On appellera son nom : l’Admirable !
Il y a quelques jours à peine, je me rendis au bord de la mer. C’était le soir, et la tempête mugissait avec, furie. La voix de l’Éternel était sur les eaux ; et qui étais-je pour rester tranquillement chez moi, quand la voix de mon Maître m’appelait au dehors ? Je sortis donc, et debout sur le rivage, je me tins en présence du Créateur, contemplant les sinistres lueurs de ses éclairs, et admirant la magnificence de son tonnerre. L’Océan et la foudre semblaient se disputer la prééminence : celui-là essayait par ses clameurs infinies, de dominer les éclats retentissants du tonnerre ; mais bien au-dessus du mugissement des vagues, cette voix de Dieu se faisait entendre, parlant avec des flammes de feu et ouvrant les fontaines de l’étendue.
La nuit était sombre ; de lourds nuages couvraient le ciel, et c’est à peine si l’on voyait poindre çà et là, dans les trouées que la tempête laissait sur son passage, la timide lueur d’une étoile. Je contemplais depuis quelque temps ce magnifique spectacle, quand tout à coup j’aperçus bien loin à l’horizon une vive lumière, brillante comme de l’or. C’était la lune, qui, voilée pour nous par les nuages, laissait tomber ses rayons sur un point de la vaste mer où aucun obstacle n’interceptait sa douce clarté. En relisant hier soir neuvième chapitre d’Esaïe, j’ai pensé à cette nuit d’orage. Tout autour de lui et jusque dans les profondeurs de l’avenir, le regard inspiré de l’homme de Dieu ne rencontrait qu’obscurs nuages. Il entendait les, grondements des tonnerres prophétiques ; il voyait briller par avance les éclairs menaçants de la colère divine. L’histoire de l’humanité, pendant une longue suite de siècles, se déroulait devant lui, pleine de troubles et de ténèbres. Mais soudain, au fond des âges, il découvre un point lumineux, un point tout resplendissant d’une clarté qui vient du ciel. Alors il s’assied et il écrit ces mots triomphants : Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière, et la lumière a relui sur ceux qui habitaient dans le pays de l’ombre de la mort. (Esaïe 9.1)
Et quoique des scènes d’oppression et de violence, de tumulte et de carnage (v. 3 et 4.) se pressent confusément sous les yeux du prophète, il n’en tient pas moins son regard fixé avec espérance sur ce point brillant qui illumine l’avenir, et il annonce qu’une ère de paix, de prospérité et de bénédictions se lèvera enfin sur le monde. « Car l’enfant nous est né, s’écrie-t-il, le Fils nous a été donné, et l’empire a été posé sur son épaule, et on appellera son nom l’Admirable ! »
Mes chers auditeurs, nous vivons aujourd’hui sur les confins de ce point lumineux. Le monde a traversé de sombres tempêtes, de profondes obscurités ; maintenant la lumière commence à poindre, comme paraissent au matin les premières lueurs de l’aurore. Nous marchons vers des temps plus beaux, et, sur le soir, il y aura de la lumière (Zacharie 14.7). Les ombres et les ténèbres seront roulées comme un manteau dont on n’a plus besoin, et Dieu apparaîtra dans sa gloire pour régner sur son peuple. Mais, remarquez-le, mes frères, le brillant avenir qu’entrevoyait Esaïe devait être la conséquence du grand événement qu’il nous annonce par ces paroles : L’enfant nous est né, le Fils nous a été donné ; et si nous-mêmes nous discernons quelque lumière, soit dans nos propres cœurs, soit dans l’histoire de l’humanité, souvenons-nous que cette lumière ne procède que de Celui-là seul dont le nom est l’Admirable, le Conseiller, le Dieu fort et puissant.
La personne dont il est parlé dans notre texte est sans nul doute le Seigneur Jésus-Christ. Au point de vue de son humaine nature, il est bien, en effet, cet enfant qui nous est né ; il est né de la vierge Marie. Evidemment l’essence divine qui habitait en lui ne put pas naître d’une femme, car cette essence est éternelle ; mais comme enfant, il naquit, comme fils de l’homme, il fut donné. — L’empire a été posé sur son épaule et on appellera son nom l’Admirable. Il y a dans le monde une infinité de personnes et de choses qui ne méritent pas le nom qu’elles portent ; mais Jésus-Christ n’est point dans ce cas. Mon texte ne renferme ni panégyrique ni flatterie. Si Christ est appelé l’Admirable, c’est parce qu’il l’est. Dieu le Père ne donna jamais à son Fils un nom auquel il n’eût point droit. C’est simplement le titre que Jésus mérite, et ceux qui le connaissent le mieux seront les premiers à proclamer que, bien loin d’exagérer sa valeur, ce titre, emprunté à notre pauvre langage humain, reste infiniment au-dessous de la glorieuse réalité. Et observez, je vous prie, mes chers auditeurs, qu’il n’est pas dit seulement que le Père lui ait décerné le nom d’Admirable ; sans doute cette idée est sous-entendue dans mon texte ; mais, de plus, il est affirmé qu’il sera appelé de ce nom, c’est-à-dire qu’il le sera de siècle en siècle et de génération en génération. Aujourd’hui il est appelé l’Admirable par son peuple croyant, il l’a été dans le passé, et tant que le soleil et la lune dureront (Psaume.72.5), il y aura des hommes, des anges et des esprits glorifiés qui réaliseront la prédiction du prophète : On appellera son nom l’Admirable.
