Préparation évangélique

LIVRE VIII

CHAPITRE VII
LE MÊME SUR LA CONSTITUTION THÉOCRATIQUE DONNÉE PAR MOÏSE

« Chez lequel de ces peuples trouver les mêmes coutumes ou des coutumes qui s’en rapprochent, cette douceur, cette docilité, cette prudence dans les formes d’instances judiciaires qui n’admettent point de chicanes, de moyens dilatoires, d’expertises, et de contre-expertises ? tout y est simple et clair : si vous êtes pédéraste, adultère, si vous avez fait violence à un enfant, je ne dis pas seulement mâle, mais du sexe féminin, si vous avez souffert des choses indécentes pour votre âge, si vous en avez exprimé la pensée, si vous vous êtes proposé de les commettre, la mort en est le châtiment. Si vous avez montré de la violence envers des individus de condition libre ou envers des esclaves, si vous les avez retenus dans les fers, si vous les avez vendus en les emmenant au loin, si vous avez dérobé, soit comme simple vol, soit comme sacrilège, si vous avez été impie, non seulement en action, mais en paroles échappées non contre Dieu même (que Dieu me préserve d’avoir cette pensée, qu’on n’ose pas même énoncer), mais contre votre père, votre mère, votre bienfaiteur, la mort également, et non pas une mort ordinaire ou quelconque : non, on doit lapider celui qui a seulement parlé, la parole n’étant pas une moindre impiété que l’action. En voici encore d’autres : les femmes doivent être asservies à leurs maris, sans être traitées avec violence, mais en tout par la voie de la persuasion ; les pères doivent commander à leurs enfants, mais dans l’intérêt de leur salut et dans la prévoyance de leur avenir. Chacun est maître de ses biens, pourvu qu’il ne les ait pas sous le nom de Dieu ou qu’il n’en ait pas fait l’abandon à Dieu. S’il arrivait même qu’il ne considérât ce don que comme une promesse verbale, il lui serait également défendu d’y toucher le moins du monde, et sur le champ il serait exclus de la possession de ces objets, bien loin qu’il pût ravir ce qui est aux dieux et les dépouiller des offrandes faites par d’autres que lui. Mais, ainsi que je l’ai dit, une seule parole, échappée à son insu, suffirait pour être considérée comme une offrande ; s’il a proféré qu’il donnait, il est privé du tout ; s’il veut revenir sur ce qu’il a dit, en corrigeant ses expressions, il sera, de plus, privé de la vie. La même règle s’applique aux autres objets en sa possession. Si un mari consacre le fruit que porte sa femme, elle devient sacrée, il doit s’en abstenir. Également le père pour son fils, le maître pour son serviteur. La manière pour se délier de ces consécrations est de deux sortes : la plus parfaite et la plus grande est celle du prêtre qui refuse le don (car il a été constitué par Dieu avec le pouvoir d’accepter) ; après celle-là vient celle de ceux qui, par leur rang, ont qualité pour apaiser Dieu par des sacrifices ; car l’acceptation n’est jamais forcée.

Il y a outre ces choses une foule de règlements pris, parmi les usages non écrits et qui ont force de lois, et dans les lois elles-mêmes. Ce qu’on redoute d’éprouver, ne point le faire subir aux autres ; ce qu’on n’a pas apporté, ne pas se permettre de l’enlever, soit du potager, soit du pressoir, soit du moulin ; ne rien prendre, soit peu, soit beaucoup dans un dépôt ; ne point refuser de feu à celui qui en a besoin ; lorsque des mendiants ou des hommes privés de leurs membres vous implorent pour leur nourriture, leur offrir saintement en vue de Dieu ; ne point intercepter les cours d’eau ; ne point priver les morts de sépulture, mais leur accorder la couverture de terre que réclame la sainteté des mines ; ne point troubler les cercueils ou les monuments des défunts ; ne point ajouter de chaînes ni aggraver les maux de ceux qui sont dans des nécessités pénibles ; ne point retrancher aux hommes leur virilité, ni procurer d’avortements aux femmes par des breuvages ou de toute autre manière ; ne point traiter les animaux autrement que Dieu ou le législateur ne l’a établi ; ne point faire perdre la matière séminale ; ne point frauder l’engendrement ; ne pas imposer une charge trop forte ; ne point se servir de balance, d’aune infidèle, de fausse monnaie ; ne point dévoiler méchamment les secrets d’un ami. Mais par Dieu où s’arrêteront toutes ces injonctions ?.

En voici encore de nouvelles :

« Ne point séparer l’un de l’autre les enfants des parents, quand même votre domination sur eux procéderait d’une captivité, suite de guerres. Ne point désunir l’épouse de son époux, quand vous en séries devenu le maître à prix d’argent et d’après la loi. Certes, ce que nous avons jusqu’alors passé en revue nous paraîtra plus vénérable et plus grand que les petites obligations, en quelque sorte, fortuites qui vont suivre. Ne point enlever de leur nid les petits oiseaux, ne point repousser la prière des animaux qui viennent se réfugier près de vous, et d’autres encore plus petites ; vous direz qu’elles vous semblent indignes de votre attention ; mais à leurs yeux toute loi est grande et mérite leurs respects. Aussi c’est dans les formes les plus solennelles qu’elles sont annoncées, C’est sous les imprécations les plus terribles contre soi-même qu’on s’y soumet, et Dieu, qui en surveille l’observance, est le vengeur qui en punit les transgressions partout. »

Après d’autres considérations très courtes il ajoute : « Pendant le jour entier et non pendant un seul, mais pendant plusieurs, lesquels ne se suivent pas immédiatement, mais qui sont séparés par des intervalles (car on conçoit que l’habitude contractée pendant les jours d’œuvres serviles doit prévaloir sur celle qui ne revient qu’après sept jours) ne pas trouver un seul transgresseur des commandements qui doivent être observés, cela ne vous semble-t-il pas tenir du prodige ? Ce n’est pas seulement la pratique qui peut leur donner cet empire sur eux-mêmes au moyen duquel ils peuvent également accomplir les travaux auxquels ils se livrent et s’abstenir de tout travail quand il le faut.

