L’on ne peut guère douter, bien que l’Ecriture ne l’enseigne nulle part expressément, qu’il n’ait existé originairement une relation spéciale entre la terre, le domicile actuel de l’humanité et les anges déchus, tout spécialement leur Prince.
Toutes les présomptions sont favorables à l’hypothèse que l’homme a remplacé Satan dans un héritage qui avait été primitivement dévolu à ce dernier, et dont il a été privé par suite de sa chute. A ce titre-là, le diable n’aurait fait que rappeler à Jésus un fait historique, lorsqu’il lui disait à propos de cette terre : ἐμοὶ παραδέδοται (Luc 4.6) ; et il ne mentait que par réticence, en ce que son droit étant dès longtemps périmé et par sa faute, sa possession de fait n’était plus qu’une usurpation.
S’il en a été ainsi, on n’en comprend que mieux que le Prince des ténèbres dépossédé d’un bien qui lui était échu de droit divin, se soit efforcé, dès le commencement de l’histoire, ἀπ’ ἀρχῆς, a dit Jésus-Christ (Jean 8.44), à reconquérir ses avantages, et qu’outre le penchant naturel du méchant à se donner des complices, il n’ait pas cru pouvoir y mieux réussir qu’en entraînant son successeur dans sa propre chute. Il y a donc dû y avoir dès le commencement du monde guerre à mort entre la postérité de la femme et celle du serpent, Genèse 3.15, et cette lutte ne sera terminée qu’après mille péripéties heureuses ou funestes partagées de part et d’autre ; car l’Ecriture et Jésus nous annoncent que le diable réussira partiellement dans son dessein d’entraîner les enfants d’Adam dans la communauté de sa révolte et de sa calamité (Matthieu 25.41).
Cette lutte a eu, disons-nous, ses phases diverses, et l’activité diabolique s’est diversifiée sur la terre suivant les temps et les circonstances. Elle a eu, comme celle des anges fidèles, ses époques cardinales, indiquées par antithèse par les évolutions même qui s’accomplissaient dans le Royaume de Dieu. C’est ainsi qu’à la période d’aveuglement universel où s’est développée l’idolâtrie, c’est-à-dire l’adoration des démons sous le nom des dieux (1 Corinthiens 8.5 ; 10.20 ; 2 Corinthiens 4.4 ; Éphésiens 2.2), a succédé depuis la venue de Christ la période de rébellion déclarée contre le vrai Dieu, qui s’est ouverte par cette explosion de puissance diabolique contemporaine de la première venue de Christ, et qui se consommera par l’apparition de l’Homme de péché, 2 Thessaloniciens 2.4.
La succession de ces deux phases de l’action diabolique, qui peuvent se résumer dans les termes : superstition et incrédulité ; Dieu dégradé, Dieu renié, nous est clairement marquée par Jésus-Christ dans Matthieu 12.43-45 (Luc 11.24-26) ; et le peuple juif se montre à nous en ceci comme en toute chose, dans le péché comme dans le salut, à l’avant-garde de l’humanité.
Les modes de cette action malfaisante dans l’une ou l’autre de ces phases, nous sont également révélés dans l’Ecriture comme intéressant au plus haut point notre vie morale ; et l’on peut affirmer même que l’action des mauvais anges dans le sens du mal est bien plus directe sur l’homme et l’humanité que celle des bons anges dans le sens du bien. Nous distinguerons les modes de cette activité d’après les sphères où elle s’exerce, savoir :
- La sphère céleste ;
- La nature physique ;
- La nature psychique ;
- La nature spirituelle de l’homme.
Il est souvent fait mention dans l’Ecriture des accusations que le diable porte devant Dieu contre l’humanité, et de préférence contre les fidèles ; et ce rôle est si prépondérant qu’il lui a valu son nom hébreu de Satanh (Job ch. 1 et 2 ; Zacharie 3.1-2 ; Luc 22.31), traduit dans le Nouveau Testament par διάβολος (Apocalypse 12.9-10).
h – Le verbe hébreu satan signifie en premier lieu : attaquer, résister, et dans ce sens même ne se prend pas toujours en mauvaise part (Nombres 22.22) ; de là est dérivé le sens d’accuser. persécuter, où nous le trouvons, Zacharie 3.1.
