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Le Destructeur détruit

Afin que par sa mort il détruisit celui qui avait l’empire de la mort, c’est-à-dire le diable.

(Hébreux 2.14)

Dans l’empire de Dieu, tout était, à l’origine, bonheur, joie et paix. Si le mal s’y est introduit plus tard, si les souffrantes et le malheur y ont exercé leurs tristes ravages, ceci n’est point l’œuvre de Dieu. Dieu peut le permettre dans de certaines limites et le faire concourir au bien ; mais le mal ne saurait provenir de Lui. Dieu est pur et parfait ; Il est la source d’où jaillit sans cesse une eau limpide et vivifiante. Le royaume du diable ne contient au contraire rien de bon. « Le diable pèche depuis le commencement », et sa domination n’a jamais été qu’une œuvre perpétuelle de tentation, une source constante de misère et de mort. La mort elle-même fait partie de son empire. Lorsqu’il introduisit le péché dans le monde, en entraînant dans la désobéissance notre première, mère Eve, il y introduisit aussi la mort. Sans cette funeste intervention de Satan, la mort n’eût probablement pas existé. Peut-être que si Satan n’avait pas tenté Adam à manger du fruit défendu, l’homme ne serait pas tombé dans la révolte, et si l’homme ne s’était pas révolté, il eût vécu à toujours, sans être jamais obligé de subir la hideuse transformation que la mort entraîne. La mort est, selon moi, le chef-d’œuvre du démon. Sans parler de l’enfer, la mort est certainement la plus atroce perfidie, l’invention la plus satanique que le diable ait jamais accomplie. Rien n’a dû réjouir davantage l’âme damnée du roi des enfers comme la découverte que la menace de mort prononcée par l’Éternel s’accomplirait : « Le jour où tu en mangeras, tu mourras de mort » ; et rien n’a dû combler davantage d’un bonheur infernal son cœur plein de malice que la vue d’Abel étendu sur la terre et mortellement frappé par la main de son frère. « Ah ! ah ! s’est-il écrié avec un rire affreux, voici la première fois qu’une créature intelligente meurt. Oh ! que je suis content ! C’est ici l’heure suprême de mon triomphe ! J’ai troublé, il est vrai, par mon insidieuse tentation la paix de la terre et j’en ai terni la gloire ; la création tout entière, il est vrai, gémit et soupire comme en travail, à cause du mal que j’y ai introduit ; mais ceci, oh ! ceci couronne dignement mon œuvre. J’ai tué l’homme ; j’ai fait venir la mort sur lui, et voici étendu à mes pieds le premier, oui, le premier des morts ! »

Depuis cette heure fatale, Satan a toujours souri de joie à la mort de chaque homme, et il a eu de quoi se glorifier, car cette mort est devenue universelle. Tous sont morts. Ils ont beau avoir possédé les plus riches trésors de la sagesse, comme Salomon, leur sagesse ne les a pas exemptés ; ils ont beau avoir eu toutes les saintes vertus d’un Moïse, la hache ne les a pas épargnés. Tous sont morts indistinctement, et le démon a pu s’enorgueillir à l’aise de la grandeur de sa victoire : deux fois, cependant, cette victoire lui a été ravie. Deux hommes ont échappé à l’universelle loi et sont entrés dans le ciel sans mourir. Mais, qu’importe ! la masse de l’humanité a senti, sans autre exception, l’aiguillon de la mort, et il s’est réjoui de ce que cette œuvre de destruction s’est étendue sur toute la surface de la terre et s’est élevée plus haut que toutes les vertus auxquelles les pauvres humains peuvent encore atteindre.

Il y a dans la mort quelque chose d’effrayant. Elle est hideuse même pour celui qui possède le plus de foi. Ce qui rend la mort tolérable pour le chrétien, c’est cette lumière lointaine qu’il aperçoit au-delà ; — c’est ce qui vient après ; — c’est le ciel, avec sa harpe et sa couronne de glorieuse immortalité ! Mais la mort elle-même sera toujours pour les fils des hommes une chose odieuse et repoussante au suprême degré. Et, voyez ! voyez quelle ruine elle entraîne ! voyez comme elle ternit la brillante pupille des yeux ! comme elle renverse ce corps, ce mystérieux et « étonnant assemblage » d’organes, cet ouvrage d’une divine architecture ! Elle expulse violemment de sa demeure cette âme immortelle qui y habitait, et la force à prendre son vol vers des mondes inconnus. Au lieu d’un homme plein de vie, elle laisse entre vos bras un cadavre, dont le seul aspect est si misérable que vous ne pouvez plus le regarder sans être saisi d’horreur. Et voilà ce qui comble Satan de joie. Il considère la mort comme son chef-d’œuvre, à cause de ses terreurs et de la destruction qu’elle enfante. Plus le mal est grand, plus il ressent de joie. Comme il doit grimacer de plaisir à la vue de nos maladies, à la vue de nos péchés ! mais, rien ne peut dilater son âme diabolique autant que la mort, — ce thème de ses perpétuelles méditations au sein de sa perpétuelle damnation. Il jette de sauvages cris de réjouissance quand il voit comment il est parvenu, par un acte d’infâme trahison et de méchanceté inouïe, à faire passer sur le monde entier le fléau de la destruction et à précipiter d’un seul coup toute l’humanité dans la tombe.

