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La balle que le vent disperse

Il n’en sera point ainsi des méchants ; mais ils seront comme la balle que le vent chasse loin.

(Psaumes 1.4)

Et qui sont les méchants ? Sont-ce les pécheurs éhontés ? — les hommes qui prennent le nom de l’Éternel en vain, qui jurent et qui blasphèment ? — les hommes qui foulent aux pieds les lois humaines, les lois de leur patrie ? — les hommes auxquels on n’ose pas laisser la liberté ? — Certainement ceux-là sont bien inclus dans cette expression ; mais ce ne sont pas eux que le texte a principalement en vue. Si les malfaiteurs de cette, espèce sont compris dans la catégorie des « pécheurs » et dans celle des « moqueurs », il en est une autre classe expressément désignée par le terme de « méchants ». Et quels sont ces méchants ? S’agit-il des hommes qui nient l’existence de Dieu ? qui négligent les devoirs extérieurs de la religion ? qui se moquent de tout ce qui est sacré, et qui plaisantent insolemment sur les vérités devant lesquelles les anges tremblent ? Ceux-ci encore sont compris dans le terme de « méchants », mais ils ne sont pas spécialement désignés ici. Ils sont de ceux que l’Écriture appelle des « moqueurs », les pestes de l’humanité ; ce sont des hommes que leurs iniquités ont devancés jusque devant le trône de Dieu, et dont les péchés crient vengeance devant l’éternelle Justice. Mais la classe désignée par le terme de « méchants » est autre encore. De qui donc s’agit-il ?… En vérité, la réponse est de nature à vous frapper d’effroi. Je m’assure qu’il en est peu dans cette enceinte qu’on puisse ranger sous le terme de « moqueurs », bien peu surtout qu’on puisse ranger parmi les hommes ouvertement dépravés et rebelles ; mais combien est grand dans nos temples le nombre de ceux que l’on peut à juste titre classer parmi les « méchants » ! Tâchons donc de nous rendre compte du sens exact de ce mot ; définissons-le.

Nous accusons parfois certains hommes d’être irréligieux ; et, en vérité, être irréligieux, c’est être déjà bien mauvais ! Mais, malgré cela, il ne suffit pas d’être religieux pour être tel qu’on doit être. Bien des gens sont religieux ; ils sont, à l’égard de la loi et extérieurement, sans reproche ; ils sont « hébreux, descendus d’hébreux, pharisiens, et de la secte la plus stricte. » Ils ne négligent aucune cérémonie ; ils ne transgressent aucune des règles de leur église ; ils sont extrêmement ponctuels dans tous leurs devoirs religieux, et, malgré cela, ils peuvent rentrer dans la classe des méchants ; car, être religieux ou être pieux sont deux choses distinctes. Etre pieux — pour le dire en un mot, — c’est avoir l’œil constamment fixé sur Dieu, reconnaître sa main dans tout, se confier en Lui, l’aimer et le servir. Tandis qu’être méchant, c’est précisément le contraire ; — c’est ne pas regarder à Dieu dans les choses de la vie ; c’est vivre dans ce monde comme s’il n’y avait pas de Dieu ; c’est, tout en prenant part aux diverses cérémonies de la religion, ne jamais en pénétrer le sens, ne jamais en rechercher l’efficace, ne jamais en sonder les saints mystères. Un tel homme voit les sacrements, mais n’y discerne pas Dieu ; il entend la prédication, vient à la maison de prière ; au milieu de la vaste assemblée, il courbe la tête ; mais l’Éternel n’est pas présent devant lui et ne se manifeste pas à lui. Il n’entend pas la voix de Dieu et ne se prosterne pas au pied de son trône. Il est certainement un grand nombre de personnes ici qui sont forcées de confesser qu’elles ne croient pas en l’efficace du sang de Christ, qu’elles ne connaissent pas les précieuses influences de l’Esprit-Saint, et qu’elles n’aiment pas Dieu. Elles ne peuvent dire que c’est vers Lui que tendent toutes les aspirations de leur vie. Eh quoi ! vous avez été pendant les six jours de cette semaine absorbés par vos affaires, vous leur avez consacré tout votre temps (et rien de plus juste que d’être tout entier à ce qu’on fait) ; mais combien n’y-en-a-t-il pas qui, pendant tout ce temps, ont oublié Dieu ? Vous avez travaillé pour vous, et non pas pour Dieu. L’homme pieux fait toutes choses au nom de son Dieu ; tel est du moins son plus ardent désir. Soit qu’il mange ou qu’il boive, quoi que ce soit qu’il fasse, il s’efforce de faire tout au nom du Seigneur Jésus. Mais vous, vous n’avez pas reconnu Dieu comme votre Dieu, dans votre comptoir. Vous n’avez pas pensé à Lui dans vos rapports avec vos semblables ; vous avez agi à leur égard comme s’il n’y avait point de Dieu.

