Que les peines infligées par la loi, devenues contre elle un sujet de blâme, ne fassent dire à personne qu’elle n’est ni indulgente ni utile. Autrement celui qui nous délivre de nos maladies corporelles ne nous paraitrait pas un bienfaiteur ; et les soins de celui qui s’efforce de purifier notre âme des iniquités qui la souillent, ne nous seraient pas d’autant plus précieux que l’âme est plus précieuse que le corps. Mais, pour la santé de notre corps, ne souffrons-nous pas avec patience les amputations et les cautérisations ? Ne prenons-nous pas volontiers des médecines amères ? Et celui qui nous impose ces remèdes, ne 1’appelons-nous pas sauveur ? ne lui donnons-nous pas le nom de médecin, de guérisseur ? Or, ce n’est ni par envie, ni par haine contre le patient, mais pour obéir aux nécessités de l’art, que le médecin ampute certaines parties du corps, dont le contact pourrait entrainer la mort des parties saines ; et personne ne taxe de cruauté la science médicale. Eh bien ! pour la santé de notre âme, nous n’endurerions pas avec un égal courage l’exil, ou la prison, ou l’amende, quand il s’agit d’arracher quelqu’un au vice et de le rendre à la vertu ? Car la loi, prenant soin de ceux qui lui obéissent, les forme a la piété, leur prescrit la route à suivre, signale chaque faute, et attache une peine aux moindres délits. Mais voit-elle un individu se conduire de manière à être jugé incurable, alors, dans l’intérêt des autres, et de peur qu’ils ne soient corrompus par lui, elle le condamne à mort, par un arrêt salutaire, comme on retranche du corps un membre vicié.
« Lorsque nous sommes jugés, dit l’apôtre, c’est le Seigneur qui nous châtie, afin que nous ne soyons pas condamnés avec le monde. »
Le prophète l’a dit :
« Le Seigneur m’a châtié avec sévérité, mais il ne m’a pas livré à la mort. Car, pour vous enseigner la justice, dit Moïse, il vous a châtiés, il vous a éprouvés et il vous a affligés par la faim et la soif, dans le désert, afin de graver dans vos cœurs ses lois et ses cérémonies que je vous prescris aujourd’hui, et afin que vous pensiez en vous-mêmes que le Seigneur notre Dieu vous a châtiés, comme un père châtie son fils. »
Pour ce qui est de la leçon que nous donne la punition d’autrui, l’Écriture dit aussitôt :
« L’homme prudent, à l’aspect du châtiment infligé au pervers, est lui-même fortement châtié : car la crainte du Seigneur engendre la sagesse. »
Le bien le plus grand et le plus parfait est de pouvoir détourner quelqu’un du vice, pour le mettre dans le sentier de la vertu et des bonnes œuvres ; ainsi fait la loi. Si donc quelqu’un est tombé dans un mal incurable, s’il est, par exemple, esclave de l’avarice et de l’iniquité, c’est un bienfait pour lui de recevoir la mort. Car elle est bienfaisante la loi qui, chez les uns, fait succéder la justice à l’injustice pourvu qu’ils soient dociles ; qui délivre les autres des maux présents, et conduit au port de l’immortalité tous ceux qui ont embrassé me vie réglée et tempérante. Comprendre la loi est le propre d’une intelligence droite; et l’Écriture dit encore :
« Les pervers ne comprennent pas la loi ; mais ceux qui cherchent le Seigneur la comprendront toute pour le bien. »
Il faut donc que la Providence, qui gouverne le monde, soit à la fois souveraine et bonne, puisque sous ces deux titres, elle veille à l’œuvre de notre salut. Maitresse, elle nous corrige par le châtiment; bienfaisante, elle nous prête son appui. Mais il faut, cessant d’être fils de l’incrédulité, passer des ténèbres à la vie, et, prêtant l’oreille à la voix de la sagesse, devenir serviteur de Dieu par la crainte de la loi, puis serviteur fidèle par la crainte d’offenser le Seigneur. Celui qui s’élève par delà ce degré de vertu est mis au nombre des fils de Dieu. Puis, lorsque la multitude de ses péchés aura été couverte par la charité, riche de la consommation de son espérance, et rétabli enfin dans l’adoption de choix, dont les possesseurs sont nommés amis de Dieu, il sera digne d’être admis dans le royaume cé- 112 leste, chantant déjà l’hymne de grâce, et disant :
« Que le Seigneur soit mon Dieu. »
L’apôtre, dans une de ses épîtres où il s’élève contre les Juifs, nous montre en ces mots quels sont les bienfaits de la loi :
« Mais vous qui portez le nom de juif, qui vous reposez sur la loi, qui vous glorifiez des faveurs de Dieu, qui connaissez sa volonté, et qui, instruit par la loi, savez discerner ce qui est le meilleur, vous vous flattez d’être le guide des aveugles, la lumière de ceux qui sont dans les ténèbres, le docteur des ignorants, le maître des simples et des enfants, comme ayant dans la loi la règle de la science et de la vérité. »
Il est constant que la loi peut toutes ces choses ; bien que ceux qui ne prennent pas la loi pour règle de leur conduite, se glorifient comme s’ils vivaient selon elle. Heureux l’homme qui a trouvé la sagesse, et le mortel qui a trouvé la prudence. De sa bouche coule la justice, et elle porte sur ses lèvres la loi et la miséricorde. Car la loi et l’Évangile sont l’œuvre d’un seul Seigneur, qui lui-même est la puissance et la sagesse de Dieu ; et la crainte qu’engendré la loi est miséricordieuse en ce qu’elle aide à notre salut. Que la miséricorde, la foi et la vérité ne t’abandonnent pas ; place-les autour de ton cou. L’apôtre saint Paul fait honte aux Juifs de ce qu’ils ne comprennent pas la loi :
« Le ravage et la désolation, dit-il, sont dans leurs voies ; ils ne connaissent pas le chemin de la paix. La crainte de Dieu n’est pas devant leurs yeux. Et ces hommes qui se disaient sages, sont des fous. Quant à la loi, nous savons qu’elle est bonne, si on en use selon l’esprit de là loi même. Ceux qui prétendent être docteurs de la loi n’entendent ni ce qu’ils disent, ni ce qu’ils affirment. Or, la fin des commandements est la charité d’un cœur pur, d’une bonne conscience et d’une foi sincère. »