Aussi la mort est-elle pour lui la source de réjouissantes pensées, parce qu’elle lui offre la possibilité de déployer de la manière la plus extraordinaire sa ruse et sa malice. Le diable est lâche, le plus grand des lâches, comme le sont toujours les êtres méchants. Il n’ira guère attaquer un chrétien plein de santé. Si ce chrétien vit sous le regard de son Maître et si sa foi est grande, le diable le laissera tranquille, parce qu’il sait qu’il aurait affaire à trop forte partie. Si, au contraire, il peut découvrir quelque part un chrétien faible dans la foi ou maladif, il ne manque aucune occasion de l’assaillir de ses obsessions.

Mais c’est lorsque la mort se présente avec tout son cortège de terreurs qu’il se met à l’œuvre avec acharnement. Son habitude à ce moment suprême est de faire un effort terrible pour envahir l’âme. Chez les chrétiens, sinon à cette heure même, du moins peu avant sa venue, il livre d’ordinaire un combat effroyable et décisif à l’âme qui va déloger.

Et puis, cette hideuse mort, il l’aime aussi, parce qu’elle abat l’esprit. A l’approche de la dissolution du corps, en effet, les puissances intellectuelles faiblissent et l’homme perd, pour un temps du moins, cette vigueur et ce courage qui l’ont soutenu en des jours meilleurs. Il est là, triste et abattu, comme évanoui sur sa couche. « Bon ! dit le diable, voici mon heure » ; et aussitôt il s’élance vers le pauvre malade. C’est en ce sens que l’on peut dire que Satan a puissance sur la mort, car on ne saurait concevoir qu’elle fût en sa puissance autrement que par le fait qu’il en est l’auteur et qu’il en profite pour exercer plus que jamais sa malice et sa rage. On ne saurait supposer, en effet, que le pouvoir que Satan a sur la mort consiste à causer la mort. Tous les démons de l’enfer ne sauraient ôter la vie au plus faible enfant de toute la terre, et quand nous sommes à notre dernier soupir, épuisés par la douleur et pouvant à peine respirer, au point que le médecin lui-même doute que nous soyons encore de ce monde, ce n’est que par la volonté du Tout-Puissant que nous pouvons expirer, quelque grands que soient notre épuisement et notre faiblesse. Le diable ne saurait donc jamais être la cause de notre mort. Nous croyons avec joie que la main d’un ange ne saurait nous coucher dans le sépulcre, non, pas même celle de l’archange déchu, et nous sommes heureux de savoir qu’après cela une myriade d’anges ne pourraient pas nous y retenir enfermés. Le démon n’a donc aucun pouvoir sur la mort, ni pour ouvrir ni pour fermer les portes de notre tombe.

Il est parmi nous des personnes qui ont accepté et compris la religion comme une vie de bonheur et de plaisir. Ils sont toujours heureux, toujours assis auprès des ruisseaux d’eau courante, — auprès de leur Dieu ; — leur sentier est toujours éclairé par les rayons du soleil, et leurs yeux sont toujours brillants de sérénité. Ils supportent les épreuves de la vie avec un courage viril, ainsi qu’il sied au chrétien, et reçoivent les afflictions de la main du Seigneur avec patience et résignation. Alors le diable se dit : « Il n’y a rien à faire avec cet homme-là ; mes doutes ne l’entameront jamais ; il est trop fort pour que je l’entraîne ; il est trop puissant sur ses genoux et il est trop intime avec son Dieu. » — Arrière de moi ! crie alors le chrétien au démon. Mais lorsque nous commençons à nous affaiblir, quand, sous l’influence d’un corps maladif, notre âme devient languissante ; quand nous nous sommes soumis à des abstinences ascétiques coupables, ou quand la verge de l’Éternel s’est abaissée et nous a meurtris, alors, profitant de notre tristesse et de notre abattement, l’ennemi nous attaque avec fureur. Et voilà pourquoi le diable aime la mort et a puissance sur elle ; c’est que c’est l’heure à laquelle la nature succombe et où il profite de notre faiblesse pour nous accabler s’il le peut.

Voici quel est le sujet de notre discours : Le Seigneur Jésus-Christ a détruit par sa mort la puissance que le diable a sur la mort. Nous y ajouterons une seconde vérité qui formera le sujet de notre second point : Non seulement Il a détruit la puissance que le diable a sur la mort, mais Il a détruit la puissance du diable, généralement et entièrement, par la mort qu’il a subie sur la croix.

