Histoire des Protestants de France – Tome 1

2.12.
La Saint-Barthélemy. – Quels en furent les vrais auteurs. – Le crime italien. – Comment il fut préparé. – Mort subite de Jeanne d’Albret à Paris. – Arrivée de Coligny à la cour. – Mariage de Henri de Béarn. – Coligny blessé par Maurevel. – Visite de Charles IX. – Assassinat de l’amiral. – Henri de Guise.

Un illustre magistrat du seizième siècle disait, en parlant du jour de la Saint-Barthélemy : « Qu’il soit retranché de la mémoire des hommes ! » Ce vœu n’a pas été accompli ni ne doit l’être : les grands crimes de l’humanité renferment de grands enseignements.

Loin que ce jour ait été oublié, on remplirait une vaste bibliothèque des livres dont il a fourni le sujet. Ecrivains de toute nation, Français, Italiens, Anglais, Allemands, y ont consacré de longues et patientes études. Chaque parole a été pesée, chaque fait commenté et l’on s’est efforcé d’assigner à chaque personnage la juste part de responsabilité qui doit lui revenir.

Il y a des questions aujourd’hui vidées pour les hommes éclairés et intègres de toutes les opinions. Ainsi l’on n’oserait plus soutenir la fable d’un complot de Coligny contre la vie du roi. On ne reproduirait plus la thèse de l’abbé de Caveyrac sur les rigueurs salutaires. On ne pourrait plus nier sérieusement la préméditation du massacre. Les historiens catholiques français, de Thou, Mézeray, Péréfixe, Maimbourg, en conviennent ; les historiens italiens, Davila, Capilupi, Adriani, Catena, ces confidents de Catherine de Médicis ou du conclave romain, font plus : ils admirent, ils exaltent la préméditation, et y voient un merveilleux effet de la bénédiction du ciel. Ce sont donc là, encore une fois, des points jugés.

[Un écrivain de ce temps-ci, M. Capefigue, transportant dans le seizième siècle les idées et les passions du dix-neuvième, veut que Charles IX et sa cour aient eu la main forcée par le peuple des halles, et que les masses aient agi par haine contre la gentilhommerie ou l’aristocratie huguenote. Puis, appliquant à ces allégations le système de la fatalité révolutionnaire, il conclut qu’il ne faut accuser personne (La Réforme et la Ligue, p. 341, 346, 373, et passim). On signale de pareilles rêveries à la curiosité du lecteur : On ne les réfute pas.]

Mais une autre question, qui intéresse l’honneur du nom français aussi bien que les droits de la vérité, doit être posée : Quels furent les premiers, les vrais auteurs du massacre de la Saint-Barthélemy ? Nous répondons, après des recherches dont on ne trouvera ici qu’une courte analyse :

Jusqu’ici donc pas un seul Français. Outre l’Espagne et la papauté, deux Lorrains, trois Italiens et une Italienne. Albert de Gondi était le plus intime des confidents de Catherine de Médicis. Le duc de Guise, Birago et Louis de Gonzague formaient un second conseil secret qui décida tout.

Restent trois Français : le maréchal de Tavannes, le duc d’Anjou et Charles IX. Eux seuls, avec les Lorrains et les Italiens, eurent de l’influence sur les délibérations ; les autres Français ne furent que des créatures et des instruments.

Le maréchal de Tavannes autorisa le crime et servit à le consommer ; il s’y montra même, une fois l’affaire engagée d’une grande violence ; mais dans les conseils il avait parlé avec plus de modération que ses complices, et repoussé le projet de tuer les deux princes de Bourbon.

Le duc d’Anjou, alors dans sa vingtième année, avait été élevé, comme son frère Charles IX, par Gondi, qui lui avait appris à violer sa foi et à se repaître de spectacles de sang. Il était déjà livré à ces débauches effrénées, à ces superstitions ignobles qui en ont fait le moderne Héliogabale, et le plus abject des princes qu’on ait vus sur le trône de France. « Pour moi, » disait Charles IX à Coligny, « je suis Français et roi des Français ; mon frère, le duc d’Anjou, ne parle que de la tête, des yeux et des épaules : c’est un Italien. »

Enfin Charles IX. L’exécration du genre humain, est retombée sur sa tête, parce qu’il tenait le sceptre, au jour fatal, et que, dès qu’il sentit l’odeur du sang, il devint furieux jusqu’à faire l’office de bourreau de ses sujets. Mais il ne fut pas le plus coupable. Il eut des retours de franchise et de générosité ; il hésita ; et, le seul de cette cour infâme, il éprouva des remords.

