Contre les hérésies

LIVRE SECOND

CHAPITRE XXXV

Réfutation de l’erreur de Basilide et des gnostiques, qui prétendaient que les prophètes, en prédisant les choses futures, avaient été inspirés par différents dieux.

D’après ce que nous avons dit précédemment, Basilide sera forcé d’avouer, en suivant le principe qu’il a posé, qu’il y a, non pas seulement 365 cieux, tous engendrés par succession les uns des autres, mais qu’il en a été engendré un nombre infini, et que cette procréation de cieux se continue toujours et ne doit jamais s’arrêter. Car, si le second a été fait à l’image du premier, et le troisième à l’image du second, il doit en être de même de tous les autres qui viendront après, jusqu’à celui que nous voyons, et qui, suivant Basilide, serait le dernier de tous ; et cette procréation successive de cieux doit se continuer sans fin et sans interruption, de manière à en produire un nombre infini.

Relativement à ce que disent ceux qui prennent la fausse dénomination de gnostiques, que les prophètes auraient reçu l’inspiration de différents dieux quand ils ont prophétisé, il suffira, pour y répondre, de leur rappeler que tous les prophètes ont confessé unanimement un seul et même Dieu, comme le créateur du ciel et de la terre et de tout ce qu’ils contiennent ; qu’ils ont tous été également unanimes pour annoncer sous différentes figures la venue du Christ sur la terre, son fils, comme nous le démontrerons dans les livres suivants par des citations des saintes Écritures.

Vainement voudrait-on faire une objection de ce que les Écritures emploient des expressions différentes, prises de l’hébreu, pour exprimer le nom de Dieu, telles que Sabaoth, Éloë, Adonaï, et d’autres encore, afin d’en conclure que ces diverses dénominations ont pour but de désigner des divinités ou des puissances divines différentes : à cela nous répondons que toutes ces différentes appellations désignent un seul et même Dieu. Par exemple, Éloë, dans la langue juive, signifie Dieu ; et quand on dit l’Éloë véritable ou Ellœnth, cela signifie, en hébreu, ce qui contient toutes choses. Quant à l’expression d’Adonaï, quelquefois elle marque ce qui est ineffable et admirable ; d’autres fois, en doublant le delta, avec une aspiration, comme, par exemple, Addhonaï, ce mot signifie la terre qui se sépare et qui s’isole de l’eau, afin que celle-ci ne puisse pas la submerger. Le mot Sabaoth, lorsqu’il prend l’oméga grec dans sa dernière syllabe, signifie la volonté suprême ; mais, lorsqu’il ne prend que l’omicron, alors il désigne le premier ciel. Il en est de même du mot Jaôth, qui, avec l’oméga et l’aspiration à sa dernière syllabe, désigne une mesure déterminée ; et, lorsqu’il prend l’omicron, désigne celui qui éloigne les maux. C’est ainsi que tous les mots divers, qui sont employés dans ce cas, ont pour unique objet de désigner le même Dieu ; comme, dans la langue latine, on dit, tantôt le Maître des vertus, tantôt le Père de toutes choses, tantôt le Dieu tout-puissant, le Très-Haut, le Maître des cieux, le Créateur, le Constructeur, et d’autres termes semblables, qui tous servent à désigner un même Dieu, qui contient tout, qui donne l’être à tout, sous des noms et avec des significations différentes.

Mais il y a plus, car ce que nous disons ici est entièrement conforme, et aux prédications des apôtres, et aux enseignements de notre Seigneur, et aux prédictions des prophètes, et aux préceptes de la loi, qui tous glorifient un seul et même Dieu, maître de toutes choses ; un Dieu, toujours le même, et qui ne tire l’être d’aucun autre Dieu ni d’aucune autre puissance ; qui donne à toute la nature, qui lui est soumise, l’être et la vie, en coordonnant chaque chose suivant ses besoins ; qui seul enfin, et sans le secours des anges ou de quelque autre puissance céleste, a créé les choses visibles et les choses invisibles, et tout ce qui est. Nous aurions donc déjà, par cette démonstration, suffisamment établi la preuve de l’unité de Dieu ; mais, pour qu’on ne nous accuse pas de reculer devant le fond de cette discussion, nous fournirons des preuves bien plus éclatantes encore, qui se tirent des saintes Écritures, et nous consacrerons le livre suivant à cette démonstration, destinée à ceux qui s’appliquent avec piété à cette divine étude, et à tous ceux qui aiment sincèrement la vérité.

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