Et aujourd’hui encore, peut-être, vous êtes obligés de confesser que votre cœur n’aime pas le Seigneur. Vous n’avez pas fréquenté sa compagnie ; vous ne recherchez pas la retraite ; vous ne prenez pas plaisir à le prier dans le secret. Or, les enfants de Dieu ne sauraient être heureux sans parler de temps à autre à leur Père. Les fils du Tout-Puissant éprouvent le besoin d’avoir de fréquentes entrevues avec l’Éternel ; ils aiment à se tenir près de Lui ; ils sentent qu’Il est leur vie, l’objet de leur affection, leur tout. Leur cri de chaque jour est : « Seigneur, attire-moi près de toi ; viens à moi ou élève-moi jusqu’à toi ! » Ils soupirent après lui dans l’ardent besoin de le mieux connaître, de mieux refléter son image ; ils s’efforcent de garder ses commandements et demandent sans cesse à être remplis de son Esprit. Mais tels ne sont pas vos désirs ; vous n’éprouvez aucun besoin de ce genre. Vous n’êtes pas, à la vérité, adonnés à la boisson, vous ne prononcez pas des jurements, vous n’êtes ni voleurs, ni impudiques. A ces divers égards, vous êtes exempts de reproches ; et néanmoins vous êtes impies et méchants, vous êtes sans Dieu dans le monde. Ce Dieu n’est point votre ami ; Il n’est point votre secours ni votre refuge. Vous ne vous êtes pas attachés à Lui de toutes les forces de votre âme. Vous n’êtes pas ses enfants ; vous n’avez pas « l’esprit d’adoption » par lequel nous crions : Abba, c’est-à-dire Père. Vous pourriez, à la rigueur, vous passer de Dieu. En un mot, quand vous pensez sérieusement à Lui, cette pensée éveille en vous une certaine terreur et ne vous fait éprouver aucune émotion de joie. Vous êtes donc des impies, et c’est à vous, prenez-y bien garde ! que tout mon discours s’adresse. Ne vous mettez pas à regarder autour de vous et à dire : « J’aimerais bien savoir ce qu’en pense mon voisin. » N’allez pas songer, je vous en prie, à tel ou tel mauvais sujet qui aura dépensé son avoir en orgies ou en débauches ; mais pensez à vous-mêmes. Si vous n’êtes pas nés de nouveau, si vous n’êtes pas participants de l’Esprit de Dieu, si vous n’êtes pas réconciliés avec Dieu, si vos péchés ne vous sont pas pardonnés, si aujourd’hui vous n’êtes pas encore des membres vivants de l’Église vivante de Jésus-Christ, toutes les malédictions écrites dans ce livre vous concernent, et surtout celles que mon devoir est de faire tonner aujourd’hui à vos oreilles. Je demande à Dieu que les paroles que je vais prononcer pénètrent vos âmes, afin que vous trembliez devant le très Haut, et que vous cherchiez Celui qui se laissera certainement trouver par vous, si vous le cherchez de tout votre cœur.

Vous verrez sans peine que mon texte peut se diviser en trois parties. Il contient premièrement une redoutable négation : « il n’en sera point ainsi des méchants » ; puis une terrible comparaison : « ils seront comme la balle, et enfin une effrayante prophétie : « ils seront comme la balle que le vent chasse loin. »

I

Voyons d’abord la redoutable négation. La version latine, dite la Vulgate, la version arabe et celle des Septante traduisent : « Pas ainsi pour les méchants, pas ainsi ! » Selon elles, il y a donc ici une négation réitérée, et pour comprendre sur quoi porte cette négation répétée, il faut lire le verset 3. Le juste y est représenté « comme un arbre planté près des eaux courantes, qui porte son fruit en sa saison ; son feuillage ne se flétrira point et tout ce qu’il entreprendra prospérera. » — Pas ainsi pour les méchants, pas ainsi !

Pour développer cette négation, il nous faut donc reprendre chaque clause de la phrase précédente. Les méchants sont donc aussi comme un arbre planté. Pour autant qu’on peut les comparer à un arbre, ils sont des arbres « deux fois morts et déracinés », ou, si on peut les comparer à quelque chose de vivant, ils sont comme l’arbre qu’une main inconnue a planté par hasard dans le désert et qui n’a rien pour nourrir son existence. Un des traits caractéristiques du chrétien, c’est qu’il est comme « un arbre planté. » Cela veut dire qu’une providence particulière décide de sa position et travaille à sa culture. Vous connaissez tous la différence qui existe entre un arbre planté exprès et un arbre qui a crû naturellement. L’arbre qui est planté exprès, dans un jardin, reçoit la visite de celui qui le cultive. Celui-ci le déchausse, le garnit de fumier, le nettoie, l’émonde et vient y chercher les fruits. Un tel arbre est la propriété de quelqu’un et devient l’objet de soins assidus. Mais l’arbre de la forêt ou de la plaine, qui a crû naturellement, n’est la propriété de personne ; nul ne veille sur lui ; nul cœur ne soupirera si la foudre le frappe et le consume ; nul ne versera des larmes si la sécheresse l’atteint et vient flétrir son feuillage. Il n’est à personne, il ne couvre de son ombrage aucune chaumière ; nul homme ne prend soin de lui. Qu’on l’arrache ! car pourquoi épuiserait-il inutilement le terrain, sans rendre aucun fruit ?

Les méchants sont cependant soumis à une providence générale, de la même manière que tout ce qui existe, en ce sens que Dieu gouverne toutes choses ; mais le juste est l’objet d’une providence spéciale. Il est un un arbre planté. « Toutes choses concourent à son bien. » Le Seigneur Dieu est son gardien. L’Éternel bénit à cause de lui la terre, afin qu’elle lui rende son fruit. Les choses les plus précieuses des cieux, la rosée, l’abîme qui gît au dessous de la terre, les fruits délicieux que le soleil fait éclore, les douces influences exercées par la lune ; tout cela est son héritage. Le Tout-Puissant fait bonne garde autour de lui. Si la mortalité passe dans le pays, Il ne permet pas que ses flèches le frappent, à moins que ce ne soit pour son bien. Si la guerre promène ses ravages, Il étend son égide pour couvrir son enfant, et si la famine vient, Il le nourrit ; en sorte qu’au sein de la disette même il ne manque de rien. N’est-ce pas un sujet de gloire pour le chrétien que de savoir que les cheveux mêmes de sa tête sont comptés ? que les anges de Dieu veillent sur lui et le protègent ? que « l’Éternel est son berger et qu’il n’aura point de disette ? » Je sais que cette doctrine est souvent un sujet d’encouragement pour moi. Quoi qu’il arrive, si je puis me réfugier dans la pensée qu’en toute chose il y a une providence divine, de quoi aurais-je besoin ? Dans les grands événements, comme dans les plus petits, se trouve très certainement cachée la main invisible de Dieu pour son enfant. On peut dire à juste titre de tout arbre planté par cette main : « C’est moi, l’Éternel, qui en prends soin, et je l’arroserai sans cesse. De peur que quelqu’un ne lui fasse du mal, je le garderai nuit et jour. » Ce n’est pas seulement avec dix yeux, mais avec tous les yeux que possède son omniscience éternelle que Dieu veille nuit et jour sur sa destinée.

