« Si Dieu prend soin de vous, pourquoi la persécution et la mort vous frappent-elles ? Ou bien est-ce lui qui vous livre à ces tribulations, s’écrient nos adversaires ? » — Nous ne pensons pas que la volonté du Seigneur soit que nous tombions dans l’adversité. Mais nous nous souvenons qu’il nous a prédit que dans les temps à venir, nous serions persécutés, mis à mort et attachés à la croix pour son nom. Que nous fussions persécutés, telle n’a pas été sa volonté ; mais il nous a signalé d’avance les tribulations auxquelles nous serions exposés, afin de nous exercer, par la révélation anticipée de nos épreuves, à la patience et à la résignation auxquelles il a promis l’héritage. Encore est-il que nous ne sommes pas les seuls à mourir : des milliers de condamnés périssent à côté de nous.
— Fort bien, poursuit-on ; mais ces condamnés sont des malfaiteurs, ils sont punis justement.
— Ainsi donc, nos adversaires rendent un involontaire témoignage à notre justice. On nous immole injustement à la justice ! Mais la violence du juge ne renverse pas la providence de Dieu. Il faut que le juge soit maître de sa sentence. Convient-il que, pareil à un instrument dont on presse les cordes inanimées, il obéisse à une cause étrangère, et reçoive d’ailleurs ses impressions ? Voilà pourquoi celui qui nous juge, est interrogé a, son tour sur ses jugements, sur l’usage de sa liberté et sur la fermeté d’âme qu’il a opposée aux menaces. Nous sommes innocents, et le juge nous poursuit comme des violateurs de la loi et des criminels, parce qu’il ne connaît pas nos actions, parce qu’il ne veut pas les connaître. Loin de là ; il se laisse entrainer à d’aveugles préventions, ce qui fait qu’il tombe lui-même sous le jugement de Dieu. On nous persécute donc, non pas que l’on nous ait convaincus de quelque crime, mais sur la vaine opinion que nous sommes nuisibles au monde, par cela seul que nous sommes Chrétiens. On nous persécute encore, parce que, non contents d’être Chrétiens pour nous-mêmes, notre conduite est une prédication qui engage les autres à nous imiter.
— Mais pourquoi ne vous vient-il aucun secours dans le feu des persécutions, s’écrient encore nos adversaires ?
— Nous n’éprouvons aucun dommage, au moins en ce qui nous touche personnellement. Délivrés par la mort, nous prenons notre vol vers le Seigneur, et cette transformation ne nous affecte pas plus que le passage d’une période de la vie à une autre période. Avec un peu de sagesse, nous devons de la reconnaissance à ceux qui nous fournissent l’occasion d’un prompt départ, pourvu que ce soit l’amour de Dieu qui soutienne notre martyre. Si telles n’étaient pas nos dispositions, la multitude ne verrait en nous que des scélérats. Que si elle connaissait elle-même la vérité, tous les hommes se jetteraient dans les voies du Christianisme, et dès lors il n’y aurait plus d’élection. Mais non ; notre foi « étant la lumière du monde, » atteste l’incrédulité de la foule.
« En effet, ni Anytas, ni Mélitus ne me feront aucun mal ; ils ne le peuvent, car je ne crois pas qu’il soit au pouvoir du méchant de nuire à l’homme de bien. »
C’est pourquoi chacun de nous peut s’écrier avec confiance :
« Le Seigneur est avec moi ; je ne craindrai pas. Que peut l’homme contre moi ? Les âmes des justes sont dans la main de Dieu, et le supplice ne les atteint pas. »