Les protestants (nous pouvons maintenant leur donner ce nom dont l'usage devint presque général, même dans les pièces ecclésiastiques), les protestants qui étaient restés dans le royaume furent encore en butte aux dragonnades, après l'édit de révocation, chaque fois qu'ils essayaient de relever la tête. Ceux de la principauté d'Orange et du pays Messin, qui avaient espéré d'en être garantis par leur position privilégiée, eurent à subir les mêmes violences. On n'épargna que les luthériens de l'Alsace, qui étaient fort nombreux, et protégés d'ailleurs par de récentes conventions diplomatiques.
A Paris, on garda quelque mesure, de peur de troubler, comme nous l'avons déjà dit, les fêtes et le repos de Louis XIV. Néanmoins, quatre jours après la révocation, le temple de Charenton fut démoli jusqu'à la dernière pierre, et les membres du troupeau reçurent l'ordre de se ranger sans délai à la religion du roi.
Comme ils ne se pressaient point d'obéir, on emprisonna par lettres de cachet les principaux anciens. Puis le marquis de Seignelay manda à son hôtel une centaine de notables, et leur enjoignit, en présence du procureur général et du lieutenant de police La Reynie, de signer immédiatement un acte de réunion. Plusieurs s'étant récriés contre cette brutale façon d'agir, on ferma les portes sur eux, et on leur dit avec de sévères menaces qu'ils ne sortiraient point jusqu'à ce qu'ils eussent obéi. Ignoble guet-apens, acte de violence et d'extorsion, plus digne d'un bandit de la Calabre que d'un secrétaire d'Etat, fils du grand Colbert.
Tous les protestants de France étaient tenus, aux termes de l'édit, d'envoyer leurs enfants à l'école catholique et au catéchisme. Une nouvelle ordonnance prescrivit d'enlever à ceux qui étaient soupçonnés de faire profession de la religion réformée les enfants de cinq à seize ans, et de les confier à des parents catholiques, ou de les placer ailleurs. Mais cette loi dépassait la mesure du possible. Il n'y avait pas en France assez de collèges, de couvents et d'hôpitaux pour recueillir tant de victimes. On se borna donc à mettre la main sur les enfants des riches qui pouvaient payer une pension alimentaire, et en particulier sur les jeunes filles. Ces odieux enlèvements se reproduisirent pendant une grande partie du siècle, et beaucoup de familles en ont conservé le douloureux souvenir.
On fit la guerre aux livres en même temps qu'aux personnes. Les commandants reçurent l'ordre de visiter les maisons des religionnaires, avec l'index de l'archevêque de Paris dont nous avons parlé, et de se saisir des écrits suspects. Ces perquisitions, renouvelées d'intervalle en intervalle, ont anéanti un grand nombre d'ouvrages précieux jusqu'au dernier exemplaire. La Bible même, la Bible surtout, fut confisquée et brûlée avec acharnement.
Les prêtres manquaient pour donner des instructions régulières à cette multitude de prétendus convertis. On y employa des capucins et autres gens de même espèce, grossiers, impudents, sans lettres, et quelques-uns sans mœurs. Ils n'excitèrent parmi les protestants que mépris et dégoût. Des enfants leur fermaient la bouche par leurs objections, et les personnes d'âge mûr s'enracinèrent dans leur aversion pour une Église qui se servait de pareils ministres.
Il fallut recourir à de nouvelles rigueurs pour arracher des actes de catholicité. Les curés faisaient l'appel des frères réunis qui étaient placés sur des bancs à part, et les malheureux qui n'assistaient pas à l'office ou à la communion étaient exposés à un sévère châtiment. Les soldats prêtaient main-forte à cette inquisition, et quelques intendants, ou des traitants qui ne voulaient pas rendre aux religionnaires les biens qu'on leur avait pris, établirent dans les paroisses des inspecteurs, qui devaient examiner si les nouveaux convertis allaient régulièrement à la messe, comment ils s'y comportaient, s'ils pratiquaient la communion pascale, et observaient fidèlement les commandements de l'Église. On en était revenu au régime du neuvième et du dixième siècle, et l'on agissait avec des Français comme le firent les Jésuites pour les sauvages du Paraguay. C'en était trop ; Louis XIV fit écrire en secret aux intendants de ne plus intervenir à ce point dans les actes de la vie privée.
