Discours aux Gentils

Chapitre VIII

77 Maintenant que nous avons parcouru successivement les matières qui précèdent, il est temps d’arriver aux écrits des prophètes. C’est qu’en effet la vérité a pour fondement leurs oracles, où se manifeste le culte que nous devons rendre à Dieu. Les divines Écritures et les sages institutions conduisent au salut par des routes abrégées. Simples et sans fard, dégagées de tout ornement ambitieux, Ignorant l’art des vaines flatteries, elles rappellent de son tombeau l’homme étouffé par les vices, en lui apprenant à mépriser les vicissitudes et les tribulations de la vie, en guérissant d’une seule et même parole ses maladies diverses, en le tenant en garde contre les pièges ennemis, et en le poussant, comme par la main, au salut qui est placé sous nos yeux au terme de la carrière. Que la Sibylle, à la tête de tous, vienne donc chanter en ce moment le cantique du salut.

« Il s’est levé sur l’univers, immobile dans les hauteurs des cieux. Accourez, ô mortels ! cessez de poursuivre l’ombre et les ténèbres. Voici la douce lumière du jour ; voici le flambeau qui brille sans nuage. Debout donc ! que la sagesse illumine vos intelligences. Il n’y a qu’un Dieu. De sa puissante main partent les ondées, les vents, les tremblements de terre, la foudre, les pestes, les famines, les maux de toute nature, les neiges et les frimas. Mais à quoi bon tous ces détails ? Monarque du ciel, Seigneur de la terre, il est véritablement celui qui est. »

Vous le voyez, le mal a été assimilé aux ténèbres, et la connaissance de Dieu à la lumière du soleil. Comparaison inspirée par Dieu, et qui nous apprend lequel des deux nous devons choisir ! Le mensonge, en effet, ne s’évanouit point devant la simple apparition de la vérité qu’on lui oppose ; il n’est repoussé et mis en fuite que par l’exercice de la vérité.

78 Au reste, la haute sagesse du prophète Jérémie, disons mieux, l’Esprit saint qui parlait par sa bouche, nous fait connaître Dieu en ces termes : « Penses-tu que je sois Dieu de près, et que je ne sois plus Dieu de loin ? Si un homme se cache dans les ténèbres, ne le verrai-je pas ? Est-ce que je ne remplis pas le ciel et la terre, dit le Seigneur ? » Écoutons maintenant Isaïe : « Qui a mesuré le ciel dans le creux de sa main ? qui a soutenu de trois doigts la masse de la terre ? » Considère, ô homme, la grandeur de Dieu et sois frappé d’admiration ! Adorons celui auquel le prophète a dit : « À ton aspect, les montagnes s’écouleront ; elles seront consumées comme tout ce que le feu dévore. » « Voilà, poursuit le prophète, le Dieu qui a le ciel pour trône, la terre pour marchepied. Qu’il ouvre la profondeur des cieux, l’épouvante te saisira. » Voulez-vous entendre quel sort un autre prophète prédit aux idoles ? « En ce temps, leurs simulacres seront traînés à la face du soleil ; ils seront la pâture des oiseaux du ciel et des bêtes de la terre ; les objets qu’ils ont aimés et servis seront putréfiés par le soleil et la lune ; leur ville sera livrée à l’incendie. » « Le monde, ajoute-t-il, et tous les éléments seront enveloppés dans la même ruine. La terre vieillira, le ciel passera ; mais la parole de Dieu demeure éternellement. »