Il pourrait paraître que ces accusations excessives et mensongères portées devant Dieu qui sait toutes choses et qui aime tous les hommes, ne sauraient avoir aucun effet pour ceux qui en sont les objets ; et cependant tous les passages que nous venons de citer, spécialement ceux du Nouveau Testament, nous les représentent comme particulièrement redoutables, et dans certains cas même (celui de Job), comme effectivement funestesi.
i – On peut citer ici l’analogie du cas de Balaam, dont les malédictions ne seraient point réputées inoffensives, si elles eussent été proférées cf. Deutéronome 23.4-5.
Encore ici, nous ne devons pas oublier que le diable est encore dans l’univers et dans l’univers moral une puissance, à l’action de laquelle Dieu a assigné un domaine et des limites, avec laquelle il a consenti à compter. Tant que cette créature faite intelligente et libre n’a pas été atteinte par le jugement définitif au terme de son καιρός, elle a droit, jusqu’à un certain point, d’exiger de la justice divine des preuves de son impartialité que les apparences peuvent quelquefois l’autoriser à suspecter ; or Dieu entend que sa justice soit reconnue même de ceux qui en sont les victimes, et que toute bouche d’homme ou d’ange soit fermée (cf. Romains 3.4,19).
La parole de Jésus-Christ rapportée : Luc 22.31, nous révèle même une sorte de rivalité d’influences s’exerçant devant Dieu entre le médiateur et l’adversaire de l’humanité, et la prière de l’un nécessaire pour neutraliser les exigences funestes de l’autre. L’intercession de Christ dans le ciel mentionnée dans Romains 8.34 ; 1Jean 2.1, et qui est un des principaux points de doctrine de l’Epître aux Hébreux (Hébreux 7.25 ; 9.24), suppose également l’existence du principe adverse toujours présent et toujours actif.
Il est souvent fait mention dans l’Ecriture des accusations que le diable porte devant Dieu contre l’humanité, et de préférence contre les fidèles ; et ce rôle est si prépondérant qu’il lui a valu son nom hébreu de Satanj (Job ch. 1 et 2 ; Zacharie 3.1-2 ; Luc 22.31), traduit dans le Nouveau Testament par διάβολος (Apocalypse 12.9-10).
j – Le verbe hébreu satan signifie en premier lieu : attaquer, résister, et dans ce sens même ne se prend pas toujours en mauvaise part (Nombres 22.22) ; de là est dérivé le sens d’accuser, persécuter, où nous le trouvons, Zacharie 3.1.
Il pourrait paraître que ces accusations excessives et mensongères portées devant Dieu qui sait toutes choses et qui aime tous les hommes, ne sauraient avoir aucun effet pour ceux qui en sont les objets ; et cependant tous les passages que nous venons de citer, spécialement ceux du Nouveau Testament, nous les représentent comme particulièrement redoutables, et dans certains cas même (celui de Job), comme effectivement funestesk.
k – On peut citer ici l’analogie du cas de Balaam, dont les malédictions ne seraient point réputées inoffensives, si elles eussent été proférées cf. Deutéronome 23.4-5.
Encore ici, nous ne devons pas oublier que le diable est encore dans l’univers et dans l’univers moral une puissance, à l’action de laquelle Dieu a assigné un domaine et des limites, avec laquelle il a consenti à compter. Tant que cette créature faite intelligente et libre n’a pas été atteinte par le jugement définitif au terme de son καιρός, elle a droit, jusqu’à un certain point, d’exiger de la justice divine des preuves de son impartialité que les apparences peuvent quelquefois l’autoriser à suspecter ; or Dieu entend que sa justice soit reconnue même de ceux qui en sont les victimes, et que toute bouche d’homme ou d’ange soit fermée (cf. Romains 3.4,19).
La parole de Jésus-Christ rapportée : Luc 22.31, nous révèle même une sorte de rivalité d’influences s’exerçant devant Dieu entre le médiateur et l’adversaire de l’humanité, et la prière de l’un nécessaire pour neutraliser les exigences funestes de l’autre. L’intercession de Christ dans le ciel mentionnée dans Romains 8.34 ; 1 Jean 2.1, et qui est un des principaux points de doctrine de l’Epître aux Hébreux (Hébreux 7.25 ; 9.24), suppose également l’existence du principe adverse toujours présent et toujours actif.
