Démonstration évangélique

LIVRE IX

CHAPITRE II

D’ISAÏE

Le Seigneur doit entrer en Egypte réellement et suivant le sens spirituel ; sur le corps qu’il tient de la sainte Vierge ; et toute superstition des nations doit être renversée à sa venue.

« Voici que le Seigneur est porté sur un nuage léger ; il entrera en Egypte, à sa présence les idoles de l’Egypte seront ébranlées, et tous les cœurs seront dans l’effroi, » (Is., XIX. 1).

Voici, ce me semble, le motif qui fit prédire que le Seigneur entrerait en Egypte. Il est rapporté des Egyptiens, que les premiers de tous ils ont embrassé l’erreur du polythéisme et du culte des démons ; qu’ils ont été pour tous les hommes les auteurs de cette superstition, et encore qu’ils se sont, plus que tous les autres livrés aux opérations et aux recherches de la magie. De plus, dans la divine Ecriture, ils sont désignés comme ennemis du peuple de Dieu, au commencement et dès l’origine, et on y remarque cet antique roi qui déclara ne pas connaître le Seigneur, en disant : « Je ne connais pas le Seigneur, et je ne renverrai pas Israël » (Exode, V, 2). Le prophète veut donc offrir un grand prodige de la puissance divine du Christ, il révèle l’entrée du Seigneur en Egypte, et annonce qu’elle sera suivie du changement extraordinaire des Egyptiens, quand il dit ensuite : « Et les Egyptiens qui ne connaissent pas le Seigneur, le connaîtront et ils feront des vœux au Seigneur, » et le reste qui est au long. Dans le chapitre immédiatement précédent, Edom et Esaü sont appelés l’héritage du Messie, et sous leurs noms sont désignés les étrangers à Israël ; et ici l’Egyptien ne sera plus le peuple des idoles, mais celui du Seigneur annoncé comme Dieu par les prophètes des Juifs. Or, si l’on ne voit pas ces prédictions réalisées, il n’est pas possible de dire que cette entrée prédite du Seigneur en Egypte ait eu lieu ; mais si l’événement donne à la prophétie une confirmation parfaite et montre avec évidence aux hommes les plus grossiers les Egyptiens eux-mêmes qui ont abandonné l’antique culte des démons, transmis par leurs pères, pour devenir les serviteurs du Dieu des prophètes dont les paroles annoncent ce changement, s’ils l’honorent seul et ne refusent aucun supplice pour sa religion, il faut confesser que cela n’a pu arriver que par la venue du Seigneur en Egypte, suivant la prophétie en question.

Et de plus, rien n’empêche que cette prédiction ne désigne ce monde terrestre au milieu duquel le Seigneur viendra sur une nuée légère. Elle appelle ainsi l’homme né de la Vierge et de l’Esprit saint que le Verbe s’est uni : les simulacre de l’Egypte qui doivent être ébranlés, ce sont les idoles des nations et les démons qui y résident, comme les Egyptiens vaincus sont tous ceux qui étaient livres autrefois à l’idolâtrie.

Cependant lorsque notre Sauveur fut entré corporellement en Egypte, quand, conformément à la prédiction, « Joseph s’étant levé, prit Marie et l’enfant et alla en Egypte » (Matth., II, 14), il est présumable que les cruelles puissances qui dominaient en cette contrée ne furent pas médiocrement agitées, et surtout dans la suite, lorsque son enseignement entraîna une multitude innombrable des habitants de l’Egypte, qui renoncèrent au culte mensonger des démons, et qui confessent encore aujourd’hui qu’ils ne connaissent qu’un seul Dieu, celui de l’univers.

Quant à ce qui suit, tout énigmatique et qui demande une plus longue discussion, nous l’interpréterons lorsque nous en aurons le loisir.

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