On peut grouper tous les actes du culte autour du sacrifice et les ramener tous à cette notion. Or, qu’est-ce qu’un sacrifice dans le sens le plus général de ce mot ? Un acte extérieur et sensible par lequel l’homme montre qu’il veut se donner, se consacrer à son Dieu. L’homme est tellement dépendant de son créateur, tout lui dit si clairement que ce qu’il est, vient de Dieu, avec tout ce qu’il a, tout ce qu’il fait, tout ce qu’il souffre et tout ce qu’il lui arrive, — qu’il se sent pressé de témoigner d’une manière positive à son Maître les sentiments qui remplissent son cœur. La prière lui offre déjà un moyen de louer Dieu, de le remercier, de l’appeler à son aide. Mais cela ne lui suffit pas. Il lui faut un acte, une cérémonie qui vienne rendre sensibles ses dispositions intérieures. Il faut aussi, pour que sa sincérité ne puisse pas être mise en doute, que sa consécration à Dieu lui coûte quelque chose. A cet égard, les jeûnes, le nasiréat et les purifications lévitiques sont déjà des espèces de sacrifices ; voyez plutôt les supplices horribles que s’imposent quelquefois les païens pour apaiser la divinité. Aussi parlerons-nous en leur temps des jeûnes, etc. Mais nous réserverons le nom de sacrifice (offrande, opfer, offerre) pour les cas où il y a positivement une offrande, un objet présenté et donné à l’Éternel.
[En hébreu, il y a trois mots qui répondent à cette notion : קרבן, Korban, don. (voyez Marc 7.11), מתנות קדש, Mattenoth Kodesch, présent sacré (Exode 28.38) ; et מנ_הּ, Minecha, oblation, du moins dans le sens le plus général de ce mot, comme dans Genèse 4.3. Dans les lois cérémonielles, מנ_הּ, Minecha a un autre sens.]
Maintenant, deux cas peuvent se présenter. L’objet offert à l’Éternel est quelquefois simplement mis à sa disposition (Nombres 7.3 ; 31.50 ; 1 Samuel 1.11). D’autres fois, l’offrande est immédiatement employée d’une manière quelconque à la gloire de Dieu, et alors c’est en consumant par le feu sur l’autel tout ou partie de la victime, que l’on exprime de la manière la plus significative sa consécration à Dieui. C’est là le sacrifice proprement dit.
i – Ainsi donc nous pourrions distinguer dans la consécration à Dieu les cinq degrés suivants : la prière, les jeûnes et abstinences, les offrandes, les sacrifices et les holocaustes. Ce sont là cinq espèces d’actes qui expriment d’une manière toujours plus intensive la consécration à Dieu (Note du T.).
[אשה, Ischché, sacrifice consumé par le feu, de אש, Esch, feu. Tel est le nom donné dans l’A.T. à tous les sacrifices qui passaient par l’autel, qu’ils y fussent entièrement ou partiellement consumés. (Lévitique 1.9,17 ; 2.3,9 ; 4.35 ; 5.12, sq.) Ischché ne se dit jamais de sacrifices qui ne doivent pas être brûlés. Dans Lévitique 24.7, le parfum dont on saupoudre les pains de proposition est appelé Ischché, mais cela vient de ce que ce parfum se brûlait, une fois les pains enlevés de dessus la table d’or. (Josèphe Ant, 3.10, 7.)]
Une chose encore qu’il faut bien remarquer, c’est le rôle important que joue dans les sacrifices la notion de la substitution. Ainsi l’Israélite se substitue à lui-même une offrande quelconque ; ou bien l’on consacre à l’Éternel les premiers-nés à la place de tout le peuple, les premiers épis à la place de toute la récolte ; ou bien encore on apporte à l’autel un objet capable d’être présenté à Dieu, à la place d’un autre objet qui devrait proprement être sacrifié, mais qui n’est pas de nature à l’être, ainsi Exode 13.13 ; 34.20, agneaux au lieu des premiers-nés des ânessesj. Naturellement, c’est quand la victime est immolée et qu’elle donne ainsi sa vie pour la conservation d’une autre vie, que la substitution est surtout frappante ; mais elle se trouve du plus au moins dans tout vrai sacrifice. Toujours, — qu’elle soit mue par la reconnaissance ou par la crainte, — la personne qui offre un sacrifice à la Divinité, mettra dans son oblation quelque chose d’elle-même. C’est aussi pour cela qu’on ne doit jamais employer comme victimes des objets ou des animaux qui ne vous appartiennent pask. On connaît la réponse de David à Arauna (2 Samuel 24.24). Autrement, le sacrifice n’aurait plus rien de ce qui en fait la valeur ; il ne serait plus, ni l’aveu que le créateur est le vrai propriétaire de toutes choses, ni la reconnaissance de ce droit suprême par un acte positif de renonciation à ce que l’on peut posséder de plus cher au monde, comme dans Genèse ch. 22 (sacrifice d’Isaac).
j – Hérodote a trouvé quelque chose d’analogue chez les Egyptiens ; les gens pauvres pouvaient offrir des porcs en pâte cuite à la place de véritables porcs. (2.47.) Voyez d’autres exemples de cas pareils dans Hermann, « Les anciens cultes des Grecs. » et dans Harung, « La religion des Romains. »
k – Le butin de guerre étant considéré comme la propriété de celui qui l’avait fait, il pouvait être offert à l’Éternel.