Avant d’aller plus loin, je dois dire que le mot hébreu qu’on a traduit par admirable est susceptible de diverses interprétations. Dans d’autres passages de l’Écriture, ce même mot a quelquefois été traduit par étonnant ou merveilleux ; un savant critique allemand lui donne même le sens de miraculeux. Christ est, en effet, la merveille des merveilles, le prodige des prodiges. « Il sera appelé le Miraculeux, car il est le suprême miracle de Dieu son Père. Grand est le mystère de piété ! Dieu manifesté en chair (1 Timothée 3.16)… — On peut aussi donner à ce mot le sens de séparé, mis à part. Et Jésus-Christ occupe bien, en effet, un rang à part au milieu de l’humanité. De même que Saül dépassait de la tête tous les guerriers d’Israël (1 Samuel 10.23), de même Christ domine infiniment tous les enfants d’Adam. Il a été oint d’une huile de joie au-dessus de tous ses semblables ; il est plus beau qu’aucun des fils des hommes ; la, grâce est répandue sur ses lèvres ; c’est pourquoi « on appellera son nom le Séparé, l’Unique, l’Incomparable. »
Tout en reconnaissant la valeur de ces diverses interprétations, je prends mon texte tel qu’il se trouve dans nos versions les plus répanduesa, et je vais essayer de vous démontrer, mes chers auditeurs, que Jésus-Christ est véritablement l’Admirable, dans le sens le plus absolu du mot. Pour cela ? je n’aurai recours à aucun argument de la sagesse humaine ; je me bornerai à vous rappeler très rapidement d’abord, ce que Jésus a été dans le passé ; en second lieu, ce qu’il est dans le présent, et enfin ce qu’il sera dans l’avenir.
a – La version anglaise porte l’Étonnant au lieu de l’Admirable, ce qui nous a obligé de modifier légèrement ce-tains passages de ce discours. (Note du Trad.)
Ce que Jésus a été dans le passé : tel est donc le premier point sur lequel je vous invite à fixer votre attention. Recueillez vos souvenirs, mes bien-aimés, et les concentrez un moment sur la glorieuse personne de Christ. Considérez, avant tout, son existence éternelle, « Engendré du Père avant tous les siècles, engendré et non pas fait, Dieu de Dieu, vrai Dieu de vrai Dieu, il est d’une même substance avec le Pèreb, son égal en toutes choses. Rappelez-vous que le faible enfant qui naquit à Bethléem n’était autre que le Roi des siècles, le Père d’éternité, qui était au commencement et qui sera jusqu’à la fin. Quel mystère, quel admirable mystère que cette éternelle existence de Christ ! — Quand nous rencontrons un vieillard chargé d’années, n’est-il pas vrai que nous, éprouvons un mélange de respect, de curiosité et de surprise, en songeant à la longue, carrière qu’il a fournie ? et s’il ouvre devant nous le riche trésor de ses souvenirs, avec quel intérêt nous l’écoutons ! — Mais qu’est-ce, après tout, que la vie du vieillard comparée à la vie du chêne séculaire qui lui prête son ombrage ! Longtemps avant que cet homme, aujourd’hui courbé par l’âge, eût ouvert les yeux à la lumière, l’arbre déployait largement ses verdoyants rameaux. Combien d’orages n’a-t-il pas essuyés ! Combien de rois ont paru et disparu, combien d’empires se sont écroulés depuis le temps où ce vieux chêne sommeillait encore dans le gland qui lui servit de berceau ? — Mais qu’est-ce que l’arbre lui-même comparé au sol sur lequel il croît ? Quelle longue, quelle intéressante histoire ce coin de terre pourrait nous dire ! Combien de vicissitudes n’a-t-il pas subies durant ces périodes diverses qui se sont succédé depuis le jour où Dieu créa les cieux et ta terre ! A chaque atome de ce riche terroir, qui fournit au chêne sa nourriture, est lié peut-être quelque étonnant souvenir. — Mais qu’est-ce que l’histoire du sol, comparée à celle de la couche de granit sur laquelle il repose, du rocher qui la soutient ? Oh ! qui dira les révélations que le roc pourrait nous faire, les secrets cachés dans ses entrailles ? Il existait déjà sans doute à cette époque mystérieuse où la terre était sans forme et vide, et où les ténèbres étaient sur la face de l’abîme. Peut-être a-t-il assisté à ce matin et à ce soir qui furent le premier jour, et pourrait-il nous expliquer par quelles voies inconnues le Créateur accomplit ce grand, ce sublime miracle que nous appelons le monde. — Mais qu’est-ce que l’histoire du rocher, comparée à celle de la mer qui baigne sa base, de cet Océan aux impénétrables profondeurs, que tant de navires ont sillonné depuis des siècles sans laisser une seule ride sur son front d’azur ? — Mais qu’est-ce que l’histoire de la mer elle-même comparée à celle de ce radieux firmament, étendu, comme un pavillon, au-dessus des eaux profondes ? Quelle histoire que celle de l’armée des cieux, des éternelles évolutions du soleil, de la lune et des étoiles ! Qui racontera leur genèse ? qui écrira leur biographie ? — Mais qu’est-ce encore que l’histoire du firmament comparée à celle des anges, de ces esprits célestes qui entourent le trône de Dieu ? Quel passé que le leur et quelles annales que les annales gravées dans leurs souvenirs ! Ils pourraient sans doute nous parler du jour où notre jeune terre leur apparut enveloppée dans des langes de brouillards ; de ce jour à jamais mémorable où les étoiles du malin poussèrent ensemble des cris de joie, et où tous les enfants de Dieu chantèrent en triomphe (Job.38 7) parce qu’un nouveau monde venait de naître à l’Éternel. — Mais qu’est-ce que l’histoire même des anges puissants en force, comparée à l’histoire de notre Seigneur Jésus-Christ ? L’ange n’est que d’hier et il ne sait rien ; Christ le Verbe éternel, fait des anges ses ministres et reçoit leur adoration. Oh ! chrétiens, approchez-vous donc avec respect et un saint tremblement du trône de votre grand Rédempteur ; et vous souvenant qu’il existait avant toutes choses, que toutes choses ont été faites par lui et que rien de ce qui a été fait n’a été fait sans lui (Jean.1.3), écriez-vous avec le prophète : On appellera son nom l’Admirable !
