Attendu que les Grecs, d’après le témoignage de l’Écriture, ont été les plagiaires de la philosophie barbare, il s’agit maintenant de fournir, en peu de mots, cette démonstration. Nous établirons que, peu satisfaits de transporter dans leurs récits les faits extraordinaires racontés par nos livres saints, ils nous ont dérobé nos dogmes principaux, en les altérant, puisque l’antériorité, comme il résulte de nos preuves, appartient à l’Écriture. Nous les surprendrons en flagrant délit sur ce qui concerne la foi et la sagesse, la connaissance et la science, l’espérance et la charité, la pénitence et la chasteté ; enfin, sur la crainte de Dieu : cortège de vertus qu’enfante sans contredit la vérité. Nous entrerons dans tous les développements que réclamera la discussion présente. Nous percerons les ténèbres de la philosophie barbare ; ses symboles, ses mystères, toutes les formes adoptées par ceux qui propagèrent activement les traditions antiques, nous les pénétrerons ; étude très-avantageuse, disons mieux, étude indispensable pour la connaissance de la vérité. Ce sera le moment de repousser les inculpations des Grecs contre nous, par quelques preuves empruntées aux livres sacrés, afin que le juif, inclinant peu à peu l’oreille à nos paroles, puisse revenir de ce qu’il croit à ce qu’il ne croit pas encore. La raison veut ensuite que nous censurions avec une critique, toute de charité, la vie et les prétendues découvertes des philosophes les plus renommés. Que voulons-nous par-là ? nous venger de nos accusateurs ? Loin de nous cette pensée ! nous avons appris à bénir ceux qui nous maudissent, même quand ils nous chargent de vaines imprécations. Les convertir, voilà notre but. Peut-être rougiront-ils d’eux-mêmes, ces illustres sages, corrigés par la censure d’un barbare, et contraints enfin de reconnaître à quoi se réduisent ces doctrines si vantées, qui les entraînent loin de leur patrie, et par delà les mers. Afin de détruire en eux une orgueilleuse présomption, produisons au grand jour leurs larcins; d’autre part, faisons justice des prétendues découvertes qu’ils doivent à eux-mêmes et dont ils se glorifient.
« Qui blâme avec franchise n’est point ennemi de la paix. »
Arrivant ensuite à démontrer l’inutilité de ce qu’ils nomment le cercle des sciences, nous dirons un mot en passant de l’astrologie, des mathématiques, de la magie et de la goatie : spéculations dont les Grecs s’applaudissent comme du dernier effort de l’intelligence. Nous sommes peu exercé, nous l’avons dit souvent, à l’élégance grecque dont nous faisons d’ailleurs peu de cas ; elle ne sert qu’à égarer la multitude loin de la vérité, tandis que la philosophie réelle cherche moins à flatter l’oreille des auditeurs qu’à porter la lumière dans leurs âmes. Il faut, selon nous, que le zélateur de la vérité, sans artifice de style, ni préoccupation de langage, exprime du mieux qu’il peut sa pensée. Les choses échappent à ceux qui soignent laborieusement la composition et n’ont souci que des mots. Voyez l’habile agriculteur ! Il cueille, sans la blesser, la rose qui croît au milieu des épines. Le lapidaire expérimenté surprend la perle cachée dans la chair du coquillage. Enfin, les poules, dont la chair est la plus succulente, ne sont pas celles, dit-on, que l’on a nourries abondamment, mais celles qui ont creusé la terre pour en arracher péniblement une rare pâture. Ainsi donc, l’homme qui, étudiant la vraisemblance, chercherait la vérité à travers le cercle des probabilités et la vaine science des Grecs, cet homme imiterait le peintre qui se fatigue vainement à saisir les traits véritables d’un modèle, sous le masque qui les lui dérobe.
« Tout ce qu’il est à propos de te révéler, te sera révélé. »
Ainsi parla à Hermas l’Esprit de Dieu, qui lui apparut dans une vision.