Les édits intolérants de Constantin. — Il favorise l’Arianisme. — Athanase. — Baptême et mort de l’empereur. — Lactance.
A la suite du concile de Nicée, l’empereur, plein de haine pour l’arianisme, dans lequel il voyait un réel blasphème, prit des mesures contre lui. A la sentence d’excommunication lancée contre Arius, Théonas et Secundus, il ajouta le bannissement. Les écrits d’Arius furent condamnés au feu, et leurs receleurs à la mort. Enfin, deux mois après, Eusèbe de Nicomédie et Théognis, qui avaient signé la confession de foi et non la sentence d’anathème, furent bannis à leur tour.
Les Ariens ne souffrirent pas seuls de la défaveur de Constantin, car les évêques, qui avaient maintenant l’oreille du souverain et le pouvoir d’employer le bras séculier, en firent sentir le poids à tous ceux qu’ils considérèrent comme entachés d’hérésie. On disait, il est vrai, que l’Église, sortie saine et sauve de la tourmente, goûtait maintenant le repos et la liberté. Ce n’était là qu’une forme de rhétorique. La puissance avait changé de mains, mais on n’en cherchait pas moins à obliger les consciences à se plier à la volonté du plus fort. On persuada à Constantin qu’il fallait promulguer des lois contre les dissidents, et ce fut là une mesure plus odieuse encore que les édits de Dioclétien, puisqu’elle fut prise par des hommes faisant profession d’être les disciples du Christ. Ce qui avait déjà été fait contre les Donatistes pouvait, à la rigueur, trouver son excuse dans le fait qu’on avait choisi l’empereur comme arbitre, et dans le désir de maintenir la paix publique. Mais la législation nouvelle restait sans excuse aucune, et elle est devenue le point de départ d’une longue succession de lois intolérantes, promulguées par des souverains se donnant le nom de chrétiens, et dont la race ne s’est pas encore éteinte.
L’édit impérial commence ainsi : « Novatiens, Valentiniens, Marcionites, Paulianistes, Cataphrygiensa, apprenez par cette loi que vous professez une doctrine fausse et vaine. Ennemis de la vérité, vous provoquez, par vos conseils et par les mensonges que vous propagez, la mort des âmes ; vous abusez des consciences innocentes, et vous cachez aux fidèles la lumière de la vérité… Nous donc, pour empêcher désormais l’expansion de vos erreurs pestilentielles, nous vous défendons par cette loi de tenir aucune assemblée, soit dans des édifices publics, soit dans des maisons particulières, soit dans des lieux écartés ; nous les condamnons comme superstitieuses et factieuses. Que ceux d’entre vous qui ont souci de la vérité reviennent à l’Église catholique, car l’état florissant dans lequel nous sommes par la grâce de Dieu, comporte que, dans un âge de science et d’espérance comme le nôtre, tous soient ramenés de la voie décevante de l’erreur à la voie droite du salut… Et afin que notre sollicitude à remédier à l’erreur puisse porter de réels fruits, nous ordonnons que les lieux où se tiennent vos réunions, que tous vos temples (si ce nom peut être employé ici) hérétiques soient détruits sans délai ni opposition, et au profit de l’Église catholique. »
a – La secte gnostique des Valentiniens était la plus nombreuse. Les Marcionites tiraient leur nom de Marcion ; les Paulianistes de Paul de Samosate, dont nous parlerons ailleurs. Les Cataphrygiens étaient des Montanistes.
Il est facile de reconnaître la main d’Eusèbe dans la rédaction de cette loi. En la transcrivant dans sa Vie de Constantin, il déverse l’injure sur ceux qu’elle vise ; il les appelle des hypocrites, des chenilles, des sauterelles. Il nous informe également que beaucoup rentrèrent dans l’Église, soit d’une manière subreptice et hypocrite, à cause de la crainte qu’ils éprouvaient ; soit, au contraire, avec joie, comme ayant retrouvé leur vraie mère spirituelle. Ainsi, ajoute-t-il, les hérétiques disparurent, et l’Église ne forma plus qu’un seul et solide corpsb.
b – Liv. III, chap. 61-64.
