En Inde, comme partout, les pionniers de la mission ont donné la première place à la traduction de la Bible. Citons seulement le fameux « trio de Serampore » : Carey, Marshman et Ward, eux aussi des géants, comme Morrison et Schereschewsky, car, à eux seuls, ils publièrent des traductions fragmentaires de la Bible en plus de quarante langues. Quel effort ! Et quelle conviction de la nécessité de donner, le plus tôt possible, la Bible aux indigènes !
Les langues parlées en Inde sont au nombre de 153. Nous disons bien les langues, et non les dialectes. Ce sont, en effet, des langues qui diffèrent l’une de l’autre au moins autant que le français diffère de l’espagnol. 45 millions d’hommes parlent le bengali ; plus de 25 millions, le telinga ; plus de 18 millions, le marathi ; plus de 16 millions, le tamoule ; 18 millions, le canara, et 100 millions environ l’hindoui, dans l’une ou l’autre de ses formes.
La Société britannique publie, pour l’Inde, la Bible entière en dix-sept langues, parmi lesquelles les six que nous venons de nommer. Elle en publie des fragments plus ou moins étendus en soixante et une autres, parlées par environ 225 millions d’hommes. Restent soixante-quinze langues, parlées par environ 70 millions d’Hindous, dans lesquelles la traduction de la Bible n’a pas encore été commencée.
L’œuvre biblique se poursuit en Inde par environ 140 colporteurs et 400 dames-colporteurs. Celles-ci travaillent en particulier dans les zénanas, où sont enfermées les veuves hindoues, de tout âge, exclues à tout jamais, en tant que veuves, même de la vue d’un homme. Chaque année, les dames-colporteurs enseignent à lire à plus de 2000 femmes. Quelle transformation la lecture, surtout la lecture de la Bible, apporte dans de telles existences ! L’activité de la femme de la Bible ne se borne pas aux zénanas. Même dans la famille, la femme hindoue mène une vie d’isolement et d’ignorance. Toute femme qui n’est pas obligée de gagner sa vie, ne sort jamais de chez elle, et, en fait d’hommes, ne voit que ses parents. La question de la femme est, en Inde, l’une des plus actuelles. Élever la condition de la femme, l’instruire, c’est travailler à la ruine de l’idolâtrie en Inde. On estime qu’en Inde, actuellement, à peine six femmes sur cent savent lire.
Pour répandre les Écritures parmi les classes cultivées, la Société britannique les offre régulièrement aux étudiants des universités hindoues, où toute autre propagande religieuse serait impossible. A chaque étudiant, la Société offre, au début de ses études universitaires, un exemplaire des Évangiles et Actes ; au milieu de ses études, le Nouveau Testament ; et, quand il a passé ses examens finaux, la Bible. Les volumes offerts sont en anglais. Ce don est généralement reçu avec beaucoup de reconnaissance, et souvent les étudiants se font connaître, aussitôt leurs examens passés, pour obtenir le plus tôt possible le volume promis. La distribution a lieu soit dans une église, soit à l’Union chrétienne de jeunes gens, soit dans un collège missionnaire ; elle est accompagnée de discours sur l’Évangile et sur la Bible, et généralement le chef de l’institution et les professeurs y assistent. En 1908, 4470 volumes ont été ainsi distribués aux étudiants. Il y a telle année où on leur en a distribué près de dix mille.
Il y a quelques années, à Calcutta, quelques jeunes Hindous non chrétiens entreprirent la traduction de l’Évangile selon saint Matthieu, et la soumirent, une fois achevée, à l’appréciation de quelques chrétiens compétents de la ville.
On pourrait citer des traits sans nombre pour montrer les résultats remarquables de la diffusion de la Bible en Inde. Nous en citerons trois : l’un des plus anciens, l’un des plus curieux et l’un des plus récents.
Idoles abandonnées. — Il y a bien des années, des missionnaires découvrirent, près de la ville de Dacca, dans le Bengale oriental, plusieurs villages dont les habitants, des paysans, avaient abandonné le culte des idoles et étaient connus pour des gens dignes de toute confiance. Ils s’appelaient les Satya Gourou, c’est-à-dire « ceux qui cherchent le vrai Maître venu d’auprès de Dieu » (Gourou signifie maître, au point de vue religieux). Quand on leur demanda comment ils en étaient venus à renoncer aux idoles, ils répondirent : « Nous devons ce que nous sommes à un Livre », et ils montrèrent un vieux livre tout usé, qu’ils conservaient précieusement dans un coffre en bois. Nul ne pouvait dire d’où il venait. Tout ce qu’on savait, c’est qu’on le possédait depuis longtemps, et que depuis longtemps aussi on l’étudiait. Quand les missionnaires regardèrent le volume, ils virent que c’était la première traduction faite par Carey du Nouveau Testament en bengali.
L’homme qui se baptisa lui-même. — Un jour, en Inde, un missionnaire, dans une de ses tournées, rencontra un homme qui habitait à une grande distance de toute station missionnaire, qui n’avait jamais vu aucun missionnaire, ni aucun catéchiste indigène, mais qui était très familier avec le texte des Évangiles. Il avait lu les Évangiles avec soin et à réitérées fois, et avait adopté pour son Gourou celui dont ils lui traçaient le portrait. Qu’en résulta-t-il ? Cet homme, saisi en voyant la bonté de son nouveau Gourou, s’était dit : « Il faut que j’obéisse à ce Gourou. Voyons ses commandements ». Reprenant la lecture de l’Évangile, il trouva qu’il devait être baptisé au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Comment faire ? Il ne connaissait pas d’église, il n’avait jamais assisté à un baptême. A sa manière, il obéit au commandement. Jour après jour, il descendait dans un réservoir d’eau, et là, levant les yeux vers le ciel, il disait : « Je me baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ». A chacun de ces noms, il se plongeait dans l’eau. Puis, il trouva un autre commandement, à savoir qu’il devait manger et boire en mémoire de la mort du Christ jusqu’à son retour. Dès lors, chaque jour, il prit une poignée de riz et la mangea en disant : « Je fais ceci en mémoire de Christ », puis il buvait un peu d’eau en disant : « Je fais ceci parce que Christ est mort pour moi » (Raconté par le missionnaire Henry Haigh en 1896).
Chez la femme d’un rajah. — Il y a peu de temps, chez les Telingas, un exemplaire de la Bible avait été donné à la femme d’un rajah. Cette Bible est devenue l’objet de la méditation constante de la princesse, et fait toute sa joie. Telle salle du palais qui, jadis, était pleine d’idoles et de peintures païennes, n’a maintenant pour ornements que la Bible et des livres chrétiens. Cette princesse a envoyé un don à la Société biblique britannique, en exprimant le désir de voir le saint volume répandu de telle sorte que chacun pût connaître la vérité qu’il annonce (Ce fait est raconté dans le rapport de 1909 de la Société biblique britannique).
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