La nature terrestre, jadis issue bonne des mains de Dieu, et mise à la disposition de la créature morale pour servir aux fins réalisées par elle, incessamment transformée soit en bien soit en mal par l’activité de l’homme, est en même temps soumise, d’après l’enseignement de l’Ecriture, aux influences et aux actions malfaisantes du monde des esprits, et sert de théâtre, sous le contrôle souverain de Dieu, à leurs entreprises délétères. Bien que, d’une manière absolue, Dieu soit le souverain maître de la vie et de la mort, le mal physique et le plus grand de tous ces maux, la mort, est plus d’une fois rapporté à l’action directe du diable, 1 Corinthiens 15.26 ; Hébreux 2.14. La mort semble même dans un passage personnifiée comme le diable lui-même, Apocalypse 20.14. L’Evangile nous montre Jésus plus d’une fois en lutte avec des puissances personnelles actives, soit dans les éléments de la nature : ἐπετίμησε τοῖς ἀνέμοις ; (Matthieu 8.26), soit dans les membres de l’homme : ἐπετίμησε τῷ πυρετῶ (Luc 4.39). Jésus lui-même appelle le diable le premier ἀνθρωποκτόνος ; (Jean 8.44), et nous l’entendons une fois rapporter hardiment une difformité corporelle à une possession satanique, Luc 13.16. Saint Paul va plus loin encore dans plusieurs passages, où il nous apprend à considérer l’action diabolique ayant pour objet la nature physique de l’homme, comme un moyen dont Dieu peut se servir et se sert dans certains cas, soit pour punir et châtier (1 Corinthiens 5.5 ; 1 Timothée 1.20), soit pour éprouver ses enfants et se glorifier en eux (2 Corinthiens 12.7 ; cf. 1 Thessaloniciens 2.18).
Le rapport entre l’action diabolique et l’action providentielle dans la production du mal physique sera considéré de plus près dans la troisième section de cette première partie : De la sustentation du monde.
A côté des cas de possessions purement physiques, l’histoire évangélique nous en révèle de physico-psychiques, qui atteignent, en même temps que les organes du corps, les facultés même de l’âme, l’intelligence, la conscience et la volonté. Bien qu’une conduite déréglée ait dû prédisposer à cet état (Luc 11.24-27), nous n’en devons pas conclure à une relation nécessaire entre la possession et l’immoralité, puisque nous connaissons des exemples de démoniaques-nés (Marc 9.21)l. Toutefois, la possession est distinguée par Jésus-Christ de toute maladie purement naturelle, Matthieu 10.1, et nous avons déjà établi que, sans aucune intention d’accommodation aux opinions courantes, il y voyait une cause positivement diabolique : Marc 9.29. Il est certain aussi que jamais ces cas ne furent plus fréquents qu’à l’époque de la vie terrestre de Christ, d’où il ne résulte point qu’ils aient aujourd’hui même complètement disparu, et que certaines affections semblables à celle du lunatique guéri par Jésus-Christ, bien analysées et définies, ne dussent pas être encore rapportées à la même causem.
l – L’identification faite par la tradition entre Marie Magdeleine dont Jésus avait fait sortir sept démons (Marc 16.9) et la pécheresse mentionnée : Luc 7.36-50, n’a aucun appui dans les textes.
m – Voir la biographie de Blumhardt, par Zündel.
Nous définissons l’état de possession diabolique : L’aliénation des organes physiques et psychiques de l’homme causée par un être surnaturel et à son profit, dans le but de se procurer dans le vide où il se meut, des activités, des intérêts et des jouissances terrestresn.
n – Ne pouvons-nous pas considérer les phénomènes de suggestion dont on parle tant aujourd’hui, comme des cas de possession dans les limites de l’humanité ?
