Suite de la même preuve.
C’est celui que l’auteur de l’épître aux Hébreux applique à Jésus-Christ en ces termes : Et encore, quand il introduit son premier né au monde, il dit : Que tous les anges de Dieu l’adorent. On convient de part et d’autre que cet auteur fait à Jésus-Christ, dans cet endroit, l’application de ces paroles Psaumes 97.7 : Adorez-le, tous les dieux, ou tous les anges, אלהם ; car l’expression de l’original, suivant les rabbins mêmes, se prend assez souvent pour les anges, et l’autorité de l’écrivain sacré ne nous permet point de douter qu’il faille la prendre en ce sens dans cet endroit. Or, pour montrer la force invincible de la preuve que nous tirons de ce passage, il ne faut que bien établir ces deux importantes vérités. La première, c’est que c’est du Dieu souverain que parle le psalmiste lorsqu’il dit : Adorez-le, tous les dieux ou tous les anges. La seconde, que c’est de Jésus-Christ que ces paroles ont été dites ; car de là il paraîtra que Jésus-Christ n’est point essentiellement différent du Dieu souverain.
Il ne faut que lire le psaume pour se convaincre de la première de ces deux vérités : L’Éternel règne, dit le psalmiste ; que ta terre s’en égaie, que les îles s’en réjouissent. Pourquoi la terre et les îles doivent-elles prendre part à la gloire de ce règne, si ce n’est parce qu’il s’agit du règne de leur créateur ? D’ailleurs, le grand nom de Jéhova qui est donné jusqu’à six fois dans cet endroit à celui dont le psalmiste nous décrit le règne, répété si souvent, accompagné de tant de caractères de la gloire de l’être suprême, ne pourrait être donné à un autre sans une impiété manifeste : Nuée et obscurité épaisse sont à l’entour de lui : Justice et jugement sont la base de son trône : Le feu marche devant lui, et embrase ses adversaires : Les éclairs resplendissent dans le monde, et la terre tremble en le voyant. On ne peut douter que ce ne soient là les caractères de la présence de ce Dieu tout-puissant, qui, ayant créé la terre et les cieux avec toutes les créatures visibles, se sert aussi d’elles quand il lui plaît pour faire paraître sa majesté avec éclat : Les montagnes fondent comme de la cire pour la présence du Seigneur, pour la présence du Seigneur de toute la terre. Le Seigneur de toute la terre est l’éloge et le titre du Dieu souverain. Voici, dit Josué, l’arche de l’alliance du Seigneur de toute la terre ira devant vous au travers du Jourdain. Et au livre des révélations du prophète Zacharie : Ce sont ici les quatre vents des cieux qui sortent, afin qu’ils se tiennent devant le Seigneur de toute la terre. Et Michée 4.13 : Tu voueras au Seigneur leurs richesses, et leur substance au Seigneur de la terre. Mais la manière donc ce titre lui est donné dans l’oracle que nous examinons, n’est pas moins digne de considération que le titre même ; car le psalmiste voulant attacher davantage nos esprits, et les remplir d’une plus grande admiration pour le Dieu souverain dont il parle, il redouble son expression et dit avec une emphase singulière : Les montagnes fondent comme la cire pour la présence du Seigneur, pour la présence du Seigneur de toute la terre. Les cieux annoncent sa justice, et tous les peuples voient sa gloire, ajoute l’auteur sacré. Les peuples voient la gloire du Dieu souverain, marquée sensiblement dans toutes les parties de l’univers. Les cieux publient la grandeur et la justice du Dieu souverain qui les a faits pour sa gloire : c’est donc du Dieu souverain qu’il s’agit en cet endroit : Que tous ceux qui servent aux images, et qui se glorifient aux idoles, soient confondus. C’est le vrai Dieu, le Dieu souverain qui est opposé aux idoles ; c’est le Dieu souverain qui doit être glorifié par la confusion des idolâtres. C’est donc du Dieu souverain qu’il s’agit en cet endroit : Tu es, Seigneur, élevé par-dessus la terre ; tu es exalté par-dessus tous les Dieux, etc. L’Écriture ne nous permet point de douter que ce ne soit du vrai Dieu qu’il soit parlé en cet endroit, puisqu’elle nous apprend que Dieu seul doit être souverainement élevé.
Mais si chacun de ces caractères est capable de faire connaître que c’est du vrai Dieu, du grand Dieu, du Dieu souverain qu’il s’agit dans ce cantique, certainement l’amas de tous ces caractères forme à cet égard une démonstration la plus claire et la plus évidente qui fût jamais.
