Histoire des Protestants de France – Tome 1

4.4.
La guerre des Camisards. – Exaltation religieuse. – Les inspirés. – Obéissance à l’esprit. – Les chefs Roland et Cavalier. – Caractères et mœurs des Camisards. – Mauvais succès du comte de Broglie. – Cruautés du maréchal de Montrevel et de Bâville. – Arrivée du maréchal de Villars. – Conférence avec Cavalier. – Fin de la guerre.

Cette dernière lutte armée de la Réforme française ne peut se comparer à aucune de celles qui l’avaient précédée. L’amiral Coligny et Henri de Navarre avaient derrière eux des provinces entières et la moitié de la noblesse du royaume. Le duc de Rohan était encore un chef redoutable, un habile capitaine qui livrait avec ses gentilshommes des combats réguliers. Ici ce sont de pauvres paysans, n’ayant d’armes que celles qu’ils ont enlevées à leurs ennemis, n’entendant rien à l’art de la guerre, et réduits à vendre chèrement leur vie derrière les buissons et les rochers de leurs montagnes. Ils n’ont point de nobles à leur tête ; ils n’ont pas même la bourgeoisie des plaines et des villes ; ce sont les plus petits qui donnent leur sang et meurent autour du drapeau sur lequel ils ont écrit : Liberté de religion.

Les Camisards se laissèrent diriger par des hommes qu’ils tenaient pour inspirés ou prophètes. Un nouveau converti, moitié abbé, moitié faiseur de comédies, et qui mêlait bizarrement à ses pièces de théâtre des livres de controverse, Brueys, a versé l’ironie et le fiel sur ces prophètes dans son Histoire du fanatisme. D’autres écrivains catholiques l’ont copié. L’évêque Fléchier lui-même poursuit les inspirés du Languedoc de ses froides et dures antithèses.

Rulhières est plus juste ; il a la bonne foi d’accuser de ces aberrations d’esprit les persécuteurs des Cévenols. « Oublions-nous donc, dit-il, qu’on avait abattu leurs temples, livré leur pays à la licence du soldat, enlevé leurs enfants, rasé les maisons de ceux qu’on appelait opiniâtres, fait expirer sur la roue les plus zélés de leurs pasteurs ? On avait cependant négligé de les instruire de notre religion » (t. II, p. 278).

Telles furent, en effet, les causes de ces extases ou inspirations désordonnées : le manque de conducteurs spirituels et d’écoles, les spoliations, les souffrances, l’appareil des supplices, la crainte continuelle du bagne et du gibet-. L’esprit de ces infortunés s’exalta, et, ne trouvant plus aucun appui sur la terre, ils crurent aisément qu’ils recevaient des communications surnaturelles d’en-haut.

Cette exaltation religieuse commença dans le Vivarais dès le lendemain des dragonnades et de la révocation. La quatrième lettre pastorale de Jurieu, datée du 15 octobre 1686, rapporte qu’un homme de Codognan crut avoir une vision, et entendre une voix qui lui disait : « Va consoler mon peuple. » Dans le Béarn et ailleurs, des gens simples s’imaginèrent qu’ils avaient entendu dans les airs le chant des psaumes, et assisté à des apparitions miraculeuses.

Peu après se leva Isabeau Vincent, la bergère du Dauphiné, jeune fille de seize à dix-sept ans, ne sachant ni lire ni écrire. Elle eut des extases. « Les cinq premières semaines, dit Jurieu, elle ne parla durant ses extases que le langage de son pays, parce qu’elle n’avait pour auditeurs que les paysans de son village. Le bruit de ce miracle s’étant répandu, il y vint des gens qui savaient parler et qui entendaient le français. Alors elle se mit à parler français, et un français aussi exact que si elle avait été à Paris dans les maisons où l’on parle le mieux. Elle fait des prières qui sont admirables et excellentes. Ses mouvements ne sont point violents. Elle remue les lèvres, mais peu, et sans aucune apparence de convulsion[c]. »

[c] Lettres pastorales, t. III, p. 60.