I

Commençons par la première de ces vérités : La mort de Christ a entièrement détruit, pour le chrétien, la puissance du diable sur la mort. Ce pouvoir du diable sur la mort s’exerce sur trois points, et nous devons le considérer sous ces trois aspects. Parfois, la puissance du diable sur la mort se fait sentir chez le chrétien en ce qu’il essaie de lui inspirer des doutes sur sa résurrection et de lui dépeindre son état futur sous les sombres couleurs d’un anéantissement éternel. Nous voulons considérer d’abord ce point et montrer que la mort de Christ a entièrement détruit la puissance que le diable. exerce de cette manière particulière sur la mort. Quand un pauvre pécheur approche du seuil de l’éternité, si, sa foi est chancelante et si le regard de son espérance se trouble, quelle sera alors la perspective qui se présentera à son âme inquiète ? Il verra s’ouvrir devant lui un monde inconnu, et, dans sa terreur, fût-il le plus fidèle enfant de Dieu, il prononcera peut-être des paroles dignes du dernier des incrédules. « Mon âme regarde en avant, dira-t-il, et ne voit rien, sinon une éternité redoutable, un gouffre béant prêt à l’engloutir. » Parlez-lui des promesses de l’Éternel, essayez de le réconforter en lui rappelant les révélations certaines concernant la vie future il n’y a que la mort de Christ qui puisse agir alors sur lui, et sans elle le chrétien lui-même ne verrait dans la mort qu’une froide et obscure prison, une triste fin couronnant une triste existence. « Qui suis-je, et où vais-je ? » se demande-t-il à ce moment suprême. « Ne suis-je qu’une flèche légère échappée des mains du Créateur et qui traverse l’espace ? Vers quel avenir m’entraîne mon rapide déclin ? » Et, pour toute réponse, il n’entend que ces paroles : « Tu sortis du néant et tu retournes dans le néant. Pour toi, plus d’avenir ; une fois mort, tu n’es plus rien. » Ou si sa raison a été mieux développée et instruite, peut-être lui répondra-t-elle : « Oui, il est une autre vie » ; mais la raison ne la lui annoncera que comme une probabilité. Elle pense qu’il est une autre vie ; elle le suppose et l’espère ; elle le rêve peut-être ; mais dire quelle sera cette vie nouvelle, quelles en seront les splendeurs incompréhensibles ou les insondables mystères, les terreurs, les horreurs peut-être, c’est ce que la raison ne peut dire. Si un tel homme n’avait aucune connaissance de l’immortalité telle que nous la révèle la mort de Christ, l’accablante pensée qu’il va être anéanti, qu’il n’existera plus, ou, s’il doit exister, l’impossibilité de savoir ni comment ni où il existera : voilà quel serait pour lui le redoutable aiguillon de la mort !

Mais, mes bien-aimés, la mort de Christ dissipe toutes ces incertitudes. Si je suis sur le point de mourir et si Satan vient me dire : « Tu vas être anéanti ; tu sombres dans l’éternel océan des temps et tu vas descendre pour toujours dans les caverneux abîmes du néant ; ton esprit, ta pensée va pour toujours cesser de vivre et ne sera plus », aussitôt je puis lui répondre : « Non, cela est faux, je n’ai rien à redouter de pareil. O Satan ! tu pouvais me tenter ainsi, mais tu manques entièrement ton but. Vois là-bas mon Sauveur ! Il est mort ; Il est réellement, véritablement mort, puisque son cœur a été percé ; Il a été enseveli ; Il est demeuré trois jours dans le tombeau ; mais Il n’a pas été anéanti, car, le troisième jour, Il est ressuscité des morts ; Il est apparu à plusieurs témoins dans la gloire de sa résurrection et Il a donné d’abondantes preuves qu’Il était bien réellement ressuscité. Et maintenant, ô Satan ! je sais que tu n’as pas le pouvoir de mettre fin à ma vie, puisque tu n’as pu anéantir mon Seigneur. De même qu’Il est ressuscité, ainsi ressusciteront aussi tous ceux qui l’ont suivi. Je sais que mon Rédempteur est vivant ; aussi, quoique ce corps doive servir de pâture aux vers, cependant je verrai Dieu dans ma chair. Tu me dis, ô Satan ! que je vais être englouti et que je vais, me perdre dans le gouffre du néant ; et moi je te dis que tu mens ! Mon Sauveur n’a, pas été englouti, et cependant Il a été mort. Il a été mort, mais la mort n’a pas pu le retenir longtemps dans le tombeau. Tu peux venir me lier à mon tour, ô mort ! mais tu ne peux pas me détruire. Ouvre ta bouche, ô sépulcre ! engloutis-moi ; mais un jour vient où je briserai tes fers, où je m’échapperai. A l’aurore de ce jour d’immortelle gloire, je me lèverai tout couvert d’une rosée semblable à celle dont se perlent les fleurs au matin, et je vivrai éternellement en sa présence. Parce qu’Il vit, je vivrai aussi. » Comme vous le voyez donc, en mettant en évidence, par sa mort, la vie et l’immortalité, Christ a brisé la puissance de Satan dans la mort. Il lui a ravi le pouvoir de nous tenter en nous faisant croire que nous serons anéantis ; car, comme chrétiens, nous croyons que Jésus est ressuscité des morts et que ceux qui dorment au Seigneur seront retirés par Lui de leurs tombeaux.