Malgré les rigueurs des lois, et en quelque manière à cause de cette rigueur même, de toutes parts les protestants se relevaient et reparaissaient. Pleins d'horreur pour le catholicisme qu'ils avaient feint d'embrasser sous le sabre des dragons, et maudissant la loi qui, par un infâme sacrilège, leur ordonnait de prendre la communion dans l'Église romaine, quoiqu'ils ne crussent point à son dogme, la honte, le remords, le besoin d'expier la faute qu'ils avaient commise, tout servit à ranimer leur énergie. Ils tinrent des assemblées dans les déserts, au sommet des montagnes, au fond des ravins, et se promirent, au nom de Dieu, de vivre et de mourir dans la foi réformée.
L'opposition se manifesta en particulier dans le bas Languedoc, le Vivarais et les Cévennes qui offraient des retraites presque inaccessibles au pied du soldat. C'est là que vont se concentrer désormais les principaux faits de notre histoire. Dans les commencements de la Réforme française, le premier rang appartenait aux provinces voisines de Paris. Ensuite vint le tour du Béarn, du Poitou, de la Guyenne et de la Saintonge. Maintenant la Réforme ne se tient debout, pour ainsi dire, que sur les pics des montagnes du Languedoc. Les autres provinces du Midi suivirent le mouvement, mais plus tard et avec un moindre éclat. Le Centre, l'Ouest et le Nord s'enfermèrent longtemps dans le silence du culte domestique.
On remarquera aussi que les assemblées des protestants, à la fin du dix-septième siècle et à l'entrée du dix-huitième, offrirent un trait frappant de ressemblance avec celles des premiers jours de Farel et de Calvin ; car elles ne possédaient guère que des petits et des pauvres. Les paysans des Cévennes donnaient la main aux artisans de Meaux. Les nobles, les riches avaient abjuré, ou cherché un asile sur la terre étrangère, et ceux qui n'avaient ni fui ni succombé se tenaient presque tous à l'écart. De 1559 à 1685, la Réforme française compta de grandes familles qui lui apportèrent peut-être moins de vie religieuse que de passions politiques ; après la révocation, elle alla se retremper dans les masses populaires, et y reprit une force, un dévouement, une constance qu'elle ne connaissait plus.
A la nouvelle de ces assemblés, quelques pasteurs rentrèrent en France, et comme ils ne suffisaient pas à la tâche, ils se firent assister par des personnes auxquelles on donna le nom de prédicants. C'étaient des laboureurs, des journaliers, des pâtres, qui, sans autre préparation que la ferveur de leur zèle, se levaient dans les réunions, et de l'abondance du cœur adressaient aux assistants de pieuses exhortations. Il en résulta quelques désordres de croyance et de conduite dont nous aurons à parler.
En apprenant que les prétendus convertis recommençaient à célébrer leur culte, le roi, ses ministres et les Jésuites en ressentirent des accès de colère qui ne respectaient plus rien. C'était de la frénésie. Peine de mort fut prononcée, au mois de juillet 1686, contre les pasteurs qui étaient revenus en France ; peine des galères perpétuelles contre ceux qui leur prêteraient secours, asile ou assistance quelconque ; récompense de cinq mille cinq cents livres à qui prendrait ou ferait prendre un ministre ; enfin peine de mort contre ceux qui seraient surpris dans une assemblée. On se demande comment de la cour polie de Louis XIV a pu sortir cette loi qui aurait fait honte à des cannibales.
