Nous avons démontré par combien de passages de l’Ecriture la venue du Verbe de Dieu parmi les hommes était annoncée ; d’où, où et comment les prophéties que conservent les Hébreux prédisaient qu’il apparaîtrait, et que celui qu’elles désignent n’est autre que le Fils de Dieu qui a précédé les siècles, et que nous avons reconnu ailleurs être Dieu et Seigneur, chef des armées, ange du grand conseil et pontife de Dieu. Après ces explications, il nous reste à établir par les prophéties encore, l’époque de sa manifestation, en faisant de cette question le sujet d’un nouveau livre.
Voici les signes certains dont les divines Ecritures marquaient l’époque de la venue du Messie. Il était chez les Hébreux trois puissances extérieures pleines de dignité, et dont la nation tirait son existence : celle des rois, celle des prophètes, et au-dessus d’elles, celle des souverains pontifes ; leur destruction, leur disparition absolue, voilà les signes marqués à l’avènement du Christ ; ainsi le sont encore l’abolition du culte de Moïse, la ruine de Jérusalem et de son temple, et l’asservissement de la nation juive entière à tous ses ennemis et à ses adversaires. Les prophètes ajoutent encore comme signes de cette époque, l’abondance de la paix, la destruction des gouvernements et des constitutions antiques, des nations et des cités de la terre, l’abandon du polythéisme, culte plein d’idolâtrie et adressé aux démons, et la connaissance de la religion du Dieu suprême, créateur de toutes choses. Tous ces événements, qui n’ont jamais eu lieu du temps des anciens prophètes, étaient rapportés par les oracles sacrés à la venue du Christ, et bientôt il sera prouvé qu’ils ont été accomplis comme les prophéties le marquaient. Quant aux motifs qui ont porté le Christ à ne pas se rendre sensible en vivant sur la terre avant ces derniers temps, mais après une attente longue et prolongée, déjà ils ont été exposés, et ils seraient cependant encore repris en peu de mots. Autrefois les ténèbres de la démence et de l’impiété qui obscurcissaient la raison des hommes, étaient une irréligion fatale qui dirigeait leur vie entière, de sorte qu’ils ne différaient en rien des animaux féroces et indomptables ; ainsi donc, ne connaissant ni ville, ni police, ni loi, ni l’honnêteté, ni l’utile, privés de la connaissance des sciences et des arts, et sans notion de philosophie et de vertu, ils vivaient dans les déserts, sur les montagnes, dans des grottes et aux environs des habitations, prêts à surprendre en voleurs ceux qui approchaient, et ne se procurant les nécessités de la vie que par l’oppression des faibles. Ils ignoraient le Dieu suprême, les rites de la religion véritable ; mais, dirigés par leurs conceptions sensibles, ils reconnaissaient par une lumière naturelle la présence d’une puissance divine dans les êtres, un Dieu qui existe et qui a un nom, et dont le nom est salutaire et bienfaisant. Mais pour ne pas supposer autre chose que celui qui est élevé au-dessus de toute substance visible, ils n’en étaient pas encore capables. « Aussi les uns ont-ils rendu le culte et l’obéissance aux créatures plutôt qu’au créateur (Rom., I, 25) ; les autres se sont égarés dans leurs vains raisonnements (Rom., I, 21), et leur cœur insensé s’est rempli de ténèbres, jusqu’à transférer la gloire du Dieu incorruptible à l’image d’un homme corruptible, à des figures d’oiseaux, de quadrupèdes et de reptiles. » Ainsi, après avoir façonné les images des hommes puissants qui étaient morts, et de leurs rois anciens ; après avoir décerné à ces idoles le culte divin, ils en vinrent à célébrer leurs impudences et leurs turpitudes, comme des vertus de la divinité. Comment donc la doctrine du Christ, sagesse et vertu même, qui annonçait la philosophie la plus élevée, aurait-elle pu convenir à des êtres d’une vie aussi grossière, et s’harmoniser avec des cœurs plongés dans un tel abîme de perversité ? C’est pourquoi la justice divine qui dirige toutes choses, les travailla comme une forêt sauvage et nuisible, en les exposant tantôt à des inondations, tantôt à des incendies ; elle les abandonnait encore à leurs guerres mutuelles, aux carnages et aux sièges, portés qu’ils étaient à la discorde par les démons eux-mêmes qu’ils prenaient pour des dieux ; de sorte qu’alors la vie entre voisins était sans accès mutuel, sans commerce ni société. Seulement, comme cette justice trouva quelques fidèles, en petit nombre et faciles à compter, comme il était naturel en un semblable état, ceux dont les livres des Juifs conservent le souvenir, elle les entretint par des prophéties et des révélations divines, les traitant avec bonté et les cultivant par les lois initiatrices et utiles de Moïse. Mais quand cette sage législation et les enseignements postérieurs des prophètes, épanchés comme un parfum sur tous les hommes, eurent adouci les cœurs ; quand plusieurs nations eurent formé leur police et leurs codes, et quand le nom de la vertu et de la philosophie eut été célébré par plusieurs, après le changement de leur férocité ancienne, et l’adoucissement de leurs mœurs sauvages et cruelles, à cet instant favorable le maître parfait et céleste de la doctrine céleste et parfaite, l’initiateur de la doctrine de vérité, le Verbe Dieu se manifesta au moment marqué pour son incarnation et annonça à toutes les nations, aux Grecs et aux Barbares, à tout le genre humain, la charité du Père, les appelant tous à l’unique salut de Dieu et leur ménageant la vérité même, la lumière de la vraie religion, le royaume des cieux, et la nouvelle du salut éternel.
Cela suffit pour faire connaître le motif de l’avènement du Christ de Dieu à cette époque, plutôt qu’aux anciens jours. Revenant désormais à notre premier plan, nous développerons en détail les signes des temps de sa venue, en commençant par l’examen des témoignages de l’Evangile sur sa naissance. Matthieu donc indique l’époque de sa manifestation en l’humanité de la manière suivante : « Jésus étant né à Bethleem de Juda, aux jours du roi Hérode » (Matth., II, 1). Et peu après : « Or, ayant appris qu’Archélaus régnait en Judée à la place d’Hérode, son père » (Id., 22). Luc établit ainsi le temps de sa prédication et de sa manifestation : « L’an quinzième de l’empire de Tibère César, Ponce Pilate étant gouverneur de la Judée ; Hérode, tétrarque de la Galilée, Philippe son frère, tétrarque de l’Iturée et de la Trachonite, et Lysanias d’Abilène ; sous le pontificat d’Anne et de Caïphe » (Luc, III, 1). Il est à propos de comparer à ces paroles la prophétie de Jacob rapportée par Moïse, en ces termes :