« Heureux l’homme qui possède les règles de la science, qui ne se propose pour but ni le dommage de ses concitoyens, ni les œuvres de l’injustice, mais qui contemple l’indéfectible ornement de l’immortelle nature, et sait en quoi elle consiste, pourquoi et comment elle est toujours inaltérable. Jamais la pensée d’une action honteuse ne surgit dans ces sortes d’intelligences. »
Platon a donc eu raison de dire
« que l’homme adonné à la contemplation des idées vivra comme un Dieu parmi les mortels. L’esprit est le siège des idées ; Dieu est le siège de l’esprit. »
Vous l’entendez ! Platon a dit de l’homme appliqué à la contemplation du Dieu invisible qu’il est un dieu vivant parmi les mortels. Dans le Sophiste, Socrate appelle aussi dieu son hôte d’Élée parce qu’il excelle dans la dialectique, et il le compare
« à ces dieux qui, à la manière des hôtes étrangers, vont de cité en cité. En effet, quand l’âme planant au dessus de la matière, existe par elle-même de sa vie propre et n’a de relations qu’avec le monde des idées, »
ainsi que le Coryphée dans le Théétète, l’homme, élevé jusqu’à la nature de l’ange, habite avec le Christ, et plonge dans la contemplation, méditant toujours la volonté de Dieu. Et véritablement :
« Voilà le seul sage ; tout le reste voltige ça et là, comme des ombres fugitives. »
« Car les morts ensevelissent leurs morts. »
C’est de là que Jérémie a dit :
« J’entasserai dans la ville les cadavres des enfants de la terre, que je frapperai dans mon indignation. »
Dieu, ne pouvant être démontré, n’est point le principe de la science. Mais le Fils est à la fois, sagesse, vérité, science, enfin tout ce qui peut avoir avec elles un rapport de parenté. De plus, il possède la démonstration, et l’explication de toutes choses. Toutes les puissances de l’esprit ayant été créées une seule chose, convergent au même centre, le Fils. Il est infini dans chaque notion de ses puissances, bien qu’il ne soit pas réellement un, comme ce qui est un mathématiquement, ni multiple comme ce qui admet plusieurs parties, mais en tant qu’enveloppant tout dans son unité, et dès lors un étant toutes choses. Car il est le cercle de toutes les puissances qui se meuvent en lui et s’unissent dans une seule et même circonférence. Telle est la raison pour laquelle le Verbe a été appelé l’Alpha et l’Oméga, parce qu’il est le seul dont la fin est le commencement, dont le commencement est la fin, sans aucun intervalle, sans aucune dimension. Voila pourquoi croire au Verbe et par le Verbe, c’est arriver à l’unité, c’est-à-dire, être uni au Verbe par des liens indissolubles. Au contraire, ne pas croire au Verbe, c’est tomber dans la dualité, dans la division, dans le partage. C’est ce qui a fait dire au Seigneur :
« Tout enfant étranger, incirconcis de cœur et de chair, c’est-à-dire impur de corps et d’esprit, n’entrera pas dans mon sanctuaire, ni tout étranger qui est au milieu des enfants d’Israël. Les lévites seuls y entreront. »
Quels sont ces étrangers ? Ceux qui, au lieu de croire, veulent demeurer incrédules ? Il n’y a donc de véritables pontifes de Dieu que ceux qui mènent une vie pure. Aussi, parmi toutes les tribus qui se faisaient circoncire, celles-là étaient regardées comme les plus saintes, dont les fils recevaient, avec la consécration de l’huile, les fonctions de pontife, de roi, de prophète. Aussi le prophète leur recommande-t-il de ne pas toucher un cadavre, de ne pas entrer dans la chambre d’un mort, non pas que le corps soit chose perverse, mais parce que la désobéissance et le péché sont des œuvres de la chair inhérentes an corps, mortes avec lui, et par-là même abominables. Il n’a donc été permis au prêtre d’entrer dans la chambre d’un mort, que dans le cas où ce serait son père, sa mère, son fils ou sa fille, parce que les relations de la chair et du sang se bornent pour le prêtre aux rapports de filiation et de paternité. Les prêtres se purifient encore pendant sept jours, autant de jours que dura la création. Le septième, ils célèbrent le repos de Dieu ; le huitième,
« ils présentent une oblation pour leur péché »
comme il est écrit dans Ézéchiel. Par cette oblation, il faut entendre la promesse. Mais la purification parfaite, à mon avis, c’est la foi vraiment propitiatoire qui conduit par la loi et les prophètes à l’Évangile ; c’est la pureté qui consiste dans une obéissance entière, avec l’abandon et le détachement de toutes les choses terrestres jusqu’au jour où nous rendrons à la terre, pour la joie de notre âme, cette tente de l’humanité. Que ce soit donc à l’année qui ramène le sabbat suprême, tous les sept ans ; que ce soit aux sept cieux, dont quelques-uns font des degrés intermédiaires entre Dieu et nous; que ce soit enfin à la région errante, voisine du monde des intelligences, que le prophète fasse allusion par la huitaine, dont il a parlé, toujours est-il que le véritable Gnostique devra, selon lui, se dégager du monde sensible et avant tout, du péché. C’est pourquoi, pendant sept jours, des victimes sont immolées pour l’expiation de l’iniquité; il faut craindre encore qu’il n’en reste quelque trace, même quand ce septième jour achève sa révolution.