Les soldats se mirent de tous côtés à traquer les religionnaires : ce fut, selon l'expression de Voltaire, une chasse dans une grande enceinte. Le marquis de la Trousse, neveu de Mme de Sévigné, qui commandait dans les Cévennes, battait continuellement le pays avec un corps de troupes. Quand il entendait les protestants prier ou chanter des psaumes, il faisait tirer sur eux comme sur des bêtes sauvages. Ces pauvres gens étaient sans armes ; ils ne se défendaient point ; les plus animés jetaient des pierres en fuyant ; et s'ils ne pouvaient échapper, ils attendaient la mort à genoux, en levant les mains au ciel, ou en s'embrassant les uns les autres. Le véridique et intègre pasteur Antoine Court dit qu'on lui a fourni une liste exacte des assemblées massacrées en divers lieux, et qu'il y eut des rencontres ou trois à quatre cents personnes, vieillards, femmes, enfants, restèrent mortes sur la place.
Au temps des Albigeois ou des massacres de Mérindol, on en aurait fini avec ces assemblées en tuant tout, en écrasant le dernier enfant sur la pierre du foyer paternel. Au temps de Louis XIV, les mœurs étaient déjà moins barbares que les lois ; on n'osait frapper qu'à demi, et après de cruelles effusions de sang, il fallut s'arrêter.
Ce pas rétrograde ne fut pas le seul. Quand les réformés étaient sur leur lit de mort, ne craignant plus les supplices des hommes, et redoutant le jugement de Dieu, ils refusaient de recevoir les sacrements de l'Église. Il s'ensuivit une nouvelle loi non moins atroce que les précédentes, mais qu'il fut impossible d'exécuter longtemps. Galères à perpétuité ou réclusion à vie, avec confiscation des biens, pour les malades qui en reviendraient après avoir repoussé le viatique ; et s'ils n'en revenaient pas, vengeance contre leurs cadavres qui devaient être traînés sur la claie et jetés à la voirie.
Rulhières dit que, pour obtenir la signature de Louis XIV, on lui persuada que cette loi serait simplement comminatoire. En quelques lieux cependant, elle fut appliquée par les prêtres et la lie du peuple, et la terre de France fut souillée de spectacles hideux.
Certains protestants appelaient d'eux-mêmes le curé, à leurs derniers moments, pour constater leur refus des sacrements de l'Église, parce qu'ils y voyaient une réparation à faire devant Dieu et devant les hommes. Alors les cadavres ou des lambeaux de cadavres étaient traînés dans les rues, à travers les ruisseaux au milieu des hurlements d'une populace forcenée : scène si horrible qu'aux environs de Calais un bourreau prit la fuite pour ne pas y participer, et qu'on dut le faire revenir par la crainte du supplice. Ailleurs on força les protestants mêmes à traîner les corps de leurs frères. L'un d'eux tomba en faiblesse, et ayant été tué par un soldat, il fut jeté sur la même claie. Des gardes étaient ensuite placés auprès des cadavres, afin d'empêcher les familles de les enlever et de leur creuser une fosse à l'écart.
On avait de nouveau franchi la limite du possible sous le règne de Louis XIV. Tous les honnêtes gens, catholiques aussi bien que réformés, se récrièrent d'horreur ; et sans révoquer formellement la loi, on ordonna aux intendants de ne l'exécuter que dans les cas extrêmes. Le secrétaire d'Etat pour les affaires ecclésiastiques leur écrivit, le 5 février 1687, que sa Majesté se relâchait en quelque façon de l'exécution de l'ordonnance. « A l'égard de ceux, disait-il, qui, en mourant, font de pareilles déclarations (le refus des sacrements) par un simple motif d'opiniâtreté, et dont les parents témoignent le désapprouver, il sera bon de ne pas relever la chose et de ne point faire de procédure. Pour cet effet, Sa Majesté trouve à propos que vous fassiez entendre aux ecclésiastiques qu'il ne faut pas que, dans ces occasions, ils appellent si facilement les juges pour être témoins, afin de ne pas être obligé d'exécuter la déclaration dans toute son étendue. Ceci s'appliquait aux curés qui, le viatique en main, se faisaient escorter de juges et d'huissiers, et enflammaient les passions de la populace.
Ainsi, les difficultés éclatèrent au moment où l'on espérait de les avoir toutes surmontées. Il n'y avait qu'un parti à prendre, puisqu'on ne pouvait plus égorger un million de Français : c'était de revenir sur ses pas ; mais on n'en eut point le courage, malgré les conseils de Vauban qui, dès l'an 1686, avait osé prononcer le mot de rétractation, et l'on flotta entre l'impossibilité de vaincre et la honte de se démentir.