Mais parlons maintenant d’une tentation bien plus commune, d’une nouvelle phase de cette puissance que Satan exerce au moment de la mort. Déjà, pendant notre vie, il cherche bien souvent à nous persuader que nos péchés l’emporteront contre nous devant Dieu, que les péchés de notre jeunesse et que toutes nos transgressions passées sont encore dans nos os, et que, lorsque nous nous serons endormis dans le sépulcre, ils ressusciteront pour nous condamner et nous perdre. « Ils sont, dit Satan, en bien grand nombre, et j’en vois déjà une multitude qui sont allés t’attendre au trône du jugement, et d’autres multitudes qui vont aller rejoindre les premières, pour t’y accabler au grand jour. » Quand le chrétien s’affaiblit et que la santé et le courage lui font défaut, sans la mort de Christ et la doctrine qui s’y rattache, le démon pourrait l’ébranler par les paroles suivantes : « Tu vas mourir ; je n’ose pas t’affirmer qu’il n’y aura point de vie future, parce qu’en ce cas tu me répondrais qu’il y en a une, puisque Christ est ressuscité, et que tu dois ressusciter comme lui ; mais je vais te tenter d’une autre façon. Tu as fait ouvertement profession d’être chrétien, et moi je t’accuse d’avoir été un hypocrite. Tu t’es prétendu l’un des élus du Seigneur ; hé bien ! regarde tes péchés, rappelle-toi ce certain jour où tes désirs coupables se sont révoltés contre Dieu, et où, si tu ne t’es pas laissé aller à des actes criminels, tu les as cependant conçus et désirés dans ton cœur. Rappelle-toi combien de fois tu l’as provoqué comme les Hébreux dans le désert, et combien de fois tu l’as irrité par tes rebellions. » Le diable prend alors notre journal quotidien et, en le feuilletant, il pose son doigt noirci sur chaque péché. Il lit ironiquement et avec un ricanement de mépris, et s’écrie : « Regarde ceci, toi qui te prétends saint. Saint !… Ah ! ah !… beau saint, vraiment ! Tiens, voici : profanation du dimanche ; voici : mauvaises pensées et incrédulité ; voici : abandon du Dieu vivant. » Puis il tourne les feuillets un à un et s’arrête sur les plus sombres, en disant : « Regarde encore ceci ! » Et avec ces reproches il torture le chrétien. « Ah ! David, dit-il, souviens-toi de Bathsheba ; Lot, souviens-toi de Sodome et de la caverne ; Noé, souviens-toi de la vigne et de ton ivresse. » Et à ces tristes souvenirs l’enfant de Dieu frémit en voyant ces péchés se dresser devant lui, même ses péchés les plus anciens — oubliés depuis longtemps.

Celui qui peut regarder le péché en face sans trembler, et qui peut demeurer ferme en disant : « Le sang de Jésus-Christ me purifie de tout péché », celui-là, dis-je, est vraiment un homme de foi. Mais si la mort de Christ n’était pas là, s’il n’avait pas répandu son sang, vous pouvez comprendre combien serait terrible la puissance du diable à l’heure de la mort, car il ne manque jamais de nous jeter à la figure tous nos péchés au moment où nous approchons de l’éternité. Mais, voyez comment Jésus a détruit par sa mort toute la puissance de l’ennemi ! Quand il vient nous reprocher nos péchés, nous lui répondons : « Tu as raison, ô Satan ! j’ai été rebelle et je ne renie ni ma conscience ni mes souvenirs. Oui, j’ai transgressé : tu peux, ô Satan ! me présenter la page la plus sombre de ma vie ; je confesse que tout est vrai, et quand l’Éternel enverrait mon âme dans les abîmes de l’enfer, Il serait trouvé parfaitement juste en le faisant. Mais, sache à ton tour, ô être pervers et maudit ! que tous mes péchés ont été rejetés sur la tête du bouc Azazel des temps de jadis. Va-t-en vers la croix du Calvaire, ô Satan ! regarde mon Sauveur pendu à ce bois infâme et tout couvert de son sang ! Mes péchés ne m’appartiennent plus ; ils ont été placés sur sa tête divine, et Il les a jetés du haut de sa croix dans la mer profonde. Loin de moi, cerbère infernal ! et ne viens pas me fatiguer de tes obsessions. Va repaître tes regards du spectacle de cet Homme qui est entré dans les parvis mystérieux de la mort et qui a dormi dans la tombe pendant trois jours. Il a brisé les portes de l’enfer et de la mort et Il a emmené la captivité captive ; Il a démontré par là qu’Il était approuvé de Dieu et que je suis justifié en Lui. »