Il est du moins certain qu’il est naturel de faire là-dessus trois réflexions. La première est que, si nous refusons de reconnaître le Dieu souverain dans ce cantique, il faudra demeurer d’accord qu’on ne peut le reconnaître dans aucun oracle, ni dans aucune Écriture du Vieux Testament : la raison en est qu’il se trouve marqué ici par les mêmes traits et les mêmes caractères qu’il l’est dans toutes les autres parties de cette Écriture, par son grand et terrible nom de Jéhova, nom qu’il s’imposa dans une occasion importante, qu’il signala par mille prodiges, qu’il prit pour lui être propre et incommunicable ; et qu’il est caractérisé par les droits qu’il a sur ce monde et sur toutes les créatures qui le composent, et par les marques de sa gloire répandues dans la nature, etc. La seconde est que tous les hommes qui ont jusqu’ici lu ce sacré cantique, et qui en ont jugé sans préoccupation, ont cru que c’est du Dieu souverain qu’il y était parlé. La troisième est que, si c’est un autre que le Dieu souverain qui a été décrit par des caractères si essentiels et si propres au Dieu souverain, il n’y eut jamais, je ne dirai pas rien de si équivoque et de si captieux que cette description, mais même rien de plus faux et de plus illusoire, puisqu’il est impossible qu’elle ait d’autre but que celui de nous tromper.
Il est surprenant, après cela, que Socin ose appliquer tous ces caractères à Jésus-Christ, et à Jésus-Christ simple homme par sa nature. Puis, dit-il, qu’il est constant, de l’aveu de tout le monde, que dans ce psaume il y a une prophétie touchant le règne de Jésus-Christ, pourquoi Jésus-Christ homme, auquel a été donnée toute puissance au ciel et en terre, étant considéré comme entrant dans la possession de son règne, prédit et décrit prophétiquement, n’aura-t-il pu être nommé avec raison le Seigneur de toute la terre ? Parce que celui qui est nommé le Seigneur de toute la terre dans ce cantique, est marqué par tant d’autres caractères propres au Dieu souverain, que ce serait une extravagance de vouloir le distinguer de lui ; parce que celui qui fait le sujet de ce cantique 97, est le même qui fait la matière des autres, et particulièrement du psaume précédent, celui dont la gloire nous est ainsi décrite : Car tous les dieux des peuples ne sont qu’idoles, mais le Seigneur a fait les cieux. Triomphe et magnificence sont devant lui ; force et excellence sont en son sanctuaire. Donnez au Seigneur gloire, etc. Adorez le Seigneur en son Sanctuaire. Tremblez devant lui, toute la terre. Que les cieux se réjouissent, que la terre s’égaie, que les arbres des forêts s’écrient de joie devant le Seigneur : car il vient, il vient juger la terre habitable, etc. Il faudrait être privé de la lumière naturelle, pour ne point voir que ces deux psaumes sont parallèles : ils parlent tous deux de la gloire de Dieu, de sa venue, de son règne : tous deux ils élèvent le vrai Dieu au-dessus des fausses divinités : tous deux ils ordonnent d’adorer le Seigneur, l’Éternel, Jéhova, et ils en prennent les motifs des droits qu’il a sur ses créatures : et tous deux ils invitent les créatures inanimées à se réjouir de la présence de Dieu. Or, il est certain que ce cantique qui précède celui que nous examinons, parle du Dieu souverain, comme tant d’autres conçus à peu près dans les mêmes termes, et qu’ainsi nous ne saurions avoir raisonnablement une autre opinion de celui que nous examinons.
J’ai quelque répugnance à prouver des choses si évidentes ; mais notre peine en cela n’est pas tout à fait inutile, ne dût-elle servir qu’à fermer la bouche à des adversaires dont l’esprit est très subtil. Car, je vous prie, que leur reste-t-il à dire, lorsqu’on leur aura fait voir que c’est du Dieu souverain que le psalmiste a parlé dans cet oracle ?
C’est du Dieu souverain qu’il a été dit que tous les anges l’adorent, ou, ce qui est la même chose : Vous, tous les anges, adorez-le. Cette proposition a été prouvée, et elle est claire par toutes les circonstances de l’oracle.
C’est de Jésus-Christ qu’il a été dit que tous les anges l’adorent. C’est l’auteur de l’épître aux Hébreux qui le dit expressément, en lui appliquant cet oracle du psaume 97 ; et nos adversaires n’en sauraient disconvenir, puisqu’ils ne nient point la vérité de cette application.
Qu’ils tirent donc eux-mêmes la conséquence, et qu’ils reconnaissent avec nous que Jésus-Christ est le Dieu souverain, et qu’il est décrit dans les anciens oracles comme l’Être suprême.
