Précis de prédication chrétienne

12. LES NOTES

Que faut-il avoir sous la main quand on parle en public ?

Au siècle dernier, il n'était pas exceptionnel qu'un sermonnaire apprenne son discours par cœur. À ma connaissance, cela ne se fait plus guère aujourd'hui, et je ne vois pas la nécessité de remettre cet usage en honneur. Je n'insisterai donc pas.

Il y a des serviteurs de Dieu qui rédigent leur message de A à Z par écrit et qui le lisent quand ils font face à leurs auditeurs. Cette méthode comporte certains avantages.

On peut peser les termes, corriger les phrases, vérifier les citations, veiller avec soin à chaque détail, prévoir la durée exacte du message. On ne risque pas d'avoir ce qu'on appelle « un blanc », c'est-à-dire une brusque défaillance de mémoire qui fait que tout à coup on ne se souvient plus de ce qu'on voulait dire. On a d'ailleurs toujours la possibilité d'insérer ici ou là quelques paroles non prévues, encore qu'il faille éviter un trop grand décalage entre les phrases lues et les phrases improvisées.

La lecture d'un texte écrit d'avance n'est certes pas une solution de facilité. Il est en général plus aisé de bien parler que de bien lire, avec naturel et sans monotonie. Certaines précautions sont souhaitables :

– On doit prendre soin d'avoir sous les yeux un texte clairement écrit, avec une ponctuation minutieuse et une bonne disposition des feuillets pour éviter qu'on s'embrouille. Mieux vaut n'écrire que sur le recto des pages. Cela permet de les glisser discrètement. Avec une disposition recto-verso on est obligé de tourner les pages, ce qui donne des distractions à l'auditeur.

– Celui-ci sera gêné également si les papiers du prédicateur sont trop disparates. Un de mes collègues écrivait ses causeries sur les enveloppes, voire sur des annonces mortuaires récupérées. Cela n'empêchait pas ses études bibliques d'être fort édifiantes, mais cela ne favorisait pas une écoute recueillie.

– Il faut aussi être assez maître de son sujet pour pouvoir fréquemment regarder son auditoire. Si l'on a tout le temps les yeux rivés sur un manuscrit, on perd le contact.

Je conseillerais à un débutant de prendre la peine de rédiger intégralement sa prédication, même s'il n'a pas l'intention de la lire en public. C'est une bonne discipline. Une préparation trop hâtive est un indice de superficialité.

Une voie moyenne assez usuelle consiste à ne prendre avec soi qu'un canevas où figurent les points principaux. On n'est pas tout à fait à l'abri d'un « blanc », mais on peut en général se ressaisir par un rapide coup d'œil sur les notes.

Cette méthode permet de bien regarder l'auditoire et, si l'on est un peu doué pour l'improvisation, d'ajouter quelques éléments en rapport avec les réactions des gens. Ruben Saillens, dont il est vrai, le talent était hors pair, avait l'habitude de repérer au fond de la salle une ou deux personnes qui paraissaient étrangères à la foi chrétienne et de surveiller leur attitude. S'il lui semblait qu'elles n'avaient pas compris qu'il disait, il reprenait sa pensée sous une autre forme, avait recours à une illustration supplémentaire, jusqu'à ce qu'elles manifestent leur assentiment. À ce moment, il abordait le point suivant de son exposé. Même sans avoir des dons spéciaux, un prédicateur est sensible à l'atmosphère d'une réunion et infléchira son discours en conséquence. Sans parler du secours surnaturel de l'Esprit Saint, tout disposé à rendre notre parole efficace.

Certains prédicateurs mettent leur point d'honneur à n'avoir aucune note avec eux. Il faut très bien maîtriser son sujet pour se lancer dans cette aventure. Parfois nous sommes appelés à prendre la parole dans des circonstances imprévues et sans avoir même quelques minutes pour nous préparer. Le Seigneur peut suppléer à notre insuffisance, comme il a promis de le faire pour les chrétiens traînés devant les tribunaux et auxquels il recommande de ne pas préméditer leur défense.

Mais d'après mon expérience, ceux qui sous prétexte d'inspiration directe préconisent un manque total de préparation, prouvent par la médiocrité de leurs discours combien celle-ci est nécessaire, même -et peut-être surtout-pour ceux qui sont animés d'une certaine verbosité.

Il ne nous appartient pas dans ce domaine d'ériger des règles, puisque l'Écriture ne nous en donne pas. Il appartient à chacun de découvrir la méthode qui lui convient le mieux et de l'adapter selon les circonstances.

Quand on parle d'abondance, il est presque impossible d'éviter certaines hésitations. Celles-ci ne sont pas gênantes en principe pour le public, au contraire. Elles soulignent que l'orateur réfléchit à ce qu'il dit et qu'il tient compte des réactions des auditeurs, plutôt que de débiter un texte préparé d'avance et sans relation avec la situation concrète.

Encore convient-il que les hésitations n’interviennent pas à mauvais moment. D'abord, il faut à tout prix éviter de combler les instants de silence par l'émission de sons parasites, par exemple, « euh ! » ou par des expressions dont la répétition pourrait être agaçante ! « Comment dirai-je ? » ou autres, semblables. De plus il faut s’arrêter au bon endroit. Que l'on compare les deux phrases suivantes lues à haute voix :

« Les pauses sont pénibles quand elles... suivent un pronom sujet ou un... article, ou après... une préposition ou... une conjonction ! »

« Elles peuvent être aussi fréquentes... et aussi prolongées... sans présenter d'inconvénient... si on prend soin de les ménager... entre deux phrases... ou du moins deux membres de phrases ! »

Il arrive aussi qu'on commette un lapsus, c'est-à-dire l’emploi d'un mot pour un autre. Dans ce cas, il est bon de rectifier son expression si l'auditeur risque de ne pas comprendre ce qu'on a voulu dire. Si le sens reste clair, on peut laisser passer la faute sans la corriger. Un prédicateur, qui décrivait l'apôtre Jean en train de rédiger l'Apocalypse, avait lâché la phrase suivante : « quel spectacle que ce vieillard, d'une main écrivant, et de l'autre contemplant les beautés célestes ! » Sans doute ne se rendait-il pas compte qu’il énonçait une énormité, mais s'il s'en était aperçu après coup, il aurait eu tort de se reprendre.

De même, en général, il vaut mieux ne pas rectifier une incorrection grammaticale. Ainsi que nous l'avons dit plus haut, l’emploi de phrases courtes nous en préserve dans une large mesure.

Exercices : rédiger les notes utiles pour une prédication.

Rédiger en entier un sermon sur un texte imposé.

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