Oh ! oui, voici bien comment la mort de Christ anéantit le pouvoir du démon ! Elle nous permet de répondre à Satan que nous ne le craignons plus, car tous nos péchés sont ôtés, sont couverts d’un nuage impénétrable et ne pourront plus nous être reprochés. — Ah ! disait un saint homme, parvenu à un âge très avancé, et que Satan avait rudement tourmenté, à la fin, je parvins pourtant à me débarrasser de mes tentations et à jouir d’une pleine paix ! — Et comment fîtes-vous ? lui demanda un ami chrétien qui le visitait ? — Frère, répondit le vieillard, je lui montrai du sang ; je lui montrai le sang de Christ. Et c’est là, en effet, ce que le diable ne peut pas supporter. Si vous lui répondez : « Ah ! j’ai prié si souvent », il se moquera de vos prières. Si vous lui dites : « Ah ! j’ai prêché la vérité », il vous rira en face et vous dira que vous avez prêché votre propre damnation. Si vous lui dites que vous avez cependant accompli quelques bonnes œuvres, il les prendra et les déroulera devant vous, en disant : « C’est là ce que tu appelles tes bonnes œuvres ? haillons que tout cela ! vils et sales haillons, dont personne ne voudrait, pas même contre récompense. » Si vous lui dites : « Ah ! mais je me suis repenti ! » il haussera les épaules à votre repentance. Quoi que ce soit que vous lui disiez, il s’en moquera, jusqu’à ce que vous vous écriiez : « Je viens les mains vides, je n’apporte rien ; mais j’embrasse la croix de Jésus ! » Alors tout est fini pour lui et il n’a plus rien à répondre, car la mort de Christ a détruit le pouvoir que le diable avait de nous tenter par le souvenir de nos péchés. « L’aiguillon de la mort, c’est le péché. » Notre Sauveur bien-aimé a arraché l’aiguillon de la mort et l’a désarmée à notre égard, parce que pour nous le péché n’entraîne plus la condamnation.

Supposons encore un chrétien qui croie fermement à une vie future. Le Malin a une autre manière encore de le tenter. Il lui dira : « C’est très possible ; j’admets que tu doives vivre à jamais et que tes péchés soient pardonnés ; mais tu as eu, bien de la peine à persévérer jusqu’à maintenant, et, aujourd’hui que tu vas mourir, tu es assuré, de succomber. Tu sais bien que dans les jours d’épreuve peu s’en est fallu que tu ne reprisses le chemin de l’Egypte. Les frelons qui te piquaient pendant ton pèlerinage ont suffi pour te harasser ; que sera-ce quand la mort, ce roi des vampires, viendra sur toi ! Tu es perdu, bien certainement. Tu sais que lorsque tu t’enfonçais pendant le chemin dans quelque ornière, tu criais d’épouvante, te croyant près d’être noyé. Que feras-tu maintenant que tu vas traverser le Jourdain débordé ? — Ah ! dit-il encore, tu avais peur des lions alors qu’ils étaient enchaînés : que vas-tu devenir en présence de ces lions déchaînés ? comment leur échapperas-tu ? Alors que tu étais jeune, que tes os étaient fortement attachés ensemble et que tes muscles étaient pleins de vigueur, tu tremblais cependant devant moi ; et maintenant que je vais fondre sur toi, maintenant que tu vas descendre dans le sépulcre, sans force ni courage, maintenant que, te saisissant avec mes ongles acérés, j’enfoncerai mes dents avec une rage désespérée dans ta chair, et que je te mordrai si cruellement que tu le sentirais même à travers des barres de fer et à travers un triple airain, ah ! tu seras vaincu, anéanti, perdu ! » Le pauvre chrétien, alors, tout découragé, se prend à croire que tout cela est vrai, et s’écrie : « Certainement, je vais périr par la main de ce terrible ennemi ! » — Et voici venir un savant sectateur d’Arminius, disant : « Mon ami, vos sentiments sont vraiment convenables, car Dieu peut, suivant les cas, abandonner ses enfants et les répudier. » — A quoi nous répondons : « Tu mens, ô arminien ! Ferme ta bouche et tais-toi, car Dieu n’a jamais abandonné ses enfants et il ne les abandonnera jamais. Il ne le peut pas ! »

Et après avoir répondu à l’arminien, nous répondons au diable : « O ennemi des âmes ! tu essaies de nous faire croire que tu peux nous vaincre ; mais, sache, ô Satan ! que la puissance qui nous a gardés jusqu’ici contre toi ne vient pas de nous ; le bras qui nous a délivrés, ce n’est pas le bras de la chair et du sang ; autrement nous eussions été vaincus depuis longtemps. Regarde, ô pervers ! à Celui qui peut toutes choses ; c’est sa toute-puissance qui nous garde jusqu’à la fin ; et, par conséquent, quelque faibles que nous soyons, lorsque nous sommes faibles, c’est alors que nous sommes forts, et à la dernière lutte de notre dernière heure nous te vaincrons et te terrasserons ! »