79 Dieu veut-il se manifester par la voix de Moïse ? « Voyez, voyez que je suis seul et qu’il n’y a pas d’autre Dieu que moi. C’est moi qui tue, et moi qui fais vivre ; moi qui frappe et moi qui guéris ; nul ne peut s’arracher de ma main. » Vous plaît-il d’entendre un autre organe de la Divinité ? tout le chœur des prophètes se lève pour chanter sur le même ton que Moïse. Je ne crains pas de vous citer les paroles que l’Esprit saint place sur les lèvres d’Osée : « Voici celui qui forme les montagnes et qui déchaîne les tempêtes ; ses mains ont créé la milice du ciel. » Ailleurs, Isaïe fait entendre ces accents ; car je ne veux pas oublier ce témoignage : « Je suis le Seigneur de justice et d’équité. Rassemblez-vous ; venez et approchez, vous, les élus d’entre les nations. Soyez témoins de l’ignorance de ces hommes, qui élèvent un bois taillé de leurs mains, et qui adorent un Dieu impuissant à les sauver. » Puis, un peu plus bas : « N’est-ce pas moi le Seigneur ? Hors de moi, il n’y a pas de Dieu. Est-il un autre juste, un autre sauveur que moi ? Tournez vos cœurs vers moi et vous serez sauvés, vous qui habitez les extrémités de la terre. Je suis le Dieu fort ; il n’y en a point d’autre. J’ai juré par moi-même. » Mais voilà qu’il s’irrite contre les adorateurs des idoles : « À qui comparez-vous votre Dieu ? s’écrie-t-il. Quels traits formeront son image ? Le fondeur ne fait-il pas vos dieux ? L’orfèvre ne les couvre-t-il pas d’or, ou ne les orne-t-il pas de ciselures, etc ? » Cessez donc de vous prosterner devant de muets simulacres, et prévenez dès ce moment l’effet de ces menaces : « Les idoles, et tous les dieux forgés par la main des hommes, pousseront des cris de détresse ; » ou, pour mieux dire, les insensés qui ont placé leur confiance dans la matière, puisque la matière est incapable de sentiment. Le Seigneur fera plus. « Il ébranlera les villes qui sont habitées, et il rassemblera dans sa main toutes les contrées de la terre comme un faible nid d’oiseaux. »

80 Voulez-vous que je vous révèle les mystères et les oracles énoncés par le plus sage d’entre les Hébreux ? « Le Seigneur m’a possédée (la sagesse) au commencement de ses voies. – Le Seigneur donne la sagesse ; de sa bouche se répandent et la prudence et le savoir. – Paresseux, jusqu’à quand seras-tu couché ? Quand te réveilleras-tu de ton sommeil ? – Si tu es actif et laborieux, la moisson coulera pour toi comme une source. » Le Verbe paternel est le flambeau du bien, le Seigneur qui distribue à tous la lumière, la foi et le salut. « Car celui qui a fait la terre par sa puissance, dit Jérémie, a relevé par sa sagesse l’univers qui était tombé. » La sagesse, en effet, ou le Verbe de Dieu, nous trouvant prosternés devant les idoles, nous replaça debout pour nous appeler à la connaissance de la vérité. C’est par là qu’elle a commencé de nous relever après notre chute. De là vient que Moïse, afin de nous détourner de la servitude idolâtrique, nous crie avec sagesse : « Écoute, Israël ; le Seigneur notre Dieu est le seul Seigneur. Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et tu le serviras lui seul. » Comprenez donc enfin, ô hommes, et cédez aux avertissements que le bienheureux David vous donne dans ses psaumes : « Embrassez la loi sainte, de peur que le Seigneur ne s’irrite et que vous ne périssiez dans votre voie, quand sa colère s’allumera soudain. Heureux tous ceux qui ont mis leur confiance dans le Seigneur ! »

81 Mais, qu’ai-je entendu ? le Seigneur, dont la miséricorde pour nous est immense, fait retentir à nos oreilles les accents du salut. On dirait le chant martial qui réveille le courage de l’armée avant le combat. « Enfants des hommes, jusques à quand resterez-vous plongés dans la torpeur ? Pourquoi poursuivez-vous les vanités et embrassez-vous le mensonge ? » Quelles sont ces vanités ? quel est ce mensonge ? Le saint apôtre du Seigneur va nous répondre dans ce passage, où il condamne les gentils : « Ils sont inexcusables, dit-il, parce qu’ayant connu Dieu, ils ne l’ont point glorifié comme Dieu et ne lui ont point rendu grâces ; mais ils se sont égarés dans leurs vains raisonnements. Ils ont transporté à l’image d’un homme corruptible l’honneur qui n’est dû qu’au Dieu immortel, et ils ont adoré la créature au lieu du Créateur. » Par conséquent, puisque ce Dieu est le même qui a créé dès le commencement le ciel et la terre, vous qui, ne connaissant pas Dieu, rendez au ciel les honneurs divins, ne méritez-vous pas le titre d’impies ? Prêtez encore l’oreille aux oracles prophétiques : « Le soleil s’éteindra ; les cieux s’obscurciront ; mais l’Éternel brillera dans toute l’étendue des siècles. Les vertus des cieux seront ébranlées ; les cieux eux-mêmes seront roulés comme une tente que l’on déploie et que l’on replie (ainsi s’exprime la bouche inspirée), et la terre fuira d’épouvante devant la face du Seigneur. »

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