Contre Marcion

LIVRE III

Chapitre XXI

Diras-tu, pour maintenir la diversité des deux messies, que le Christ, Juif de nation, était destiné par le Créateur à recueillir les débris épars du « peuple Juif, mais que le vôtre a été délégué par le dieu exclusivement bon pour sauver le genre humain ? » Tu ne le peux ! Les Chrétiens du Créateur ont devancé les chrétiens de Marcion. Tous les peuples ont été admis à son royaume depuis que « Dieu a régné du haut du bois, » avant qu’il fût encore bruit de Cerdon, à plus forte raison de Marcion.

Battu sur la vocation des Gentils, tu retombes sur les prosélytes. Où sont, parmi, les nations, demandes-tu, les infidèles qui passent à la foi du Créateur, oubliant que le prophète nomme séparément les étrangers de condition diverse et distinctive ? « Voilà, dit Isaïe, que les prosélytes s’approchent de toi par mon intermédiaire ; » preuve manifeste que les prosélytes eux-mêmes arriveraient à Dieu par le Christ. Pour les nations, c’est-à-dire nous, autrefois Gentils, elles avaient leur désignation particulière fondée sur leur espérance dans le Christ. « Et les nations, est-il dit, espéreront en son nom. » Or, les prosélytes, que tu substitues dans la prophétie des nations, n’ont pas coutume d’espérer dans le nom du Christ, mais dans les préceptes de Moïse, de qui vient leur institution. D’ailleurs, la vocation des Gentils commença vers la fin des temps. Isaïe emploie les mêmes termes : « Voici ce qui arrivera dans les derniers jours, « dit-il : « La montagne où habite le Seigneur, c’est-à-dire la puissance de Dieu, se rendra visible, et le sanctuaire de Dieu sera élevé au-dessus des plus hautes montagnes, » c’est-à-dire le Christ, temple catholique de Dieu, dans lequel Dieu est adoré, élevé au-dessus des vertus et des puissances les plus sublimes. « Et les peuples iront à lui, et lui diront : « Venez, et montons à la montagne du Seigneur, à la maison du Dieu de Jacob. Et il nous enseignera ses voies, et nous marcherons dans ses sentiers. Car la loi sortira de Sion, et la parole du Seigneur retentira sur Jérusalem. » Quelle est cette voie ? L’Evangile de la loi nouvelle, de la parole nouvelle dans le Christ désormais et non plus dans Moïse. « Et il jugera les nations ; » leur iniquité sans doute : « et il accusera un grand peuple, » le peuple des Juifs et des prosélytes. « Alors, ils changeront leurs épées en instruments de labour, et leurs lances en faucilles. « C’est-à-dire : A ces cœurs dépravés, à ces langues aiguisées pour le blasphème et la calomnie, ils substitueront l’amour de la modération et de la paix. « Les nations ne lèveront plus contre les nations le fer » de « la discorde. Elles ne s’exerceront plus aux combats ; » c’est-à-dire plus de haines et d’inimitiés : nouvelles preuves que la prophétie ne nous annonçait le Christ que comme un conquérant spirituel et pacifique. Ose donc nier, ou la prophétie, quand l’événement est sous les yeux de fous, ou l’événement, quand la prophétie est consignée dans les livres. Ou, si tu confesses l’un et l’autre, les prophéties ont donc trouvé leur accomplissement, dans le Messie qu’elles annonçaient. Il y a plus : suis à son origine et dans sa marche la vocation des Gentils. Ils n’arrivent au Créateur que vers le déclin des âges, tandis que l’admission des prosélytes commence à des temps plus reculés. Les apôtres n’ont pris introduit d’autre foi.

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