Job, cet homme plein de justice, a dit :
« Je suis sorti nu du sein de ma mère, et j’y retournerai nu. »
Il ne veut pas dire qu’il se retirera de ce monde sans richesses ; la réflexion serait pauvre et vulgaire ; mais, qu’à la manière du juste, il quittera la terre, sans vice, sans péché, et libre des honteux simulacres qui accompagnent toujours les hommes de l’iniquité. C’est ce que signifie encore cette parole :
« Si vous ne vous convertissez et ne devenez comme de petits enfants, purs de corps et sains d’esprit, »
en vous abstenant de toute œuvre mauvaise. Le Seigneur nous montre par la bouche de l’évangéliste qu’il nous veut tels que nous nous sommes relevés du sein de l’eau baptismale. Car une naissance succédant ainsi à une autre naissance, aspire à nous enfanter progressivement à l’immortalité ;
« mais le flambeau des impies s’éteindra. »
Cette virginité de l’âme et du corps, que poursuit de toutes ses forces le Gnostique véritable, le sage Moïse, employant à propos la figure de la répétition, nous la fait connaître, quand il décrit en ces termes la pureté intérieure et extérieure de Rébecca :
« C’était une vierge belle et inconnue à tout le monde. »
Or, Rébecca signifie Gloire de Dieu, et la gloire de Dieu c’est l’incorruptibilité. La véritable justice consiste à ne jamais faire tort aux autres, et à consacrer toute sa personne au Seigneur, comme un temple sanctifié. La justice ! Elle est la paix et la stabilité de la vie. Quand le Seigneur dit à la femme qu’il vient de rendre à la santé :
« Allez en paix, »
c’est à cette justice qu’il la renvoie. Salem signifie paix, et notre Seigneur prend le titre de roi de la paix. Melchisédech, roi de Salem, pontife du Très-Haut, offrant, en figure de l’Eucharistie, le pain et le vin sanctifiés, n’est pas autre chose que notre Seigneur. Il y a mieux : le mot de Melchisédech lui-même signifie roi juste. La justice et la paix sont donc synonymes.
L’apostat Basilide est d’avis que la justice et la paix, sa fille, demeurent comprises dans la huitaine, mentionnée par le prophète. Mais, de ces explications trop naturelles élevons-nous à une interprétation morale plus ù la portée de tous ; cet examen suivra la discussion présente. C’est donc bien véritablement notre Sauveur qui nous initie aux saints mystères, scion le langage du poète tragique :
« Il voit qui le voit ; lui-même nous donne ses fêtes. »
Et si vous demandez :
« Ces fêtes dont vous parlez, de quelle nature sont elles ? »
L’hiérophante vous répondra :
« Il n’est pas permis de révéler les mystères à ceux qui ne sont pas initiés. »
Insistez-vous pour découvrir curieusement quelles sont ces solennités ? il vous sera répondu de nouveau :
« Il ne vous est pas permis d’en pénétrer les mystères, quoiqu’ils soient bien dignes de l’investigation humaine. Les fêtes de ce Dieu repoussent loin d’elles l’artisan de l’iniquité. »
Dieu, qui n’a pas eu de commencement, est le commencement et la fin de toutes choses. Tout ce qui est remonte à ce principe. En tant qu’essence, il est l’origine de toute faculté créatrice ; en tant que bon, de toute faculté morale ; en tant qu’intelligence, de toute faculté pensante et raisonnante. D’où il suit que celui-là est le seul maître, qui seul est le fils du Très-Haut, du Père, de la sainteté infinie, le seul instituteur de l’homme.