Mon Dieu, je ne sais pas user des bienfaits que tu m’accordes. Si tu me les retirais, j’en sentirais le prix ; mais tu me les laisses, et je ne sais pas en profiter. Le moyen que je veux, pour faire le bien, n’est jamais celui que j’ai ; ou, si je le possède, il n’est pas sous ma main. Le jour de l’action n’est jamais venu, c’est toujours demain, et quand le lendemain est là, c’est encore plus tard ! Je serais si généreux si j’étais riche ! mais en attendant je ne sais pas donner dans la mesure de ma pauvreté : Ah ! je le sens, Seigneur, ce sont les ruses de Satan déguisé en ange de lumière. Lui-même me recommande le bien, pourvu qu’il soit différé ; lui-même me conseille le dévouement, à condition qu’il soit bien placé. Et ainsi, de délais en délais, de prétextes en prétextes, il use ma vie en projets, en attentes, en paroles, sans jamais me permettre d’agir.
Oui Seigneur, je le confesse, j’ai reçu de toi tout ce qui m’est nécessaire pour faire le bien, et même précisément ce bien que je projette sans jamais l’accomplir. Oui, je le reconnais, me fût-il impossible de réaliser exactement ce que j’avais d’abord conçu, il me reste toujours possible de réaliser d’autres conceptions. Je ne suis pas malade, comme Job qui pourtant te bénissait ! Je ne suis pas pauvre comme la veuve du Temple qui cependant donnait ! Je ne suis pas sur la croix où le brigand trouvait encore des forces pour la prière ; ni sous le martyre d’Etienne dont la foi, à travers une grêle de pierres, voyait encore le ciel ouvert ! Ai-je « résisté jusqu’au sang. ? » hélas ! je n’ai pas même tenté d’user des ressources que tu m’as accordées. Ma paresse les dédaigne, tandis que d’autres, moins bien partagés, me portent peut-être envie, et qu’ainsi je scandalise ceux que je devrais édifier ! Mon Dieu, voilà la plaie de mon cœur ouverte ; verses-y le baume de tes consolations, et surtout l’Esprit fortifiant, pour accomplir désormais toutes les œuvres saintes que j’ai si longtemps contemplées !