Si exultante que soit cette affirmation d’Eusèbe, elle ne tient pas devant les faits.
Peu après la clôture du concile, l’évêque Alexandre mourut, et Athanase fut choisi par acclamation pour lui succéder, bien qu’il eût trente ans à peine. Comme Cyprien, il chercha à se dérober à ce périlleux honneur ; mais, comme Cyprien, il n’y réussit pas. Il était déjà l’âme du parti orthodoxe. A partir de son élection et pour un demi-siècle il en devient le chef reconnu et ne cesse pas de travailler à son triomphe, malgré toutes les oppositions ou ecclésiastiques ou gouvernementales. Si peu disposé que nous soyons à accepter les termes du Symbole de Nicée, nous adoptons cependant l’opinion de Neander lorsqu’il dit, à propos d’Athanase, « que, de la ferme adhésion à la doctrine de l’homoousie dépendent l’unité tout entière de la connaissance chrétienne de Dieu, l’accomplissement de la révélation de Dieu en Christ, la réalité de la rédemption et de la communion avec Dieu de l’homme régénéré par Christ. »
Nous avons déjà dit que beaucoup d’Églises d’Orient désapprouvaient l’homoousie, comme étant basée sur une conception trop matérielle de la vérité. Constantin, de son côté, ne tarda pas à subir l’influence des opinions ariennes. On ne saurait d’ailleurs lui accorder qu’une intelligence très relative des questions controversées. Sa sœur Constance, veuve de Licinius, était en relations suivies avec Eusèbe de Césarée ; elle avait aussi comme guide spirituel un prêtre arien qui la convainquit de l’injustice de la condamnation d’Arius. Comme elle avait sur son frère une grande influence, elle lui recommanda instamment, sur son lit de mort (327), ce prêtre arien, et celui-ci, auquel l’empereur accorda une confiance toujours plus grande, ne tarda pas à lui persuader que c’était moins le souci de l’orthodoxie, que des questions et des passions personnelles qui avaient motivé la décision du concile de Nicée. Constantin envoya alors un message à Arius, l’autorisant à revenir à Alexandrie, et l’assurant de la faveur impériale. De son côté Arius envoya à l’empereur une confession de sa foi en le priant de mettre un terme « à ces controverses oiseuses sur des questions purement spéculatives ». Cette confession de foi satisfit Constantin et le décida à rétablir sur leur siège épiscopal Théognis et Eusèbe de Nicomédie (328 ou 329).
Mais la réintégration d’Arius dans l’Église ne se passa pas aussi facilement que l’empereur l’avait supposé. Athanase refusa de le recevoir. Les amis d’Arius employèrent en vain les représentations, les pétitions, les menaces. Athanase resta inflexible. Constantin intervint alors et le somma, sous peine de destitution et de bannissement, de recevoir à la communion de l’Église Arius et tous les Ariens qui désireraient y rentrer. Ce fut en vain ; Athanase répondit à l’empereur que son devoir de pasteur lui interdisait absolument d’accueillir les fauteurs de doctrines erronées. Cette conduite courageuse, que Constantin lui-même ne put s’empêcher de louer, amena un temps d’arrêt. Mais les ennemis d’Athanase ne se découragèrent pas, l’accusèrent au contraire avec plus de violence, si bien qu’il se résolut à comparaître devant l’empereur à Psammathia, aux environs immédiats de Nicomédie, et à présenter lui-même sa défense (332). La dignité de sa personne et de son maintien paraît avoir imposé à Constantin. Non seulement il l’acquitta, mais il employa en parlant de lui, dans sa lettre à l’Église d’Alexandrie, l’expression « homme de Dieu ».