Le récit des phases de la guérison du démoniaque gadarénien est le texte de l’Evangile qui nous permet de décomposer le plus exactement les phases et les éléments de l’état de possession lui-même (Luc 8.26-33). Nous pouvons y observer sur le fait, pour ainsi dire, l’alternance de l’influence diabolique et des vestiges de la conscience et de la spontanéité humaines : il se jeta à ses pieds (v. 28), action de l’homme ; et cria à haute voix : Qu’y a-t-il entre moi et toi ? action diabolique ; puis Jésus demande à l’homme, comme pour le rendre à lui-même : « Quel est ton nom ? » Et c’est l’être diabolique qui répond : « Légion ! »
La tendance inévitable de toute créature qui s’est séparée de Dieu, est de se créer une communauté nouvelle, de se donner des complices ; de là la tentation, dont l’effet est la séduction.
La séduction diffère de la possession en ce qu’elle est à la fois plus et moins pénétrante qu’elle ; d’une part, elle porte atteinte à l’exercice de la volonté chez l’objet, mais de l’autre, elle laisse intactes les facultés psychiques et la conscience du moi.
La chair et le sang sont déjà viciés chez l’homme sans doute, et entretiennent chez lui des prédispositions naturelles à la souillure ; tels que la nature actuelle les fait, ils sont déjà par eux-mêmes des agents de démoralisation, inaptes aux conditions de l’existence céleste, 1 Corinthiens 15.50. Laissés a eux-mêmes cependant et même aux excitations qu’ils peuvent recevoir d’autres objets terrestres ou de tentateurs humains, ils ne dépasseraient pas dans leurs effets les forces naturelles de l’homme. Ce qui, en revanche, rend, selon saint Paul, la victoire sur le mal tout à fait inaccessible à ces forces, c’est le concours de la convoitise déjà excitée en nous et des actions surnaturelles perverses qui nous circonviennent de toutes parts et incessamment (Matthieu 26.41 ; 1 Pierre 5.8), et dont le siège est l’atmosphère même que nous respirons (Éphésiens 6.12). C’est la fascination surnaturelle que le Prince de ce monde sait prêter aux objets terrestres et pour la chair et pour les yeux, 1 Jean 2.16, et le cortège d’hallucinations derrière lequel il dissimule sa présence, 2 Corinthiens 11.14. En cela même, les démons ne font que remplir en grand dans l’ordre moral, et pourvus de moyens d’action plus étendus et plus pénétrants, le rôle de séducteurs propre à toute créature perverse.
Mais l’activité tentatrice présente des diversités auxquelles correspondent différents degrés d’intensité. La tentation primitive, la plus générale, la plus grossière, mais par là même aussi la plus extrinsèque, la moins fatale pour le sort de l’individu comme de l’humanité, porte sur l’objet sensible (Genèse 3.6 ; Matthieu 4.3,8), soit qu’il soit présenté à l’organe qui le touche (convoitise de la chair) ou à l’œil qui l’admire (1 Jean 2.16).
L’action satanique se fait à la fois plus subtile et plus périlleuse lorsqu’elle s’exerce en l’homme lui-même, selon le mode d’un contact d’esprit à esprit. Dans 2 Corinthiens 2.11, les effets des νόηματα τοῦ διαβόλου dont saint Paul déclare les chrétiens et lui-même suffisamment instruits, sont soit l’accablement où peut être jetée l’âme humaine, soit l’élévation du moi, inspiratrice de l’orgueil, et puisant ses motifs jusque dans les grâces reçues (cf. 1 Corinthiens 10.12 ; 2 Corinthiens 12.7 ; 1 Jean 2.16 : ἡ ἀλαζονεία τοῦ βίου).
Cette action spirituelle du Malin peut s’exercer chez le sujet d’une façon inconsciente de la part du sujet lui-même, ou se confondre dans sa conscience avec les bons instincts de sa nature : 1 Chroniques 21.1 ; Marc 8.33 ; cf. 2 Corinthiens 11.3).
Le terme et le degré culminant de l’action satanique dans l’âme humaine est la prise de possession de la personne humaine par la personnalité diabolique, et ce moment a été marqué très expressément par l’auteur du quatrième Evangile dans le cas de Judas, Jean 13.27. Cet état, qui est celui de la passivité définitive dans le mal, ne fut chez Judas lui-même que le résultat ultime d’une série de défaites morales volontaires ; et il y avait déjà longtemps que l’apôtre infidèle avait été appelé par le Maître un démon (Jean 6.70), lorsque Satan entra en lui (Jean 13.27).