« N’y aura-t-il pas, » demande M. de Chateaubriand dans ses Etudes historiques, « quelque pitié pour ce monarque de vingt-trois ans, né avec des talents heureux, le goût des lettres et des arts, un caractère naturellement généreux, qu’une exécrable mère s’était plu à dépraver par tous les abus de la débauche et de la puissance ? Oui, il y aura de la pitié pour lui chez ces huguenots mêmes dont il a fait égorger les pères, et d’une main pieuse ils essuieront le sang qui lui couvre la face pour y découvrir encore quelque chose d’humain.

Tels furent les véritables auteurs de la Saint-Barthélemy, et voici comment ils l’ont préparée et accomplie.

La cour voyait avec déplaisir que les chefs des réformés, Jeanne d’AIbret, Henri de Bourbon, Henri de Condé, Coligny, Larochefoucauld, Lanoue, Briquemaut, Cavagnes, se fussent retirés à La Rochelle ou dans leurs provinces ; il fallait les en faire sortir pour les avoir sous la main. On envoya vers eux des hommes du tiers-parti, qui, sans exciter leur défiance, pourraient les engager à se rapprocher de Paris. En effet, les députés calvinistes allèrent à la cour, où ils reçurent le meilleur accueil. Charles IX ne se comportait pas seulement en roi qui oublie, qui pardonne, mais en prince qui veut plaire à des sujets ombrageux. Il accordait beaucoup, et promettait davantage. Il combla surtout de caresses Téligny, gendre de l’amiral, jeune homme d’un caractère aimable et candide, qui croyait presque avoir rencontré un ami dans son maître.

Toutefois, ce n’était pas assez de ces chefs de second rang, on voulait avoir ceux du premier, et pour y réussir, on mit en avant le mariage de Marguerite de Valois, sœur de Charles IX, avec Henri de Béarn : alliance très brillante pour la maison pauvre de Navarre, mais qui éblouit peu Jeanne d’Albret, parce qu’elle plaçait les vices des Valois en regard de leur fortune. « J’aimerais mieux, disait-elle, descendre à la condition de la plus petite demoiselle de France que de sacrifier à la grandeur de ma famille mon âme et celle de mon fils. »

Les envoyés de la cour lui présentèrent, à elle et aux chefs de ce parti, des considérations d’un autre ordre. Ils affirmaient que ce mariage serait la meilleure garantie d’une paix solide entre les deux religions. Coligny s’y laissa tromper : il en vint à croire, dans la naïveté de sa grande âme, que le royaume tout entier serait uni du même coup que la famille royale. Charles IX déclarait en effet qu’il mariait sa sœur, non seulement au prince de Navarre, mais à tout le parti. « Ce sera, disait-il, le plus ferme et étroit lien pour maintenir la paix entre mes sujets, et un témoignage assuré de ma bienveillance envers ceux de la religion. »

Jeanne d’Albret n’osa pas résister plus longtemps. Elle se rendit à Blois au mois de mai 1572, en laissant son fils derrière elle par un dernier reste de défiance. « Le jour qu’elle arriva, dit l’Estoile, le roi et la reine mère lui firent tant de caresses, principalement le roi, qui l’appelait sa grande tante, son tout, sa mieux aimée, qu’il ne bougea jamais d’auprès d’elle, à l’entretenir avec tant d’honneur et de révérence que chacun en était étonné. Le soir, en se retirant, il dit à la reine sa mère en riant : — Et puis, madame, que vous en semble ? joué-je pas bien mon rôlet ? — Oui, répondit-elle, fort bien ; mais ce n’est rien qui ne continue. — Laissez-moi faire seulement, dit le roi, et vous verrez que je les mettrai au filet[c]. »

[c] Journal de Henri III, t. I, p. 43.

