite à Babylone, il y fut reçu par Bélus. De là il passa dans l’île de Panchaïe sur l’Océan et il y dressa un autel en l’honneur d’Uranus son aïeul. A son retour il vint en Syrie chez Caesius qui pour lors en était roi. C’est celui-ci qui a donné le nom au mont Caesius. Jupiter alla ensuite dans la Cilicie, ou il vainquit en bataille rangée Cilix qui en était le souverain. Il parcourut encore plusieurs autres villes et partout il fut respecté et regardé comme un dieu. »
Voilà entre autres choses du même genre ce que rapporte Diodore au sujet des mortels placés au rang des dieux. Puis il continue : « Pour ce qui est d’Evémère, l’auteur de l’histoire sacrée dont nous avons parlé, nous n’en citerons pas davantage. Maintenant nous essaierons de donner brièvement une idée de la mythologie des Grecs, d’après Homère, Hésiode et Orphée. »
Alors commence dans son ouvrage l’exposition des fables inventées par ces poètes. Pour nous, nous nous contenterons des fragments que nous avons cités sur la théologie dus Grecs. Seulement, nous croyons devoir y ajouter quelques détails sur les initiations et les mystères secrets. Nous verrons s’il y a vraiment dans ce culte prétendu divin, quelque chose qui soit digne de la divinité ou bien plutôt s’il n’a pas été suscité par l’enfer et les démons de l’erreur : religion digne de risée, si elle ne devait pas plutôt faire naître un sentiment de pudeur et surtout de compassion pour ceux qu’enveloppent encore ces ténèbres. Notre admirable Clément d’Alexandrie nous a fait de ces superstitions un tableau frappant dans son exhortation aux Grecs : il les connaissait à fond, ces superstitions, il en avait été l’esclave : mais il ne tarda pas à en secouer le joug affreux, aussitôt qu’il fut appelé à la liberté de notre Sauveur par les enseignements de la doctrine évangélique. Écoutons-le quelques instants.