Alexandrie n’en resta pas moins le théâtre de troubles de toutes sortes, et il faut bien reconnaître que, dans ses efforts pour les calmer, Athanase déploya parfois plus de zèle que de discernement. En 335, Constantin était obligé d’Intervenir de nouveau. Il était alors dans la trentième année de son règne ; l’église magnifique qu’il avait fait élever sur l’emplacement du Saint-Sépulcre venait d’être terminée, et il avait invité les évêques des contrées environnantes à venir assister à sa dédicace. Désireux d’amener la paix entre Athanase et ses adversaires, il ordonna aux évêques de se réunir à Tyr, sous la présidence d’Eusèbe de Césarée, pour examiner la question. De là, ils devaient se rendre à Jérusalem. Athanase réfuta victorieusement quelques-unes des accusations extravagantes portées contre lui ; d’autres, au contraire, relevées en Egypte même par un comité composé uniquement d’adversaires, furent, paraît-il, reconnues vraies. Se voyant à la merci de juges prévenus, Athanase résolut d’en appeler à l’empereur lui-même et partit aussitôt pour Constantinople. Au moment où il arriva, accompagné de quelques prêtres, l’empereur entrait à cheval dans la ville. Athanase se présente, et l’empereur, ne le reconnaissant pas, ordonne qu’on l’écarte. Mais l’évêque persiste, se fait connaître et demande seulement que le synode qui doit le juger soit réuni à Constantinople même, pour que l’empereur puisse présider les débats. Constantin y consent, et les évêques, déjà à Jérusalem, sont invités à se rendre dans la capitale. Quelques-uns seulement obéissent. Mais les adversaires d’Athanase, au lieu de reproduire à Constantinople les accusations qu’ils avaient fait valoir à Tyr, en mettent en avant une nouvelle, d’une gravité bien plus grande. Ils affirment que l’évêque d’Alexandrie a dit qu’il était en son pouvoir d’empêcher les grands envois de grains, nécessaires à l’alimentation de Constantinople et qui, deux fois par an, partaient d’Alexandrie. L’empereur ajouta-t-il foi à une pareille accusation, ou fut-il heureux de trouver un prétexte pour se débarrasser de l’intraitable évêque ? On ne sait. Toujours est-il qu’Athanase fut exilé à Trêves (336).
Arius triomphait donc. Dans sa session à Jérusalem, le synode l’avait solennellement réintégré dans l’Église, et lui-même voulut rentrer à Alexandrie. Mais les fidèles de cette ville étaient trop attachés à leur évêque exilé, pour le laisser s’installer paisiblement. A peine est il arrivé que de nouveaux troubles commencent. Constantin l’apprend, et désirant par-dessus tout maintenir la paix, il demande des explications à Arius. Celui-ci en donne qui satisfont l’empereur ; à la demande du souverain, il envoie ensuite une nouvelle confession de sa foi et s’engage à la confirmer par serment. En réponse, Constantin décide que c’est à Constantinople même et avec toute la pompe nécessaire, qu’Arius sera réinstallé dans ses fonctions.
La cérémonie devait avoir lieu un samedi, jour de culte comme le dimanche. Mais l’évêque Alexandre, champion ardent de l’homoousie, refusa d’ouvrir les portes de l’église. Les amis d’Arius, nombreux à Constantinople, le menacèrent alors d’obtenir un ordre de l’empereur et de forcer les portes, s’il ne consentait pas à les ouvrir le lendemain. Dans sa grande perplexité, l’évêque Alexandre resta longtemps prosterné, à ce qu’on raconte, devant l’autel de son église, priant Dieu de l’ôter de ce monde, pour qu’il ne fût pas obligé d’agir contre sa conscience, ou de permettre qu’Arius fût écarté. Le soir même, Arius mourait.
Neander, IV, 35-40. — Suivant Socrate le Scholastique, Arius serait mort le dimanche matin, au moment où il se rendait triomphalement du palais impérial à l’église. Il arrivait au forum de Constantin (où se trouvait la célèbre colonne de porphyre) lorsqu’il fut pris d’un violent dérangement, accompagné d’une hémorragie, et mourut presque immédiatement. H. E., liv. I, chap. 38. Athanase dit qu’il ne mourut que le soir, « par le jugement de Dieu ». Il avait plus de quatre-vingts ans. Neander, ubi supra.
