Combien peu pouvaient posséder des Bibles si chères ! Si un prêtre voulait lire la Bible, il fallait qu’il en empruntât un exemplaire à la bibliothèque d’un couvent, et pour l’emprunter, il devait fournir une caution, parfois fort élevée. Ainsi, en 1284, le recteur d’un village du diocèse d’Évreux met « tous ses biens meubles et immeubles, présents et futurs, ecclésiastiques et mondains », en gage d’une Bible estimée 50 livres tournois (4000 € actuels), qu’il a empruntée à des religieux Augustins. Et en revanche, on voit la Bible servir de gage. En 1457, l’Université de Caen emprunte une somme de 90 francs (valeur actuelle, 2115 €) à la Faculté des Arts, sur une Bible, quatre volumes de Saint-Augustin, et le Catholicon, qu’elle abandonne comme hypothèque.
Ceux qui avaient le plus facilement accès à la Bible, c’étaient les étudiants de Paris. L’Université de Paris avait arrêté, en 1303, le tarif auquel les libraires devaient louer des livres aux étudiants. La location du texte de la Bible était limité à 5 sous (22.5 €). On faisait mieux encore. Le concile de Paris, en 1212, avait rappelé aux religieux que le prêt gratuit est une œuvre de miséricorde et que les moines doivent prêter les livres cum indemnitate domus (avec indemnité de logement) aux pauvres écoliers. Aussi le prêt gratuit de la Bible était largement pratiqué dans les couvents. La règle des Augustins contenait des dispositions particulièrement libérales en vue de ces prêts de Bibles aux étudiants. Un couvent d’Augustins, à Paris, celui de Saint-Victor, possédait plusieurs Bibles que lui avaient données ou léguées divers personnages à l’intention « des pauvres clercs, étudiants en théologie ». L’une de ces Bibles portait sur la garde ces mots : Nota pauperibus (destinée aux pauvres). A la Sorbonne et à l’Église Notre-Dame, il y avait également des Bibles données ou léguées à l’usage des étudiants. La règle des Dominicains (au chapitre : des étudiants) obligeait chaque province de l’ordre à pourvoir les frères envoyés à l’Université « de trois livres au moins, savoir, la Bible, les histoires écolâtres, et les sentences ».
Il y eut mieux encore. En 1409, des livres saints étaient prêtés aux prisonniers détenus dans les prisons du chapitre de Notre Dame.
On voit que la pensée qui a présidé à la création des Sociétés bibliques est très ancienne, et que déjà au moyen âge elle recevait une application restreinte, mais touchante.
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