C’est en vain que Socin prétend répondre à cette difficulté, en disant que ceux qui adorent Jésus-Christ adorent le Dieu souverain, parce que Jésus-Christ représente le Dieu souverain d’une façon singulière et dans un sens éminent : car il ne s’agit par ici de savoir si, en adorant Jésus-Christ, on adore le Dieu souverain ; mais il s’agit de savoir si ce n’est pas de Jésus-Christ qu’il a été dit que tous les anges de Dieu l’adorent.
Si quelqu’un s’obstinait à soutenir que quiconque aime son frère aime son Dieu par la même raison, parce qu’il n’aime son frère qu’en tant qu’il est l’image de Dieu, il ne dirait rien qui ne pût être soutenu ; mais s’il voulait pousser plus loin son principe, et que de ce qu’en aimant le prochain nous aimons Dieu en quelque manière, il voulût conclure que lorsque le législateur dit : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, etc., il parle de notre prochain, et non de Dieu uniquement, sa pensée serait fort extravagante : ainsi aussi on pourrait avouer que celui qui adore Jésus-Christ adore le Dieu souverain en quelque sorte, sans qu’il fût nécessaire de reconnaître que celui qui ordonne d’adorer le Dieu souverain, ordonne d’adorer par-là même Jésus-Christ, n’y ayant aucune conséquence de l’un à l’autre.
Enfin, si, pour éluder la force de la preuve que nous tirons de ce passage, il suffisait de dire qu’en adorant Jésus-Christ on adore le Dieu souverain, il s’ensuit que cet oracle pourrait être attribué à tous les rois de la terre. Car n’est-il pas vrai que les rois de la terre portent en quelque sens l’image de Dieu ; que nous les honorons, parce que nous les considérons comme les lieutenants de Dieu sur la terre ; et qu’ainsi l’on peut dire que, qui honore les rois, honore la Divinité elle-même ? Cela étant, on peut appliquer aux rois du monde l’oracle qui est contenu au psaume 97, comme on l’applique à Jésus-Christ : car si cet oracle convient à Jésus-Christ, quoiqu’il ne s’entende que du Dieu souverain, parce qu’en adorant Jésus-Christ on adore le Dieu souverain, rien ne nous empêche aussi de dire qu’il convient aux rois du monde, parce qu’en honorant les rois on honore celui dont ils portent l’image, qui est le Dieu souverain.
Mais enfin il ne s’agit pas de savoir ce que la subtilité peut inventer pour éluder l’évidence de cette preuve ; mais il s’agit de savoir quelle est l’impression naturelle que les paroles de l’auteur de l’épître aux Hébreux ont dû faire sur l’esprit des hommes, et s’ils ont pu se dispenser de les prendre dans le sens que nous leur donnons, lorsqu’il est constant d’un côté que c’est du Dieu souverain qu’il a été dit que tous les anges de Dieu l’adorent, et que de l’autre le Saint-Esprit nous apprend que c’est à Jésus-Christ même qu’il en faut faire l’application.
Nous nous contenterons d’avoir examiné ces oracles dans le détail, et nous n’entrerons pas dans un examen plus particulier à cet égard. Nous ne dirons point ici que Jésus-Christ a été nommé dans les anciens oracles Emmanuel, ou Dieu avec nous : ce qui fait voir qu’il n’est pas un simple homme ; qu’il avait été dit de lui : Sanctifiez le Seigneur, l’Éternel des armées ; qu’il soit votre frayeur et votre épouvantement, et il vous sera en sanctification pour pierre d’achoppement, et pour pierre de scandale aux deux maisons d’Israël ; que tout genou se courberait devant lui ; qu’il avait été nommé le premier et le dernier ; qu’il avait été dit de lui qu’il enverrait son ange ou son messager devant sa face ; que c’est en parlant de lui que le Psalmiste s’écrie : La terre est au Seigneur, et ce qui est contenu en elle, ou sa plénitude ; que c’est de lui que le Psalmiste dit : Etant monté en haut, il a mené une grande multitude de captifs, et a distribué des dons aux hommes ; que c’est de sa venue que le prophète Esaïe avait prophétisé lorsqu’il avait dit : Dieu lui-même viendra et vous sauvera ; alors les yeux des aveugles seront ouverts, et les oreilles des sourds seront débouchées ; et dans cet autre endroit : Parce que ton mari, c’est celui qui t’a fait, l’Éternel des armées est son nom, et il sera appelé ton Rédempteur, le saint d’Israël, et le Dieu de toute la terre. Et le prophète Jérémie : C’est ici le nom dont on l’appellera, l’Éternel notre justice. Et le Psalmiste, Psaumes 2.12 : Embrassez le Fils, de peur qu’il ne se courrouce, et que vous ne périssiez dans votre voie lorsque sa colère s’embrasera tant soit peu. Oh, que bienheureux sont ceux qui mettent en lui leur confiance ! Et tant d’autres, dont nous n’entreprenons pas même de faire ici l’énumération.