L’Éternel connaît la voie des justes : ils sont comme « l’arbre planté. » Il n’en est pas ainsi pour vous, méchants ; il n’en est pas ainsi ! Pour vous, point de providence spéciale. A qui raconterez - vous vos angoisses ? où vous réfugierez-vous au temps de la colère ? où est votre bouclier pour le jour de la bataille ? où sera votre soleil quand les ténèbres vous environneront ? Qui vous consolera quand les tribulations vous enserreront de toutes parts ? Vous n’avez pas de bras éternel sur lequel vous puissiez vous appuyer ; vous n’avez pas un cœur compatissant qui batte à l’unisson du vôtre ; aucun œil miséricordieux ne veille sur vous. Vous êtes seul ! seul ! seul !… comme la bruyère au désert, comme l’arbre perdu au fond de la forêt, auquel nul homme ne prend garde, jusqu’au jour où la hache acérée se lèvera sur lui et l’abattra sur le sol ! « Pas ainsi pour les méchants, pas ainsi ! » Quelle redoutable négation que celle-là ! Le méchant n’est point l’objet d’une providence spéciale de la part de Dieu.

Mais poursuivons. Le juste est comme un arbre planté le long des eaux courantes. Or, un arbre planté près d’une eau courante pousse de profondes racines et trouve une nourriture abondante. L’arbre placé au loin, dans l’aride désert, souffre souvent de la sécheresse ; sa vigueur dépend du caprice des nuées d’orage qui distillent sur lui quelques insuffisantes gouttes de pluie. Mais l’arbre placé au bord du fleuve reçoit une nourriture perpétuelle ; il ne connaît ni sécheresse d’été, ni saison aride ; ses racines plongent dans un sol toujours richement chargé de sucs nourriciers. « Pas ainsi pour les méchants, pas ainsi ! » Pour eux, point de rivière toujours prête à leur prodiguer d’incessantes joies, à les restaurer et à renouveler leur vigueur.

Quoi qu’il arrive, le croyant peut toujours dire que si la terre lui manque, le ciel ne lui manquera pas. Si l’homme l’abandonne, il peut encore se jeter dans les bras de l’Homme-Dieu. Si le monde s’écroule, son héritage est au ciel. Si tout ici-bas lui échappe, il a une part qui ne saurait se flétrir. Il est planté, non au bord de légers ruisseaux prompts à se dessécher, moins encore dans un désert toujours insuffisamment arrosé du ciel, mais auprès des courants d’eau. O mes bien-aimés ! nous savons, vous et moi, en quelque mesure du moins, ce que signifient ces paroles. Nous savons ce que c’est que de nous nourrir des promesses de Christ et d’aspirer la plénitude de sa sève, qui est comme un fleuve ; nous savons ce que c’est qu’être participants de sa vie et de nous rassasier « de moelle et de graisse. » C’est à juste titre que nous pouvons nous réjouir d’une joie ineffable et glorieuse, car nos greniers sont inépuisables et nos richesses se renouvellent de jour en jour. Nos biens ne sauraient être supputés, ni notre trésor être mesuré. Notre gloire, c’est de posséder quelque chose sur quoi nous pouvons toujours compter et qui ne peut jamais nous manquer. Nous sommes des arbres plantés près des eaux courantes. Mais, hélas ! « pas ainsi pour vous, méchants, pas ainsi ! » Les jours de sécheresse viendront pour vous. En ce moment, vous pouvez vous réjouir peut-être ; mais que ferez-vous sur un lit de douleur, quand la fièvre vous agitera de côté et d’autre ? quand votre tête et votre cœur seront tourmentés par la souffrance ? quand la mort fixera sur vous son regard livide et troublera votre vue ? Que ferez-vous quand vous descendrez dans les eaux débordées du Jourdain ? Aujourd’hui, peut-être, vous êtes dans la joie, mais alors où sera votre joie ? Vous puisez aujourd’hui à des citernes, mais que ferez-vous quand leur eau sera tarie, quand elles seront toutes privées d’eau, quand vos outres seront desséchées ? que ferez-vous alors, vous méchants ? — En vérité, cette négation est pour vous pleine de terribles menaces. Vous pouvez aujourd’hui goûter quelques plaisirs et vous livrer à certaines réjouissances ; vous pouvez, pour le moment, vous étourdir par une gaîté passagère ; mais que ferez-vous quand le vent brûlant du désert soufflera sur vous — le vent, dis-je, de la tribulation ? Et par-dessus tout, que ferez-vous quand le souffle glacé de la mort viendra congeler votre sang ? Ah ! à qui regarderez-vous alors, dites ? Vous ne vous adresserez plus à vos amis ; vous ne regarderez plus aux douceurs de la vie domestique. Vous ne trouverez plus, à l’heure de la mort, aucune consolation même dans l’affection de l’épouse la plus aimante, ni aucune paix même dans vos grandes richesses et vos trésors. Quant à votre vie passée — quelque belle qu’elle paraisse, — si vous êtes impie, vous ne trouverez aucun soulagement à la contempler par le souvenir, et l’avenir n’en sera pas plus réjouissant pour vous, car vous ne sauriez attendre qu’un jugement terrible et une colère consumante. O mes amis, qui êtes du nombre des méchants, je vous en supplie, songez-y sérieusement, car, à elle seule, la première phrase de mon texte est déjà semblable au son perçant de la trompette messagère de malheur, et elle porte dans ses flancs toute l’amertume des fioles de l’Apocalypse !