Quelque effet que la mort d’Arius ait pu produire sur l’esprit de Constantin, il ne l’amena pas à des sentiments plus doux vis-à-vis d’Athanase. Il rejeta avec mépris toutes les pétitions qui lui furent envoyées d’Alexandrie en faveur d’un évêque bien-aimé, et il ne parla plus désormais d’Athanase que comme d’un prélat orgueilleux, turbulent, obstiné et intraitable. Ce ne fut que l’année suivante et sur son lit de mort, qu’il consentit à le rappeler, malgré tous les efforts d’Eusèbe de Nicomédiec.
c – Milman, II, 382, 383. Suivant d’autres historiens, ce furent les fils de Constantin qui autorisèrent le retour d’Alhanase. Waddington, I, 202. Mosheim, I, 422 et 582 (trad. de Félice).
Constantin était tombé malade au moment où il partait pour une expédition contre la Perse. Sentant sa maladie mortelle, il demanda enfin à recevoir le baptême, qu’il avait si longtemps différé. On en était venu, dit Stanley, à attacher au baptême « une signification à peu près analogue à celle que les païens attachaient aux purifications et aux ablutions de leurs cultes. On y voyait une expiation et un effacement de tous les péchés antérieurs. Constantin donc, en partie par suite de craintes superstitieuses, en partie pour prendre ses précautions en vue de la vie future, après avoir tiré librement parti de la vie présente, se fit baptiser au dernier moment, de façon à couvrir tout le passé possible et à n’avoir devant lui que l’avenir le plus restreint. » Il fit à genoux, dans l’église des Martyrs, une confession de ses péchés, puis se retirant dans son palais, au faubourg de Nicomédie, il convoqua les évêques, et leur dit que son intention avait été de recevoir le baptême dans le Jourdain, comme le Sauveur, mais que Dieu, dans sa sagesse, en avait décidé autrement. Il les priait donc de ne point différer davantage. Aussitôt, il quitta son vêtement de pourpre, et la cérémonie fut accomplie ; puis, vêtu de blanc, il revint au palais et se coucha sur son lit royal en attendant sa fin.
Étant ainsi, comme le dit Eusèbe dans son style de courtisan, « le premier de tous les empereurs à être régénéré par la nouvelle naissance du baptême, il s’écria, dans l’enthousiasme de la foi : Je sais maintenant que je suis heureux et que je jouirai de la vie éternelle en présence de Dieu. » Et plus tard, lorsque les officiers de son armée, autorisés à l’approcher, déploraient sa fin prochaine, il leur répondit : « qu’il venait seulement de commencer à vivre et qu’il était impatient d’aller au ciel. » Il mourut en 337, dans la soixante-quatrième année de son âge et la trente et unième de son règne.
[Eusèbe ne trouve pas un mot de blâme pour le retard apporté par Constantin à son baptême. — En 314, le concile de Néo-Césarée déclarait indignes ceux qui, par superstition, différaient leur baptême (canon 12). Cependant, jusqu’au ve siècle, cette habitude ne disparut pas. A partir de ce moment-là, elle disparut peu à peu à mesure que le baptême des enfants devenait plus universel. Schaff, p. 484.]
La nouvelle de la mort de Constantin causa d’universels regrets. « L’armée en deuil ressemblait à un troupeau privé de son pasteur, et l(on voyait le peuple parcourir la ville en poussant des cris de douleur et en versant des larmes. » Le corps fut enveloppé dans une étoffe d’or, couvert d’un manteau de pourpre et porté à Constantinople. Il fut déposé sur un lit d’or, entouré de cierges dans des chandeliers d’or et exposé durant plusieurs jours. A Rome, Constantin fut mis au rang des dieux comme ses prédécesseurs, et on offrit de l’encens à sa statue. A Constantinople, il s’était préparé lui-même un tombeau dans la magnifique église qu’il avait fait bâtir, et l’avait placé entre douze piliers élevés en l’honneur des douze apôtres. C’est là qu’il fut enseveli, et l’Église, en reconnaissance de ses actes, le canonisa ainsi que sa mère, l’impératrice Hélène, sous le nom pompeux des Isapostoles, ou égaux aux apôtres.