b – Symbole de Nicée.
En second lieu, mes frères, considérez le grand fait de l’incarnation, et dites-nous si, à ce point de vue également, Christ n’a pas droit à toute notre admiration. O prodige, inouï ! Quel spectacle s’offre à mes regards ? L’Éternel, le Dieu des siècles, l’Ancien des jours, Celui dont les cheveux sont blancs comme de la laine blanche et comme la neige (Apocalypse 1.14) devient un petit enfant ! Est-il bien vrai ? Anges du, ciel, n’êtes-vous point confondus ? Quoi ! cet enfant qui repose sur le sein d’une vierge, et qui se nourrit de son lait, c’est le Fils de Dieu ?… Oh ! crèche de Bethléem, tu renfermes le miracle des miracles ! Quand je t’ai contemplée, rien ne peut plus me surprendre. Parlez-moi du soleil et des grands phénomènes dont il est la source ; décrivez-moi les cieux, l’ouvrage du très Haut, la lune et les étoiles qu’il a agencées : toutes les merveilles de la nature m’apparaissent comme rien, lorsque je les compare au mystère auguste de l’incarnation de notre Seigneur Jésus-Christ. Assurément ce fut un grand spectacle que celui de Josué ordonnant au soleil de s’arrêter sur Gabaon (Josué 10.12) ; mais combien plus grand encore est le spectacle que nous présente le Fils de Dieu, paraissant s’arrêter, lui aussi, dans sa marche éternelle à travers les siècles, et voilant sa splendeur divine sous le nuage de notre pauvre humanité ! Il y a, dans les divers domaines de la science, de ces faits étranges et inexplicables dont les meilleurs esprits sont obligés de dire, après des années de méditation : « Ce sont les hauteurs des cieux, nous ne saurions y atteindre ; ce sont les profondeurs des abîmes, nous ne saurions les sonder. » Mais tous ces problèmes, je le demande, ne ressemblent-ils pas à des jeux d’enfant, quand on les compare à la venue en chair du Fils de Dieu ? Les anges eux-mêmes ne se lasseront jamais de se pencher avec extase sur cet ineffable mystère, et de redire, avec une admiration toujours croissante, la merveilleuse histoire du Fils de Dieu, qui naquit de la vierge Marie et devint le fils de l’homme. O Jésus, toi notre Dieu et notre frère, oui, tu es l’Admirable, et tu le seras jusqu’à la fin ! Tout ensemble Créateur et créature, Être infini et faible enfant, disposant de la toute-puissance et suspendu au sein d’une femme, soutenant le monde par ta force souveraine, et ayant besoin d’être soutenu par la main de ta mère ; Roi des anges et fils méprisé de Marie, héritier de toutes choses et humble charpentier, ta grande figure m’apparaît environnée d’une éblouissante, d’une inimitable auréole ! On appellera ton nom l’Admirable !
Mais suivez le Sauveur dans sa vie terrestre, et vous verrez combien, dans les diverses phases de cette vie de douleur, il justifie le nom que le prophète lui décerne. N’est-il pas admirable, en effet, quand il se soumet aux dédains et aux injures de ses ennemis ? Admirable quand, jour après jour, il permet aux taureaux de Basçan de l’environner, et à l’assemblée des gens malins de le poursuivre de leur rage ? Admirable quand, aux blasphèmes dirigés contre sa personne sacrée, il n’oppose qu’une douce et grave sérénité ? Mes frères, si vous ou moi avions possédé sa toute-puissance, n’est-il pas vrai que nous eussions mille fois pulvérisé nos ennemis ? Au lieu d’endurer en silence leurs insultes et leurs crachats, quel regard foudroyant n’eussions-nous pas laissé tomber sur eux, regard qui eût précipité leurs âmes dans les tourments éternels ! Mais lui, il entend tout, il sait tout, et il reste maître de lui-même. A la fois digne et humble, courageux et débonnaire, Lion de la tribu de Juda, et agneau muet devant celui qui le tond, il réunit dans son individualité les traits en apparence les plus opposés. Je crois de toute la puissance de mon âme que Jésus de Nazareth est le Roi du ciel, et que pourtant il fut un homme sujet aux mêmes infirmités que moi, un homme pauvre, méprisé, persécuté, calomnié ; je ne puis comprendre ce mystère, mais je le crois ; ma raison est confondue, mais je bénis mon Sauveur, je l’aime, je l’adore à cause de sa condescendance infinie ; je désire exalter à jamais son amour ; je désire répéter avec le prophète, jusque dans les profondeurs de l’éternité : On appellera son nom l’Admirable.
