Cet amour frivole de la parure n’entraîne pas seulement les femmes, mais les hommes mêmes, tant le luxe a fait parmi nous des progrès affreux et rapides ! Ces vains ornements accusent hautement la corruption de leur cœur. Devenus femmes par leurs mœurs, ils le deviennent par leurs vêtements. Semblables, par l’arrangement de leur chevelure, à des esclaves ou des courtisanes, à peine couverts de vêtements légers et transparents, la bouche pleine de mastic, le corps inondé de parfums, errant tout le jour dans nos places publiques, ils s’y font gloire de leur détestable mollesse. Si vous les jugez d’après leur aspect, que ne direz-vous point de ces adultères mous et efféminés, hommes et femmes tour à tour dans leurs exécrables plaisirs, qui, prenant en horreur les marques distinctives de leur sexe, soignent leurs cheveux comme des femmes, et ne laissent aucun poil sur leur visage ni sur leur corps ? L’audace criminelle de leurs actions l’emporte sur l’infamie de leurs mœurs, et leur folie cède à leur méchanceté. C’est pour eux que nos cités regorgent de ces ouvriers inutiles incessamment occupés à masser, poisser, épiler ces misérables qui ne sont plus d’aucun sexe ; c’est pour eux que s’élèvent ces innombrables boutiques, ouvertes nuit et jour, où les artisans de ce commerce impur, spéculant sur la folie publique, s’enrichissent rapidement. C’est là que, sans honte de ceux aux regards desquels ils se montrent, sans aucune honte d’eux-mêmes, ils s’enduisent de poix et livrent aux mains et aux instruments de mille esclaves impudiques les parties les plus secrètes et les plus honteuses de leur corps, se réjouissant, dans leur infamie, de voir leur peau devenir lisse et douce comme celle des femmes sous l’action violente de la poix. Leur impudence ne peut sans doute aller plus loin ; mais puisqu’il n’est rien qu’ils ne fassent, il n’est rien que je doive taire. Diogène faisait preuve de grandeur d’âme, lorsque, conduit sur le marché public pour y être vendu comme esclave, il disait d’un ton de maître à l’un de ces hommes dégénérés : « Viens, enfant, acheter un homme. » Car, par ces paroles équivoques, il lui faisait assez entendre qu’il ne l’était plus.
Sont-ils des hommes, en effet, ces insensés qui, par leurs mœurs et leurs habitudes, leurs vêtements et leur coiffure, les parfums, le fard et les fausses couleurs qu’ils emploient, s’assimilent autant qu’ils le peuvent à un sexe qui n’est point le leur ? Comment le voir sans le leur reprocher ? Ils pensent pouvoir se dépouiller de la vieillesse qui blanchit leur tête comme les serpents se dépouillent de leur vieille peau, et rajeunir leur chevelure par les couleurs dont ils la teignent ; mais s’ils déguisent la couleur de leurs cheveux et les outrages du temps, ils ne sauraient empêcher ni les rides de creuser leur front, ni le temps d’amener la mort. Est-ce donc une honte d’être vieux et de ne pouvoir s’empêcher de le paraître ? Non sans doute, mille fois non. Plus l’homme est avancé en âge, plus il inspire de vénération ; car il semble que Dieu seul soit plus ancien que lui. Dieu est le vieillard éternel : « Il est l’Ancien des jours, dit le prophète, et ses cheveux sont comme la laine pure. » « Il est le seul, nous dit le Seigneur, qui puisse faire un cheveu blanc ou noir. » Quelle n’est donc pas l’impiété de ces hommes qui, s’attaquant à ses œuvres, s’efforcent de noircir la chevelure qu’il a blanchie ? « L’expérience est la couronne des vieillards, et la blancheur de la tête est la preuve de leur prudence. » Ceux donc qui détruisent cette blancheur, source pour eux de respect et de vénération, outragent le Dieu qui la leur a donnée comme la plus noble parure de leur âge. La vérité ne peut habiter dans leur âme, puisque le mensonge souille leur tête : « Mais vous, ce n’est pas là ce que vous avez appris de Jésus-Christ, si toutefois vous êtes ses disciples et si vous avez appris de lui, selon la vérité de sa doctrine, à dépouiller le vieil homme selon lequel vous avez vécu autrefois, et qui se corrompt en suivant l’illusion de ses passions. Renouvelez-vous donc dans l’intérieur de votre âme, et vous revêtez de l’homme nouveau qui est créé à la ressemblance de Dieu dans la justice et la sainteté véritable. »
N’est-ce pas pour des hommes une admirable occupation, de passer leur temps devant un miroir à peigner, couper, ajuster leurs cheveux ? Ne font-ils pas une belle œuvre, en rasant le poil de leurs joues et en arrachant jusqu’au dernier tous les poils qui couvrent leur corps ? Eh ! comment, à moins de les voir nus, ne pas les prendre pour des femmes ! Leur passion rompt tous les obstacles. C’est bien en vain qu’il leur est défendu de porter de l’or. Ils trouvent mille moyens détournés d’éluder cette défense : tantôt ce sont des franges d’or, tantôt des feuilles légères entrelacées de fils de même métal ; tantôt enfin je ne sais quelles figures sphériques de matière riche et brillante qui, suspendues à leur cou, descendent jusqu’à leurs talons ; inventions séductrices bien dignes de ces hommes dégénérés que leurs passions ravalent jusqu’à la brute, et de qui la folie n’a d’égale que l’impiété.
