« Pour vous marquer toute mon affection, je commencerai par traiter des Dieux et des bons génies, et des doctrines philosophiques qui s’y rapportent, sur lesquelles il a déjà été dit bien des choses par les philosophes Grecs, mais qui, pour la plupart, fondent toute leur crédibilité sur des conjectures. »
Plus bas il dit encore :
« On a beaucoup et follement disputé sur ces questions parmi nous, attendu que ce n’est qu’à l’aide d’analogies que nous pouvons nous former une image du Bon. Mais ceux qui ont pu se procurer une intimité réelle avec l’être parfait, s’ils mettent de côté, dans leurs recherches, cette portion de leur science, se donneront une peine inutile pour acquérir la sagesse. »
Dans son écrit pour combattre les doctrines de Boéthus sur l’âme, voici l’aveu textuel qu’il a fait à ce sujet :
« Quant à reconnaître que notre âme est immortelle, les secrets de la pensée le confirment incontestablement, aussi bien que les recherches dues à l’histoire. Au lieu que les preuves, sous forme de démonstrations, employées par les philosophes, paraissent faciles à renverser, parce qu’elles participent toutes à cette subtilité propre aux disputes de l’école. Quel est en philosophie le raisonnement qui ne puisse pas être contesté par des philosophes d’une autre école ; puisque même les axiomes les plus évidents ont paru à certains philosophes soumis à l’ἐποχή (la suspension d’assentiment) ? »
Dans son traité qui porte pour titre : De la philosophie, d’après les oracles, il avoue ouvertement que tous les Grecs sont dans l’erreur ; il en donne pour garant son propre Dieu, Apollon, qui l’a, en effet, déclaré par des oracles, en ayant rendu ce témoignage, que les Barbares l’emportent sur les Grecs pour la découverte de la vérité : dans lesquels oracles, le nom des Hébreux se trouve proféré. Après avoir donc allégué l’oracle lui-même, voici les observations dort il le fait suivre :
« Avez-vous entendu dire toute la peine qu’on doit s’imposer pour offrir un sacrifice de purification dans l’intérêt du corps et non pas même pour trouver ce qui peut procurer le salut de l’âme ? c’est que la voie qui mène à Dieu est d’airain, élevée et escarpée : les Barbares en ont découvert quelques sentiers, tandis que les Grecs, ou s’y sont fourvoyés, ou après l’avoir prise, l’ont perdue. Le Dieu a rendu témoignage que son invention appartenait aux Égyptiens, aux Phéniciens et aux Chaldéens (j’entends par ce mot les Assyriens), aux Lydiens et aux Hébreux. »
Voilà ce qu’a dit ce philosophe ou plutôt son Dieu (Apollon). Peut-on après cela nous faire reproche, que désertant les Grecs qui ont méconnu la route qui mène à Dieu, nous ayons adopté les sentiments des Hébreux, auxquels ce témoignage, d’avoir compris la vérité, a été rendu ? Que pouvons-nous espérer apprendre des philosophes, et quelle utile assistance en attendrons-nous ; si tout ce qu’ils ont enseigné ne nous donne que des conjectures ondes analogies, pour des principes de foi ? Quel fruit peut-on recueillir de leurs disputes de mots ; si tous les raisonnements des philosophes sont faciles à détruire, à raison de la subtilité et de la manie d’inventions qui y règne ? ce n’est pas nous qui avons les premiers et nouvellement porté cette plainte contre eux ; mais qu’on veuille bien l’entendre de leur propre bouche. D’après ce, ne passerons-nous pas pour avoir agi avec un discernement sain, et non comme des insensés, en méprisant les traditions des Grecs, en chérissant, en préférant celles des Hébreux : non parce qu’elles ont en leur faveur les témoignages d’un démon ; mais parce que, ainsi que nous l’avons démontré, elles sont émanées de la vertu et de la puissance divine ?
Cependant, pour que vous puissiez vous convaincre, par les faits, de la logomachie qui règne dans les écrits de ces fameux philosophes, de leurs dissensions sur les principes, sur les Dieux, sur l’harmonie de l’univers, je vais bientôt vous alléguer leurs propres paroles, mais auparavant, et attendu qu’ils portent jusqu’aux nues les sciences mathématiques, disant qu’il faut absolument que ceux qui se destinent à la connaissance de la vérité, soient instruits en astronomie, en arithmétique, en géométrie et en musique ; car sans cela, nul homme, disent-ils, ne peut revendiquer le titre d’homme instruit, ni de philosophe ; nul ne saurait atteindre à la vérité des choses, si son âme n’était imbue de ces sciences ; puisque ensuite s’étant guindés sur ces études, il se croient, en quelque sorte, élevés dans les airs, et marcher dans les nuages, à ce point qu’ils ont rangé Dieu lui-même parmi les nombres ; tandis qu’ils nous considèrent à l’égal des troupeaux, parce que nous n’avons pas montré le même empressement qu’eux pour ces études ; comme, d’après eux, nous ne pouvons connaître Dieu ni aucune des choses qui méritent d’être vénérées ; trouvez bon qu’avant tout, nous rectifiions ce qu’il y a d’erroné dans cette prétention, et qu’au lieu de leur lumière, nous leur opposions l’expression de la vérité, en leur démontrant que d’innombrables races de Grecs et de Barbares, en y comprenant même ceux qui sont versés dans les sciences que nous venons de nommer, ne connaissent réellement ni Dieu ni la sainteté de la vie, ni quoi que ce soit des choses honnêtes et utiles ; tandis qu’en dehors de ces sciences, on trouvera les hommes les plus pieux et les plus éminents comme philosophes. En conséquence, si vous accordez votre confiance à Xénophon, vous apprendrez ce que Socrate, si universellement célébré par tout le monde, pensait de ces connaissances. Voici ses paroles tirées du livre (Des dits mémorables de Socrate).