« Maudit soit le jour ou je suis né, et qu’il ne soit pas béni ! »
S’écrie Jérémie. Le prophète ne charge pas ici d’imprécations la naissance ; dans l’indignation qui l’entraîne, il ne peut supporter le spectacle des prévarications et de la révolte d’Israël. Aussi ajoute-t-il :
« Pourquoi ai-je été enfanté pour voir le travail et la douleur, et pour consumer mes jours dans l’opprobre ? »
À cette époque, tous ceux qui prêchaient la vérité, poursuivis par l’indocilité des auditeurs, étaient livrés sur le champ à la colère publique.
« Pourquoi, s’écrie le prophète Esdras, les flancs de ma mère ne sont-ils pas devenus mon sépulcre, afin que je ne visse pas l’affliction de Jacob et le travail de la race d’Israël ? »
« Nul n’est sorti pur d’une source impure, dit Job, sa vie ne durât-elle qu’un jour. »
Mais qu’on nous dise où l’enfant qui vient de naître aurait pu pécher, et, comment, sans avoir rien fait, il a pu tomber sous la malédiction d’Adam. Conséquemment, il ne reste plus, ce semble, à nos adversaires, d’autre parti que de déclarer mauvaise non-seulement la naissance du corps, mais aussi la naissance de l’âme, pour laquelle le corps existe. Quand David s’écrie :
« J’ai été conçu dans le péché, et ma mère m’a enfanté dans l’iniquité, »
le prophète appelle Ève du nom de mère. Ève, en effet, fut la mère des vivants ; et si lui-même fut conçu dans le péché, il n’est donc pas pécheur par lui-même au moment de sa naissance, il n’est donc pas lui-même le péché. Mais que tout homme, en passant du péché à la foi, se détache des liens du péché comme l’enfant brise le sein maternel pour arriver à la vie, je ne veux en témoignage de cette vérité, que ces mots de l’un des douze prophètes :
« Donnerai-je pour mon impiété mon premier fils, s’écrie-t-il, et pour le péché de mon âme le fruit de mes entrailles ? »
Loin d’accuser celui qui a dit :
« Croissez, et multipliez-vous, »
il flétrit du nom d’impiété, les premières impulsions qui suivent notre naissance charnelle, et sous l’empire desquelles nous ne connaissons pas Dieu. Si la génération est mauvaise, envisagée de ce côté, elle est bonne, en tant que par elle nous connaissons la vérité en Dieu.
« Tenez-vous dans la vigilance de la justice et gardez-vous de tout péché ; car il y en a quelques-uns parmi vous qui ne connaissent point Dieu. »
Ce sont les pécheurs.
« Nous avons à combattre, non contre des hommes de chair et de sang, mais contre les esprits. »
Or, les princes des ténèbres ont le pouvoir de nous tenter ; c’est pour cela que le pardon nous est offert. Voilà pourquoi Paul dit aussi :
« Je châtie rudement mon corps et le réduis en servitude. »
Voyez, en effet, l’athlète ! Il pratique une sévère continence, non pas une abstinence générale, mais une modération qui n’use qu’avec réserve de ce qu’elle croit devoir se permettre ; et cependant à quoi aspire-t-il ? à une couronne corruptible, tandis que nous combattons, nous, pour une couronne incorruptible, vainqueurs dans la lutte, mais vainqueurs couverts de sueur et de poussière. Dans cette lutte généreuse, il en est qui donnent à la veuve la palme de la continence préférablement à la vierge : la veuve s’est élevée avec le dédain d’une grande âme au dessus des voluptés qu’elle a connues.