Ne me rejette point de devant ta face, et ne m’ôte point l’Esprit de ta sainteté.
Voyez l’incomparable humilité de David ; comme il craint les dangers auxquels sont encore exposées les âmes justifiées et qui ont obtenu la rémission de leurs péchés ; s’il n’avait déjà le Saint-Esprit, il ne pourrait pas prier comme il le fait, et cependant quoiqu’il ait déjà le Saint-Esprit, il demande encore, il soupire avec ardeur après son Dieu, pour qu’il ne l’abandonne point, qu’il ne le rejette point, de peur qu’il ne pèche et qu’il ne tombe derechef. Comme s’il voulait dire : Ah ! tu sais, grand Dieu ! que j’ai une chair pécheresse qui combat et qui convoite contre l’Esprit ; soutiens-moi donc et m’aides, de peur que je ne pèche derechef comme j’ai déjà péché, lorsque j’ai été abandonné de toi. Ne me rejette point ainsi de devant toi, et ne m’ôte point ton Saint-Esprit : c’est-à-dire donne-moi de la persévérance afin que mon corps et mon âme soient sanctifiés et purifiés. Car comme ci-dessus, il a demandé l’Esprit assuré, c’est-à-dire une pleine certitude, et une claire et solide connaissance de la miséricorde de Dieu, de même, il demande ici le Saint-Esprit, il prie qu’il ne lui soit point ôté, et qu’il ne soit point rejeté de devant la face de Dieu ; sans doute qu’il a en vue la sanctification de son corps et de ses affections, la mortification de la chair, et la nouvelle obéissance qui doit suivre la justification ; savoir, qu’un mari vive chastement avec son épouse ; qu’un magistrat administre soigneusement la justice, et qu’il n’épargne point le vice et ne connive point avec lui. Car on connaît ce que c’est que la nouvelle obéissance des âmes justifiées ; savoir, que le cœur se fortifiant et s’accroissant journellement dans les grâces et les lumières de l’Esprit sanctifiant, il combatte contre tous les mauvais restes du péché, contre les fausses opinions et idées que la chair nous donne de Dieu, contre les doutes qu’elle nous suggère, et qu’ainsi la nouvelle vie se produise ensuite dans la conduite réglée des actions extérieures, en réprimant et rejetant les passions et les convoitises, en accoutumant l’âme à la patience, à l’humilité, à la douceur et aux autres vertus morales.
Il pourrait paraître absurde à une âme qui n’est pas éclairée de la vraie lumière de Jésus, qu’un si saint prophète demande avec tant d’instances les dons du Saint-Esprit, comme s’il n’en possédait aucun : mais nous qui sommes instruits par l’expérience, et par les exemples d’autres enfants de Dieu, nous savons et nous sommes assurés que personne ne saurait demander sérieusement la grâce et la miséricorde de Dieu, si ce n’est les âmes qui sont déjà justifiées ; et que personne ne saurait crier et soupirer après les dons du Saint-Esprit, qu’une âme qui est déjà sanctifiée. Car parce que ces âmes ont déjà reçu les prémices de l’Esprit, elles aspirent aussi à en recevoir la dîme, c’est-à-dire une plus grande mesure, et parce qu’elles sont renouvelées pour la vie, elles souhaitent d’être délivrées tout à fait de la mort et de ses suites ; elles cherchent et aspirent à la perfection dont elles voient et sentent qu’elles sont encore fort éloignées. C’est ce qui fait que David prie qu’il ne soit point abandonné à lui-même et à ses propres pensées, mais qu’il soit conservé pur en œuvres et en mouvements aux yeux de son Dieu. Car il est fort facile ici de tomber, comme la parabole de ce serviteur à qui on avait quitté les dix mille talents, le fait voir ; il n’y avait rien de si soumis et de si humble que ce serviteur devant son Seigneur, de sorte qu’il obtint la rémission de sa dette de la grâce et de la bonté de son maître ; mais à peine est-il sorti de devant son Seigneur, qu’il se jette sur son compagnon de service, et devient cruel, barbare et homicide.
Mais je vous avertis encore de ce que je vous ai déjà dit ci-dessus ; que puisque David demande ces choses avec tant d’instances à Dieu, il nous apprend par là, qu’il n’est pas en notre pouvoir, et qu’il ne dépend pas de nos forces de conserver ces dons de l’Esprit de Dieu, mais que nous sommes en danger d’être rejetés. On est rejeté de Dieu, quand Dieu retire sa grâce et son Esprit, et qu’il livre une âme, comme parle l’Écriture, à son propre sens et à ses propres désirs : quand cela est, nécessairement une âme tombe et se perd. Car ou elle s’abandonne à ses convoitises et aux inclinations de sa chair, comme le fit David, ou elle s’enfonce dans la présomption ou dans le désespoir. C’est pourquoi David dit : Ne me rejette point, c’est-à-dire ne me retire point et ne me soustrais point ton Esprit de sanctification, car lorsque cela m’est arrivé je suis tombé dans le péché et j’ai péri. Et il ajoute : Ne retire point et ne m’ôtes point ton Saint-Esprit ; par où il témoigne et confesse qu’il a cet Esprit, mais pas encore dans une mesure parfaite, mais seulement quant aux prémices. Cela étant réservé pour la vie à venir d’être tout à fait et parfaitement remplis de la plénitude du Saint-Esprit, et d’être rendus semblables à lui. Voilà comment il faut joindre ces deux choses : que nous soyons préservés par le Saint-Esprit de toutes souillures intérieures et extérieures, de chair et d’Esprit, afin que nos cœurs soient des Tabernacles purs du Saint-Esprit, dans lesquels l’esprit immonde avec toutes ses œuvres, n’aie plus d’accès ni d’entrée, comme Jésus-Christ aussi nous l’apprend dans l’Évangile. Suit maintenant le troisième don de l’Esprit.