Il y eut alors comme une contagion morale qui se répandit dans tout le Vivarais et le Languedoc. On y compta les prophètes ou illuminés par centaines. C’étaient des gens du peuple qui n’avaient guère lu que la Bible ; ils en citaient de nombreux passages, et en faisaient de continuelles applications. Ils invoquaient surtout les textes des livres prophétiques de l’Ancien Testament et de l’Apocalypse. Des enfants même reçurent ces inspirations, et ils y persistaient malgré les rigueurs de leurs parents que l’on rendait responsables de ces étranges phénomènes.

L’extase avait quatre degrés : l’avertissement, le souffle, la prophétie et le don, ou l’inspiration à sa plus haute puissance. Ces illuminés, on n’en peut douter, étaient de bonne foi. Ils croyaient les premiers à l’Esprit dont ils se disaient animés, et lui obéissaient sans réserve, sans partage ni délai, dussent-ils marcher à une mort certaine.

Cet Esprit, à les entendre, les rendait meilleurs. « Les personnes qui avaient reçu les grâces, disent-ils, quittaient incontinent tout espèce de libertinage et de vanité. Quelques-uns qui avaient été débauchés devinrent d’abord sages et pieux, et tous ceux qui les fréquentaient devenaient aussi plus honnêtes et menaient une vie exemplaire. Cet Esprit nous donnait l’horreur de l’idolâtrie, le mépris du monde, la charité, la consolation intérieure, l’espérance, la joie du cœur et sans mélange[d]. »

[d] Théâtre sacré des Cévennes.

Les chefs des camisards furent désignés par l’Esprit. Ils s’en croyaient remplis eux-mêmes, et c’est ce qui fit leur courage, leurs triomphes, leur constance dans les grandes extrémités. Fallait-il réunir les bandes éparses, fixer un point d’attaque, choisir un jour de combat, reculer, avancer, découvrir des traîtres et des espions, épargner des prisonniers ou les mettre à mort, ils interrogeaient l’Esprit : partout et en toutes choses ils pensaient marcher sous l’immédiate et souveraine direction du ciel.

L’un de ces camisards, Elie Marion, le raconte avec simplicité dans le Théâtre sacré des Cévennes : « Nous n’avions ni force ni conseil, mais nos inspirations étaient notre secours et notre appui. Ce sont elles qui ont élu nos chefs et qui les ont conduits ; elles ont été notre discipline militaire. Ce sont elles qui nous ont suscités, nous la faiblesse même, pour mettre un frein puissant à une armée de plus de vingt mille hommes d’élite. Ce sont elles qui ont banni la tristesse de nos cœurs au milieu des plus grands périls, aussi bien que dans les déserts et les trous des rochers, quand le froid et la faim nous pressaient. Nos plus pesantes croix ne nous étaient que des fardeaux légers, à cause que cette intime communion que Dieu nous permettait d’avoir avec lui nous soulageait et nous consolait ; elle était notre sûreté et notre bonheur » (p. 80 et suiv.).

A quoi tiennent les jugements des hommes, et des plus éclairés comme des plus ignorants ? Ces inspirations ces voix intérieures rappellent, trait pour trait, le langage et l’histoire de Jeanne d’Arc. Le phénomène religieux est absolument le même. Mais Jeanne d’Arc a délivré la France, et les Cévenols ont été vaincus. L’une a presque des autels ; les autres sont généralement traités d’insensés et de fanatiques. Si les Anglais avaient triomphé au quinzième siècle, la bergère de Vaucouleurs ne serait aussi pour les historiens qu’une pauvre paysanne égarée par de folles hallucinations.

Roland et Cavalier furent les deux principaux chefs des Cévenols : le premier, plus convaincu, plus ferme, plus inaccessible aux séductions, celui qui resta jusqu’au bout les armes à la main, le vrai type des camisards, quoiqu’il ait obtenu moins de célébrité ; le second, plus habile, plus aventureux, plus brillant, brave entre les braves, le héros de l’épopée guerrière. Tous deux s’appuyaient, comme Olivier Cromwell, sur l’autorité de l’inspiration, et jamais commandants militaires ne furent mieux obéis.

Les soldats s’appelaient enfants de Dieu, peuple de Dieu, troupeau de l’Éternel, et donnaient à leurs chefs les noms de frère Roland, frère Cavalier. C’était l’égalité, la fraternité jointe à la discipline la plus rigoureuse.