Mais poursuivons. Il est dit du juste qu’il « porte ses fruits en sa saison. — Pas ainsi pour le méchant, pas ainsi ! » Il ne porte, lui, aucun fruit, ou si sur le cep on voit paraître çà et là quelque grappe chétive, elle n’est pas venue en sa saison, au temps où un soleil propice pouvait la faire mûrir, et elle est âpre et inutile. Bien des gens s’imaginent que tout va bien, pourvu qu’ils ne commettent pas de péchés positifs. Permettez que j’intercale à ce sujet un petit sermon dans mon sermon. En voici le texte : « Maudissez Méroz, a dit l’ange de l’Éternel, maudissez, maudissez ses habitants ! car ils ne sont point venus au secours de l’Éternel, au secours de l’Éternel, avec les hommes puissants. » (Juges.5.23) — Et d’abord, qu’avait fait Méroz ? Rien ! — Secondement, Méroz est-il maudit ? Oui, amèrement maudit ! — Et pourquoi cela ? Pour n’avoir rien fait ! Oui, vous dis-je, pour n’avoir rien fait : « Maudissez, maudissez ses habitants, à cause de ce qu’ils n’ont pas fait ; — parce qu’ils ne sont point venus au secours de l’Éternel, au secours de l’Éternel, avec les hommes puissants. » — Méroz avait-il donc combattu contre l’Éternel ?Non. — Méroz s’était-il armé d’un bouclier et d’un javelot pour marcher contre le Tout-Puissant ? Non. — Qu’a-t-il donc fait ? Rien ! — Et on l’a maudit ? Oui, maudit ! horriblement maudit, avec ses habitants, « parce qu’ils ne sont pas venus au secours de l’Éternel, au secours de l’Éternel, avec les hommes puissants ! » — En regagnant vos demeures, prêchez-vous à vous-mêmes ce sermon ; développez ce sujet, et peut-être vous direz en le méditant : « Méroz ? Méroz ?… mais ce Méroz c’est moi-même ! Je ne combats pas contre Dieu ; je ne suis pas ennemi de Christ ; je ne persécute pas son peuple ; je vais même plus loin : j’aime ses ministres, j’aime à entendre la prédication de la Parole de Dieu. Je ne serais pas heureux si je passais mes dimanches ailleurs que dans la maison du Seigneur. Néanmoins, ce Méroz, c’est moi, ce doit être moi-même, car je ne vais pas au secours de l’Éternel avec les hommes puissants. Je ne fais rien, je suis un paresseux, je suis un arbre sans fruits ! » Ah ! souvenez-vous qu’en ce cas vous êtes maudits, horriblement maudits ; et cela, non pas pour ce que vous avez fait, mais pour ce que vous n’avez pas fait. Voici donc l’une des effroyables malédictions encourues par les méchants, à savoir qu’ils ne portent point de fruits dans leur saison. Eh ! oui. Regardez plutôt vos œuvres, et dites-moi à quoi vous êtes bons en ce monde. Vous êtes l’appui et le soutien de vos familles ? c’est bien. Que Dieu bénisse votre œuvre à cet égard et vous donne de bien élever vos enfants ! Mais, quant à l’Église, à quoi êtes-vous bons ? Vous occupez une place dans le temple (il y a des années que vous l’occupez !) que savez-vous si vous n’avez pas occupé inutilement cette place, et si tel autre ne s’y serait pas converti depuis longtemps, à supposer qu’elle eût été laissée à sa disposition ? Vous êtes assis, à la vérité, et vous écoutez le sermon ; mais à quoi bon, si ce sermon ne fait qu’aggraver votre condamnation ? Il est vrai que vous faites en cela comme tant d’autres ; mais qu’importe si vous êtes la brebis tarée du troupeau ? Que faites-vous pour Christ ? de quelle utilité êtes-vous ? Avez-vous ajouté une seule pierre à son édifice spirituel ? Avez-vous fait au moins ce que fit la pauvre pécheresse qui brisa son vase d’albâtre et en répandit le parfum sur la tête du Maître ? Hélas ! vous n’avez rien fait pour Lui ! Il vous a nourris et vous a élevés, mais vous n’avez rien fait pour Lui ! « Le bœuf connaît son possesseur, et l’âne la crèche de son maître », mais vous ne connaissez rien et vous ne réfléchissez à rien. Voici, en ce jour, l’Éternel plaide contre vous, non pour ce que vous avez fait, mais pour ce que vous n’avez pas fait. Il vous a donné le ministère ; vous êtes invités chaque dimanche ; je vous ai avertis, je vous ai invités moi-même avec larmes et avec angoisse ; vous continuez à entendre la prédication ; vous jouissez de privilèges bien grands ! Dans sa bonté, Dieu prend soin de vous élever et de vous nourrir ; dans ses compassions, il vous couvre de vêtements ; mais vous ne faites rien pour Lui. Vous occupez inutilement le terrain ; vous ne portez aucune espèce de fruit. O mon cher auditeur, prenez à cœur ce que je vous dis, je vous en prie, car ces paroles sont un signe, un avertissement, aussi bien qu’une malédiction ! Cette paresse n’est pas un simple défaut de votre caractère, mais un état d’âme que Dieu frappe de malédiction. Tu es méchant, par cela seul que tu ne portes point de fruit. Tu n’aimes pas l’Éternel, et c’est pourquoi tu es stérile. Tu ne te confies point en Christ, et c’est pourquoi tu n’es pas comme l’arbre qui « porte ses fruits en sa saison. »

Continuons la description. Aussi son feuillage ne se flétrira point. « Pas ainsi pour le méchant, pas ainsi ! » Le feuillage du méchant, au contraire, se flétrira. Je vois devant moi aujourd’hui bien des preuves de l’accomplissement de cette parole. Regardez ; voyez combien d’hommes à la tête blanchie par l’âge s’assemblent chaque dimanche pour entendre la Parole ! Bon nombre d’entre eux aimaient Christ pendant leur jeunesse. Ils goûtaient alors une « joie ineffable et glorieuse », en faisant profession de croire en Lui. Aujourd’hui, ils sont entrés dans ce qu’on appelle l’arrière-saison — l’automne de la vie, — mais ils ne s’en aperçoivent guère ; car dans leur vieillesse ils portent encore des fruits, ils sont encore forts et vigoureux et témoignent ainsi de la fidélité du Seigneur. Leur feuillage ne s’est point flétri ; ils sont tout aussi actifs que jamais pour la cause de Christ, et ils en sont toujours plus heureux. Au lieu de demeurer stériles, ils portent des fruits toujours plus doux et plus succulents. Quand on les voit au milieu de la génération plus jeune, ils y brillent comme des lumières au milieu du monde, ou, pour reprendre l’image du texte, tandis que leur tête se penche sous le poids des années, ils sont comme des arbres dont les rameaux fléchissent sous le poids des fruits. Quelle bénédiction, vénérables frères, que de choisir le Seigneur pour sa part dès les jeunes années, surtout quand ce choix est irrévocable et quand cette bénédiction s’étend sur toute la vie ! Voir un Rowland Hill prêcher encore, tout en chancelant sur le bord de la tombe, et l’entendre parler de la fidélité de Christ : quel glorieux spectacle ! C’était bien là une preuve ! voilà bien un feuillage que la flétrissure n’avait pas atteint ! Avez-vous trouvé beaucoup d’arbres qui, comme celui-là, restassent toujours verts pendant quatre-vingts ans, sans jamais se flétrir ? Avez-vous jamais connu une autre religion qui sût conserver aux vieillards une éternelle jeunesse et les faire sauter de joie malgré leur grand âge ? Cette religion prodigieuse est celle de Christ. Notre feuillage ne se flétrit point. Mais, hélas ! « pas ainsi pour les méchants, pas ainsi ! » Votre feuillage se flétrira, ou tout au moins, quand « celles qui regardent par les fenêtres seront obscurcies, quand celles qui meulent cesseront, parce qu’elles auront été diminuées, quand les jours mauvais de la vieillesse viendront sur vous et lorsque la sauterelle deviendra pesante », alors si ce n’est même bien avant cette heure, — alors votre feuillage se flétrira, Ah ! qu’ils sont nombreux ceux dont la feuille se dessèche ! Un souffle du Tout-Puissant passe, et l’arbre qui jadis était si verdoyant jaunit et meurt ; puis son branchage se noircit et on l’arrache.

