Il y a d’abord l’autorité ecclésiastique, dont le pasteur fait partie. Son devoir est d’assister assidûment aux assemblées de son ordre, de prendre une part sérieuse aux délibérations, et de contribuer pour son compte à les rendre sérieuses. Il doit se garder de traiter les petites questions, qui abondent dans ces assemblées, avec l’ampleur, la gravité et la vivacité que les grandes seules comportent. On est exposé, dans des conférences composées d’ecclésiastiques, à prendre l’habitude de traiter gravement des riens, et à s’acharner à des distinctions de mots. L’esprit de corps est plus naturel à ces assemblées qu’à toutes les autres, et l’esprit clérical (chose singulière !) y trouve d’autant plus d’aliment que les questions qui s’y traitent sont moins directement et moins sérieusement religieuses. Il faut, surtout lorsqu’on est jeune, savoir céder à temps, et croire que bien souvent la paix conservée vaut mieux que tous les avantages qui auraient pu résulter du triomphe de notre opinion.
C’est un point délicat que la discipline mutuelle. Elle est posée en principe dans toutes les constitutions ecclésiastiques : je voudrais savoir où elle est sérieusement pratiquée. Bien entendue, elle s’étend depuis les conseils et les avertissements jusqu’aux mesures pénales les plus positives et les plus sévères. Mais dans la plupart des corps ecclésiastiques elle ne se réalise que dans cette dernière et dure extrémité, où l’on peut dire qu’elle a peu d’effet moral. Je ne sais jusqu’à quel point il pourrait dépendre des jurés[n] d’élever au-dessus de son niveau actuel la belle institution des visites d’Eglise ; mais je crois que tout ce qu’on peut faire pour encourager la franchise mutuelle doit être mis en usage et par le pasteur qui visite une Eglise et par celui qui la gouverne. Nous sommes tous, au reste, les jurés les uns des autres, tous tenus de nous avertir dans un esprit charitable et humble, de ce qui peut nous être respectivement utile, et de ce que, bien souvent, nous ignorons à notre grand préjudice, lorsque déjà tout le monde le sait.
[n] Les jurés, dans l’Eglise établie du canton de Vaud, sont des inspecteurs préposés par les classes (ou assemblées pastorales) à la surveillance d’un certain nombre de paroisses et chargés de les visiter périodiquement. (Editeurs.).
Dans nos rapports avec l’autorité civile ou municipale, avec l’Etat et la commune, nous n’oublierons jamais que nous sommes quelque chose de plus que des fonctionnaires de la république, et que nous ne relevons nullement du magistrat pour tout ce qui concerne le but essentiel de notre ministère, l’enseignement de la vérité. Mais nous nous garderons de remplacer l’autorité par la morgue, et nous éviterons avec soin le mauvais genre où tombent tant de ministres, d’affecter, dans leurs rapports avec l’autorité, un esprit mécontent, frondeur et grondeur. Il serait extrêmement fâcheux que le peuple apprît de nous ce que tant d’autres lui apprennent, la désapprobation a priori, le blâme anticipé de tout ce que fait le pouvoir. Le servilisme ne serait pas plus indigne de notre caractère que cette hostilité ridicule. Du reste, nos rapports avec l’autorité politique n’ont rien de politique. Nous relevons, dans un certain sens, de l’Etat ; mais nous ne sommes pas des officiers de l’Etat, et les affaires de l’Etat ne nous regardent point. Dans les temps de fermentation politique ou de révolution, nous n’avons d’autre mission que celle de calmer les esprits en leur proposant ces grandes vérités qui, si elles n’anéantissent pas les intérêts de ce monde, subordonnent du moins toutes nos démarches au grand intérêt de l’âme et de l’éternité. Je ne veux pas dire que le pasteur doive feindre d’ignorer les préoccupations, les dangers, les craintes, les vœux du pays ; mais les querelles d’opinion ne le regardent pas ; il n’a point de parti à prendre que celui de l’obéissance à la loi aussi longtemps que la loi existe, et, dans tous les cas, le parti de la patrie et de l’indépendance nationale. Les occasions sont bien rares où la chaire peut s’adresser aux citoyens comme citoyens, et leur prêcher, sous ce rapport, des devoirs actuels.
On croit pouvoir conseiller, en général, aux ecclésiastiques, surtout à ceux qui ont cure d’âmes, de ne point faire partie des corps politiques ou municipaux. Nous avons traité cette question ailleurs.
Dans la partie administrative de ses fonctions, le pasteur doit ne rien laisser à désirer du côté de l’exactitude et de la ponctualité. Moins il se sent de goût pour des détails pour lesquels un homme de son état n’est pas tenu, en effet, d’avoir du goût, plus il doit se garder de rien ajourner, ni de rien négliger ; et c’est un devoir pour lui d’étudier avec soin, dans leur lettre et dans leur esprit, toutes les institutions, toutes les lois et les règlements qui sont dans quelque rapport avec l’exercice de ses fonctions. Un pasteur qui veut être utile, fût-ce même spirituellement, doit avoir la connaissance précise et l’intelligence intime de son pays, de son peuple, et de tout ce qui, même sous le rapport matériel, est de quelque importance pour la condition de la société et de chacune des classes qui la composent. Ajouter quelque chose sur les lois que le pasteur doit faire exécuter, et sur le ménagement qu’il doit y apporter.