Ils exercèrent de sanglantes et cruelles représailles contre leurs persécuteurs, prêtres ou soldats ; néanmoins l’Esprit qu’ils interrogeaient leur faisait habituellement relâcher les prisonniers dont ils n’avaient pas reçu de mal. Ils punissaient très sévèrement ceux d’entre eux qui commettaient sans nécessité des meurtres ou des actes de déprédation. Point de querelles, de jurements, d’ivrognerie parmi eux. Toutes leurs provisions étaient en commun. Leurs ennemis les ont accusés d’avoir mené une vie licencieuse, parce qu’il y avait des femmes dans leur camp : c’étaient les femmes, les mères, les filles des camisards, qui venaient préparer leur nourriture et prendre soin des blessés.

Ils avaient des cavernes pour magasins et pour hôpitaux. Ils s’habillaient avec les dépouilles des soldats de l’armée royale, et se faisaient des balles avec les cloches des églises et les ustensiles des presbytères. Ils ne possédaient d’argent que ce qui leur était fourni par quelques villageois presque aussi pauvres qu’eux, ou ce qu’ils en ramassaient sur les champs de bataille ; mais ils savaient s’en passer.

Chaque bande avait son prédicateur, et, comme les puritains d’Angleterre, ils consacraient de longues heures à des exercices de religion. « Quoique dans la semaine le camp fût souvent appelé à prier en commun, le dimanche pourtant était le jour du Seigneur, destiné aux réunions publiques, aux prières générales. Deux jours à l’avance, les prophètes faisaient prévenir les bourgades voisines du lieu de l’assemblée. A l’aurore, les peuples arrivaient et se mêlaient aux enfants de Dieu. Un prophète montait sur un rocher qui servait de chaire ; un second orateur lui succédait puis un troisième, et d’homélie en homélie, de prière en prière, de cantique en cantique, cette multitude insatiable atteignait insensiblement le soir. Alors le peuple reprenait le chemin de ses bourgades, et les camisards celui de leur camp[e]. »

[e] M. N. Peyrat, Histoire des pasteurs du Désert, t. II, p. 513-514. L’auteur a recueilli avec soin et raconté d’une manière vive et intéressante les principaux faits de la guerre des Cévenols.

Leur nombre n’a jamais été au delà de dix mille. Mais ils entretenaient de secrètes intelligences avec toute la population des nouveaux convertis. Les pâtres et les laboureurs employaient des signes convenus pour les avertir de l’approche des troupes, et lorsqu’ils étaient obligés de fuir, les camisards avaient des retraites assurées. C’était une guerre de guérillas, avec des surprises ou des rencontres de quelques centaines d’hommes de part et d’autre. Vainqueurs, ils profitaient du succès pour tenir des assemblées auxquelles assistaient tous les huguenots du voisinage ; vaincus, ils se réfugiaient dans des gorges impénétrables. Ils essuyaient le premier feu, un genou en terre, en chantant le psaume soixante-huitième : Que Dieu se montre seulement, etc. ; puis, se précipitant sur l’ennemi ; ils combattaient avec l’acharnement du désespoir, sachant bien qu’on ne leur ferait ni quartier, ni grâce, et préférant au supplice de la potence ou de la roue la mort du soldat.

La guerre des camisards dura de 1702 à 1704. Le comte de Broglie, beau-frère de Bâville, et lieutenant général du roi dans le Languedoc, ordonna d’horribles dévastations sans réussir à étouffer la révolte. Ses mauvais succès le firent rappeler en 1703, et la cour le remplaça par le maréchal de Montrevel, brave militaire, mais ignorant et présomptueux, qui se flatta aussi de venir à bout des insurgés par la terreur des exécutions.