Combien nous en avons vu tomber ainsi pendant notre vie ! des gens qui dans ce monde paraissaient prospères, — gens riches et heureux, — gens universellement respectés, — mais « n’ayant point de racines en eux-mêmes », n’ayant pas de rocher inébranlable sur lequel s’appuyer, ni point de Dieu en qui se confier ! Je les ai vus étendant leurs branches comme un arbre sauvage, et, avec le Psalmiste, je me suis laissé aller à les envier ; mais ensuite j’ai regardé, et je ne les ai plus vus ; j’ai passé près du lieu où ils étaient, et je n’ai pas même pu découvrir la moindre trace de leur présence. Dieu avait maudit leur demeure ; ils ont passé comme le rêve que le réveil dissipe ; leur souvenir a été en mépris parmi les hommes. Ils se sont fondus comme la cire sous l’ardeur du feu ; ils ont été consumés comme la graisse du sacrifice et se sont évaporés en fumée. « Pas ainsi pour le méchant, pas ainsi ! dit le texte, et vraiment l’expérience confirme cette parole. Le feuillage du méchant se flétrira, oui, et rien ne pourra l’empêcher de se flétrir.

Enfin, il est ajouté, en ce qui concerne le juste : « et tout ce qu’il entreprendra prospérera. » Le juste, j’en conviens, a beaucoup de tribulations ; mais je ne suis pas sûr qu’il en ait plus que le méchant. Je crois que lorsqu’un homme se convertit, il trouve que les voies de la piété sont des voies agréables et que tous ses sentiers ne sont que prospérité. En devenant chrétien, il possède une espérance meilleure que toute prospérité mondaine — meilleure que celle du méchant. Les habitudes chrétiennes sont les meilleures et les plus favorables aux intérêts matériels, quoi qu’on en dise ou qu’on en pense. Lorsqu’un homme mêle sa religion à tout ce qu’il fait et lui laisse diriger jusqu’aux plus petits détails de sa vie, on peut dire qu’il s’assure les meilleures chances de succès, car la droiture est encore la meilleure politique, et la foi chrétienne est la meilleure des droitures. L’ardente concurrence qu’on se fait de nos jours en matière de commerce peut bien être décorée du nom d’honnêteté ; on l’appelle de ce nom ici-bas, mais là-haut on la nomme autrement, parce qu’elle recèle beaucoup de fraude. L’honnêteté dans sa portée la plus élevée, — l’honnêteté chrétienne, en un mot, — sera reconnue pour être la meilleure tactique en toutes choses, et l’homme de bien qui s’appliquera avec une fidélité industrieuse et patiente aux travaux de sa vocation, verra son labeur prospérer, même dans le sens terrestre de ce mot. A supposer d’ailleurs qu’il n’obtienne pas tout le succès qu’il désire, il sait toutefois une chose, c’est qu’il l’obtiendrait s’il devait en être réellement plus heureux. J’entends souvent des chrétiens dire : « Hélas ! je fais bien peu d’affaires, mais j’ai suffisamment pour vivre d’une manière aisée et être heureux. Je n’ai jamais aimé la concurrence et la trop grande ardeur au gain. Je ne me sens pas fait pour cela, et je bénis parfois le Seigneur de ce qu’Il n’a pas permis que je m’aventurasse sur ce torrent fougueux, et de ce qu’Il m’a conduit paisiblement le long du rivage. » Et j’ai fait une observation contre laquelle je ne pense pas qu’on puisse m’alléguer des faits, savoir : que les hommes d’un esprit débonnaire et humble sont aussi les- meilleurs en même temps que les plus heureux des chrétiens, et que tout ce qu’ils entreprennent réussit nécessairement, parce qu’ils parviennent à obtenir ce qu’ils ont souhaité, quoiqu’ils aient peu souhaité, et parce qu’ils peuvent satisfaire tous leurs besoins, quoique leurs besoins soient modestes. Ils ne s’engagent jamais trop avant, et n’en sortent ni épuisés, ni les mains vides. Ils se contentent de faire le nécessaire, regardant sans cesse au Dieu qui pourvoit à leurs nécessités, et ils n’en demandent pas davantage ; aussi tout ce qu’ils entreprennent leur réussit. Et si même ils venaient à perdre tout et à être plongés dans la misère, ils trouveraient encore que la pauvreté est la meilleure des prospérités pour eux, car, en diminuant leur prospérité temporelle, Dieu n’aurait fait qu’augmenter leur prospérité spirituelle. « Pas ainsi pour le méchant, pas ainsi ! » Tout ce qui arrive au méchant, soit bien, soit mal, est pour lui une perte. Il dépose son argent dans un sac percé de toutes parts ; ce qu’il met de côté se rouille et engendre corruption ; ce qu’il dépense ne lui profite pas. L’homme sans Dieu ne saurait être prospère. S’il s’engraisse, c’est pour aller à la tuerie ; s’il tombe dans l’adversité, son malheur n’est que le prélude d’un désastre infiniment plus affreux. Rien dans cette vie n’est un gain pour le méchant. Les douceurs qu’il goûte sont les douceurs empoisonnées du péché qui le tue. La beauté qui le séduit est comme le visage fardé de la femme de mauvaise vie ; au-dessous tout est dégoût et pourriture. La fosse pourra bien être recouverte d’une certaine verdure ; mais au-dedans gît toujours le cadavre et une repoussante corruption. Quoi que ce soit que le croyant fasse, ce qu’il entreprendra prospérera. « Pas ainsi pour le méchant, pas ainsi ! » En vérité, cette partie de mon texte est assez effrayante. Voir à jamais close devant soi la voie du bonheur, s’entendre refuser toutes les promesses, être toujours privé de la bénédiction réservée au juste !… Ce châtiment destiné à ceux qui se perdent est déjà plus que suffisant pour nous faire reculer d’épouvante.

