Maintenant puisque tu nies avec les Juifs que leur Christ soit encore venu, reconnais la catastrophe qui leur est prédite après le Christ pour venger l’impiété avec laquelle il l’ont méprisé et mis à mort. A dater du jour où, selon le langage d’Isaïe, « L’homme brisa ces vains simulacres d’or et d’argent qu’il s’était taillés pour adorer des ombres et chimères ; » c’est-à-dire depuis que l’univers, illuminé par le flambeau du Christ, abattit ses idoles, vois si les prophéties suivantes se sont réalisées : « Le Seigneur, le Dieu des armées a enlevé à Jérusalem, parmi ses autres appuis, le prophète et le prudent architecte ; » qu’est-ce à dire ? l’Esprit saint qui édifie l’Église, temple, maison, cité de Dieu. Dès lors tarissent pour eux les grâces divines. « Il a été dit aux nuages : Ne versez plus vos pluies sur la vigne de Sorech. » Pourquoi suspendre ainsi la rosée des bienfaits célestes ? C’est que la maison d’Israël « avait produit des épines » pour en couronner le Seigneur, et non la justice, mais la clameur qui l’attacha à la croix. Toutes les rosées et les grâces ayant été ainsi ravies aux Juifs, la loi et les prophètes vont jusqu’à Jean. Mais comme ils persévèrent dans leur aveugle obstination ; comme ils sont cause, ainsi que le prophète le leur reproche, que le nom du Seigneur est blasphémé parmi les nations, infamie qui commença par eux ; enfin, comme ils ne comprirent pas que l’intervalle de Tibère à Vespasien leur était accordé pour la pénitence, « leur terre est devenue déserte, leurs villes ont été la proie des flammes ; des étrangers dévorent, leur pairie jusque sous leurs yeux. La fille de Sion a été abandonnée comme la hutte après la saison des vendanges, comme une cabane dans un champ de concombres. Depuis quand ? Depuis qu’Israël n’a point connu le Seigneur ; depuis qu’il a été sans intelligence, qu’il a abandonné son maître, et irrité la colère du Dieu fort. » Que prouve encore cette menace conditionnelle ? « Si, indocile et rebelle, tu refuses de m’écouter, le glaive le dévorera. » Le glaive a dévoré ; donc le Christ est venu ; donc ils ont péri en refusant de l’écouter. Au Psaume 58, c’est lui qui demande à son Père l’extermination du peuple rebelle : « Détruisez-les dans votre fureur ; détruisez-les ; qu’ils ne soient plus ! » lui encore qui appelle l’incendie contre eux, dans les pages d’Isaïe : « . Il vous a été fait ainsi à cause de moi : vous dormirez dans les douleurs. » Châtiments vains et absurdes, si les Juifs ont souffert ces calamités à cause du Christ d’un autre Dieu, et non à cause de celui qui avait annoncé que les Juifs souffriraient à cause de lui !
— Mais ce sont les vertus et les puissances du Créateur, qui, jalouses d’un dieu étranger, ont suspendu son Christ à la croix.
— Voilà que le Créateur lui-même le défend et le venge ? « Les impies lui furent donnés pour prix de sa sépulture ; » les impies qui avaient affirmé qu’on l’avait enlevé furtivement ; « et les riches en expiation de sa mort ; » les riches qui avaient payé à Judas sa trahison, et aux soldats le faux témoignage que ses apôtres avaient enlevé secrètement le cadavre. Point de milieu ! ou les Juifs n’ont pas subi ces châtiments à cause de lui ; mais alors tu donnes un solennel démenti aux Ecritures qui s’accordent avec les événements et l’ordre des temps : ou si ces calamités sont le prix du déicide, quel autre que son propre Christ le Créateur aurait-il vengé de la sorte, lui qui aurait dû récompenser Judas si les Juifs avaient tué l’ennemi de leur maître ? Toutefois si le Christ du Créateur, à cause duquel ils doivent, d’après les prophètes, éprouver ces traitements, n’est pas encore venu, ils les éprouveront donc lorsqu’il sera venu. Mais alors où sera « cette fille de Sion condamnée au délaissement, » puisqu’il n’est plus de fille de Sion ? « Où seront les cités qui doivent être brûlées, » quand les cités sont déjà en cendres ? Où est la nation à disperser ? La voilà déjà disséminée. Rends donc aux Juifs leur ancien état, pour que le Christ du Créateur retrouve un peuple Juif ; puis, soutiens après que c’est un autre Christ qui est descendu. Nouvelle inconséquence ! Me persuaderas-tu jamais qu’il ait admis dans ses demeures célestes celui qu’il devait immoler sur la terre, après avoir violé la région la plus glorieuse de son empire, et foulé aux pieds la majesté de son palais, le siège de sa puissance ?
— Il l’attira méchamment dans ses pièges !
— Eh bien oui ; mon Dieu « est un Dieu jaloux ; » toutefois il a vaincu le tien. Rougis donc de croire à un dieu vaincu. Qu’espères-tu d’un dieu impuissant à se protéger ? En effet, c’est par faiblesse qu’il s’est laissé vaincre par les vertus et les hommes du Créateur, ou par malice, afin qu’en permettant ces outrages, il chargeât ces meurtriers d’un grand crime.