Les prisons regorgeaient ; les galères étaient remplies. Comme on ne savait que faire de tant de forçats, on en déporta un grand nombre en Amérique, où ils périrent presque tous misérablement. Parmi ceux qui restèrent sur les chiourmes de l'Etat, ou qui furent condamnés au dernier supplice, quelques-uns offrirent de grands exemples de fidélité et de persévérance. Jurieu les a recueillis dans ses Lettres pastorales, publiées de quinze en quinze jours immédiatement après la révocation. Nous ne pouvons lui emprunter que deux ou trois faits, et encore en les abrégeant beaucoup.
Un ancien capitaine de la marine marchande, Elie Neau, avait été envoyé au bagne de Marseille pour avoir tenté de s'expatrier. Là il devint missionnaire et prédicateur. Il exhortait ses frères, les consolait et leur servait de modèle. « Je ne veux, » écrivait-il à son pasteur réfugié en Hollande, « aucun mal à ceux qui m'ont attaché à la chaîne. Au contraire, en pensant me faire du mal, on m'a fait un grand bien ; car je conçois à présent que la véritable liberté consiste à être affranchi du péché. »
L'aumônier catholique, voyant qu'il fortifiait ses compagnons d'infortune, le traita de pestiféré, d'empoisonneur, et protesta même qu'il ne dirait plus la messe tant que cet homme serait sur la galère. Elie Neau fut donc enfermé dans un cachot de la citadelle en 1694.
Il y resta plusieurs années, privé de soleil, d'air, et souvent de nourriture, couvert d'un sac, un bonnet de galérien sur la tête, ne pouvant point recevoir de livres, pas même de livres catholiques, et cependant il écrivait à son pasteur : « Si je vous disais qu'au défaut de la lumière du soleil de la nature, le soleil de la grâce fait briller ses divins rayons dans nos cœurs (il avait deux compagnons dans son cachot) ! … Il est vrai qu'il y a souvent de fâcheux moments, et qui sont terribles à la chair ; mais Dieu est toujours près de nous pour lui imposer silence, et pour en adoucir l'amertume par son infinie bonté. »
Elie Neau fut remis en liberté avec d'autres victimes de la foi protestante par l'intervention du roi d'Angleterre. On se souvient que la France avait déjà subi une pareille honte sous le règne de Henri II[b].
[b] Voir l'Histoire abrégée des souffrances du sieur Elie Neau sur les galères et dans les cachots de Marseille. Rotterdam, 1701.
Les prédicants et les pasteurs n'avaient à attendre que la mort. Ni pardon ni pitié n'existaient pour eux. Le premier qui fut mené au supplice était un jeune homme de Nîmes, nommé Fulcran Rey. Il venait d'achever ses études théologiques, et n'avait pas encore reçu la consécration pastorale. Il, se mit à prêcher, comprenant, dit Jurieu, « que, quand la maison brûle, tout le monde doit mettre la main à l'œuvre pour éteindre le feu. » Rey avait eu soin d'écrire une lettre d'adieu à son père, sachant qu'il n'échapperait pas longtemps aux persécuteurs. Il fut, en effet, vendu par un misérable, et arrêté dans la ville d'Anduze.
On usa de promesses en même temps que de menaces pour le faire changer de religion. Les prêtres, les juges, l'intendant lui annonçaient les plus grandes faveurs, s'il voulait abjurer, et un supplice terrible, s'il ne le voulait pas. Tout se brisa contre sa fidélité. Rey avait d'avance accepté le martyre. Il ne demanda qu'une seule chose : c'était de n'être pas mis en présence de son père et de sa mère, de peur que le cri de la nature ne le fît défaillir.
Quand on lui lut la sentence qui le condamnait à être pendu, après avoir été appliqué à la question, il dit : « On me traite plus doucement qu'on n'a traité mon Sauveur, en me condamnant à une mort si douce. Je m'étais préparé à être rompu ou à être brûlé. » Et, levant les yeux au ciel, il rendit grâces à Dieu.