Jeanne d’Albret se mit en route, le 15 mai, pour Paris. Le 4 juin, elle tomba malade ; le 9, elle était morte. Avait-elle été empoisonnée ? Beaucoup de gens le crurent. On disait qu’un parfumeur florentin, maître René, connu sous le nom d’empoisonneur de la reine. avait vendu à Jeanne d’Albret des gants imprégnés d’un poison subtil.

Elle montra dans ses derniers jours la ferme piété qui avait honoré sa vie. Ni plaintes ni murmures dans les plus cruels accès de la douleur ; une foi résignée et sereine. Son tranquille héroïsme étonna cette cour où l’on savait rire en mourant, mais non se recueillir paisiblement devant Dieu. Elle n’avait regret de la vie qu’en regardant à la jeunesse de son fils et de sa fille Catherine. « Toutefois, dit-elle, je m’assure que Dieu leur sera pour père et pour protecteur, comme il m’a été en mes plus grandes afflictions ; je les remets à sa providence afin qu’il y pourvoie. Elle mourut âgée de quarante-quatre ans.

L’amiral Coligny était déjà venu à la cour dans l’automne de 1571 ; il y revint au mois de juillet 1572, malgré les avertissements de plusieurs de ses amis, « Je crois, leur dit-il, à la non feinte parole et au serment de Sa Majesté. »

Dans sa première entrevue, Coligny s’agenouilla devant son roi. Charles IX le releva, lui donna le nom de père, et, embrassant trois fois l’illustre vieillard, il lui dit : « Nous vous tenons maintenant ; vous ne nous échapperez pas quand vous voudrez ; voici le plus heureux jour de ma vie ! »

Il ouvrit à l’amiral l’entrée de ses conseils, et semblait l’écouter avec la déférence d’un fils. Coligny lui exposa le système politique dont il s’occupait depuis longtemps et qui fut adopté plus tard par Henri IV et le cardinal Richelieu : abaissement de la maison d’Espagne ; secours aux insurgés des Pays-Bas, alliance avec les princes protestants de l’Empire et la Suède, pour devenir l’arbitre de la paix et de la guerre en Europe. La conquête des Pays-Bas était facile alors ; car les Belges, en haine de Philippe II et du duc d’Albe, s’offraient de leur plein gré à faire partie intégrante du royaume. Si le plan de l’amiral eût été adopté, la France serait devenue, dès le seizième siècle, la première puissance du monde, et toute l’histoire moderne eût changé de face. Mais les papes, la reine mère, ses affidés et les Guises le firent échouer, malgré Charles IX, qui sentait enfin se remuer en lui l’instinct de l’honneur national.

Le mariage de Marguerite de Valois avec Henri de Béarn, qui venait de prendre le nom de roi de Navarre, fut célébré le 18 août 1572, et quatre jours se passèrent en jeux, festins, mascarades et ballets.

Le vendredi 22 août, Coligny revenait du Louvre accompagné de douze à quinze gentilshommes. Il marchait lentement, étant occupé à lire une requête, lorsque, passant devant le cloître Saint-Germain, il fut atteint d’un coup d’arquebuse chargée de trois balles, qui lui fracassèrent l’index de la main droite et le blessèrent au bras gauche. On enfonça la porte de la maison d’où était parti le coup, mais on n’y trouva qu’un laquais et une servante. Le meurtrier avait eu le temps de prendre la fuite : c’était Maurevel, ancien page des ducs de Guise, et l’un de leurs familiers, le tueur aux gages du roi, l’assassin ordinaire, comme le qualifient les historiens de l’époque.

