Comme Christ

DIX-SEPTIÈME JOUR
Dans la prière

« Le matin, comme il faisait encore fort obscur, s'étant levé, il sortit et s'en alla dans un lieu écarté, et il y priait. » Marc 1.35.

« Et il leur dit : Venez à l'écart, dans un lieu retiré, et prenez un peu de repos. » Marc 6.31.

C'est aussi dans sa vie de prière que mon Sauveur est mon Modèle. Jésus ne pouvait pas conserver la vie divine dans son âme sans se séparer souvent de l'homme pour se retrouver en communion avec son Père. Il en est de même de la vie divine qui habite en moi ; elle a le même besoin de se séparer de l'homme pour se retremper, non seulement par courts instants, mais tout le temps nécessaire, dans la source de la vie, auprès du Père qui est aux cieux.

C'était an commencement du ministère de Jésus que se passait la scène dont ses disciples furent assez frappés pour l'écrire ensuite. Après une journée de travail et de miracles à Capernaüm (Marc 1.21-34) la foule augmente encore le soir. Toute la ville sort hors des portes. Les malades sont guéris et les démons chassés. Il est tard avant qu'ils puissent aller dormir ; et au milieu de cette foule, comment trouver le temps, le recueillement nécessaire pour la prière ? Aussi, le lendemain matin, quand ils se lèvent, Jésus est déjà sorti. Dans le silence de la nuit, il est allé chercher la solitude au désert, et quand ses disciples l'y découvrent, il prie encore.

Pourquoi donc mon Sauveur avait-il besoin de ces heures de prière ? Ne connaissait-il pas cette prière silencieuse de l'âme qui s'élève à Dieu au milieu même des plus pressantes affaires ? Le Père ne demeurait-il pas en lui ? Ne jouissait-il pas dans le secret de son cœur d'une communion incessante avec lui ? Oui, cette « vie cachée en Dieu » était bien sa vie ; mais, assujettie aux lois de l'humanité, cette vie spirituelle avait besoin de recourir sans cesse à la source même. La vie de Jésus était une vie de dépendance ; et plus elle était active et pure de tout alliage, moins elle pouvait se passer de rapports directs et constants avec le Père, de qui elle tirait son existence.

Quelle leçon pour tout chrétien ! Les rapports fréquents avec l'homme nous dissipent et menacent notre vie spirituelle ; ils nous replongent sous l'influence des choses visibles et temporelles. Rien ne saurait remplacer pour nous des rapports directs avec Dieu. Le travail, même au service de Dieu, nous épuise. Nous ne pouvons pas être en bénédiction aux autres sans que la vertu de Dieu passe de nous à eux, il faut donc que celle-ci nous soit renouvelée d'En-Haut. C'est comme la manne au désert ; ce qui descend du ciel ne peut pas se conserver longtemps sur la terre, mais doit être renouvelé de jour en jour. Jésus-Christ nous l'enseigne par son exemple. Et moi aussi, j'ai besoin chaque jour d'être dans la retraite en communion avec mon Père. Ma vie est comme celle de Christ, une vie cachée dans le ciel en Dieu ; il lui faut jour après jour le temps nécessaire pour être alimentée du haut du ciel, car c'est du ciel seul que peut venir la force de vivre d'une vie céleste sur la terre.

Et quelles étaient les prières qui occupaient si longtemps notre Seigneur ? Si je pouvais : l'entendre prier, comme j'apprendrais à prier moi-même ! Dieu soit loué, il nous est resté plus d'une de ses prières, afin que là aussi nous puissions suivre son exemple. Dans la prière sacerdotale (Jean 17), nous l'entendons parler à son Père comme si nous étions avec lui dans le calme et la profondeur des cieux ; dans sa prière en Gethsémané, quelques heures plus tard, nous l'entendons crier à Dieu des abîmes de l'angoisse et des ténèbres. Ces deux prières, ne nous offrent-elles pas tout ce qui peut se trouver de plus élevé et de plus profond dans la communion de prière du Fils avec le Père ?

