Homilétique

Textes obscurs

Un texte, sans offrir deux sens, peut n’offrir pas un sens clair.

L’obscurité peut être dans l’idée, lorsque l’objet du texte est dans une région, à une hauteur, où notre analyse ne peut atteindre. [Ainsi du passage de 1 Corinthiens 15.27-28 sur les assujettissementsl, de 1 Pierre 3.18-20 sur la prédication aux esprits retenus en prison, et de Romains.7.17 : Ce n’est plus moi qui le fais, mais c’est le péché qui habite en moi.

l – Quesnel explique ainsi ce passage :
Dans l’état d’innocence, Dieu parlait et se communiquait à l’homme immédiatement par lui-même ; le péché a tout changé. Dans l’état de la loi naturelle et de la loi de Moïse, cela se faisait par les anges, par les hommes et par divers moyens extérieurs. Dans l’état de la grâce, il le fait par Jésus-Christ son Fils, envoyé aux hommes pour les remettre dans l’obéissance et rétablir le royaume de son Père. Dans le ciel, Dieu fera tout en tous par lui-même. Jésus-Christ ayant achevé son œuvre, qui est de recueillir les élus de Dieu, de les régir sur la terre, de les conduire à son Père, il n’y aura plus de médiation ni de sacrifice de Jésus-Christ pour le péché, plus d’entremise des anges… plus de ministère des hommes, plus de besoin des Écritures, plus de nécessité d’aucun moyen extérieur. Dieu, dans la trinité de ses personnes, régnera par lui-même, fera subsister et vivre en lui et de lui tout le corps de l’Église, le chef et les membres, les rendra immortels par lui-même comme éternité, les éclairera et les rendra tout lumineux comme vérité, se répandra en eux elles consommera en lui-même comme charité.
   (Quesnel, Réflexions morales sur le Nouveau, Testament)

L’obscurité de tels passages n’est pas toujours invincible ; ils contiennent souvent de hautes et importantes vérités, dont il faut faire grand cas ; ils ouvrent un vaste champ à la méditation ; mais on peut dire pourtant, en général, qu’il ne convient pas de choisir de préférence de tels sujets et les textes qui les expriment.]

Vainement appliquerait-on ici la parole : Ces choses ont été écrites pour notre instruction (Romains 15.4.) elle ne s’applique pas à tout. L’instruction est un tout qui a ses accessoires éloignés. Ce n’est pas sur ces accessoires qu’il faut prêcher.

Quand l’obscurité est dans l’expression, dans laquelle je comprends aussi les formes de l’argumentation, que faut-il faire ? – On dit : Le ministre est essentiellement le commentateur ou l’interprète de la Parole de Dieu, et comme tous doivent la lire, il faut la faire comprendre à tous. – Je réponds qu’il n’est pas dit que tout soit immédiatement adressé à tous les lecteurs de tous les temps. [Tout au moins l’homme simple ne comprendra pas tout et ne croira pas que tout lui soit adressé. Sans doute l’enseignement de l’Esprit de Dieu ouvre considérablement l’esprit ; mais il se peut bien toujours que plusieurs passages, dont la forme est d’un autre temps, demeurent obscurs pour une partie des lecteurs de nos jours. L’édification est l’instruction de l’âme, et elle n’est pas incompatible avec celle de l’esprit ; mais si, pour édifier, on doit donner un certain aliment à l’intelligence, un labeur trop considérable nuit sensiblement à l’édification.] Il faut un talent bien particulier pour rester édifiant en de tels sujets. Il en faudrait même beaucoup pour être seulement clair de la clarté que la chaire demande. Que chacun, au reste, s’éprouve soi-même (1 Corinthiens 11.28). Enfin, sur tel de ces textes, tout l’office de l’interprète est peut-être de montrer qu’ils sont obscurs, et c’est quelquefois le meilleur service à rendre. – Exemples :

Au reste, les textes obscurs, ou bien sont importants, mais peuvent être suppléés par d’autres, ou bien ne sont point féconds, et c’est presque toujours le cas. [Nous pouvons donc, en résumé, proposer la règle suivante] : Ne donnez pas pour texte à votre discours un passage obscur, difficile, ou dont l’éclaircissement exigerait une discussion préliminaire trop prolongée. – Cette règle souffrirait exception, si ce texte renfermait une vérité importante qui ne fût pas énoncée ailleurs.

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