Le médecin Ambroise Paré visita la blessure de l’amiral. On craignait que les balles de cuivre n’eussent été empoisonnées, et Coligny pensait être à sa dernière heure : « Mes amis, dit-il, pourquoi pleurez-vous ? Pour moi, je m’estime heureux d’avoir reçu ces plaies pour le nom de Dieu ; priez-le afin qu’il me glorifie. »

La nouvelle du crime se répandit en un moment dans tout Paris, et y produisit la plus grande fermentation. Les échevins ordonnèrent aux capitaines des milices d’assembler leurs compagnies et de garder l’hôtel de ville. Le roi jouait à la paume quand il apprit l’événement, et jetant sa raquette avec colère : « N’aurai-je donc jamais de repos ? et verrai-je tous les jours de nouveaux troubles ? Ce premier cri de la conscience du roi est à la décharge de sa mémoire : l’assassinat était l’œuvre du duc de Guise appuyé par Catherine de Médicis et ses confidents : il n’avait pas été ordonné par Charles IX.

Les calvinistes accoururent consternés au logis de l’amiral et tinrent conseil. Ils voulaient le faire transporter immédiatement hors de Paris ; mais les médecins ne le permirent pas.

Les maréchaux Damville et de Cossé, hommes du tiers-parti, vinrent aussi offrir leurs bons offices à l’amiral. « Je n’ai pas autre regret à ce qui m’est arrivé, leur dit-il, sinon que je suis privé de faire voir au roi l’affection que je porte à son service. J’eusse bien désiré entretenir un peu Sa Majesté, ajouta-t-il, sur des choses qui lui sont très importantes à savoir, et je pense qu’il n’y a personne qui osât lui en faire le rapport. » Dans l’après-midi, Charles IX vint le voir avec la reine mère, le duc d’Anjou et autres personnages de la cour. On raconte diversement les détails de cette entrevue. Coligny parla au roi de la guerre des Pays-Bas et de l’édit de pacification ; ensuite l’entretint quelques minutes à voix basse. Charles IX et sa mère voulurent voir la balle qu’on avait extraite de sa blessure. « Vous avez la plaie, dit le roi, et moi la perpétuelle douleur ; mais, par la mort-dieu ! j’en ferai une si terrible vengeance que jamais la mémoire ne s’en perdra ! »

Son indignation était-elle sincère ? On peut le supposer par les menaces qu’il adressa au duc de Guise, et par l’ordre qu’il lui donna de quitter la cour sans délai. Mais Catherine et le duc d’Anjou représentèrent au roi que l’accusation du meurtre de l’amiral remonterait, quoi qu’il voulût faire, jusqu’à lui, que la guerre civile allait recommencer, et qu’il valait mieux gagner la bataille dans Paris, où tous les chefs étaient rassemblés, que de s’exposer au hasard d’une nouvelle campagne. « Eh bien, » dit Charles IX dans un accès de frénésie, « puisque vous trouvez bon qu’on tue l’amiral, je le veux, mais aussi tous les huguenots, afin qu’il n’en reste pas un pour me le reprocher. »

La journée du samedi se passa en préparatifs et en conciliabules. Le duc de Guise, qui était revenu sur ses pas, après avoir feint de partir, s’entendit avec les échevins, les capitaines de quartier et les Suisses. « Que chacun des bons catholiques, leur dit-il, ceigne un morceau de linge blanc autour du bras, et porte une croix blanche à son chapeau. »

L’heure s’avance. Catherine dit à Charles IX qu’il n’est plus temps d’aller en arrière, que le moment est venu de retrancher les membres gangrenés ; et, reprenant la langue de son berceau, comme il arrive dans les émotions suprêmes : E pietà, dit-elle, lor esser crudele, et crudeltà lor esser pietoso (c’est piété ou pitié de leur être cruel, et ce serait cruauté de leur être pitoyable).

Charles hésite encore ; une sueur froide lui coulait du front. Sa mère frappe à l’endroit le plus sensible ; elle lui demande si par ces irrésolutions il veut faire douter de son courage. Le roi s’indigne à la seule pensée d’un soupçon de lâcheté. Il se lève, il s’écrie : « Eh bien, commencez ! » Il était une heure et demie du matin.

Dans la chambre du roi il n’y avait plus que Catherine, Charles IX et le duc d’Anjou. Tous trois gardaient un silence morne. Un premier coup de pistolet retentit. Charles tressaille, et fait dire au duc de Guise de ne rien précipiter. Il était trop tard. La reine mère, se défiant des hésitations de son fils, avait ordonné d’avancer l’heure du signal. La grande cloche de Saint-Germain l’Auxerrois fût mise en branle entre deux et trois heures du matin, le dimanche 24 août. Au son du tocsin, de toutes les portes s’élancent des hommes armés, criant : Vive Dieu et le roi !