Mais voyez-le mourir… Venez, ô mes frères ! enfants de Dieu, assemblez-vous autour de la croix. Voyez votre Maître. Il est là suspendu au bois maudit. — Comprenez-vous cette étonnante énigme : « Dieu a été manifesté en chair et crucifié par les hommes » ?… Mon Maître, mon adorable Maître, non, je ne puis comprendre comment tu courbes ta tête auguste sous le poids d’un tel supplice ! Je ne puis comprendre comment tu as consenti à échanger le diadème d’étoiles qui, de toute éternité, ceignait ton front puissant contre la couronne d’épines ! Je ne puis comprendre comment tu as pu te résoudre à déposer le manteau de ta gloire, le sceptre de ton empire, et surtout, oh ! surtout, comment tu as souffert qu’on te revêtît de la pourpre dérisoire, puis qu’on te dépouillât de tes vêtements, comme un vil esclave ! Mais si tu es incompréhensible pour ma raison, tu es admirable pour mon cœur. Plus grand mille fois que l’amour des femmes (2 Samuel 1.26) est l’amour dont tu m’as aimé. Y eut-il jamais un amour comme ton amour, une douleur comme la douleur, un dévouement comme ton dévouement ? En toi, ô mon Sauveur crucifié, je vois tout ensemble une incomparable charité qui te porta à mourir pour moi, une incomparable puissance qui te rendit capable de soutenir le poids de la colère divine, une incomparable justice qui le fit acquiescer à la volonté du Père et satisfaire pleinement à toutes les exigences de la loi, une incomparable miséricorde qui s’étend même aux plus grands des pécheurs. On appellera son nom l’Admirable.
Mais il est mort ! il est mort ! Les filles de Jérusalem pleurent au pied de la croix sanglante où vient d’expirer le Fils de l’homme. Joseph d’Arimathée reçoit son corps inanimé. On l’emporte au sépulcre ; on l’ensevelit dans un jardin. Qui oserait encore l’appeler Admirable ? Est-ce donc là le Sauveur dès longtemps promis, le Sauveur dont les prophètes ont salué la venue avec tant de joie ? Et il est mort ! Soulevez ses mains : elles retombent inertes à ses côtés. Regardez ses pieds : n’y voyez-vous pas la marque des clous ? — « Où est maintenant votre prétendu Messie ? » s’écrie le Juif d’un ton insultant ; « où est celui que vous nommiez pompeusement l’Admirable, le Conseiller, le Dieu fort et puissant ? La mort en a fait sa proie ; dans quelques jours, il sentira la corruption. Sentinelle ! sois vigilante, de peur que ses disciples n’enlèvent son corps. » — Mais attendons. Quoi qu’en dise le Juif, Dieu ne laissera point l’âme de son Fils dans le sépulcre, et il ne permettra point que son Saint sente la corruption. Oui, Jésus est admirable jusque dans sa mort. Ce cadavre glacé est admirable. Que le Prince de la vie, le vainqueur de Satan et de l’enfer se soit laissé lier pour un peu de temps par les cordeaux du sépulcre, c’est là peut-être, dans l’histoire de Christ, ce qui confond le plus mon intelligence. Mais voici le grand, le suprême miracle qui devait couronner tous les autres. Le triomphe de la mort ne fut que passager. Ces chaînes fatales qui retiennent captifs dans la tombe des milliers innombrables de fils et de filles d’Adam, et que nul être humain n’a jamais brisées, si ce n’est par une intervention surnaturelle de la puissance divine, ces chaînes furent pour Jésus comme des liens d’étoupes. La mort croyait avoir terrassé notre Samson. Elle disait : « Je le tiens en ma puissance ; je lui ai coupé les tresses de sa force ; sa gloire s’est évanouie ; maintenant il est à moi. » Mais le Sauveur s’est ri du roi des épouvantements. Le troisième jour, il se dégage de son étreinte et sort victorieux du sépulcre, pour s’élever ensuite, triomphant et plein de gloire, vers le ciel, menant après lui une multitude de captifs et distribuant des dons aux hommes (Ephésiens 4.8). — O Sauveur tout-puissant, Agneau de Dieu vivant aux siècles des siècles, je t’admire dans ta mort, je t’admire dans ta résurrection, je t’admire dans ton ascension ! Oui, toujours et partout, tu es digne d’être appelé l’Admirable !
Mais arrêtons-nous un moment, mes chers auditeurs, et recueillons nos pensées. La rapide esquisse que je viens de faire passer sous vos yeux est bien pâle, il est vrai, et bien imparfaite ; mais ne sentez-vous pas cependant qu’il y a en elle quelque chose de souverainement admirable ? Quelles merveilles pourriez-vous comparer à celles-ci ? Peut-être vous est-il parfois arrivé, lorsque vous contempliez avec ravissement quelque grand phénomène de la nature, d’entendre quelqu’un s’écrier à vos côtés : « Ceci vous étonne-t-il ? J’ai vu des choses bien autrement surprenantes. » Ou, quand après une longue et pénible ascension, vous étiez enfin parvenus au sommet de l’un de ces pics sublimes qui semblent se perdre dans les nuages, et que, regardant à vos pieds, vous laissiez éclater votre enthousiasme, peut-être l’un de vos compagnons a-t-il murmuré à votre oreille : « J’ai vu de plus beaux spectacles que celui-ci ; des panoramas autrement vastes, autrement grandioses se sont déroulés sous mes yeux. » Mais lorsque nous parlons de Christ, nul n’a le droit de tenir un langage de ce genre. La personne et la vie de Jésus constituent, passez-moi l’expression, le point culminant de tout ce qui se peut admirer. Il n’y a point de mystère égal à ce mystère, point de prodige égal à ce prodige, point d’admiration égale à l’admiration que toute âme humaine devrait ressentir en contemplant notre Seigneur Jésus-Christ, tel qu’il nous apparaît, environné des gloires du passé.