II

Voyons maintenant en peu de mots notre second point, et considérons quelques instants la terrible comparaison : « Les méchants seront comme la balle. » Ils ne sont pas comme l’arbre sauvage, car dans cet arbre il y a une vie, tandis qu’ils sont morts dans le péché. Ils ne sont pas même comparés ici à un arbre mort et déraciné, car il peut encore être de quelque utilité. La main du pauvre peut l’arrêter tandis qu’il flotte emporté par le torrent, et s’en servir pour rallumer son feu et réchauffer sa demeure désolée. Ils ne sont pas mêmes comparables à la bruyère du désert, car elle sert encore à certains usages, et en tout cas elle réjouit le cœur du voyageur au milieu des solitudes. Ils ne ressemblent à rien de ce qui a vie, à rien de ce qui a quelque valeur. Ils sont comparés dans le texte « à la balle que le vent chasse loin. » Vous voyez déjà combien cette figure est terrible. Ils sont comme la balle ! cette balle dont il s’agit ici est composée de pellicules légères qui enveloppent le bon grain. Quand on moissonne le blé et qu’on le rentre dans le grenier, on ne garde que le grain, car il est seul utile ; mais la balle qui a poussé avec le blé et qui lui a servi d’enveloppe pendant sa croissance n’a plus aucune utilité ; on la sépare donc et on la jette de côté. Or, les méchants sont comparés à la balle, et, si vous y réfléchissez, vous en découvrirez plus d’une raison. D’abord, ils sont comme la balle, parce qu’ils sont dépourvus de sève et stériles. La balle, en effet, n’a plus aucune sève vivante en elle-même ; elle n’est plus d’aucune utilité. Les hommes n’ont qu’un désir, celui de s’en débarrasser ; ils prennent le van dans leurs mains, afin d’en purger complètement le blé. Ils jettent le bon grain devant la brise du jour, afin que son souffle détache et emporte au loin la balle. Ce qu’ils désirent le plus, c’est de se défaire de cette balle et de la voir voler le plus loin possible sur les ailes des vents. La balle, en second lieu, est légère et mobile. Le vent passe au travers du blé, mais le blé retombe en son lieu sans s’écarter, tandis que la balle est emportée bien loin. Quand avec la pelle on remue le blé, il ne s’éparpille pas en tout sens ; mais la balle voltige, parce qu’elle est légère ; le plus doux zéphir la fait mouvoir et l’entraîne. Voilà comment sont les méchants. Ils n’ont rien de stable ; ils sont légers comme l’écume qui surnage dans les brisants de la mer, qui disparaît aussitôt ou bien que la vague transporte çà et là et qui se dissipe. Les méchants sont encore semblables à la balle, en ceci qu’elle est sans valeur. Qui voudra l’acheter ? qui s’en souciera ? Dans nos pays, passe encore ; mais dans l’Orient elle est complètement inutile et n’a aucune valeur. Les Orientaux se contentent de la brûler, afin de s’en débarrasser, et le plus tôt est le mieux. Il en est ainsi des méchants. Ils ne sont bons à rien — inutiles dans ce monde, inutiles dans le monde à venir. — Ils sont le rebut, la lie de la création. Quelque grande que soit l’opinion que le méchant a de lui-même, il n’est rien aux yeux de Dieu. Ornez son cou d’une chaîne d’or, décorez sa poitrine d’une étoile, ceignez son front d’une couronne ; qu’est-il après cela, sinon une masse de vile et inutile matière, si ce n’est moins encore ? Les méchants ne sont devant Dieu que poussière ; Il les foule à ses pieds. Le vase du potier a ses usages ; le tesson même peut être utile à quelque chose ; quelque Job pourrait encore s’en servir. Mais que faire de la balle ? elle ne sert de rien et nul ne s’en soucie.

Supputez donc votre valeur, chers auditeurs, qui ne craignez pas Dieu. Faites votre compte et envisagez votre situation sous son véritable jour. Vous croyez avoir une grande valeur ; mais Dieu dit que vous n’êtes bons à rien. Vous êtes « comme la balle que le vent chasse loin. » Je ne veux pas m’arrêter plus longtemps sur ce point et je passe au dernier, qui est :

III

La terrible prophétie contenue dans ce verset : « Ils seront comme la balle que le vent chasse loin. » Dans la nature, rien n’est plus intimement lié au bon grain comme la balle ; elle lui sert d’enveloppe ; tous deux croissent ensemble. Mes chers auditeurs, c’est ici surtout que je tiens à vous parler clairement et directement. Rien n’est plus intimement lié au juste dans ce monde comme le méchant. L’un d’entre vous est peut-être un « méchant », tandis que son fils est un « juste ». Il remplit envers son enfant le même rôle qui est assigné à la balle relativement au bon grain. Cet enfant, vous l’avez nourri ; vous l’avez réchauffé avec amour sur votre sein ; vous l’avez entouré et protégé comme la balle enveloppe et protège le bon grain. N’est-il pas affreux de penser qu’après avoir été si étroitement lié à un enfant de Dieu, vous en serez à jamais séparé au jour des grandes rétributions ? La balle ne saurait entrer au ciel avec le blé. Et vous ? vous êtes le fils d’une pieuse mère ; vous avez grandi sur ses genoux ; lorsque vous étiez encore tout jeune, elle vous enseignait à dire vos prières enfantines et à chanter :

Bon Jésus, humble et doux Sauveur,
Regardez à moi, faible et pauvre enfant.