[L’église des Apôtres (Ἅγιοι Ἀπόστολοι). Ce monument, après avoir été profané et pillé par les Latins, tomba peu à peu en ruines. Mahomet II le détruisit entièrement lors de la prise de Constantinople en 1453, et fit bâtir sur l’emplacement la mosquée qui porte encore son nom. — Dict. Christ. Biog., art. Constantinus, I, 1, p. 633 ; Stanley, p. 220 ; Murray, Handbook for Turkey. — Le sarcophage de l’impératrice Hélène est au Vatican, dans la salle de la Croix Grecque. Il est, avec le sarcophage de Constantin, le plus grand sarcophage connu en porphyre rouge d’Egypte. Les hauts-reliefs qui le couvrent représentent une bataille, la capture de prisonniers et les portraits d’Hélène et de Constantin.]
Sarcophage d’Hélène, musée du Vatican.
La ville de Constantinople est un monument durable du génie de Constantin. Son choix, comme capitale de l’empire, est aussi remarquable que celui des bouches du Nil, par Alexandre, pour l’établissement d’un centre commercial. Au reste, la fondation de la ville n’eut point lieu sans une intervention miraculeuse analogue à celle qui avait précédé la défaite de Maxence. Mais l’empereur pensait-il au Dieu de Romulus ou au Dieu de David ? C’est ce qu’il serait téméraire de décider. Suivi d’une procession solennelle, Constantin traça, une lance à la main, le circuit de la ville future. Comme on s’étonnait de voir les milles succéder aux milles sans que l’empereur s’arrêtât, ceux qui l’accompagnaient lui demandèrent jusqu’où il pensait aller. « J’avancerai, répondit-il, jusqu’au point où celui qui marche devant moi jugera bon de s’arrêterd. » Bien que, à en croire l’empereur, la ville nouvelle dût être une ville chrétienne, le monde païen fut appelé à contribuer à sa splendeur. Les villes de Grèce, d’Asie et même d’Italie durent, au grand chagrin de leurs habitants païens, envoyer les statues de leurs divinités tutélaires. A la cérémonie même de l’inauguration, l’empereur, monté sur un char magnifique, portait une statue en or de la Fortune. A vrai dire, d’un bout à l’autre de sa vie, la religion de Constantin paraît avoir été un singulier mélange de christianisme et de paganisme.
d – Philostorgius, H. E., liv. II, chap. 9.
[La colonne de porphyre dont nous avons déjà parlé vient en fournir une preuve. Enlevée à un temple d’Héliopolis (ou d’Ilion), elle était surmontée, originairement, par une statue du Dieu-Soleil, qu’on remplaça par celle de Constantin, avec l’inscription : A Constantin, brillant comme le soleil. Dans la colonne, on mit un fragment de la vraie croix ; au pied, le Palladium de Rome ou tout au moins une reproduction exacte de cette célèbre statue de Pallas, tombée du ciel, dit-on, portée de Troie en Grèce et de Grèce à Rome. Dict. Christ. Biog., art. Constantinus I, 1, 632.]
En 326, lors de l’anniversaire de la bataille du lac Régille, il ne se borna pas à refuser de prendre part à la procession faite ce jour-là, mais il s’en moqua ouvertement, tandis qu’elle défilait devant lui. Ce sont ces mépris, tout autant que l’abandon de Rome, qui le firent haïr des citoyens de cette ville et la rendirent, pour quelque temps, plus païenne encore qu’auparavant. On assure que, vers la fin de son règne, le philosophe Sopater, disciple de Jamblique, prit sur lui un réel ascendant. En tous cas, les grands crimes domestiques qu’il commit prouvent que sa profession de la foi chrétienne fut loin de déterminer toujours sa conduite.