Louis XIV fut trompé pour cette guerre comme il l’avait été sur la conversion des protestants. Ceux qui lui avaient promis que la révocation ne coûterait pas une goutte de sang craignaient de lui faire connaître la grandeur du mal. Montrevel fut envoyé dans le Languedoc par un subterfuge, le jeune duc du Maine, à qui on avait fait la leçon, ayant demandé, comme une marque d’honneur, un maréchal de France pour commander les troupes dans la province dont il était gouverneur. Mme de Maintenon disait à ce propos : « Il est inutile que le roi s’occupe des circonstances de cette guerre ; cela ne guérirait pas le mal, et lui en ferait beaucoup. » Et un secrétaire d’Etat écrivait à l’intendant de la province : « Prenez garde de donner à ceci l’air d’une guerre sérieuse. »

A peine arrivé en Languedoc, le maréchal de Montrevel publia deux ordonnances où la peine de mort était prononcée, non seulement contre ceux qui seraient pris les armes à la main, mais encore contre les personnes qui leur donneraient des vivres, des retraites ou une assistance quelconque. Il annonça que pour chaque catholique tué, il ferait pendre deux ou trois religionnaires, et que les villages des nouveaux convertis, dans lesquels aurait péri un prêtre ou un soldat, seraient immédiatement brûlés.

Les massacres ne se comptaient plus. Gibets, échafauds, bûchers même étaient en permanence. On arrêta tous les suspects. Des populations entières furent enfermées sous les verrous. On enleva les parents des rebelles pour les punir, les notables de chaque endroit pour servir d’otages, les jeunes gens de peur qu’ils n’allassent grossir les bandes des camisards, et quand les prisonniers étaient trop nombreux, on s’en défaisait par le bourreau.

Les catholiques furent invités à se réfugier dans les villes, et la campagne fut impitoyablement dévastée. Comme l’œuvre de la destruction n’allait pas assez vite avec le mousquet, le sabre et la hache, Montrevel fit mettre le feu aux habitations des paysans. La contrée, si florissante avant la révocation, devint un vaste et morne désert.

Le 1er avril 1703, dimanche des Rameaux, environ trois cents personnes étaient réunies dans un moulin près de Nîmes, pour y célébrer leurs offices religieux. Montrevel en est instruit ; il se lève de table, prend une troupe de soldats, court au lieu de réunion, ordonne d’enfoncer les portes, de tout égorger, et la lenteur du carnage irritant son impatience, il livre le moulin aux flammes. Tous, tous périrent, excepté une jeune fille qui avait été sauvée par l’humanité d’un laquais du maréchal. Elle fut pendue le lendemain, et son libérateur même eût été mis au gibet sans l’intercession de quelques religieuses.

En racontant cette atroce tuerie, l’évêque Fléchier dit avec un grand sang-froid : « Cet exemple était nécessaire pour arrêter l’orgueil de ce peuple. » Prêtres et nobles, vous vous plaignez des exécutions de 93, et vous avez raison ; mais vous en aviez donné l’exemple, et les cruautés des hommes de la Terreur n’ont jamais surpassé les vôtres.

A côté des troupes régulières, Montrevel forma des compagnies de volontaires catholiques, sous le nom de cadets de la Croix ou de camisards blancs, par opposition aux huguenots, qu’on appelait camisards noirs. Ces nouveaux croisés furent encouragés par une bulle de Clément XI, qui leur accorda rémission générale et absolue de leurs péchés, à condition qu’ils extermineraient les hérétiques des Cévennes, race maudite sortie de la race exécrable des Albigeois.

Les cadets de la Croix furent bientôt dissous par leur propre parti. C’étaient des pillards qui, n’ayant aucune discipline, et ne respectant pas même l’Église dont ils se disaient les défenseurs, se jetaient indistinctement sur les catholiques et sur les huguenots, pourvu qu’ils eussent quelques dépouilles à emporter.

Loin de triompher par son système de terreur, Montrevel ne fit qu’augmenter le nombre de ses ennemis. Les Cévenols, réduits au désespoir, n’ayant plus rien à perdre, et aussi maltraités quand ils restaient chez eux que lorsqu’ils prenaient les armes, se précipitèrent en foule dans les rangs des camisards. Les détachements de Montrevel furent battus coup sur coup, dans l’hiver de 1703 à 1704, à Nages, aux roches d’Aubais, à Martignargues, au pont de Salindres, et le maréchal fut rappelé.