Cette mère voyait en vous un sujet d’espérance et de joie. Aujourd’hui, elle n’est plus. Mais vous étiez jadis à son égard ce que la balle est au bon grain. Vous aviez crû, pour ainsi dire, sur la même tige, vous étiez de la même famille, et son cœur ne faisait qu’un avec le vôtre. Vous étiez son bonheur et sa joie ici-bas. La pensée d’être à jamais séparé d’elle, si vous mourez tel que vous êtes, ne vous cause-t-elle aucune douleur ? Vous ne pourrez jamais aller là où elle est !… Peut-être ai-je ici devant moi une mère qui a perdu plusieurs enfants. Elle a été pour eux ce que la balle est relativement au blé ; elle les a nourris dans son sein et s’est réjouie en eux. Ils ont été recueillis parmi le bon grain, dans les greniers de Dieu, et ils sont là, auprès de Jésus ; leurs jeunes âmes s’égaient autour du trône du Très-Haut. La mère, qui est encore au monde, n’y songe pas, et cependant elle est mère de ces anges !… et elle est encore, qui sait ? une fille de l’enfer ! Ah ! pauvre mère, que dites-vous de cela ? Cette séparation d’avec vos enfants sera-t-elle éternelle ? Faudra-t-il qu’au dernier jour — au grand jour des rétributions — vous soyez jugée comme n’étant que la balle, et que vous soyez arrachée pour toujours à vos enfants ? Un tel sort vous satisfera-t-il ? Pourrez-vous supporter de les voir dans le ciel, et d’être vous-même jetée dehors pour l’éternité ! Pouvez-vous supporter une pareille pensée ? Serait-il possible que votre cœur fût tellement dégradé ? serait-il devenu aussi dur que la meule de dessous ? S’il n’en est pas ainsi, la pensée d’être certainement séparée un jour de ces enfants de Dieu, avec lesquels vous êtes aujourd’hui si étroitement liée, doit vous faire trembler.

Et regardez ! ici même, chers auditeurs, vous êtes assis côte à côte avec des enfants du royaume ; vous chantez les mêmes hymnes, vous entendez les mêmes paroles ; peut-être donnez-vous de votre argent pour les besoins matériels de la communauté. Vous êtes à l’égard de l’Église ce que la balle est à l’égard du blé ; vous êtes la rugueuse enveloppe qui entoure la noix, — la congrégation qui entoure le noyau vivant de l’Église. Et faudra-t-il faudra-t-il que vous soyez séparés de nous ? Quitterez-vous avec joie les chants sacrés des saints pour les hurlements des réprouvés ? Cette pensée me suffoque ; je ne puis que parler bas sur ce sujet pendant quelques instants. Ah ! cette pensée, mes chers frères, était jadis une de celles qui me torturaient le plus. Ma mère me dit, un jour, après avoir longtemps prié pour moi et être parvenue à la conviction que mon cas était désespéré : « Ah ! mon enfant, si au dernier jour tu es condamné, souviens-toi que ta mère dira amen à ta condamnation. » Cette parole fut pour moi comme un coup de poignard. Faudra-t-il que la mère qui m’a porté dans son sein et qui m’a tant aimé dise « amen », lorsqu’au grand jour ma condamnation sera prononcée ! Cependant il ne peut en être autrement. Le blé ne dit-il pas « amen », lorsque le vent emporte la balle ? La prière même du bon grain n’est-elle pas que cette balle soit séparée d’avec lui ? Et quand cette prière sera exaucée, quelque affreux que soit l’exaucement, le blé ne pourra que dire « amen » lorsque la balle sera jetée loin et brûlée au feu qui ne s’éteint point. Songez-y, chers auditeurs, songez-y ! Est-il possible ! faudra-t-il que je dise adieu à l’épouse que j’ai aimée et qui a servi le Seigneur en esprit ? Faudra-t-il que je voie son corps déposé dans la tombe, et là, debout devant cette dépouille mortelle, faudra-t-il que je lui dise un éternel adieu ? Faudra-t-il que je sois a toujours séparé d’elle, parce que je ne crains pas Dieu, parce que, ne voulant point m’enquérir de Lui, je ne puis avoir aucune part avec ses élus ? Quoi ! ces parents que vous avez chéris seront-ils perdus éternellement pour vous ? Votre tendre père et votre pieuse mère se seront-ils donc endormis en paix dans une douce et inébranlable espérance, espérance à laquelle vous êtes étrangers ? Ne voudrez-vous pas entonner avec eux le cantique de triomphe ? Ne vous reverrez-vous plus ? La mort aura-t-elle creusé entre vous un abîme infranchissable ? Oh ! j’espère que pour plusieurs il est une grande joie, — celle de penser que nous retrouverons là-haut beaucoup de parents et d’êtres bien-aimés. Quand nous les perdions, l’un après l’autre, cet espoir était notre grande consolation. Ils sont partis les premiers, nous disions-nous, mais bientôt nous les suivrons. Ils ne sont pas perdus ; ils nous ont devancés. Leurs corps sont dans la terre, mais leurs âmes sont dans le paradis, et nous y serons bientôt auprès d’elles. Quand nous avons entrevu la face de notre Sauveur et que nous avons été remplis de joie à cette glorieuse vision, nous nous sommes dit que nous les retrouverions auprès de Lui, et que nous vivrions avec eux dans une communion plus profonde et plus pure que par le passé, pendant les jours de leur vie mortelle. Mais, voyez quelle lugubre prophétie ! « Les méchants sont comme la balle que le vent chasse loin ! »

