La résurrection du Christ eut lieu le troisième jour après sa mort. Elle eut lieu sans que le sépulcre s’ouvrît. Car de même que Notre-Seigneur a pu sortir du ventre de sa mère sans que celui-ci s’ouvrît, de même qu’il a pu entrer auprès de ses disciples sans que la porte s’ouvrît, de même il a pu se relever de son sépulcre sans que celui-ci s’ouvrît. On lit à ce propos, dans l’Histoire scholastique, que, l’an du Seigneur 505, un moine de Saint-Laurent-hors-les-Murs eut un jour la surprise de voir sa ceinture se projeter devant lui sans être dénouée ni rompue ; et qu’il entendit, au même moment, une voix lui disant : « C’est ainsi que le Christ a pu sortir de son sépulcre sans que celui-ci s’ouvrît. »
Le Christ est ressuscité avec son corps propre et réel.
Nous avons, de cela, cinq preuves : 1° la parole de l’ange, qui ne saurait mentir ; 2° les fréquentes apparitions du Christ ; 3° le fait qu’il a mangé avec ses disciples ; 4° le fait qu’il s’est laissé toucher, ce qui prouve que son corps était véritable ; 5° le fait qu’il a montré ses cicatrices, ce qui prouve que ce corps était le même qui avait subi la passion. Et toutes ces preuves nous portent à croire que les disciples ont eu des doutes sur la réalité de la résurrection corporelle du Christ.
Saint Denis rapporte, dans son épître à Démophile, que le Christ, après son Ascension, est apparu à un saint homme nommé Carpe et lui a dit : « Je suis prêt à souffrir de nouveau pour le salut des hommes. » C’est ce même Carpe qui, voyant un chrétien perverti par un infidèle, en eut tant de chagrin qu’il en devint malade. C’était un homme d’une telle sainteté, que jamais il ne célébrait la messe sans être honoré d’une vision divine. Et comme il devait prier pour la conversion des deux infidèles, il ne pouvait s’empêcher de demander en même temps que le feu du ciel s’abattît sur eux et mît fin au scandale de leur vie. Or, à minuit, pendant qu’il exprimait ce vœu, la maison où il était lui apparut divisée en deux ; et au milieu était une immense fournaise, tandis qu’au-dessus, dans le ciel ouvert, Jésus trônait entouré de la multitude des anges. Puis, tout près de la fournaise, vinrent se placer en tremblant les deux infidèles ; des serpents s’efforçaient, en les mordant et en les entourant, de les entraîner, de force, dans la fournaise ; et il y avait là des hommes qui les y poussaient aussi. Et Carpe fut si ravi de ce châtiment qu’il oublia de regarder la vision supérieure, regrettant seulement que les deux pécheurs tardassent aussi longtemps à tomber dans la fournaise. Or lorsque enfin il se décida à relever la tête, il vit que Jésus, ayant pitié des deux malheureux, se levait de son trône céleste, descendait vers eux avec la multitude des anges, leur tendait la main, et les sauvait de la fournaise. Après quoi Jésus dit à Carpe : « Frappez-moi encore, je suis prêt à souffrir de nouveau pour sauver les hommes ! »
Le Christ ressuscité est apparu cinq fois le jour même de sa résurrection, et cinq fois encore durant les jours suivants : 1° il apparut d’abord à Marie-Madeleine, afin de montrer qu’il était mort pour sauver les pécheurs ; 2° il apparut ensuite aux femmes qui revenaient du tombeau ; 3° il apparut ensuite à Simon, mais sans qu’on sache où ni à quel moment ; 4° il apparut ensuite aux disciples allant à Emmaüs ; 5° il apparut aux disciples réunis ; 6° le jour de l’octave de sa résurrection, le Christ apparut aux disciples réunis, en présence de Thomas, qui avait dit qu’il ne croirait que quand il verrait ; 7° il apparut à ses disciples occupés à pêcher le poisson ; 8° il leur apparut sur le mont Thabor ; 9° il leur apparut pendant qu’ils étaient couchés dans le cénacle, et les blâma de leur crédulité et de la dureté de leur cœur ; 10° enfin il leur apparut sur le mont des Oliviers au moment de son ascension.
Et il y a encore trois autres apparitions qui nous sont rapportées comme s’étant produites le jour de sa résurrection, mais, de celles-là, les textes saints ne font point mention : 1°il apparut à Jacques, fils d’Alphée, ainsi qu’on le trouvera exposé dans l’histoire de ce saint ; 2°d’après l’Évangile de Nicodème, il apparut à Joseph d’Arimathie. Nous lisons, en effet, dans cet évangile que les Juifs, en apprenant que Joseph avait réclamé le corps de Jésus et l’avait placé dans son monument, s’emparèrent de lui et l’enfermèrent dans une chambre soigneusement scellée, avec l’intention de le mettre à mort après le sabbat ; et voilà que Jésus, la nuit même de sa résurrection, fit soulever par quatre anges la maison où était enfermé Joseph, s’approcha de celui-ci, lui donna un baiser, et, l’emmenant avec lui, le reconduisit dans sa maison d’Arimathie ; 3°enfin on croit généralement que le Christ est apparu, en premier lieu, à la Vierge Marie. Les évangélistes, en vérité, n’en disent rien ; mais si l’on devait interpréter leur silence comme une négation, on devrait en conclure que, pas une seule fois, le Christ ressuscité ne serait apparu à sa mère.