L'une et l'autre de ces prières, nous disent comment Jésus s'adresse à Dieu. C'est chaque fois : Père ! O mon Père ! Tout le secret de la prière est là. Jésus savait qu'il était fils du Père qui l'aimait. Par ce mot il se place en face de son Père, dans la pleine lumière de son regard. Jouir de l'amour du Père, voilà pour lui ce qui faisait de la prière un impérieux besoin, ce qui en faisait aussi son plus grand bonheur. Qu'il en soit de même pour moi. Que ma prière soit avant tout le silence de l'adoration et de la foi, jusqu'à ce que Dieu se révèle à moi, et me donne par son Esprit l'assurance qu'il abaisse sur moi un regard de père. Celui qui dans sa prière n'a pas le temps de dire avec tranquillité d'âme : Abba, Père, en comprenant tout ce que renferme ce mot, perd la meilleure partie de la prière. C'est dans la prière que doit s'affirmer toujours plus ce témoignage de l'Esprit que nous sommes enfants de Dieu, que le Père se rapproche de nous et prend son plaisir en nous. « Si notre cœur ne nous condamne point, nous avons de l'assurance devant Dieu ; et quoi que nous demandions, nous le recevons de lui, parce que nous faisons ce qui lui est agréable ». (1 Jean 3.21, 22).

Dans ces deux prières je vois aussi ce que Jésus désirait : Que le Père fût glorifie Il dit : « Je t'ai glorifié. Glorifie ton Fils, afin que ton Fils te glorifie ». (Jean 17.4). Voilà sans doute quel aura été l'esprit de chacune de ses prières, un entier renoncement à lui-même pour vivre uniquement selon la volonté du Père et à sa gloire. Toutes ses requêtes avaient pour objet la gloire de Dieu. En ceci aussi Jésus est mon modèle. Le même esprit doit dicter chacune de mes prières, m'enseignant à dire : Père, bénis ton enfant, et glorifie-toi en lui, pour que ton enfant puisse te glorifier !

Tout dans l'univers doit concourir à la gloire de Dieu. Le chrétien qu'anime cette pensée et qui se sert de la prière pour l'exprimer jusqu'à ce qu'il en soit tout pénétré acquerra une grande puissance de prière. Dans le ciel même notre Seigneur continue à nous dire : « Ce que vous demanderez en mon nom je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils ». (Jean 14.13). O mon âme, avant d'exposer à Dieu tes désirs, apprends tout d'abord de ton Sauveur à t'offrir « en oblation » et à n'avoir d'autre but que celui de glorifier Dieu.

Quand vous pourrez prier ainsi, vous éprouverez le vif désir, aussi bien que la pleine liberté, de demander au Père de vous rendre semblable à Christ dans chaque détail de l'exemple qu'il vous a laissé et dans chaque trait de son image, afin que Dieu en soit glorifié. Vous comprendrez aussi que c'est seulement dans la prière sans cesse renouvelée que l'âme acquiert le renoncement nécessaire pour vouloir que Dieu opère en elle tout ce qui sera à sa gloire. C'est parce que Jésus a consacré sa vie entière à glorifier son Père, qu'il a été digne d'être notre Médiateur, et qu'il a pu demander dans sa prière sacerdotale de si grandes bénédictions pour les siens. Apprenez comme Jésus à chercher uniquement la gloire de Dieu dans vos prières, et vous deviendrez ainsi un véritable intercesseur, qui pourra s'approcher du trône de grâce non seulement avec les requêtes qui le concernent, mais en présentant aussi pour d'autres cette « prière fervente du juste qui a une grande efficace » (Jac. 5.16). Après nous avoir enseigné à dire dans la prière dominicale : « Ta volonté soit faite », Jésus reprend ces mots pour les prononcer lui-même à Gethsémané parce qu'il a fallu qu'il fût « en toutes choses semblables à ses frères ». (Héb. 2.17). Nous les recevons ainsi une seconde fois de lui, revêtus de la vertu de son intercession, afin que nous puissions les répéter dans le même esprit que lui. Vous aussi, vous deviendrez semblables à Christ en vous acquittant de cette intercession sacerdotale si nécessaire à l'unité et à la prospérité de l'Eglise, aussi bien qu'au salut des pécheurs.