Si pourtant on veut porter sur le caractère de Constantin un jugement impartial, il faut ne pas perdre de vue qu’il fut le premier empereur chrétien. Quoi d’étonnant, dès lors, qu’héritier de traditions païennes, lié en tous sens par l’administration civile de ce vaste empire, il ait pu parfois obéir à ces traditions, tandis que, dans d’autres circonstances, il se laissait guider par des motifs plus élevés ? On dit que, comme général, il savait user de la victoire avec modération et s’attirer la reconnaissance des peuples conquis. Dans les affaires ecclésiastiques, son intervention, quelque regrettable qu’elle ait été, et bien qu’on ait lieu de la supposer provoquée, peut-être uniquement, par des raisons politiques, fut toujours le résultat d’un désir sincère de maintenir la paix et la prospérité de l’Église. Le discours qu’il prononça en ouvrant le concile de Nicée et la part qu’il y prit comme président étaient dignes, on doit le reconnaître, d’un empereur chrétien.
Nous avons déjà parlé de Lactance comme nous ayant donné un récit de la persécution de Dioclétien. Il fut aussi, paraît-il, investi de l’important office de conseiller, dans les grands travaux de législation entrepris par Constantin, et de celui de précepteur de Crispus, fils de l’Empereur. Disciple d’Arnobe, de Sicca, il devint chrétien jeune encore, et mourut à Trêves entre 325 et 330.
Lactance professait cette excellente opinion que la violence ne doit pas être employée pour soutenir le christianisme. « Défendre la religion, dit-il, par l’effusion du sang, la torture et le crime, ce n’est pas la défendre, mais la profaner et la souiller. Rien ne dépend plus que la religion de la libre volonté. Si le cœur de celui qui rend un culte y répugne, ce n’est plus un culte réel. La vraie manière de défendre la religion est de se montrer patient jusqu’à la mort dans la souffrance. Ainsi on plaira à Dieu par sa fidélité, et on donnera un plus grand crédit à la véritée. »
e – Institutionum div., liv. V, chap. 20.
Son expérience personnelle lui avait montré la vérité du mot de Tertullien : le sang des chrétiens est une semence pour l’Église. « Beaucoup, dit-il, ont fui le culte des dieux en haine de la cruauté… D’autres se sont sentis attirés au christianisme par la vertu et la foi des chrétiens. D’autres encore suspectent le culte de leurs divinités, en voyant tant d’hommes préférer la
mort au mal qu’ils trouvent à s’y conformer. D’autres, enfin, veulent connaître ce bien, qu’on sait défendre jusqu’à la mort et qu’on préfère à tout ce que la vie peut offrir d’agréable ; auquel on ne veut renoncer à aucun prix, dût-il coûter la fortune et la vie et exposer aux afflictions et aux tortures. »
Bien que le gouvernement fût devenu chrétien, les barbaries du cirque ne cessèrent pas de longtemps. Lactance ne se borne pas à condamner les combats de gladiateurs ; il va plus loin et insiste sur l’inviolabilité absolue de la vie humaine. Peut-être même dépasse-t-il la mesure. « Quand Dieu nous défend de tuer, dit-il, il ne nous défend pas seulement les violences manifestes, mais il veut nous mettre en garde contre certains actes réputés licites dans la société. Un homme pieux ne saurait ni prendre part à la guerre, ni accuser quelqu’un de crime capital ; car, du moment où l’action même de mettre à mort est condamnée, qu’importe que ce soit par l’épée ou par la parole ? A ce précepte divin, il n’y a et ne peut y avoir aucune exception : il est toujours illicite de provoquer la mort de cette créature à qui Dieu a fait le don sacré de la vie. »
Monnaie de Constantin.
La légende de l’obvers est : Fl[avius] Val[erius Constantinus P[erpetuus] F[elix] Aug[ustus]. Flavius Valerius Constantin, Immortel, Heureux, Auguste. Au revers, l’empereur est représenté avec un casque et debout sur la proue d’une galère. De la main droite il tient un globe surmonté d’un phénix rayonnant. Cet emblème, adopté par sa famille, indiquait la rénovation de l’empire. De la main gauche il tient le labarum. Derrière lui est l’ange de la Victoire qui le dirige. Les mois de la légende sont : Fel[ix] Temp[orum] Reparatio, L’heureuse rénovation des temps. Les lettres PT signifient Pecunia Trevirorum, monnaie de Trèves (ou Prima tarracone, première monnaie de Tarragone). — Cette monnaie est en cuivre. (Tiré de Walsh, Essay on Ancient Coins.)