N’avons-nous pas raison de ne circonscrire dans aucun lien celui que rien ne peut circonscrire, et de ne point enfermer dans un temple la majesté de celui qui embrasse tout l’univers ? À quel titre une enceinte de pierres, œuvre grossière d’artisans grossiers, serait-elle une œuvre sainte ? J’aime mieux ceux qui ont pensé que l’éther et ce qu’il contient, ou pour mieux dire, le monde tout entier et l’universalité des êtres, sont dignes de l’excellence de Dieu. Il serait, en effet, ridicule de soutenir que l’homme, jeu de la Providence, selon le langage des philosophes, puisse fabriquer Dieu, et que la Divinité devienne à son tour le jeu des mains de l’homme. Ce que l’on élabore est identique à la matière élaborée. Ainsi un ouvrage d’ivoire est de l’ivoire ; un ouvrage d’or est de l’or. Les simulacres et les temples qui sont dressés par des hommes grossiers sont tirés d’une matière inerte ; par conséquent ils resteront inertes, matériels et profanes comme elle. Donnez à l’art toute la perfection imaginable : la matière garde constamment la grossièreté de son origine. Ainsi les œuvres de l’art, quel qu’il soit, ne sont jamais sacrées et divines. D’ailleurs, quel être pouvez-vous ériger de nouveau, lorsque, dans la disposition universelle, il n’en est pas un qui n’ait sa place assignée. L’objet que l’on érige est placé par quelqu’un, parce qu’il ne l’était pas encore. Si Dieu est placé là ou là par les hommes, il y eut donc un moment où il n’avait pas sa place, où il n’existait pas conséquemment. L’être qui n’existait pas, n’avait point de place, puisque, pour en occuper une, il faut exister. D’autre part, l’être existant ne pourra être placé par un être chimérique ; il ne pourra point l’être davantage par un être réel : il existe, donc il est placé. Il reste qu’il soit placé par lui-même. Mais comment un être s’engendrera-t-il lui-même ; ou comment l’être se placera-t-il en tant qu’être ? Direz-vous que, sans place auparavant, il s’en est fait une lui-même ? Il n’en est rien. L’être imaginaire ne peut occuper de place. Vous l’avez cru placé. Comment, ce qu’il a eu d’abord dans votre opinion, est-il parvenu à le réaliser ? Mais l’être par excellence, auquel appartient tout ce qui est, ne peut avoir besoin de sa créature. Les formes de Dieu sont celles de l’homme, dites-vous. Mais alors il aura les besoins de l’homme. Il lui faudra des aliments, une maison, des vêtements, et tout ce qui en est la suite. Du moment que vous donnez à deux êtres une forme et des affections semblables, vous les soumettez aux conditions du même régime. S’il est vrai qu’un temple représente ces deux idées, la majesté de Dieu lui-même, et l’enceinte matérielle bâtie en son honneur, pourquoi ne nommerions-nous pas véritablement temple de la Divinité l’Église qui, sanctifiée par la connaissance, s’est élevée en l’honneur de Dieu ; sanctuaire d’un grand prix, que n’ont point édifié des mains grossières, que n’a point embelli l’habileté d’un magicien, mais que la volonté de Dieu lui-même a converti en temple. Je n’appelle point ici du nom d’Église l’enceinte matérielle. Je réserve cette appellation pour l’assemblée des élus. Voilà le temple le mieux fait pour recevoir la grandeur et la dignité de Dieu. En effet, une victime d’un grand prix a été consacrée par l’éminence de sa sainteté ù celui qui est digne de tout prix, disons mieux, au prix duquel rien ne répond dans la nature. Quelle sera cette victime ! Le Gnostique, cher à Dieu, en honneur devant lui, et chez lequel Dieu est érigé ; c’est-à-dire, dans lequel la connaissance de Dieu a son sanctuaire et sa consécration. Oui, c’est dam l’âme du juste que nous trouverons la sainte image et la divine effigie, puisqu’elle est heureuse par les purifications légales qu’elle a subies, et heureuse encore par les bonnes œuvres qu’elle accomplit tous les jours. Voilà l’objet qui n’est pas encore placé et qui cependant l’est déjà, ici, dans ceux qui ont embrassé la perfection gnostique, là, dans ceux qui sont à même de l’embrasser, quoiqu’ils ne soient pas dignes encore de recevoir les dons de la science divine. Tout ce qui croira dans l’avenir, déjà fidèle à Dieu pour ainsi parler, s’élève d’avance comme un vertueux simulacre consacré en l’honneur du Tout-Puissant.