Mais il y a plus. En général, l’admiration s’use vite : c’est un sentiment fugitif et passager ; c’est une fleur qui ne vit qu’un jour. Mais celle qui a Christ pour objet se distingue au contraire par son caractère permanent. Vous pouvez admirer Christ pendant soixante ou quatre-vingts années ; mais au terme de cette longue période, vous l’admirerez plus qu’au commencement. Mieux on connaît Christ, plus on l’admire. Abraham l’admira sans nul doute, quand il vit son jour à travers les voiles de l’avenir ; mais je ne pense pas qu’Abraham lui-même pût l’admirer autant que le fait aujourd’hui le plus petit dans le royaume des cieux, et cela parce que le moindre croyant de la nouvelle alliance connaît mieux le Sauveur que ne le connaissait le patriarche, et que l’admiration pour Christ grandit en raison de la connaissance qu’on a de lui.
Observez encore, mes chers auditeurs, que l’admiration à laquelle Jésus a droit est une admiration sans réserve. Ici-bas, vous le savez, il n’est rien qui ne présente un côté faible, vulgaire, défectueux ; les plus nobles âmes, comme les plus belles productions des arts ou des sciences, ont leurs imperfections et leurs taches. Mais en Christ, tout est grand, tout est parfait, tout commande l’étonnement et l’admiration. Sous quelque aspect qu’on l’envisage, il est l’Admirable, et il l’est dans un sens unique, exceptionnel, absolu.
De plus, on peut dire de l’admiration dont Jésus est l’objet qu’elle est universelle, en ce sens qu’elle n’est circonscrite à aucune classe, à aucune catégorie de personnes. On nous répète souvent, il est vrai, que la religion de Christ n’est bonne que pour les vieilles femmes et pour les ignorants. Je reçus un jour un singulier compliment au sujet de mon genre de prédication. On me dit (avec une intention peu bienveillante, cela va sans dire) que mes sermons conviendraient parfaitement à une assemblée de noirs. — « Dans ce cas, répondis-je, je ne doute pas qu’ils ne conviennent aussi aux blancs ; car entre les blancs et les noirs il n’y a qu’une différence de peau ; or, je ne prêche pas à la peau des gens, mais à leurs cœurs. » Et ce que je disais de moi-même, je puis le dire avec bien plus de raison de mon adorable Maître : il s’adresse à tous indistinctement, parce qu’il s’adresse avant tout au cœur. Qu’on ne nous dise donc plus que Jésus-Christ n’est admiré que par les femmes, les petits esprits et les moribonds : les plus nobles intelligences, les plus grands génies eux-mêmes se sont inclinés devant lui. Au pied de sa croix, les Locke et les Newton ont reconnu qu’ils n’étaient que des enfants. Il est certaines natures qu’il est fort difficile d’émouvoir. Les profonds penseurs et les rigides mathématiciens sont de ce nombre ; ils ne se laissent pas souvent dominer par l’étonnement ou l’enthousiasme. Et pourtant on a vu de tels hommes se prosterner jusque dans la poussière, en confessant que la grande figure de Christ les avait plongés dans une religieuse extase, dans une solennelle admiration. On appellera son nom l’Admirable.