Mais, remarquez bien que ce qui nous permet de répondre ainsi, c’est la mort de Christ. Jetons les regards sur le tableau suivant. Lorsque le Seigneur descendit des cieux sur notre terre, Satan connaissait le but de sa venue. Il savait que le Seigneur Jésus était le Fils de Dieu, et, en le voyant petit enfant dans la crèche de Bethléhem, il pensa que s’il pouvait le faire mourir et l’enfermer dans les liens de la mort, jamais victoire ne serait plus grande ni plus glorieuse. Il excita donc la rage d’Hérode contre Lui et lui suggéra de le faire mourir ; mais Hérode manqua son coup. Bien des fois depuis lors, Satan chercha à mettre en danger la vie de Jésus, dans l’espoir de faire mourir le Christ. Pauvre fou qu’il était ! car il ne savait pas qu’au jour où il mourrait sa mort lui écraserait la tête ! Vous vous souvenez qu’une fois, tandis que le Seigneur était dans la synagogue, le diable excita le peuple et l’enflamma de colère. « Oh ! pensait-il, quel triomphe si je pouvais tuer cet homme et en finir avec lui ! mon règne alors serait absolu et irrésistible. » Il poussa donc ces gens à traîner le Seigneur jusque sur la montagne, et il se réjouissait déjà dans l’espoir de le voir précipité du haut, des roches. Mais Christ échappa. Il essaya de le faire mourir de faim, de le noyer : au désert, Jésus était sans nourriture ; sur la mer, la tempête se déchaîna contre Lui. Mais impossible de réussir ! et Satan devait avoir faim et soif de voir couler le sang de cet homme et de le voir mort. Enfin le jour est venu où Jésus consent à mourir ; la nouvelle s’en répand comme l’éclair dans tous les enfers. Les esprits déchus hurlent de toutes parts dans leur joie diabolique. « Il veut mourir, maintenant ! s’écrie le prince des ténèbres. Judas a reçu les trente pièces d’argent. Que ces pharisiens et ces scribes se saisissent de Lui ! Ils ne s’en dessaisiront pas plus que l’araignée ne se dessaisit d’une misérable mouche. Nous le tenons maintenant ! » — Lorsque Satan vit Jésus debout devant Pilate, il ne put contenir son rire infernal, et quand parvinrent à ses oreilles ces paroles : « Crucifie ! crucifie ! » sa joie ne connut plus d’autres bornes que celles qui résultent de son éternelle misère. Il jouissait, autant qu’il était capable de jouir, en pensant que le Seigneur de gloire allait enfin mourir. De même que les anges pouvaient voir Jésus dans sa mort, les démons le pouvaient aussi ; et qui dira l’intérêt satanique avec lequel les démons suivirent des yeux cette foule qui conduisait Jésus du palais de Pilate au sommet du Calvaire ? Et quand Lucifer le vit cloué sur la croix, quelle triomphante exaltation ! quel rire !… « Ah ! je tiens en mon pouvoir le Roi de gloire ; j’ai le pouvoir de la mort et j’ai par suite obtenu puissance sur le Seigneur Jésus ! » Ce pouvoir, il l’exerça sur le Christ mourant jusqu’à lui arracher ce cri de douloureuse angoisse : « Mon Dieu ! mon Dieu ! pourquoi m’as-tu abandonné ? ». Mais, que cette victoire fut courte ! que ce triomphe fut passager ! Il mourut, et à ces mots : « Tout est accompli ! » les portes de l’enfer chancelèrent. Le conquérant s’élance du haut de la croix et poursuit son ennemi avec les foudres de sa vengeance. Son ennemi se précipite rapide comme l’éclair dans les ténèbres de l’enfer, et le Vainqueur l’y poursuit avec la même promptitude. « Traître ! lui crie le Sauveur, ma main te transpercera alors même que pour me fuir tu t’ensevelirais dans les plus inaccessibles profondeurs ! Le saisissant alors et l’attachant aux roues de son char glorieux, Il est remonté au milieu des alléluiahs des anges. Il a emmené la captivité captive et a reçu des dons pour les hommes. »

Et maintenant, ô Satan ! tu prétendais triompher de moi au moment de ma mort !… Je te défie, et je me ris de tes efforts. Mon Maître t’a vaincu, et je te vaincrai à mon tour. Tu dis que tu veux terrasser l’enfant de Dieu ? mais comment le pourrais-tu, toi qui n’as pas pu vaincre son Maître ? Un jour, tu crus avoir vaincu Jésus ; mais grande fut ta déception ! Ah ! Satan, tu as cru pouvoir vaincre une foi qui chancelle, un cœur qui défaille !… Grande est ton erreur ! car bientôt nos pieds se poseront sur ta gorge, et jusqu’à la dernière extrémité, alors que tout semblera contre nous, « nous serons plus que vainqueurs en Celui qui nous a aimés ! »

Vous le voyez, chers frères, la mort de Christ a enlevé à Satan l’avantage qu’il avait sur les saints au moment de leur mort. Nous pouvons donc descendre d’un pas ferme sur les bords du Jourdain, ou même, si Dieu nous appelle à partir soudainement, nous pouvons nous précipite du haut de la falaise dans ses flots, car Christ est avec nous, et la mort nous est un gain.