On sait que, dans l’intervalle de sa passion et de sa résurrection, le Christ est descendu dans les limbes, pour y faire sortir les saints Pères qui y attendaient sa venue. L’Évangile ne nous donne aucun détail sur cette descente aux limbes ; mais nous en trouvons un récit, d’ailleurs très sujet à caution, dans l’évangile de Nicodème. D’après ce livre, deux fils du vieux Siméon, Carin et Leucius, ressuscitèrent avec le Christ, et se montrèrent à Anne, à Caïphe, à Nicodème, à Joseph d’Arimathie et à Gamaliel. Et comme on leur demandait ce que le Christ avait fait, aux enfers, ils répondirent : « Pendant que nous étions plongés dans les ténèbres, en compagnie de nos pères les patriarches, soudain une lumière d’or et de pourpre nous a environnés. » Aussitôt Adam, le père du genre humain, s’est écrié joyeusement : « Cette lumière est celle de l’auteur de toute lumière, qui nous a promis de nous envoyer sa lumière éternelle ! » Puis Isaïe s’est écrié : « Ceci est le Fils de Dieu, lumière du Père, de même que je l’ai prédit de mon vivant, quand j’ai dit que le peuple, qui marchait dans les ténèbres, verrait une grande lumière. » Puis est survenu notre père Siméon qui a dit : « Glorifiez le Seigneur, que j’ai tenu enfant dans mes mains, et de qui j’ai dit, sous la dictée de l’Esprit-Saint : maintenant mes yeux ont vu cela. » Puis est survenu un ermite qui nous a dit : « Je suis Jean, qui ai baptisé le Christ, et lui ai préparé les voies, et qui l’ai désigné du doigt en disant : voici l’Agneau de Dieu ! Je suis descendu ici aujourd’hui pour vous annoncer que le Christ va bientôt venir près de vous. » Puis Seth dit : « Comme je me rendais aux portes du paradis, pour prier Dieu de me transmettre, par son ange, un peu d’huile de l’arbre de miséricorde, afin que j’en oignisse le corps de mon père Adam, l’ange Michel m’apparut et me dit que je ne pourrais pas avoir de cette huile avant que se fussent écoulés cinq mille cinq cents ans. » Ce qu’entendant, tous les patriarches et prophètes furent remplis de joie ; mais Satan, prince de la mort, dit à l’enfer : « Prépare-toi à recevoir Jésus, qui se glorifie d’être le Fils de Dieu, et qui cependant craint la mort, car il a dit que son âme était triste jusqu’à la mort, etc. Il a rendu l’ouïe à bien des hommes que j’avais faits sourds, et remis sur leurs pieds bien des hommes que j’avais faits boiteux. » À quoi l’enfer répondit : « Si tu es puissant, quel homme est donc ce Jésus, qui, tout en craignant la mort, résiste à ta puissance ? » Et Satan : « Je l’ai tenté, j’ai excité le peuple contre lui, j’ai aiguisé la lance qui l’a transpercé, je lui ai mêlé du fiel et du vinaigre, j’ai préparé le bois de sa croix. D’un instant à l’autre, il va mourir, et je te l’amènerai. » L’enfer lui répondit : « Au nom de ton pouvoir et du mien, je te conjure de ne pas me l’amener ici, car j’ai eu déjà à reconnaître la toute-puissance de sa parole, et je n’ai pas pu l’empêcher, tout récemment encore, de m’enlever Lazare. » Au même instant, une voix haute comme le tonnerre s’est fait entendre, qui disait : « Enfer, relève tes portes, car voici que va entrer le roi de gloire ! » À ces mots, les démons accoururent et fermèrent les portes d’airain avec des barres de fer. Et David s’écria : « N’ai-je point prédit que le Seigneur briserait les portes d’airain ? » De nouveau, la voix retentit et dit : « Enfer, relève tes portes ! » Puis le Roi de gloire entra ; et tendant sa main, il prit la main d’Adam et lui dit : « Paix à toi et à tous les justes d’entre tes fils ! » Puis il sortit des enfers, et tous les saints le suivirent. Jésus remit ensuite Adam à l’archange Michel, qui le fit entrer au paradis. Et comme nous y entrions tous, nous vîmes venir à nous deux vieillards, dont l’un nous dit : « Je suis Enoch, et mon compagnon est Élie, qui s’est élevé jusqu’ici dans un char de feu. Tous deux, nous n’avons pas encore goûté de la mort, car nous sommes destinés à attendre la venue de l’Antechrist, à combattre avec lui, à être tués par lui, et, le troisième jour, à être élevés dans les nuages. » Pendant qu’Énoch parlait, survint un homme qui portait une croix sur ses épaules ; et il leur dit : « J’étais un larron, et, étant crucifié près de Jésus, j’ai cru en lui, et l’ai prié de se souvenir de moi dans le royaume de son Père. Alors il m’a répondu que, aujourd’hui même, je serais avec lui dans le paradis. Et il m’a dit que si l’on refusait de me laisser entrer, le signe de cette croix suffirait à me faire ouvrir les portes. En effet, on vient de m’admettre ici, et de m’indiquer ma place sur le côté droit du paradis. » Et lorsque Carin et Leucius eurent dit cela, soudain ils se transfigurèrent, et on ne les revit plus.