C’est le jugement dont nous demandons qu’il nous soit épargné, en prononçant la sixième demande de l’oraison dominicale, μὴ εἰσενέγκῃς εἰς πειρασμόν (Luc 11.4), qui impliquent autre chose et plus qu’un simple abandonnement du pécheur, mais une action divine directe le livrant à l’adversaire. Notre traduction française : Ne nous induis point en tentation, rend littéralement l’original.
L’action satanique se comporte donc envers l’homme d’une façon analogue à l’action divine ; elle procède du dehors au dedans ; elle prend à partie les organes et les facultés du moi pour atteindre enfin le moi lui-même. La tentation purement spirituelle est la contrepartie de l’opération sanctifiante de l’Esprit de Dieu ; il y a de part et d’autre contact d’esprit à esprit ; et comme le rejet de l’influence sanctifiante fixe définitivement la volonté du moi dans le mal, la répudiation de la part du moi de la tentation spirituelle fixe la nature du moi dans le bien.
Mais pas plus l’action satanique que l’action divine n’est absolument déterminante pour la volonté humaine. « Vous voulez faire les désirs de votre Père », a dit Jésus-Christ aux Juifs (Jean 8.44). Dans les cas même où l’action externe s’exerçant sur le moi est portée à son maximum, et si efficace que soit le rôle de la grâce, si puissante que soit l’influence maligne, la spontanéité et par conséquent la responsabilité humaines ne sont point supprimées, et elles seront attestées par le Juge suprême au dernier jour, Matthieu 25.41 et sq. La victime de la tentation n’a succombé que parce que le méchant du dedans s’est fait le complice de celui du dehors, victime, disons-nous, de sa faute et non de l’ordre providentiel (Jacques 1.13-14).
A ceux donc qui seraient prêts à accuser et à suspecter la justice et la bonté de Dieu qui tolèrent dans l’univers moral un si vaste déploiement de puissances malfaisantes, nous répondons : Si la lutte contre tant d’adversaires visibles et invisibles est plus ardente et plus périlleuse pour la créature humaine, l’issue en est aussi plus décisive, et les moyens de grâce offerts à l’homme sont proportionnés à la fréquence et à l’intensité de l’attaque et du péril.
Si la doctrine des anges ne doit pas être tenue pour indifférente dans le système chrétien, celle des démons, dont l’action également étendue paraît être plus continue et plus pénétrante que celle des anges fidèles, revendique une place plus importante aussi dans la dogmatique et la morale, et c’est ainsi que l’Eglise en a toujours jugé. Les abus qu’on a pu faire à certaines époques des vues de cet ordre, et les superstitions qui s’y sont rattachées, ne condamnent point l’enseignement sobre et scripturaire de cette doctrine. L’Eglise primitive accentuait fortement la doctrine de la puissance des démons, dont elle pensait retrouver les effets particulièrement hideux dans les formes et les rites de l’idolâtrie, et la croix, déjà devenue un talisman magique, était tenue pour le seul moyen efficace de les conjurer : ὁ σταυρὸς σημεῖον πιστῶν καὶ φόβος δαιμόνων. Les surcharges dont la superstition avait recouvert cette doctrine, n’ont pas empêché Luther d’en proclamer l’importance, traduisant dans son vif langage les déclarations des apôtres : Éphésiens 6.12 ; 1 Pierre 5.8.
« Un chrétien doit savoir, dit-il, qu’il vit au milieu des diables, et que le diable est plus près de lui que son habit et sa chemise, plus près de lui que sa propre peau ; qu’il tourne autour de nous sans cesse, et qu’ainsi nous devons toujours nous tenir aux cheveux et nous battre avec lui. » Il allait même jusqu’à rapporter au diable la causalité de tout mal physique sur la terre, en quoi il tombait dans une exagération évidente : « Quand quelqu’un meurt de la peste, se noie, tombe mort, c’est l’effet du Diableo. »
o – Passages cités par Luthardt, Compend., page 144.