Ayant rencontré sur le chemin de l'échafaud plusieurs de ceux qui avaient abjuré, et les voyant fondre en larmes, il leur adressa de fraternelles exhortations. Il voulait confesser sa foi du haut du gibet. « Mais on craignit, dit encore Jurieu, une prédication prononcée d'une telle chaire et par un tel prédicateur, et l'on avait disposé autour de la potence plusieurs tambours auxquels on ordonna de battre tous à la fois. » Fulcran Rey mourut à Beaucaire, le 7 juillet 1686, à l'âge de vingt-quatre ans.
Etonnantes vicissitudes des choses humaines ! Qui eût dit à Louis XIV, que son arrière-petit-fils, un roi de France, aurait aussi la voix étouffée par des tambours, sur l'échafaud ? Princes, gardez-vous de donner à vos sujets le spectacle de supplices atroces. Vous êtes hommes comme les autres, et de mauvais jours peuvent se lever sur vos têtes !
Le plus célèbre des martyrs de cette époque, celui qui a laissé les plus longs souvenirs d'admiration et de douleur dans le cœur des populations protestantes, fut Claude Brousson. Né à Nîmes en 1647, il avait pratiqué au barreau de Castres et de Toulouse. Tant qu'il put défendre devant les tribunaux la cause des Églises opprimées, il ne chercha point d'autre vocation ; mais quand on lui ferma la bouche comme avocat, il la rouvrit comme prédicateur. On lui proposa en vain une place de conseiller au parlement, s'il changeait de religion : la conscience de Claude Brousson n'était pas de celles qui se vendent.
Il se fit consacrer au saint ministère dans les Cévennes, au bruit de la mitraille qui semait la mort dans les rangs de ses frères ; et depuis lors, n'ayant pour abri que des roches sauvages, les bois ou quelque chaumière isolée, il annonça sans relâche la parole de l'Évangile. Quand il était serré de trop près, il quittait la France ; puis il y rentrait, rappelé par le cri de son âme et par les gémissements des peuples. Sa femme, ses amis essayèrent plus d'une fois, mais en vain, de le retenir.
On mit sa tête à prix en 1693, et cinq cents louis de récompense furent offerts à qui le livrerait mort ou vif. Brousson ne répondit à cet atroce proclamation que par une apologie simple et calme adressée à l'intendant de la province.
Le même esprit pénètre ses sermons, qui parurent à Amsterdam, en 1695, sous ce titre : La manne mystique du désert. Il semble que des discours composés par un proscrit sous un chêne de la forêt ou sur la pierre d'un torrent, et prononcés dans des assemblées où l'on relevait souvent des morts, comme sur un champ de bataille, devraient être empreints d'une ardente et sombre exaltation. Rien de pareil dans cette manne mystique. L'orateur a un langage plus modéré, plus débonnaire que celui de Saurin dans la paisible église de La Haye ; il ne fait voir dans les persécutions que la main de Dieu, et n'est véhément que lorsqu'il censure ses auditeurs.
Claude Brousson fut enfin arrêté à Oloron, dans le Béarn, en 1698, et transféré à Montpellier. Il aurait pu fuir en traversant le canal du Midi : il ne le fit point, pensant que son heure était venue. Dans son interrogatoire, il accepta sans aucune difficulté les accusations qui touchaient à l'exercice de son ministère, mais il désavoua, dans les termes les plus énergiques, un reproche absolument faux : celui d'avoir conspiré pour introduire en France le maréchal de Schomberg à la tête d'une armée étrangère.
Le 4 novembre, il monta sur l'échafaud, et sa voix fut étouffée par le roulement de dix-huit tambours. « J'ai exécuté plus de deux cents condamnés, » disait le bourreau quelques jours après ; « mais aucun ne m'a fait trembler comme M. Brousson. » Quand on le présenta à la question, le commissaire et les juges étaient plus pâles et plus tremblants que lui, qui levait les yeux au ciel en priant Dieu. Je me serais enfui, si je l'avais pu, pour ne pas mettre à mort un si honnête homme. Si j'osais parler, j'aurais bien des choses à dire sur lui ; certainement, il est mort comme un saint. »