Le duc de Guise, accompagné de son oncle, le duc d’Aumale, du chevalier d’Angoulême et de trois cents soldats, se précipite vers le logis de l’amiral. Ils frappent à la première porte au nom du roi. Un gentilhomme ouvre : il tombe poignardé. La porte intérieure est enfoncée. Au bruit des coups d’arquebuse, Coligny et tous les gens de sa maison se lèvent. On essaie de barricader l’entrée des appartements ; mais ce faible rempart s’écroule sous l’effort des agresseurs.

L’amiral avait invité son ministre Merlin à prier avec lui. Un serviteur accourt tout effrayé. « Monseigneur, la maison est forcée, et il n’y a pas moyen de résister. — Il y a longtemps, répond Coligny, que je me suis disposé à mourir. Vous autres, sauvez-vous, s’il vous est possible ; car vous ne sauriez garantir ma vie. Je recommande mon âme à la miséricorde de Dieu. »

Tous gagnent le haut de la maison, excepté Nicolas Muss, son interprète pour la langue allemande. Coligny se tenait contre la muraille, ne pouvant se tenir debout à cause de sa blessure. Le premier qui pénètre dans la chambre est un Lorrain ou Allemand, nommé Behem, Besme, domestique du duc de Guise. « N’es-tu pas l’amiral ? — Oui, c’est moi, » et regardant sans s’émouvoir l’épée nue de l’assassin : « Jeune homme, tu devrais avoir égard à ma vieillesse et à mon infirmité ; mais tu ne feras pourtant pas ma vie plus brève. ? Besme lui plonge son épée dans la poitrine, et lui en donne un second coup sur la tête. Les autres l’achèvent à coups de poignard.

[Ce Besme reçut le prix de son crime du cardinal de Lorraine, qui lui fit épouser une de ses filles naturelles : double honte pour le prêtre de récompenser un tel homme, et d’avoir une telle récompense à donner.]

Guise attendait avec impatience dans la cour. Besme, as-tu achevé ? — C’est fait, monseigneur. — M. le chevalier ne le peut croire s’il ne le voit de ses yeux ; jette-le par la fenêtre. Besme et l’un de ses compagnons soulèvent le corps de l’amiral qui, respirant encore, se cramponne à la croisée. On le précipite dans la cour. Le duc de Guise essuie avec un mouchoir son visage baigné de sang. « Je le connais, dit-il, c’est lui-même. Et donnant un coup de pied au cadavre, il s’élance dans la rue en criant : « Courage, compagnons ! nous avons heureusement commencé ; allons aux autres ; le roi l’ordonne. »

Seize ans et quatre mois après, le 23 décembre 1588, dans le château de Blois, le cadavre de ce même Henri de Guise était gisant devant Henri III, qui lui donna aussi un coup de pied au visage. Souveraine justice de Dieu !

Coligny était âgé de cinquante-cinq ans et demi. Depuis la paix de 1570, il lisait matin et soir les sermons de Calvin sur le livre de Job, disant que cette histoire était son remède et sa consolation dans tous ses maux. Il employait aussi quelques heures de ses journées à rédiger des mémoires. Ces papiers ayant été portés au conseil après la Saint-Barthélemy, furent brûlés par ordre du roi, de peur d’accroître le regret de sa mort.

A quelque temps de là, comme l’ambassadeur d’Angleterre témoignait sa douleur sur le meurtre de Coligny : « Savez-vous, lui dit Catherine, que l’amiral recommandait au roi, comme une chose de la dernière importance, de tenir bas le roi d’Espagne et aussi votre maîtresse (la reine Elisabeth), autant qu’il lui serait possible ? — Il est vrai, madame, répondit l’ambassadeur, il était mauvais Anglais, mais fort bon Français. »

Citons encore ce mot de Montesquieu : « L’amiral Coligny fut assassiné, n’ayant dans le cœur que la gloire de l’Etat. »

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