On commençait à s’inquiéter sérieusement de cette guerre à Versailles. La Hollande et l’Angleterre s’étaient mises en communication avec les insurgés, et promettaient de leur envoyer des secours. Si une flotte étrangère avait paru sur les côtes des provinces méridionales, elle aurait pu décider le soulèvement général des religionnaires du Languedoc, du Vivarais, du Dauphiné, de la Guyenne, jeter dans le cœur du royaume cinquante mille combattants, et porter un coup terrible à la fortune déjà si abaissée de Louis XIV. La cour le comprit, et le maréchal de Villars, envoyé à la place de Montrevel, eut l’ordre d’essayer des voies de douceur.

Bientôt après, quelques chefs des camisards, ayant éprouvé de grandes pertes, se montrèrent aussi disposés à entrer en arrangement. Ils demandaient, comme première condition, la liberté de conscience et de culte : Villars ne répondit sur ce point que par des phrases équivoques. Les historiens protestants disent que le maréchal accepta la condition ; les catholiques, Fléchier en tête, le nient. Il est difficile de démêler la vérité dans ces assertions contradictoires.

Ce qui n’est pas contestable, c’est que pendant les négociations entre le duc de Villars et Cavalier, les camisards tinrent des assemblées publiques à Calvisson, chantant des psaumes, priant, prêchant au milieu d’un concours innombrable de protestants.

L’entrevue du maréchal avec l’ancien garçon boulanger eut lieu dans le jardin des Récollets, aux portes de Nîmes, le 16 mai 1704. « C’est, » écrivait Villars au ministre de la guerre, « un paysan du plus bas étage, qui n’a pas vingt-deux ans et n’en paraît pas dix-huit, petit et aucune mine qui impose, mais ayant une fermeté et un bon sens surprenants. Il a beaucoup d’arrangement pour ses subsistances, et dispose aussi bien ses troupes que des officiers bien entendus pourraient le faire. Du moment que Cavalier a commencé à traiter jusqu’à la fin, il agit toujours de bonne foi. »

Cavalier reçut le brevet de colonel, se rendit à Versailles où il fut froidement accueilli, et soupçonnant qu’il n’y était pas en sûreté, il alla prendre du service dans les armées étrangères. Il mourut gouverneur de l’île de Jersey, avec la réputation d’un bon officier et d’un homme de bien.

L’autre chef des camisards, Roland, voulut continuer la lutte. A toutes les propositions d’arrangement, il répondait : « Je ne me jetterai pas à la gueule du lion. » Un traître le vendit pour cent louis à l’intendant, et, après une résistance désespérée, il tomba. Quelques-uns de ses lieutenants essayèrent encore de rallumer cet incendie mal éteint. On voit jusqu’en 1715 d’audacieux partisans agiter les Cévennes ; mais leurs tentatives, qui n’étaient pas sans courage, furent sans éclat.

Telle fut la fin de la Vendée protestante. Elle eut de frappantes analogies avec la Vendée catholique. Des deux côtés la conscience opprimée et la religion foulée aux pieds mirent les armes à la main des peuples. Cathelineau, le voiturier, fut le chef des Vendéens, comme le garçon boulanger Cavalier fut celui des Cévenols. Le maréchal de Villars et le général Hoche ne parvinrent l’un et l’autre à pacifier la révolte que par la modération. Mais les Vendéens avaient dans leur camp la noblesse et le clergé ; les camisards n’eurent avec eux ni gentilshommes ni pasteurs. Les premiers soutenaient sans le vouloir, à côté du grand principe de la liberté religieuse, la cause des anciens privilèges ; les seconds ne combattirent que pour la liberté religieuse toute seule, et leur sang ne fut pas inutilement versé.

La guerre des camisards, sur laquelle on peut exprimer des opinions diverses que nous n’avons pas à examiner ici, eut ce double effet, de rassurer les protestants, qui revinrent presque tous à leur ancien culte, et d’inspirer à la cour de Versailles de salutaires appréhensions. Les hommes que la justice et le respect des consciences n’arrêtaient point craignirent, dans tout le reste du dix-huitième siècle, de pousser à bout les intrépides montagnards qui s’étaient une fois redressés sous la hache du bourreau.

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