II

Maintenant quelques instants me suffiront pour vous montrer que, par sa mort, Jésus a anéanti le pouvoir du diable, non seulement sur la mort, mais sur toutes choses, et d’une manière universelle. « Il a détruit, ou vaincu, celui qui avait l’empire de la mort, à savoir : le diable. »

La mort était le dernier retranchement du diable ; mais Christ a bravé le lion jusque dans sa tanière et l’a vaincu sur son propre terrain. En lui enlevant la mort et en démantelant cette forteresse jusqu’alors invincible, Il lui a ravi tous les autres pouvoirs qu’il pouvait exercer contre les enfants de Dieu. Satan est donc aujourd’hui un ennemi vaincu, non seulement pour l’heure de la mort, mais dans toute circonstance et à tous égards. Tout cruel et puissant qu’il ait pu être, cet ennemi tremble et se lamente aujourd’hui chaque fois qu’un chrétien entre en lice contre lui, car il sait par expérience que si le résultat de la lutte peut parfois se faire attendre ou pencher un instant en sa faveur, la victoire appartient invariablement à l’enfant de Dieu, parce que Christ, par sa mort, a détruit la puissance du diable.

Mes frères ! Satan peut acquérir soudain une grande puissance sur vous et vous tenter de vous livrer aux convoitises de la chair et à l’orgueil de la vie ; il peut se présenter devant vous et vous dire : « Faites telle ou telle chose contraire à la droiture, et je vous enrichirai. ; livrez-vous à telle ou telle jouissance, et je vous rendrai heureux. — Allons, dit-il, laissez-vous conseiller par moi. Je vous donnerai à boire d’un vin plus généreux que celui qui découle des cuves de la Parole de Dieu, et à manger d’un pain meilleur et que vous ne connaissez point encore. Mange seulement de ce fruit séduisant ; il est exquis, et tu seras comme un Dieu. » — « Ah ! répond le chrétien, lorsque mon Maître eut affaire avec toi, ô Satan ! Il dût mourir ; c’est pourquoi je ne veux rien avoir de commun avec toi. Puisque tu as tué mon Maître, tu me tueras aussi, si tu peux, c’est pourquoi, arrière de moi ! Tu me montres des monceaux d’argent, en me disant que si je veux faire quelque action malhonnête tu me les donneras, et moi je te dis que je puis couvrir ton argent avec des monceaux d’or, et en avoir encore de reste. Tu me dis qu’en péchant je pourrai m’enrichir ; mais tous les trésors de l’Egypte ne sont rien en comparaison des trésors de Christ. Si tu venais, ô Satan ! m’offrir même une couronne, et me dire : Tiens ! si tu consens à pécher, je te la donne, je te répondrais : Pauvre couronne que la tienne, ô Satan ! j’en possède là-haut une bien plus belle. Je ne saurais pécher pour si maigre récompense. » — Mais, le voici qui apporte ses sacs d’or, disant : « Hé bien donc ! chrétien, pèche pour avoir ceux-ci. — Cette marchandise, reprend le chrétien, ne vaut pas seulement la peine que je la regarde ; mon héritage est dans une cité dont les rues sont pavées d’or ; et que m’importent ces brimborions que tu me présentes ? emporte-les ! » — Alors il apporte la beauté et nous tente par elle. Mais nous lui répondons : « penses-tu, ô démon ! Que me fait cette beauté ? Mes yeux ont entrevu le Roi de gloire et la patrie lointaine, et, par la foi, je sais que j’irai au lieu où la Beauté suprême surpasse toute autre beauté, où je verrai mon Sauveur qui est le premier entre dix mille et entièrement aimable. Rien de tout cela ne me tente. Christ est mort, et je compte toutes les autres choses comme des ordures, pourvu que je gagne Christ et que je sois trouvé en Lui. » — Vous le voyez : la mort de Christ a détruit le pouvoir de Satan, même dans les tentations.

« Ah ! tu ne veux pas te rendre ! s’écrie Satan en fureur ; tu ne veux pas céder à mes invitations amicales ! Hé bien ! attends ; puisque tu ne veux pas sortir du sentier de la fidélité, c’est moi qui vais t’en faire sortir. Qui es-tu donc, que tu oses te mesurer avec moi ? pauvre ver de terre ! Quoi ? j’aurai pu faire tomber des anges et je reculerais devant toi ? Non certes !… » Et le voilà qui se précipite sur nous et qui pousse des hurlements jusqu’à étourdir les échos et les réduire au silence. Il lève sa flamboyante épée et se prépare à nous frapper. Vous savez, mes frères, quel est le bouclier qui doit alors parer ses coups. C’est la foi en Christ, mort pour nos péchés. Il fait siffler ses flèches en tous sens, mais ses dards empoisonnés ne nous font aucune blessure, car nous les recevons sur le bouclier impénétrable : Christ et sa croix. Quelque malignes que soient donc ses insinuations, quelque grandes que soient ses fureurs, la mort de Christ a anéanti son pouvoir pour détruire aussi bien que pour tenter. Dieu peut lui permettre de l’essayer, mais il ne saurait jamais réussir ; la mort de Christ a détruit celui qui avait l’empire de la mort, savoir : le diable.

