Étude pratique sur l’épître de Jacques

13. L’humilité source d’élévation

4.7-12

7 Soumettez-vous donc à Dieu ; résistez au diable, et il s’enfuira de vous ; 8 approchez-vous de Dieu, et il s’approchera de vous ; nettoyez vos mains, pécheurs, et purifiez vos âmes, hommes partagés de cœurs ! 9 Affligez-vous, et lamentez-vous, et pleurez ; que votre rire se change en lamentation, et votre joie en abattement. 10 Humiliez-vous devant le Seigneur ; et il vous élèvera. 11 Ne parlez point les uns contre les autres, mes frères ; celui qui parle contre son frère et qui juge son frère, parle contre la loi et juge la loi ; or si tu juges la loi, tu n’es pas observateur de la loi, mais juge. 12 Il n’y a qu’un seul législateur et juge : celui qui peut sauver et perdre ; mais toi qui es-tu pour juger autrui ?

Pour s’excuser de commettre les péchés que Jacques vient de blâmer, plusieurs prétextaient tantôt l’impossibilité de résister aux tentations de Satan, tantôt le manque de secours de la part de Dieu. Jacques leur montre que ce n’est ni la puissance du mal qui les entraîne malgré eux, ni la grâce divine qui leur fait défaut ; mais que c’est en eux-mêmes, nulle part ailleurs, qu’il faut chercher la cause de ces péchés (voyez Jacques 1.14) ; « tout dépend de votre volonté propre, leur dit-il, il suffit de vous humilier devant Dieu, de vous adresser à lui dans le sentiment de votre faiblesse profonde ; il suffit de résister au mal qui n’a d’empire que sur celui qui se livre à son pouvoir, pour que Dieu, de son côté, vous vienne en aide, et que le joug du mal soit brisé : Soumettez-vous à Dieu, résistez au diable, et il s’enfuira de vous ; approchez-vous de Dieu, et il s’approchera de vous. Mais il faut que les actes extérieurs répondent à la disposition intérieure ; de cette double marque de piété, Jacques n’en fait qu’une ; la pureté d’un cœur qui s’est dégagé de toutes les souillures du monde, doit se manifester par la pureté de la conduite ; au lieu de dire : la conduite, Jacques, qui aime toujours à parler aux yeux, choisit son symbole, les mains, organes de l’activité ; « vos mains, dit-il, servent d’instrument au péché. » D’un autre côté, une conduite extérieurement pure doit reposer sur la pureté intérieure du cœur. Nettoyez vos mains, pécheurs, et purifiez vos âmes, hommes partagés de cœur. L’expression originale désigne cet état moral que nous avons déjà eu occasion de décrire, dans lequel l’homme se trouve avoir comme deux âmes, parce que, ne rattachant pas toute sa vie à Dieu, il se voit dans l’impossibilité absolue de lui imprimer une direction une suivie, harmonique, et oscille perpétuellement entre Dieu et le monde. Cette disposition est précisément l’opposé de la sanctification du cœur que l’Evangile demande du chrétien ; en effet, celle-ci suppose que l’homme n’a qu’une âme, parce que l’amour de Dieu est devenu le principe vivifiant de tout son être et de toute sa conduite. C’est pourquoi Jacques cherche, avant tout, à montrer à ces malheureux, plongés dans les passions du monde, quelle est la vanité de leurs joies et la profondeur de leur misère. Il veut faire naître en eux la tristesse selon Dieu, la douleur du repentir, seule base du véritable bonheur, de ce bonheur qui vient de Dieu et que goûtent tous ceux qui, morts au monde, ne vivent plus que pour Lui. C’est ainsi que dans le sermon sur la montagne dont nous retrouvons si fréquemment l’écho dans notre Épître, Jésus-Christ avait dit : « Heureux ceux qui pleurent car ce seront eux qui seront consolés. » (Matthieu 5.4) Affligez-vous (c’est-à-dire : sentez votre misère), et lamentez-vous, et pleurez, que votre rire se change en lamentation et votre joie en abattement. Humiliez-vous devant le Seigneur et il vous élèvera.

Jacques résume donc ce qu’il vient de dire par une exhortation à l’humilité devant Dieu, source de toute élévation véritable, laquelle ne vient que de Dieu seul. Jésus-Christ avait dit dans le même sens : « Quiconque s’élèvera sera abaissé, et quiconque s’abaissera sera élevé. » (Matthieu 23.12) La disposition d’âme dont il est question ici est toute intérieure ; il ne s’agit d’aucun acte qui tombe sous les sens, bien que cette disposition doive marquer de son cachet toute la vie. Aussi Jacques insiste-t-il sur ce que c’est devant Dieu et à ses yeux qu’il faut s’humilier ; l’humilité est toute entière entre l’homme et Dieu. Il suit aussi de là que la position prise par le chrétien vis-à-vis de Dieu, il ne peut la prendre vis-à-vis d’aucune créature, quelle qu’elle soit. L’homme qui vit avec Dieu dans ces rapports de soumission et dont l’âme est entièrement dominée par lui, sera par là-même préservé de voir d’autres hommes exercer sur lui une influence semblable ou même analogue. Ce sentiment d’une dépendance absolue de Dieu qui est le fond de sa vie, devient pour le chrétien la plus puissante garantie contre tout esclavage humain.

Du défaut d’humilité était née dans ces églises une funeste tendance à porter des jugements sur autrui, et Jacques indique aussitôt une double conséquence de ce péché. Quant à la loi, c’est ne pas s’humilier devant ses saintes exigences, c’est ne pas comparer sa vie avec les obligations qu’elle impose, c’est ne pas reconnaître le profond abîme qui sépare ses divins préceptes de l’obéissance que nous leur rendons ; par conséquent, c’est s’élever soi-même en législateur, en juge de la loi, au lieu de la consulter humblement et de s’appliquer à la suivre ; parler contre son frère, c’est parler contre la loi, car c’est donner un démenti au blâme positif qu’elle prononce contre celui qui juge autrui. Quant à Dieu, c’est manquer également d’humilité, car celui qui juge son frère, oublie que devant Dieu, il est sur le même rang que lui, et qu’il dépend, comme lui, du Juge suprême qui seul décide du bonheur ou de la perdition de chacun ; c’est usurper la place de ce souverain Juge, et audacieusement anticiper sur son jugement final : Ne parlez point les uns contre les autres, mes frères ; celui qui parle contre son frère et qui juge son frère, parle contre la loi et juge la loi ; or, si tu juges la loi, tu n’es pas observateur de la loi, mais juge. Il n’y a qu’un seul législateur et juge : celui qui peut sauver et perdre ; mais toi, qui es-tu pour juger autrui ? »

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