Mais j’ai hâte d’arriver à mon second point. Si Jésus-Christ, comme nous venons de le voir, justifie le titre d’Admirable par ce qu’il a été dans le passé, le justifie-t-il par ce qu’il est dans le présent ? Telle est la question que nous allons examiner. Seulement, comme ce sujet est aussi complexe qu’immense, je ne l’aborderai que sous une seule de ses faces, et me plaçant sur le terrain de l’expérience personnelle, je me bornerai à demander à chacun de vous, mes bien-aimés : « Jésus est-il Admirable pour votre âme ? »
A ce sujet, souffrez que je vous raconte une page de ma vie intime, et, en décrivant ce qui s’est passé en moi, je suis assuré que je décrirai aussi, en quelque mesure, ce qu’ont éprouvé tous les enfants de Dieu. Il fut un temps où je n’admirais pas Christ. J’entendais louer ses charmes, mais je ne les avais point vus ; j’entendais exalter sa puissance, mais je ne la connaissais point ; tout ce qu’on me disait de lui était pour moi comme le récit de ce qui se serait passé dans un pays éloigné : je n’y prenais aucun plaisir. Mais voici qu’un jour un personnage à l’aspect sinistre et menaçant frappa à ma porte. Je m’empressai d’en tirer les verrous, puis je la tins de toutes mes forces. Peines inutiles ! L’étranger frappe à coups redoublés jusqu’à ce qu’enfin la porte cède. Il entre, et m’appelant d’une voix sévère, il me dit : Je suis porteur d’un message pour toi de la part de Dieu ; je viens te dire : tu es condamné à cause de tes péchés. Je le regardai avec étonnement et lui demandai son nom. « Je m’appelle La Loi, » me répondit-il ; ce qu’ayant ouï, je tombai à ses pieds comme mort. Quand j’étais sans la loi, je vivais ; mais quand le commandement est venu, le péché a commencé à revivre, et moi je suis mort (Romains 7.9). Mon sombre visiteur commença alors à me frapper. Il me frappa si impitoyablement, que tous mes os en furent meurtris. Mon cœur se fondit comme de la cire ; il me sembla que j’étais étendu sur un chevalet, qu’on me brisait tous les membres, qu’on me labourait les chairs avec un fer rouge. Une inexprimable angoisse régnait au dedans de moi. Je n’osais lever les yeux ; cependant, je me disais : « Tout espoir n’est pas perdu. Le Dieu que j’ai offensé se laissera peut-être fléchir par mes larmes et mes bonnes résolutions. Mais chaque fois que cette pensée traversait mon esprit, les coups de mon ennemi redoublaient de violence. Enfin, mes souffrances devinrent intolérables, et le désespoir s’empara de mon âme. Il me sembla que d’épaisses ténèbres m’enveloppaient de leurs ombres, et que des voix lugubres, des pleurs et des grincements de dents parvenaient à mon oreille. « C’en est fait ! pensai-je alors ; le Seigneur m’a rejeté pour toujours ; je suis en abomination devant ses yeux ; il m’a foulé aux pieds dans sa juste colère… Mais soudain une autre figure m’apparut, figure triste et douloureuse, mais où se peignait une tendre compassion. Je la vis se pencher sur moi, et j’entendis ces douces paroles : « Réveille-toi, toi qui dors, et te relève d’entre les morts, et Christ t’éclairera (Ephésiens 5.14). Je me levai tout surpris ; alors, me prenant par la main, l’inconnu me mena dans un lieu sombre, où s’élevait une croix ; puis il disparut de devant mes yeux. Mais, ô surprise ! je le revis un instant après, je le revis, attaché à la croix (Oui, c’était bien lui dont le sang ruisselait sur l’arbre maudit… Il fixa sur moi un regard si plein d’un ineffable amour, que mon cœur en fut comme transpercé. Je le regardai à mon tour, et au même moment toutes les plaies de mon âme furent guéries. Mes blessures furent cicatrisées, : les os brisés se réjouirent ; les haillons dont j’étais couvert furent enlevés ; mon âme devint aussi pure que les neiges immaculées des lointaines régions du Nord ; mon esprit éclatait en chants de louange, car j’étais lavé, purifié, pardonné, sauvé ! Oh ! combien j’admirai l’amour de Celui qui s’était ainsi immolé pour les pauvres pécheurs ! Combien sa grâce me parut merveilleuse ! Et ce qui me confondait plus que tout le reste, c’est que cette grâce se fût étendue jusqu’à moi ; c’est que mon céleste Ami eût été capable d’effacer des péchés aussi nombreux, des crimes aussi noirs que les miens ; c’est qu’aux orages d’une conscience accusatrice il eût fait succéder dans mon sein une paix sans mélange, et que mon âme, troublée jusque-là comme une mer en tourmente, fût devenue tout à coup aussi tranquille que la surface d’un lac, dont aucun souffle ne vient rider le limpide miroir. — Ce fut alors que pour la première fois Jésus m’apparut comme l’Admirable. — Frères et sœurs qui m’écoutez, vous qui avez éprouvé quelque chose de pareil à ce que je viens de décrire, rappelez vos souvenirs et dites si, à cette heure bénie où Jésus vous fit entendre une parole de pardon, vos cœurs ne furent pas, comme le mien, transportés d’étonnement et d’un saint enthousiasme ?
Et depuis lors, mes bien-aimés, que de fois votre Sauveur ne s’est-il pas montré admirable envers vous ? Vous avez eu à traverser des jours de tristesse, de maladie, et de deuil ; mais vos souffrances ont été légères, car Jésus s’est tenu au chevet de votre lit de douleur ; vos soucis ont été calmés car vous avez pu vous en décharger sur lui. L’épreuve qui menaçait de vous accabler n’a servi qu’à vous rapprocher du ciel, et vous vous êtes écriés : « Qu’il est admirable Celui qui a pu répandre dans mon cœur une telle paix, une telle joie, de telles consolations ! » Permettez-moi de vous faire part encore de mes expérience personnelles. Il y a quelques années, je fus appelé à boire une coupe plus amère que je ne saurais dire. Le seul souvenir des angoisses intérieures auxquelles je fus alors en butte me glace d’épouvante… Jamais personne ne vit peut-être d’aussi près que moi la brûlante fournaise de la démence sans y laisser sa raison… Il me semblait que je marchais au milieu des flammes. Une multitude de pensées affreuses torturait mon cerveau. Je n’osais regarder vers Dieu, car la prière, qui jusque-là avait été mon refuge dans la détresse, ne faisait qu’augmenter ma souffrance. Jamais je n’oublierai le moment où la paix me fut rendue. Je me provenais, rêveur et solitaire, dans le jardin d’un ami, méditant tristement sur mes douleurs, et me disant que mon fardeau était plus lourd que je ne pouvais le porter, quand tout d’un coup le nom de Jésus traversa mon esprit. Je m’arrêtai. La personne de Christ se présenta vivante aux yeux de ma foi. Au même instant, les torrents de lave qui bouillonnaient dans mon âme se refroidirent. Mes angoisses furent apaisées. Je me prosternai dans la poussière, et ce jardin qui m’avait paru un Gethsémané devint pour moi un paradis. Je ne pouvais me lasser d’admirer la puissance du nom de Jésus. Deux choses me surprenaient surtout : la première, c’était la miséricorde de mon Maître envers moi, la seconde, mon ingratitude envers lui. Aussi puis-je dire qu’à dater de ce jour j’ai mieux compris tout ce qu’il y a en lui d’admirable, et je suis heureux de déclarer publiquement ce qu’il a fait pour mon âme.
