Il ne me répugnera point de m’arrêter un moment sur les Epîtres moins longues de l’Apôtre. Les plus petites choses ont aussi leur importance. « Les Juifs, est-il dit, avaient immolé leurs prophètes. » Qu’importe ce crime à l’apôtre d’un dieu, non-seulement étranger, mais débonnaire, qui ne sait pas même condamner les prévarications de ses adorateurs, et qui, en décréditant lui-même les prophètes, leur avait donné une sorte de mort ? En quoi Israël l’outrageait-il, quand il immolait ceux que lui-même avait réprouves ? Porter contre eux le premier une sentence de destruction, n’était-ce pas insulter au Dieu des prophètes ? Le censeur de cette grande iniquité est le héraut du Dieu outragé, tout autre du moins que l’ennemi du Dieu outragé. Il y a plus, à ce crime il ajoute un crime plus énorme. « Ils ont mis à mort le Seigneur et leurs prophètes, » dit-il, quoique ce mot leurs ait été ajouté par l’hérétique. Que des meurtriers qui n’ont pas épargné les prophètes de leur propre Dieu donnent la mort à un Christ qui annonçait un dieu étranger, je ne vois là aucun redoublement de cruauté. Dans l’intention de Paul, cependant, avoir tué le Christ et ses serviteurs est une aggravation de forfait. Or, s’ils ont égorgé le Christ du Dieu nouveau, égorgé les prophètes du Dieu créateur, l’Apôtre a dû égaler les outrages, et non les exagérer. Or il n’y avait pas lieu à égalité. Donc l’Apôtre n’a pu voir dans l’immolation du Christ une aggravation de forfait qu’autant qu’ il s’est attaqué au même Seigneur, dans l’une ou l’autre circonstance. Donc le Christ et les prophètes appartiennent au même Dieu.
« La volonté de Dieu est que vous soyez saints. » Qu’entend-il par-là ? Les vices qu’il interdit vont nous l’apprendre. « Abstenez-vous de la fornication ; » il ne dit pas du mariage. « Que chacun de vous sache posséder le vase de son corps saintement et honnêtement. » Comment cela ? En ne suivant point les mouvements de la concupiscence, à la manière des Gentils. Les idolâtres eux-mêmes bannissent du mariage le dérèglement des sens auquel ils s’abandonnent dans les crimes monstrueux et contre nature. La sainteté, au contraire, est opposée à la luxure, à l’infamie, à l’impureté. Elle n’exclut pas le mariage, mais la dépravation des sens ; elle nous apprend à gouverner par respect pour le mariage le vase de notre corps.
J’ai traité ailleurs cette question, en laissant à une sainteté plus parfaite la prééminence de son mérite. J’ai placé la continence et la virginité au-dessus du mariage, mais sans interdire ce dernier. Ici j’ai à réfuter seulement les ennemis du dieu qui a institué le mariage ; il ne s’agit point des partisans de la chasteté.
« Ceux qui seront demeurés sur la terre jusqu’à l’avènement de Jésus-Christ, ressusciteront les premiers, avec ceux qui sont morts dans Jésus-Christ, et seront enlevés avec eux pour aller au-devant du Seigneur. » Ces merveilles ont été prédites longtemps d’avance. Je vois les esprits célestes « admirer la Jérusalem d’en haut. » Ailleurs ils s’écrient par la bouche d’Isaïe : « Qui sont ceux qui volent vers moi comme des nuées et comme des colombes avec leurs petits ? » Si c’est, le Christ qui nous a préparé cette ascension, ce ne peut être que le Christ dont Osée a dit : « Il élève dans les deux son ascension, » pour lui et pour les siens, apparemment ; conséquemment, de qui attendrai-je la réalisation de ces prodiges, sinon de celui qui me les a promis ?
« Quel esprit empêche-t-il d’éteindre ? Quelles prophéties empêche-t-il de mépriser ? » Ce n’est ni l’esprit du Créateur, ni les prophéties du Créateur, au jugement de Marcion. Ce qu’a décrédité son dieu, n’était-ce pas l’éteindre et le mépriser ? Peut-il empêcher qu’on n’éteigne ce qu’il a tenu pour vil ? Aujourd’hui il importe à Marcion de produire quel est dans son Église l’esprit de Dieu qu’il ne faut pas éteindre, quelles sont les prophéties qu’il ne faut pas mépriser. S’il essaie quelque prétendue manifestation, je le pousserai plus loin dans tout ce qui concerne le monde spirituel, la grâce prophétique et le don des miracles. Je le sommerai de m’annoncer l’avenir, de me révéler le secret des cœurs et de me développer ses mystères. Puis, quand il sera demeuré muet et impuissant, nous lui montrerons, nous, et l’esprit et les prophéties du Créateur d’accord avec lui-même. Par-là sera constaté le sens des paroles de l’Apôtre. Il n’a pu entendre que les événements réservés à l’Église de ce dieu. Il existe ; donc son esprit opère, donc ses promesses sont annoncées.
A vous maintenant qui niez la résurrection de la chair et qui, s’il arrive à l’Ecriture de désigner ainsi le corps, cherchez dans ce mot tout autre je ne sais quoi que la substance de la chair ! Répondez. Pourquoi l’Apôtre distingue-t-il tous les hommes sous leurs substances nouvelles par des dénominations non équivoques ? Pourquoi les embrasse-t-il tous dans un seul et même vœu de salut éternel ? « Je souhaite que tout ce qui est à vous, l’esprit, l’âme et le corps, se conservent sans tache pour l’avènement de notre Seigneur Jésus-Christ, notre Sauveur. » L’âme et le corps, entendez-vous ! substances non pas seulement doubles, mais dissemblables. En effet, quoique l’âme ainsi que l’esprit ait un corps particulier, toujours est-il que, dans le cas où l’âme et le corps sont nommés distinctement, l’âme a son nom spécial qui n’a pas besoin de l’expression générique de corps. Ce terme est réservé pour la chair qui, dans l’absence de sa dénomination caractéristique, doit nécessairement recourir au terme commun. En effet, après l’âme et le corps point de substance, hormis la chair, à laquelle s’applique le mot corps. Si l’Apôtre entend par ce dernier mot la chair, toutes les fois qu’il ne la nomme pas expressément, à plus forte raison la désigne-t-il quand elle est appelée de son nom.