« Or, ce n’était pas dans le simple but de leur faire contracter par l’exercice cet empire sur eux-mêmes qui fait qu’ils peuvent également se livrer aux travaux qu’ils se proposent d’exécuter et s’abstenir de tout travail, quand il le faut, que le législateur a institué le repos du sabbat. Il a eu une intention plus relevée et plus merveilleuse : celle non seulement de les rendre capables de (aire et de ne pas faire indistinctement, mars de plus, de les instruire dans les lois et les usages qu’ils tiennent de leurs pères. Que fit-il donc ? Il trouva utile de les rassembler dans un même lieu chaque septième jour, de les faire asseoir l’un près de l’autre, avec décence et dans un ordre régulier, pour y entendre la lecture de la loi, afin que personne n’en pût prétexter l’ignorance. En effet ils se réunissent toujours et prennent séance l’un près de l’autre ; le plus grand nombre y gardent le silence, à moins que l’un d’eux ne croie pouvoir ajouter quelques mots d’édification à ce qui est lu. Un prêtre ou un vieillard présent fait la lecture des saintes lois et leur explique, partie par partie, ce qu’ils ont entendu : ce qui se prolonge jusque dans la soirée très avancée ; après quoi ils se séparent, remportant la science des saintes lois et pénétrés de sentiments toujours plus vifs de piété envers Dieu. « Est-ce que ces mesures vous semblent le fait d’hommes oisifs ? ne vous paraissent-elles pis plutôt liées étroitement à une vie active ? Ce n’est pas en allant consulter les oracles qu’ils apprennent ce qu’ils doivent faire ; ils ne se laissent pas non plus entraîner à des actions coupables par l’ignorance des lois ; mais sur quelque objet que vous interrogiez l’un d’entre eux, concernant leurs lois, il est en état de vous répondre. Le mari est capable de les faire comprendre suffisamment à sa femme, le père à ses enfants, le maître à ses serviteurs. Il est aussi facile de rendre compte de ce qui a rapport à la septième année qui diffère du septième jour, en ce qu’ils ne s’abstiennent pas de toute espèce de travail pendant cette année comme ils le font chaque septième jour ; mais ils laissent la terre inculte pour la cultiver plus tard, dans l’espoir d’une plus grande fertilité : il est, en effet ! d’une haute importance de lui accorder ce repos pour la labourer sur guéret, l’année suivante, afin que, par la continuité de la culture, elle ne perde pas toute son énergie productive. On voit que la même chose a lieu dans les corps pour assurer leur force, et ce ne sont pas seulement des faibles suspensions de fatigue qui assurent leur santé, mais les médecins prescrivent certaines cessations complètes de travail : la durée continue et l’uniformité surtout dans le travail étant préjudiciables. J’en vais donner la preuve.

« Si quelqu’un leur proposait de cultiver cette terre pendant cette septième année avec plus de soin que les années précédentes, à la condition d’en partager les fruits avec eux, ils n’accepteraient pas ce marché ; car ce ne sont pas eux seuls qui doivent, dans leur opinion, s’abstenir de travail, quoiqu’il ne puisse y avoir rien de surprenant dans une semblable conduite ; mais c’est la terre elle-même â laquelle ils veulent accorder du relâche et de l’inertie, pour recommencer ensuite avec un redoublement de zèle à la cultiver. Sans cela, qui eût empêché, pour ce qui concerne la divinité, qu’on eut concédé cette terre pendant la susdite année, et qu’on eût recueilli, de la part de ceux qui l’auraient cultivée, la contribution de leur jouissance d’une année ? mais comme je l’ai dit, à aucun prix, ils ne consentiraient à céder cette terre, par le motif de prévoyance que j’ai exposé.

« Quant à leur humanité, je vais en donner une preuve frappante, s’il en fût, c’est à savoir que lorsqu’ils se sont abstenus pendant cette année du travail des terres, ils ne croient pas devoir en récolter les fruits survenus spontanément, ni les mettre en réserve, comme n’étant pas le produit de leurs labeurs ; mais comme ces fruits sont un don de Dieu, la terre les ayant fait éclore de son sein, ils veulent que ceux des voyageurs qui en ont la volonté ou le besoin, ou tous autres, puissent s’en saisir en toute libellé. Mais c’est assez en dire sur ce sujet : pour ce qui est de la consécration des septièmes jours dans leur lot, je crois qu’après avoir entendu souvent un grand nombre de médecins, de physiciens et de philosophes dissertant sur la vertu du nombre sept en général et principalement en ce qui a rapport à la nature humaine, il ne vous reste plus aucune question à m’adresser à cet égard. »

« Ici se termine l’examen de l’observance du sabbat. »

PhiIon ayant ainsi parlé, Josèphe nous présente dans le deuxième recueil qu’il a composé sur les antiquités judaïques, des observations entièrement semblables, en s’énonçant en ces termes :

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant