Ayant fait précéder l’exposition des causes pour lesquelles nous avons préféré la philosophie des Hébreux à celle des Grecs, et les motifs par lesquels nous avons admis leurs livres sacrés ; après avoir montré que les Grecs eux-mêmes n’ont pas méconnu l’existence de ce peuple, qu’ils ont positivement nommé, dont ils ont admiré les institutions sociales et domestiques ; qu’ils ont fait un grand état de sa royale métropole et de toute son histoire ; nous ajouterons que non seulement ils ont rappelé la mémoire de leurs saintes écritures, mais qu’ils se les sont proposés comme modèles dans l’enseignement d’une doctrine semblable à la leur, par la divulgation des dogmes propres à élever l’âme à un haut degré de perfection. Et de même que chacun de ceux qui se sont fait un nom dans la Grèce, ont rapporté des divers pays barbares qu’ils ont parcourus, comme je le ferai bientôt voir, l’un la géométrie, l’autre l’arithmétique, celui-ci la musique, celui-là l’astronomie, un autre la médecine, puis les premiers éléments de la grammaire, enfin les inventions innombrables des arts et les institutions qui embellissent notre existence ; comme déjà les livres précédents ont prouvé que l’opinion concernant la pluralité des dieux, que les mystères, puis les histoires et récits fabuleux à l’égard de ces mêmes dieux, ainsi que les explications allégoriques des fables, et tout l’ensemble des erreurs superstitieuses, avaient été importés de chez les Barbares lorsque les plus anciens Grecs voyageant dans une grande partie de l’univers, non comme des êtres infortunés, mais animés de l’amour de la science, avaient tenu de l’hospitalité des nations barbares ces traditions dont ils ont composé, à l’usage de leurs compatriotes, une théologie dont nous avons dévoilé le secret : de même tout ce qui a rapport au culte d’un Dieu unique et universel, les dogmes qui traitent des plus grands intérêts de l’âme (ce qui embrasse les questions essentielles de la philosophie), n’ont pu être puisés ailleurs que chez les Hébreux, comme nous en donnerons bientôt la démonstration. Que si l’on niait cette vérité, en soutenant qu’on pouvait s’élever à la composition d’un corps de doctrine pareille par la seule méditation et par l’étude de la nature, nous admettrons cette possibilité, non pour ces vérités venues d’en haut, et révélées aux seuls Hébreux par des théologiens, doués du don de prophétie ; mais pour celles dues sinon à tous, du moins à quelques génies illustrés dans la Grèce, et aux discussions philosophiques des écoles entre lesquelles il existe une sorte de rivalité. Et encore que le nombre de ceux qui ont fait de semblables découvertes soit très restreint, d’après le proverbe qui dit, que les belles choses sont difficiles ; comme néanmoins ceux qui tiennent le premier rang parmi les philosophes, pour augmenter leur propre célébrité, ont encore cherché à éclipser les rivaux qui pouvaient partager leur gloire, on ne doit point s’étonner s’ils mettent tout en œuvre pour ravir aux Hébreux les dogmes qu’ils leur doivent, lorsque non seulement ils s’accordent pour dépouiller les Égyptiens, les Chaldéens et les autres nations barbares, des découvertes qui leur appartiennent ; mais que même on les surprend se pilant l’un l’autre par rivalité d’auteurs, se glorifiant comme d’un travail personnel, des larcins qu’ils se sont faits, soit en expressions, soit en pensées, ou pour des portions entières d’ouvrages. Et ne croyez pas que cette accusation vienne de moi seul : veuillez écouter de nouveau les hommes les plus savants, qui donnent la preuve de ces plagiats réciproques. Puisque nous avons abordé cette question, il est nécessaire d’y jeter un coup d’œil rapide, qui fera voir quelle est la manière d’agir de nos adversaires. Notre Clément, dans le sixième livre des Stromates, a traité largement cette preuve. Prenez-le donc d’abord, et lisez ses propres paroles.