Et à vous de même, frères et sœurs, n’en doutez pas, Jésus se manifestera comme l’Admirable, aux jours de vos tribulations et de vos douleurs. Pareilles à la sombre feuille de métal que le joaillier place sous le diamant afin d’en rehausser l’éclat, vos épreuves sont destinées par le Seigneur à faire ressortir le glorieux éclat de son nom. Vous ne connaîtriez jamais les choses magnifiques de Dieu, si vous ne descendiez dans les bas-fonds de l’adversité. Vous vous souvenez des paroles du Psalmiste : Ceux qui descendent dans la mer, sur les navires, et qui font commerce sur les grandes eaux, voient les œuvres de l’Éternel et ses merveilles dans les lieux profonds (Psaumes 107). Ces paroles sont aussi vraies dans un sens spirituel que dans le sens littéral. Oui, c’est dans les lieux profonds que nous voyons le mieux les trésors de la sagesse et de l’amour divins ; c’est dans les grandes eaux de la souffrance que le fidèle reconnaît combien Jésus est admirable et puissant à sauver.
Un mot encore avant de quitter cette partie de mon sujet. — Il est des moments où l’enfant de Dieu peut s’écrier avec ravissement : « Oui, le nom de Jésus est admirable, car ce nom m’a transporté, pour ainsi dire, au milieu des réalités du monde invisible. (Je vous plains, mes bien-aimés, si vous ne connaissez rien de ces joies extatiques que je vais essayer de décrire.) Il est des moments où il semble au chrétien que les mille charmes de la vie présente n’exercent plus aucun empire sur lui : libre et heureux, il déploie ses ailes et prend son essor vers les cieux. Il monte, il monte toujours, et bientôt les douleurs de la terre ne lui apparaissent plus que comme un point à l’horizon. Il monte encore, et les joies de la terre s’évanouissent à leur tour à ses regards ; il plane au-dessus d’elles, comme l’aigle qui vole à la rencontre du soleil plane au-dessus des plus hautes cimes. L’image de son Sauveur brille devant ses yeux, et vers cette vision ineffable tendent tous ses désirs. Jésus remplit son cœur tout entier ; son âme le contemple, et le nuage qui voilait pour lui la face de son Maître semble dissipé. Alors le chrétien peut s’écrier avec saint Paul : « Si c’est en mon corps ou sans mon corps, je ne sais, Dieu le sait ! mais je suis ravi jusqu’au troisième ciel (2 Corinthiens 12.4). » Et qu’est-ce qui a produit ce ravissement ? Est-ce le son de la flûte, de la harpe, de la sambuque, du psaltérion et de toute sorte de musique (Daniel 3.3) ? Non. Qu’est-ce donc ? Seraient-ce les richesses, la renommée, les honneurs, les enivrements de la prospérité ? Pas davantage. Serait-ce une brillante intelligence, une imagination vive ? Non plus. Ces heures d’extase ont été causées uniquement par le nom de Jésus. Ce seul nom a la vertu de transporter l’âme chrétienne à des hauteurs de béatitude, voisines de ces régions fortunées où les anges jouissent d’une félicité sans nuage.
On appellera son nom l’Admirable. Quel thème inépuisable que ces paroles du prophète ! Mais le temps me presse, et je dois, avant de terminer, considérer mon texte à un troisième point de vue. Christ sera appelé l’Admirable dans l’avenir : telle est, mes chers auditeurs,
la solennelle vérité sur laquelle je désire appeler, pendant quelques instants, votre attention.
