Le 12 septembre 1532 se réunissait à Chanforans, dans le val d’Angrogne, au Piémont, un synode général des Églises vaudoises. Les Vaudois, « ces chrétiens, dit Merle d’Aubigné, qui appartenaient à la Réformation sans avoir jamais été réformés », avaient compris, à la suite d’un voyage d’enquête de deux de leurs barbes, que les réformateurs professaient sur divers points, soit de doctrine, soit de pratique ecclésiastique, des vues plus strictes qu’eux-mêmes. Ils avaient résolu de convoquer à Chanforans un synode de toutes leurs églises, et d’inviter les réformateurs à exposer leur point de vue. Deux barbes arrivèrent, en juillet 1532, à Grandson, où plusieurs ministres, parmi lesquels Farel, étaient en conférence. Ils les invitèrent à se rendre à Chanforans pour aider le synode de leurs lumières. L’invitation fut acceptée avec joie. Farel et Saunier se rendirent au val d’Angrogne, accompagnés, pensent quelques-uns, d’un troisième personnage dont nous parlerons tout à l’heure. Devant cette immense assemblée[a] qui comptait, outre des représentants des contrées voisines, des délégués venus de la Bourgogne, de la Lorraine, de la Calabre, de la Bohême, et où l’on voyait siéger, à côté des pasteurs et des paysans, les seigneurs de Rive-Noble, de Mirandole, de Solaro, Farel plaida pour la stricte doctrine et la stricte pratique de l’Évangile, et le synode se rangea à son avis. « Dominée par les foudres de Farel, dit M. Comba, la discussion fut rapide comme le feu roulant qui précède une victoire décisive ». Une déclaration nettement évangélique fut adoptée.
[a] En un site ombragé, sur le versant de la montagne, entouré comme un amphithéâtre de pentes rapides et de pics lointains, le barbe Martin Gonin, le pasteur d’Angrogne, avait préparé des bancs rustiques, où devaient prendre place les membres de cette assemblée chrétienne (Merle d’Aubigné, Réformation au temps de Calvin, III).
Les barbes montrèrent à Farel et à Saunier les exemplaires manuscrits de l’Ancien et du Nouveau Testament en langue vulgaire, qu’ils conservaient précieusement. Les deux réformateurs représentèrent à l’assemblée de Chanforans que ces exemplaires, en petit nombre, ne pouvaient servir qu’à peu de gens, et qu’une traduction ou une révision des livres saints sur l’original, une « Bible repurgée », s’imposait pour l’honneur de Dieu, pour le bien des chrétiens de langue française, en même temps que comme la meilleure arme contre l’erreur. Les barbes, qui venaient de visiter la France, racontèrent de leur côté qu’ils avaient trouvé les fidèles de ce pays mal pourvus de la parole de vie.
La proposition de Farel et de Saunier fut votée avec enthousiasme[b].
[b] Ceci est le résumé de l’Apologie du translateur, que l’on trouvera plus loin.
« La Bible des Vaudois, dit M. Pétavel, fut pour les Églises de France, nouvellement fiancées à Jésus-Christ, comme le présent de noces donné par un frère aîné, le peuple des Vallées, à ses sœurs cadettes ».
« La réunion du val d’Angrogne, dit le même auteur, rencontre momentanée des Réformés d’avant la Réforme avec les enfants de la Renaissance littéraire et biblique, fut pour Rome comme le rapprochement de deux nuages chargés d’électricité. Il en sortit des foudres divines qui, en fondant sur la cité pontificale, purifièrent l’atmosphère morale du seizième siècle. »
Déjà, plusieurs années auparavant, dans l’hiver de 1525 à 1526, plusieurs disciples de Lefèvre : Farel, Gérard, Roussel, Michel d’Arande, Simon Robert et Vadasta, avaient entrepris une traduction de la Bible d’après l’original. Gérard Roussel avait traduit le Pentateuque. Puis, l’entreprise avait été interrompue[c].
[c] O. Douen article Olivétan, dans l’Encyclopédie des sciences religieuses.
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