Histoire du christianisme

DEUXIÈME PARTIE

Le Moyen Âge
Ni légende noire ni légende dorée...
(Ve-XIe siècle)

La première partie de cette période longue de dix siècles correspond à un temps de consolidation des cadres locaux et centraux. L’œuvre missionnaire se poursuivit, élargissant les espaces christianisés. Les aléas de l’histoire laissèrent face à face les métropoles de Constantinople et de Rome, qui incarnèrent deux formes de christianisme que l’on ne nommait pas « orthodoxe » et « catholique », mais « grec » et « latin ». En Occident, pour approfondir la christianisation de la société et dissocier le spirituel du temporel, la papauté s’érigea en puissance religieuse souveraine. Mais le mouvement ne donna pas naissance à une théocratie ; deux droits coexistèrent, le droit civil et le droit de l’Église (droit canon), tous deux très redevables au droit romain ; l’Empire comme les royaumes furent gouvernés par des princes et non par le pape ; aucun souverain n’a pu se prévaloir de prérogatives sacerdotales.

Loin de l’image d’un Moyen Âge figé dans une soumission aveugle à l’autorité de l’Église, on observe que la pénétration du message chrétien suscita, après l’an mil, de forts courants d’affirmation (croisade) et de contestation (« hérésie »). Les seconds relèvent avant tout d’un anticléricalisme virulent, preuve que les esprits pouvaient discerner les contradictions entre le contenu du message délivré et l’exemple donné ; ils laissent aussi réapparaître les difficultés à recevoir une religion de l’Incarnation. Par-delà l’usage de la contrainte, qui n’a qu’un temps, la réponse la plus pertinente s’efforça de satisfaire les aspirations ainsi manifestées. La multiplication des charismes religieux y contribua, illustrée par la création de nouveaux ordres, tant contemplatifs qu’hospitaliers ou « mendiants », attentifs aux pauvres et rompus à la prédication. Les réguliers sont ainsi venus soutenir de leur prestige et de leur action l’œuvre pastorale confiée aux séculiers et que la période systématisa dans le cadre de la paroisse, forgeant pour la désigner le terme de « cure d’âmes » (le soin des âmes), attaché à celui qui en a la responsabilité, le « curé ».

Dans le prolongement d’une pastorale de la responsabilité individuelle en matière de salut, qui valorise la conversion jusqu’à l’extrême fin de vie, aux antipodes de toute forme de prédestination – un concept étranger à la spiritualité médiévale, du moins jusqu’à la fin du XIVe siècle –, la période a vu naître, à l’initiative des clercs mais aussi des laïcs, hommes ou femmes, des modalités originales de vie religieuse. Toutes sont marquées à la fois par la conviction que le salut ne se gagne pas seul et par une individualisation croissante : cette exploration des voies de l’intériorité a fait jaillir de belles pages spirituelles et mystiques.

CATHERINE VINCENT

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