Dieu a voulu que le corps de la femme fût doux et poli, et que sa longue chevelure, qui flotte naturellement sur ses épaules, fût son unique ornement ; mais il a donné la barbe à l’homme comme la crinière aux lions, et a couvert sa poitrine d’un poil épais, signe de force et de commandement. Il n’est point jusqu’au coq à qui, pour le distinguer des poules, il n’ait donné cette crête d’un rouge vif qui ressemble à un casque guerrier. Dieu a voulu que la barbe se montrât chez l’homme en même temps que la prudence, et qu’elle devint blanche dans sa vieillesse, afin de répandre sur sa figure un air de gravité majestueuse. Il a voulu qu’elle suivît dans ses développements les développements de l’expérience, et qu’elle en fût comme un éclatant témoignage, qui inspirât naturellement la confiance et le respect. La barbe est plus ancienne qu’Ève ; elle est la marque distinctive de l’homme, dont elle indique la supériorité. Le Créateur a trouvé juste de semer de poils tout le corps de l’homme, et lui ôtant du côté tout ce qu’il y avait en lui de faible et de mou, il en a formé la femme, de qui le corps plus tendre et plus délicat devait être propre aux fonctions qu’elle a à remplir dans la génération et la conservation des enfants.
L’homme, ainsi séparé de tout ce qu’il avait de faible et de trop délicat, demeura et se montra homme ; de là vient que dans l’acte de la génération, l’homme agit et la femme souffre : car les corps velus sont plus chauds et plus secs que ceux qui n’ont point de poil, et l’homme l’est plus que la femme et les eunuques. C’est donc une véritable impiété et un crime contre-nature, de détruire ces marques distinctives de la supériorité de l’homme. C’est le comble de la bassesse et de la lâcheté dans les hommes ; c’est le plus haut degré de l’impudicité dans les femmes. Toutes ces hideuses manières de s’embellir, dont le nom seul allume mon indignation, doivent être en horreur à de véritables Chrétiens. « Tous les cheveux de votre tête sont comptés, » nous dit le Seigneur ; mais ceux de votre barbe et de votre corps le sont aussi, et vous ne pouvez en arracher un seul sans aller manifestement contre cette volonté divine qui les a comptés. « Peut-être ne savez-vous pas, dit l’apôtre, que Jésus-Christ habite en vous. Si nous eussions su qu’il fait en nous sa demeure, je ne pense point que nous eussions osé l’outrager. »
J’ai honte, je l’avoue, d’entrer dans les détails de toutes ces infâmes coutumes ; j’ai honte de vous montrer ces hommes se tournant, se courbant, se baissant, dévoilant ce que la nature a voilé, se fatiguant et se brisant presque dans mille indécentes postures, et ne rougissant point lorsque leur seul aspect fait naître une vive rougeur. Au milieu de la jeunesse, au sein même du gymnase, où les jeunes gens reçoivent des leçons de tempérance et de vertu, ils se montrent dans toute l’infamie de leur parure et de leurs mœurs. N’est-ce point là le plus horrible excès où la licence puisse monter ? Que respecteront dans leurs maisons ceux qui agissent ainsi en public ? Quelle plus grande preuve de l’infamie de leurs mœurs ? Eh ? n’est-ce pas avouer qu’on est femme la nuit, que d’abjurer ainsi sa nature d’homme à la lumière du soleil ? Écoutez-ce que nous dit le Verbe par la bouche de Moïse : « Il n’y aura point de courtisanes parmi les filles d’Israël, ni de fornicateur parmi les enfants d’Israël. » Mais l’usage que nous faisons de la poix, disent-ils, nous est agréable ; il l’est, mais il vous accuse. Quel homme sage, à moins d’être dévoré par cette affreuse maladie, voudrait passer pour un fornicateur, et s’étudierait à couvrir de honte la noble image de son Créateur ? « Ceux qu’il a connus dans sa prescience, dit l’apôtre, il les a aussi prédestinés pour être conformes à l’image de son fils, afin qu’il soit lui-même le premier né entre plusieurs frères ; et ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi justifiés. Ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés. » Quelle n’est donc pas l’impiété de ces hommes qui, en déshonorant leur corps, déshonorent Jésus-Christ même ! Voulez-vous être véritablement beau, rendez belle votre âme, et ne vous lassez point de l’orner. Ce ne sont pas les poils de votre corps, mais les passions de votre âme, qu’il faut arracher. J’éprouve une profonde pitié pour ces jeunes et malheureux enfants, objets d’un infâme trafic. Cependant la honte dont ils sont couverts ne leur appartient pas ; elle est tout entière à ceux qui en tirent un gain criminel. Mais si ces enfants, dont le crime est involontaire, nous inspirent tant de pitié, quelle horreur ne doivent pas nous inspirer des hommes qui s’abandonnent volontairement, et de leur plein gré, à des infamies qu’ils devraient racheter de leur vie même, si on voulait les forcer à les commettre ?
Le vice a désormais dépassé toute limite ; il promène en public ses joies lascives et insultantes, il coule à pleins bords dans nos villes, il est la loi commune et universelle. Les femmes, abjurant la pudeur ; les hommes, abjurant leur nature, vendent publiquement leur corps. Le luxe a fait des sexes un affreux mélange, et couvert les hommes d’opprobre. Une curiosité inouïe, molle et luxurieuse, agite leurs cœurs. Il n’est rien qu’ils n’inventent pour rallumer leurs désirs éteints, rien qu’ils ne tentent et n’essaient pour réveiller leur imagination blasée. La nature, qu’ils violentent, s’épouvante de leurs excès. Les hommes font l’office des femmes, et les femmes celui des hommes. Que dis-je ? elles s’unissent entre elles ; elles épousent d’autres femmes, et leur corps n’a point d’ouverture qui ne serve à leur lubricité. La volupté, devenue une marchandise publique, a pénétré dans l’intérieur des familles et les a souillées.
Quel horrible spectacle que cet inceste perpétuel ! quels trophées de notre civilisation, que ces hommes et ces femmes couchés pêlemêle dans des maisons publiques, et attendant des acheteurs ! Quelle effroyable iniquité, et de quelles tragédies ne sont point la source ces détestables désordres ! Les pères, oublieux des enfants qu’ils ont exposés, se mêlent à leurs fils dans leur licence effrénée, et rendent mères leurs filles mêmes. La loi se tait sur leurs désordres, et, se prévalant de son silence, ils appellent facilité de mœurs ce qui est le plus horrible excès de la plus criminelle impudicité. Ils violent la nature, et se croient innocents des souillures de l’adultère. Mais si la loi humaine se tait, la justice divine ne se taira point. Ils appellent sur leurs têtes d’inévitables calamités ; et du même argent dont ils achètent un plaisir passager, ils achètent aussi une éternelle mort. Les malheureux qui trafiquent de ces détestables marchandises couvrent les mers de leurs vaisseaux, et transportent d’une ville à l’autre la fornication, comme le froment et le vin. Ceux encore plus malheureux qui les achètent, font provision de volupté comme d’une nourriture indispensable. Et ni les uns ni les autres ne se souviennent de cette défense de Moïse : « Tu ne profaneras point ta fille jusqu’à en faire une courtisane, et la terre ne se remplira point de fornication et d’iniquité. » Ces paroles prophétiques, prononcées autrefois, s’accomplissent maintenant. Nous le voyons clairement de nos yeux. Toute la terre est pleine de fornication ; toute la terre est pleine d’iniquité. Je ne puis m’empêcher d’admirer les premiers législateurs des Romains, qui crurent juste de condamner à être enterrés tout vivants ceux qui auraient avec les femmes quelque commerce contraire aux règles de la nature. La barbe de l’homme est une beauté libre, simple et naturelle, qu’il est honteux de détruire. C’est lorsque sa barbe commence à pousser que sa figure est le plus agréable. Enfin, c’est sur la barbe d’Aaron que sont versés ces parfums prophétiques dont l’Écriture nous entretient. Celui donc qui est instruit par le Pédagogue, et en qui habite la paix, doit lui-même être en paix avec tous les poils de son corps.