Le grand jour est venu, le jour de la colère, le jour de la justice. Le temps n’est plus. Le dernier siècle, comme la dernière colonne d’un temple qui s’écroule, vient de tomber avec fracas. L’horloge de l’humanité va frapper son dernier coup… C’en est fait ! L’heure est venue où les choses visibles doivent disparaître. Je vois les entrailles de la terre qui s’ébranlent. Les tertres des cimetières rendent les morts qui sommeillaient sous leur gazon. Les champs de bataille, engraissés par le sang humain, ne sont plus revêtus d’opulentes moissons ; une moisson d’un autre genre les couvre : une grande multitude s’élance de leur sein. L’Océan lui-même, semblable à une mère féconde, enfante à une nouvelle vie ceux qu’il avait engloutis dans ses flots. L’humanité tout entière est debout devant Dieu. Pécheurs ! vous êtes sortis de vos tombeaux. Les piliers des cieux chancellent ; le firmament s’affaisse ; le soleil, cet œil de l’univers, roule dans son orbite comme l’œil d’un insensé, et ne jette plus que de sinistres lueurs ; la lune est changée en sang. Des signes et des prodiges, tels que l’imagination ne peut les concevoir, frappent d’épouvante le cœur des hommes. Soudain, sur une nuée, apparaît quelqu’un semblable au Fils de l’homme. Pécheurs ! essayez de vous représenter votre consternation à cette vue. Où es-tu, Voltaire ? Tu as dit : « Ecrasons l’infâme ! » Viens et l’écrase maintenant. « Ah ! répond Voltaire, je ne savais pas qui j’insultais. — Et toi, Judas, avance donc ! Viens imprimer sur sa joue un baiser de traître. « Ah ! répond Judas, je ne savais pas qui j’embrassais. Je pensais donner un baiser au fils de Marie et non au Fils du Dieu tout-puissant. » — Approchez aussi, vous, princes et rois de la terre, qui avez consulté ensemble contre l’Éternel et contre son Oint, disant : « Rompons leurs liens et jetons loin de nous leurs cordes (Psaumes 2.8). » Consultez-vous maintenant contre lui et foulez aux pieds ses lois !… Oh ! mes chers auditeurs, essayez de vous représenter l’indicible mélange d’admiration, de surprise et d’effroi qui saisira les incrédules, les sociniens, les indifférents, les formalistes, quand ils verront Jésus de leurs yeux, quand ils seront témoins de sa gloire. « Tu es véritablement l’Admirable ! » s’écrieront-ils en se frappant la poitrine ; « honte à nous qui t’avons méconnu. Rochers ! tombez sur nous et cachez-nous de devant la face de l’Agneau. Mais Jésus leur dira : « Vous avez cru que j’étais semblable à l’un de vous, et vous n’avez pas voulu me recevoir comme votre Roi ; maintenant, je suis venu dans la gloire de mon Père, pour juger les vivants et les morts. »
Un jour, Pharaon conduisit son armée au milieu de la mer Rouge. Le chemin était sec, et des deux côtés s’élevaient, ainsi qu’une paroi d’albâtre, les eaux claires et étincelantes. On eût dit qu’un souffle glacial, passant sur la mer, en avait cristallisé la surface. L’armée de Pharaon s’avance dans cet étrange défilé ; mais qui dira la stupeur et l’épouvante de cette multitude, lorsqu’elle vit ces murailles d’eau s’abattre sur elle pour l’engloutir ? Tel, et plus grand encore, sera votre désespoir, ô pécheurs, lorsque ce Christ que vous méprisez aujourd’hui, ce Christ que vous repoussez comme Sauveur, ce Christ dont vous ne lisez point la Parole, dont vous profanez les sabbats, dont vous rejetez l’Évangile, lorsque ce Christ apparaîtra dans la gloire de son Père et tous ses saints anges avec lui. Alors vous reconnaîtrez qu’il est l’Admirable ; mais vous le reconnaîtrez en pâlissant d’effroi, vous le reconnaîtrez à votre éternelle confusion.
Mais il y aura peut-être, au jour du jugement, quelque chose de plus étonnant encore que la condamnation des pécheurs. Regardez là-bas. Tout est paisible, calme, serein. Quel contraste avec les scènes lugubres que nous venons de contempler ! Au lieu de gémissements, de lamentations, de cris de terreur, nous entendons une suave harmonie. Quelle est cette multitude que personne ne saurait compter ? Ce sont les rachetés de l’Agneau. Voyez-les : ils s’assemblent autour du trône. Ce même trône qui vomit la mort et la destruction sur les impies devient le centre de la lumière et du bonheur des élus. Des chants de triomphe et non des cris d’épouvanté sortent de leurs bouches. La joie et non la terreur se peint sur leurs visages. Les voyez-vous qui s’avancent, vêtus de longues robes blanches et portant des palmes à la main ? Les entendez-vous qui s’écrient : « Saint, saint, saint est l’Éternel, Dieu des armées ! Seigneur, tu es digne de recevoir la gloire, l’honneur et la puissance, car tu as été immolé et tu nous as rachetés à Dieu par ton sang ? » Ah ! pour eux aussi, pour eux surtout, Jésus est l’Admirable ; mais c’est avec transport, avec extase, avec amour, qu’ils le proclament tel, et non point comme les autres, avec regret et avec effroi. Saints du Seigneur ! vous connaîtrez pleinement les merveilles de son nom, quand vous le verrez tel qu’il est, et que vous serez rendus semblables à lui, au jour de son avènement. O mon âme, réjouis-toi d’une allégresse éternelle, car le triomphe de ton Rédempteur sera aussi le tien. Je suis indigne, il est vrai ; je suis le premier des pécheurs et le moindre de tous les saints ; toutefois, mon œil le verra et non point un autre. Je sais que mon Rédempteur est vivant, et qu’il demeurera le dernier sur la terre ; et qu’après que ma peau aura été détruite, je verrai Dieu de ma chair (Job 19.25-27). O vous tous, enfants de Dieu, tressaillez de joie, car votre délivrance approche. Vierges, tenez-vous prêtes ! Que vos reins soient ceints et vos lampes allumées. Voici l’Époux qui vient ; sortez au-devant de lui. Il vient, — Il vient, — Il vient ! et tout œil le verra ; et lorsque vous irez à sa rencontre, vous répéterez avec transport : « Oui, Seigneur Jésus, tu es l’Admirable, et tu le seras d’éternité en éternité. Alléluia ! Alléluia ! Alléluia ! »