Celui qui a créé le monde a le droit de le gouverner ; Il est le Dieu de tous les peuples. Mais tous les peuples ne le reconnaissent pas pour leur Dieu ; Israël est encore seul à le faire, et la tâche d’Israël est précisément d’amener les Gentils à renoncer aux dieux de néant pour adorer le seul Dieu vivant et véritable.
Il y a trois choses dans ces lignes :
- L’Éternel est de droit le Dieu de tous ;
- De fait Il ne l’est que d’Israël ;
- Par Israël Il doit le devenir de tous.
De ces trois points, nous avons déjà eu l’occasion d’en signaler deux, — les deux premiers, dans notre première partie (§ 81). « Si vous obéissez à ma voix, vous serez d’entre tous les peuples mon plus précieux joyau, ben que toute la terre m’appartienne. » (Exode 19.6) Le troisième point se retrouve aussi dans le Pentateuque, mais, chose assez curieuse, dans les temps patriarcaux plus clairement qu’au moment même où Dieu fonde la théocratie. Noé annonce que Japhet sera reçu dans la tente élargie de son frère Seth (§ 21), et l’Éternel dit positivement à Abraham que toutes les familles de la terre seront bénies en sa postérité (Genèse 12.3 ; 18.18 ; 22.18 ; 26.4 ; 28.14, § 23). Lors de la sortie d’Egypte, Dieu se contente de deux paroles (Exode 3.16 ; Nombres 14.21 : « Je ne t’ai laissé subsister (Pharaon) qu’afin que l’on parle de mon nom par toute la terre. — Aussi vrai que je vis, aussi vrai toute la terre doit être pleine de la gloire de l’Éternel ! » ), qui parlent bien plus de la gloire qui résultera pour l’Éternel de sa victoire sur l’Egypte, — que de l’entrée des païens dans son royaume.
Ce n’est donc guère que la Prophétie qui met vivement en lumière ce que nous appelons notre troisième point.
L’horizon des plus anciens prophètes est assez limité ; ils ne pensent encore qu’aux peuples qui vivent dans le voisinage immédiat d’Israël. Mais ce qu’ils en disent, ce qu’ils disent de l’intervention de Dieu dans leur histoire (Amos 1.1-15 ; 6.14 ; 9.7), suppose évidemment qu’à leurs yeux Dieu est le maître des Gentils comme Il l’est d’Israël. Au reste, rien de plus franchement universaliste que le dernier chapitre de Joël.
Mais c’est surtout depuis qu’Israël est entré en conflit avec les grandes puissances et qu’il a été entraîné dans le grand courant de l’histoire, que les prophètes arrivent à comprendre d’une manière claire et complète que le Dieu du peuple élu gouverne toutes les nations de la terre, que c’est Lui qui préside à leurs destinées et qu’il fait tout concourir à l’avancement de son règne. C’est Jéhovah qui brandit la verge d’Assur au-dessus de la tête d’Israël, comme on brandit un bâton avec lequel on s’apprête à frapper (Ésaïe 10.5 et sq.) ; c’est Lui qui guide pas après pas le redoutable conquérant (Ésaïe 37.28) ; Lui qui excite en Egypte des révolutions et des guerres civiles (ch. 19), afin de préparer ainsi la conversion de ce pays, qui un jour lui rendra hommage aussi bien que l’Assyrie, v. 23 ; Lui qui suscite les Chaldéens (Habakuk 1.5) ; qui donne la terre à qui Il le veut, car Il l’a faite (Jérémie 27.5), qui élève l’Egypte (Ézéchiel 31.9), pour l’abaisser ensuite et lui faire comprendre qu’il est le seul vrai Dieu (Ézéchiel 30.24). Après s’être servi des Babyloniens pour humilier l’Egypte, ce sera Lui encore qui (Ésaïe 13.3 ; Jérémie 51.11) se servira des Mèdes et de Cyrus (Ésaïe ch. 12), pour précipiter Babel du haut degré de.gloire où Il l’aura élevée.
Et le but de toutes ces interventions de Dieu dans les affaires des païens ? « Regardez à moi, vous toutes les extrémités de la Terre, car je suis Dieu et il n’y en a point d’autre ! Je le jure par moi-même : c’est la vérité qui sort de ma bouche, c’est une parole qui ne trompe pas : tout genou se ploiera devant moi, toute langue jurera par moi ! » (Ésaïe 45.22) Et dans le livre de Daniel à quoi aboutissent les gigantesques bouleversements que produit parmi les royaumes d’ici-bas Celui qui change les temps et les saisons, qui ôte les rois et qui les affermit (Ésaïe 2.21) ? A l’établissement sur la terre de la domination du Fils de l’homme, que les nations de toutes langues serviront, et dont le règne, à Lui, ne sera point détruit (Ésaïe 7.14).