Vous remarquerez que la partie terrible de mon texte ne se montre pas à la surface. Ils seront « comme la balle que le vent chasse loin. » Et où la chasse-t-il ? Où ? où ?… Où sont-ils ainsi chassés ? L’homme est en santé, le soleil brille, le ciel est pur et serein, la nature est calme et silencieuse : tout-à-coup une légère vapeur, de la grandeur de la main, paraît à l’horizon. A peine quelques symptômes précurseurs se montrent, et aussitôt la brise caressante et imperceptible se lève et l’ouragan se déchaîne. Le méchant sent le souffle glacé qui le frappe, et, pour se protéger contre lui, il appelle le médecin et se berce de l’espoir qu’il réchappera. La tempête gronde furieuse et se renforce : Dieu l’a décrété, et l’homme ne saurait l’empêcher. La brise devient un vent violent, puis une rafale, puis une tempête, puis un ouragan terrible. Son âme est emportée !… S’envoler vers le ciel sur les ailes des anges est chose glorieuse, mais être emporté de ce monde avec les méchants est chose effroyable ; — être emporté, non sur les ailes des chérubins, mais sur les ailes des vents ; être emporté, non par ces divins chanteurs des sphères célestes, mais par les redoutables esprits de l’abîme au milieu de la furie de la tempête, est chose épouvantable ! « Les méchants sont comme la balle que le vent chasse loin. » Comprenez-vous bien cette image ? Je ne sais comment l’exprimer tout entière, — comment rendre l’étrange et funèbre poésie de ce gigantesque orage qui balaie l’homme de la place qu’il occupait et qui l’emporte au loin ! Tâchez maintenant de le suivre par la pensée, tandis que je vous demande de nouveau : Où le vent le chasse-t-il ? Je le vois enlevé par le tourbillon loin des plages de cette vie ; je le vois traversant les espaces ; mais en vain mon imagination cherche à se représenter ce moment qui suit la mort. J’ignore dans quel état cette âme se trouve tout d’abord, c’est-à-dire que par moi-même je ne puis rien deviner de ce qui arrivera en ce moment à ceux qui se sont nourris de frivolités ici-bas et qui se sont fait un jeu de la chose essentielle. Mais je puis vous dire une chose que Jésus-Christ a dite lui-même : « Il brûlera la paille au feu qui ne s’éteint point. Vous mourrez, mais vous revivrez ; vous partez, mais vous partez pour ce feu qui ne s’éteint point.,

Je ne veux pas m’arrêter sur ce tableau. J’en reviens à cette question : Qui de nous pourra demeurer avec le feu dévorant ? Qui de nous pourra demeurer avec les ardeurs éternelles ? Où est-il, parmi nous, celui qui est prêt à préparer sa couche en enfer ? Qui de nous ira se reposer en paix et s’endormir dans l’étang de feu ? — O vous qui m’écoulez, il faudra cependant vous y résoudre, si vous êtes impies, à moins que vous ne vous repentiez. N’en est-il aucun ici, derrière moi, qui ait vécu sans Christ et sans espérance dans le monde ? n’en est-il aucun parmi vous ? Ah ! oui, il y en a beaucoup ! Oh ! je vous en supplie, songez à votre destinée ! La mort vient, et après la mort suit le jugement. Le vent se lève, et après le vent suit le tourbillon, et après le tourbillon le feu, et après le feu…, encore le feu et rien que le feu… à jamais ! à toujours ! Perdu pour l’éternité ! jeté dehors, là où aucun rayon d’espérance ne pénètre plus, où aucun regard de miséricorde ne tombera plus sur vous, où aucune main ne s’étendra vers vous pour vous secourir ! Je vous en supplie, oh ! je vous en supplie par le Dieu vivant en présence duquel vous êtes en ce moment, tremblez et repentez-vous ! « Embrassez le Fils, de peur que vous ne périssiez, alors que sa colère s’allumera tant soit peu. — Tophet est déjà préparé, même il est apprêté pour le roi ; il l’a fait profond et large ; son bûcher, c’est du feu, et il y a beaucoup de bois ; le souffle de l’Éternel l’allumera comme un torrent de soufre. — Retournez-vous, retournez-vous ; pourquoi péririez-vous, ô maison d’Israël ? — Que le méchant abandonne sa voie et l’injuste ses pensées, et qu’il revienne au Seigneur, et il aura pitié de lui, car Il pardonne abondamment. »

Ah ! que Dieu le Saint-Esprit daigne toucher en ce moment quelques cœurs révoltés et méchants ! qu’Il vous donne de réfléchir ! Et souvenez-vous, chers auditeurs, que si maintenant il s’élève dans vos consciences quelque soupir vers Christ, vous devez vous hâter de l’accueillir, de soigner cette petite étincelle et de souffler sur elle jusqu’à ce qu’elle devienne un grand feu. Si vos cœurs sont tant soit peu touchés en ce jour, ah ! ne résistez pas, n’éteignez pas cette flamme divine. Rendez-vous au Seigneur, et n’oubliez pas cette parole encourageante : « Que quiconque veut venir vienne, et qu’il prenne librement des eaux de la vie. Je tonne contre vous, mais c’est pour vous amener à Christ. Oh ! si seulement vous vouliez venir à Lui ! Oh ! si vos pauvres cœurs pouvaient seulement être touchés à salut ! Oh ! si vous pouviez parvenir à pleurer sur vous-mêmes, comme je pleure en ce moment sur vous ! Oh ! si vous pouviez concevoir combien il sera affreux d’être jeté dehors pour toujours ! — Pourquoi péririez-vous ? L’éternelle destruction aurait-elle pour vous des attraits ? Le péché vous semble-t-il chose si délicieuse que vous preniez votre parti de brûler dans les tourments éternels, afin d’en jouir. Eh quoi ! Christ est-il donc un maître si dur que vous ne puissiez l’aimer ? Sa croix est-elle un objet si repoussant que vous ne vouliez pas jeter les yeux sur elle ? Ah ! je vous en conjure au nom de Celui dont le cœur est amour, au nom du Rédempteur crucifié qui vous parle aujourd’hui par ma bouche et qui pleure par moi sur votre sort, je vous en conjure, « regardez à Lui et soyez sauvés ; Il est venu au monde pour chercher et sauver ce qui était perdu ; Il ne jettera dehors aucun de ceux qui viendront à Lui. Il est puissant pour sauver parfaitement tous ceux qui viennent à Dieu par Lui. »

O Esprit de Dieu ! attire en ce moment ces pécheurs ! — Pécheurs, je vous presse de saisir Jésus-Christ. Touchez le bord de sa robe. Voyez-le ! Il est pendu au bois infâme pour vous ! Comme Moïse éleva le serpent dans le désert, de même Jésus a été élevé. Regardez ! regardez ! je vous en supplie, et soyez sauvés ! Croyez au Seigneur Jésus et vous vivrez. Je vous supplie comme si Dieu vous suppliait par ma bouche, je vous conjure au nom de Jésus, soyez réconciliés avec Dieu, et que l’Esprit-Saint rende cet appel efficace ! Puissent les anges se réjouir en cet instant de ce que des pécheurs se tournent vers le Seigneur et sont sauvés ! Amen !

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