Que ne feront point les femmes, naturellement portées à cet amour outré de la parure et des plaisirs, si les hommes leur donnent l’exemple de si effroyables excès ? Mais j’ai tort de les appeler des hommes, ils ne sont pas même des femmes ; ce sont de véritables eunuques. Leurs habits d’étoffe légère et de couleur transparente n’ont plus rien de mâle ; leur voix grêle et menue n’a plus rien de la noble voix de l’homme. Tout en eux accuse une nature abâtardie et dégénérée ; leurs habits, leur coiffure, leur démarche et leurs traits. « On connaîtra l’homme, dit l’Écriture, à son aspect, à sa démarche, à ses vêtements, au mouvement de ses pieds, au rire de ses lèvres et de ses dents. » C’est de leur chevelure, surtout, que ces efféminés ont soin. Ils ne cessent, comme des femmes, de la tresser et de l’orner. Les lions aussi, s’enorgueillissent de leur crinière ; mais c’est parce qu’elle les aide dans leurs combats en leur donnant un air plus terrible et plus menaçant. Les sangliers sont fiers aussi du poil épais dont leur hure s’arme et se hérisse ; mais c’est parce qu’il glace d’effroi les chasseurs les plus intrépides. Les brebis mêmes sont chargées d’une épaisse toison ; mais c’est un des bienfaits de notre Père céleste, qui nous a appris à les en dépouiller pour notre usage. Il est vrai aussi que, parmi les nations barbares, les Gaulois et les Scythes, se plaisent à faire croître leur chevelure et la conservent avec soin ; mais ce n’est point comme un objet de vaine parure. Cette chevelure épaisse et rougeâtre, qu’ils assemblent et portent sur le devant de la tête, annonce la guerre, par sa couleur farouche et éclatante comme celle du sang. Ces deux peuples barbares ont une égale horreur du luxe. Le fleuve glacé où le Germain se baigne, et le char grossier qu’habite le Scythe, en sont d’irrécusables témoins. Le Scythe même quelquefois dédaigne d’habiter ses chars. Son cheval lui sert de maison ; il y monte, et en un instant se transporte partout où il lui prend envie d’aller. Un grand courage, une vie frugale, sont ses uniques richesses. Il ne sent pas d’impurs besoins qui lui en fassent désirer d’autres. Si une faim dévorante le presse, il demande à son cheval de quoi l’apaiser ; il lui ouvre les veines, et ce noble animal donne son sang pour ranimer et soutenir la vie de son maître. Les chevaux de ces peuples nomades les portent et les nourrissent. Les Arabes, qui sont une autre espèce de peuples nomades, montent des chameaux dans leurs expéditions guerrières, et se font suivre par des chamelles pleines. Ces animaux mangent en courant, et portent sur leur dos non-seulement leurs maîtres, mais encore les tentes qui leur servent de maison. Si l’eau vient à manquer à ces barbares, ils se désaltèrent de leur lait ; si leurs vivres s’épuisent, ils se nourrissent de leur sang ; et cependant ces animaux, moins sauvages que leurs maîtres, oublient les mauvais traitements qu’ils en ont reçus, et, parcourant fidèlement de vastes solitudes, les portent et les nourrissent. Périssent donc ces peuples cruels qui se nourrissent de sang !
Il n’est point permis à l’homme de toucher au sang ; car la chair de son corps n’est autre chose qu’un sang épaissi. Le sang humain s’est mêlé et communiqué à la nature divine du Verbe par la grâce du Saint-Esprit. Si quelqu’un l’outrage, il criera vers Dieu, et Dieu l’entendra, même inanimé. J’ai en horreur la férocité de ces peuples barbares ; mais j’admire leur vie frugale, ennemie du faste et de la mollesse. C’est ainsi que notre divin maître veut que nous soyons, sans faste et sans arrogance, sans vaine gloire et sans péché, portant notre croix, uniquement occupés du soin de notre salut.