Celui qui fait de la gloire de Dieu le principal objet de sa prière, aura aussi la force, si Dieu l'y appelle, de faire la prière de Gethsémané. Chaque prière de Christ était une prière d'intercession parce qu'il s'était donné pour nous. Tout ce qu'il demandait, tout ce qu'il recevait était en vue de notre bien, aussi chacune de ses prières était-elle faite dans un esprit de sacrifice. Donnez-vous tout à Dieu pour le bien de vos semblables, et il en sera de vous comme de Jésus, car le sacrifice de soi, renouvelé dans les prières de chaque jour, est la seule préparation efficace pour ces heures de lutte où l'on est appelé à quelqu'un de ces renoncements particulièrement difficiles qui ne se font qu'avec angoisse et avec larmes. Quand on s'est consacré à Dieu, on reçoit de lui la force de renoncer à tout pour lui.

O mon frère ! Si toi et moi nous voulons ressembler à Jésus, nous devons contempler Jésus priant seul au désert. C'est là que nous découvrons le secret de sa vie merveilleuse. Ce qu'il faisait ensuite, ce qu'il disait aux hommes avait d'abord été dit avec le Père. En communion avec le Père, il recevait chaque jour de nouveau l'onction du Saint-Esprit. Celui qui veut marcher comme Jésus, doit commencer par le suivre dans la solitude. Dût-il lui en coûter le sacrifice du repos de la nuit, des affaires, du jour, ou de la société d'amis, il faut qu'il trouve le temps d'être seul avec le Père, Outre ses heures ordinaires de prière, il se sentira parfois irrésistiblement appelé à se retirer dans le sanctuaire et à ne le quitter qu'après avoir de nouveau reçu l'assurance que Dieu est son partage. Soit dans le secret du cabinet, derrière la porte fermée, soit dans la solitude du désert, il faut que chaque jour nous retrouvions Dieu pour renouveler notre communion avec lui. Si Christ en avait besoin, combien plus nous-mêmes. Ce qu'était pour lui ce moment de solitude, il le sera pour nous aussi.

Son baptême nous apprend ce qu'était pour lui la réponse du Père : « Jésus fut aussi baptisé ; et, pendant qu'il priait, le ciel s'ouvrit et le Saint-Esprit descendit sur lui sous une forme corporelle comme une colombe ; et il vint une voix du ciel qui dit : « Tu es mon Fils bien-aimé en qui j'ai pris plaisir ». (Luc 3.22). Oui, voilà ce que nous recueillerons, nous aussi, de la prière : le ciel ouvert, le baptême de l'Esprit, la voix du Père, l'assurance de son amour et de son plaisir à nous recevoir. Comme pour Jésus, de même pour nous. C'est d'en haut, c'est d'en haut que toutes ces grâces viendront répondre à nos prières.

Prier à l'écart comme Christ, c'est le secret de vivre en public comme Christ. Usons donc de nos merveilleux privilèges, de cette hardiesse de Christ pour nous présenter devant le Père, de cette liberté de Christ pour prier notre Dieu.

O Seigneur, tu m'as appelé et je t'ai suivi, voulant refléter ton image en toutes choses. Chaque jour je voudrais suivre tes traces, être conduit par toi partout où tu vas. Aujourd'hui je les ai trouvées humides de la rosée de la nuit et me conduisant au désert. Là je t'ai vu à genoux pendant des heures devant le Père. Là je t'ai entendu prier. Tu renonces à tout pour la gloire du Père, tu lui demandes tout, et tu attends, tu reçois tout de lui. Grave dans mon cœur ce que j'ai vu là : mon Sauveur se levant longtemps avant le jour, pour se mettre en communion avec son Père, pour demander et pour obtenir par la prière tout ce que requérait son travail de la journée.

O Seigneur, qui suis-je pour assister à tes entretiens avec Dieu ? Qui suis-je pour que tu m'invites à prier comme toi ? O mon Sauveur, du plus profond de mon cœur je te supplie d'éveiller en moi ce même et intense besoin de prière dans la retraite. Daigne me pénétrer de cette vérité que, pour moi comme pour toi, ma vie divine ne saurait atteindre tout son développement sans être en communion fréquente avec mon Père céleste, de telle sorte que mon âme demeure en vérité dans la lumière de sa face. Et puisse cette conviction éveiller en moi un si ardent désir d'obtenir cette grâce que je ne puisse avoir de repos jusqu'à ce que mon âme soit chaque jour de nouveau baptisée dans les flots de l'amour divin. O toi, mon Modèle et mon Intercesseur, enseigne-moi à prier comme toi. Amen.

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