Dans tous ces mots existe le sentiment ou l’expression de la douleur, mais ce sentiment parvenu à différents degrés d’intensité et se manifestant de différentes manières.
Λυπεῖσθαι (Matthieu 14.9 ; Ephésiens 4.30 ; 1 Pierre 1.6) est le terme le plus général, être affligé, « dolere » ; il est opposé à χαίρειν (Arist., Rhet. 1.2), comme λύπη l’est à χαρά (Jean 16.20 ; Xenoph., Hell. 7.1.22). Cette λύπη, qui ne ressemble pas à la douleur que recèlent les trois mots suivants, un homme peut si bien la nourrir dans le fond de son cœur, qu’il n’en transpire rien au dehors, à moins que lui-même ne veuille en parler (Romains 9.2).
Il n’en est point de même de πενθεῖν, expression plus forte, qui ne veut pas dire seulement « dolere » ou « angi », mais « lugere », et comme ce dernier mot, signifiant proprement et primitivement (Cicero, Tusc. 1.13 ; 4.8 : « luctus, ægritudo ex ejus, qui carus fuerit, interitu acerbo »), pleurer les morts ; πενθεῖν νέκυν (Homer., Il. 19.225) ; τοὺς ἀπολωλότας (Xenoph., Hell. 2.2, 3) ; ensuite il s’applique à toute autre lamentation passionnée (Sophocl., Œd. Rex 1296 ; Genèse 37.34), πένθος étant de fait une forme de πάθος (Plutarch., Cons., Ad. Apol. 22) ; c’est s’affliger d’une affliction qui s’empare tellement de tout l’être qu’elle ne peut être cachée ; cf. Spanheim (Dub. Evang. 81) : « πενθεῖν enim apud Hellenistes respondit verbis ברה κλαίειν, θρηεῖν, et היליל ὀλολύζειν, adeoque non tantum denotat luctum conceptum intus, sed et expressum foris. » Selon Chrysostôme (in loco), les πενθοῦντες de Matthieu 5.4 sont οἱ μετ᾽ ἐπιτάσεως λυπουμένοι, ceux qui pleurent tellement que leur douleur se trahit au dehors. C’est ainsi que nous trouvons πενθεῖν souvent joint à κλαίειν (2 Samuel 19.1 ; Marc 16.10 ; Jacques 4.9 ; Apocalypse 18.15) ; ainsi πενθῶν καὶ σκυθρωπάζων, Psaumes 34.14. Grégoire de Nysse (Suicer, Thes. s. 5. πένθος) parle en termes plus généraux : πένθος ἐστὶ σκυθρωπὴ διάθεσις τῆς ψυχῆς, ἐπὶ στερήσει τινὸς τῶν καταθυμίων συνισταμένη : mais ce père ne faisait pas alors de la synonymie ; il n’était donc pas sur ses gardes pour découvrir des nuances plus délicates.
Θρηνεῖν, joint à ὀδύρεσθαι (Plutarch., Quom. Voit. Prof. 5) et à κατοικτείρειν (Cons. ad Apol. 11) signifie se lamenter, faire un θρῆνος, une « nenia » ou chant funèbre sur les morts, chant qui peut n’être qu’un gémissement, une lamentation (θρῆνος καὶ κλαυθμός, Matthieu 2.18), s’échappant en paroles improvisées ; (la Veille irlandaise est cette sorte de θρῆνος), ou la complainte, revêtant la forme plus artificielle d’un poème. Cette belle lamentation que David composa sur Saül et Jonathan est introduite dans les Septante par ces mots : ἐθρήνησε Δαβὶδ τὸν θρῆνον τοῦτον (2 Samuel 1.17), et le sublime chant funèbre du prophète sur Tyr est appelé un θρῆνος (Ézéchiel 26.17 ; cf. Apocalypse 18.11 ; 2 Chroniques 35.25 ; Amos 8.10).
Enfin nous avons à nous occuper de κόπτειν (Matthieu 24.30 ; Luc 23.27 ; Apocalypse 1.7). Frapper est le sens primitif de ce mot ; puis il désigne l’acte qui le plus communément accompagnait le θρηνεῖν, et qui consistait à se frapper la poitrine comme signe extérieur d’une douleur intérieure (Nahum 2.7 ; Luc 18.13) ; ainsi κοπετός (Actes 8.2) c’est un θρῆνος μετὰ ψοφοῦ χειρῶν (Hesychius), et le plus souvent, comme dans le cas de πενθεῖν, en signe de douleur pour les morts (Genèse 23.2 ; 2 Rois 3.31). C’est le latin « plangere » (« laniataque pectora plangens ». Ovid., Metam. 6.248), qui est parent avec « plaga » et avec πλήσσω. Plutarque (Cons. ad Ux., 4) unit ὀλοφύρσεις et κοπετοί (cf. Fab. Max. 17 : κοπετοὶ γυναικεῖοι), comme exprimant deux des plus violentes manifestations de la douleur, et il les condamne toutes deux comme criminelles dans leurs excès.