Il y a des gens qui prétendent ne pas croire au diable. Hé bien ! je leur dis à mon tour que je ne crois pas à leur prétention ; car s’ils se connaissaient tant soit peu eux-mêmes, ils trouveraient bientôt le diable. Mais il se peut, après tout, qu’ils n’aient guère de preuves de son existence, car le diable ne perd pas son temps. Il traverse un rue, voit un homme occupé à ses affaires — avare, ambitieux, avide au gain, ayant ravi la maison d’une veuve et venant d’enlever à un orphelin son dernier arpent de terre. « Bon ! dit le diable, poursuivons notre route ; inutile de m’arrêter ici ; celui-là n’a pas besoin de moi ; il ira en enfer sans difficulté. » — Il va donc vers une autre maison. Là, demeure un buveur, qui passe sa vie en orgies. Le diable passe outre : « On n’a que faire de moi ici ! dit-il ; tout marche très bien, et je ne veux pas déranger mes meilleurs amis. Pourquoi me mêler de leurs affaires, puisque je suis sûr de les tenir à la fin ? Il ne faut pas les inquiéter. » — Mais voici qu’il rencontre un pauvre enfant de Dieu à genoux, très faible dans la prière : « Oh ! dit-il, qu’est ceci ? Voilà une créature qui pourrait bien m’échapper ; approchons-nous promptement. » — Voici un pauvre pécheur qui vient de se détourner de son mauvais train de vie et qui s’écrie en larmes : « J’ai péché et j’ai commis l’iniquité devant ta face ; ô Seigneur ! aie pitié de moi ! — Encore un homme de moins ! s’écrie Satan. Il faut que je le rattrape. Je ne puis consentir à ce que mes sujets m’échappent ainsi. » Et le voilà qui le tourmente. La raison pour laquelle vous ne croyez pas qu’il y ait un diable, c’est que très probablement il ne s’approche guère de vous, parce qu’il est sûr de vous avoir et ne prend pas même la peine de vous surveiller. Vous ne l’avez pas vu, parce que vous êtes tellement mauvais que vous ne valez pas seulement la peine qu’il vous recherche. « Non, non, dit-il, je n’ai pas de temps à perdre avec cet homme ; ce serait porter de l’eau à la mer ; il est déjà aussi mauvais qu’il peut l’être, et nous le laisserons tranquille. » — Mais si un homme vit pour Dieu, ou si sa conscience commence à se réveiller, alors Satan s’écrie : « Aux armes ! aux armes ! aux armes ! » Et cela pour deux raisons : d’abord, parce qu’il veut essayer de l’étourdir, et aussi parce qu’il veut le perdre. Hé bien ! nous bénissons Dieu de ce qu’alors même que Satan déploierait contre le chrétien toutes les puissances, de l’opprobre, de la ruse et de la malice, le chrétien qui s’abrite derrière le Rocher qui, est Christ est en parfaite sécurité et ne saurait jamais être ébranlé.

Permettez-moi, en terminant, d’adresser un mot d’encouragement pour le peuple de Dieu et un avertissement sérieux à ceux qui ne connaissent point encore le Sauveur.

O enfants de Dieu ! la mort a perdu son aiguillon pour vous, car l’empire que le démon avait sur elle a été détruit. Ne craignez donc plus la mort. La mort !… vous savez ce qu’elle est : regardez-la en face et dites-lui courageusement que vous ne la craignez pas. Demandez au Seigneur de vous fortifier par sa grâce, de telle sorte que vous puissiez affronter sans terreur cette heure dernière, étant fortifiés par une connaissance intime de la mort de votre Maître et par une foi inébranlable en son efficace. Comprenez bien que si vous vivez dans ces sentiments, vous envisagerez la mort comme un sujet de joie et vous la saluerez à son approche comme une délivrance. Oui, il est doux de mourir, de s’endormir sur le sein du Seigneur, de sentir son âme se séparer du corps sous l’étreinte de Jésus et s’envoler vers Lui en recevant son baiser de paix !

Vous qui avez perdu des êtres chéris ou qui êtes demeurés seuls sur la terre, ne vous désolez point comme ceux qui n’ont point d’espérance, car l’empire de Satan est détruit. Qu’elle est douce pour le cœur l’espérance que la mort de Christ nous apporte à l’égard de ceux que nous avons perdus ! Ils sont partis, mes frères, mais sont-ils donc allés bien loin ? La distance qui sépare les esprits glorifiés dans le ciel des enfants de Dieu qui combattent encore sur la terre paraît grande, mais elle ne l’est pas. Nous ne sommes pas éloignés du foyer paternel. « Un léger soupir suffit pour détacher l’esprit de la matière, et ce soupir on l’entend à peine, que déjà cet esprit racheté et glorifié a pris sa place devant le trône du Très-Haut. Nous mesurons la distance par le temps, et nous disons que tel lieu est à tant d’heures de tel autre. S’il y a trente lieues entre les deux, et qu’il n’existe pas de chemin de fer pour ce trajet, nous disons : « C’est bien loin ! » S’il y a un chemin de fer, nous disons : « C’est bien près ! » Mais le ciel, à quelle distance est-il ? Il suffit d’un soupir pour y arriver. Chers frères, nos amis sont pour ainsi dire à l’étage au-dessus dans la maison que nous habitons ; ils ne sont pas bien loin ; ils sont au premier, et nous au rez-de-chaussée. Comme l’a dit un poète : « Par dix milliers ils s’envolent en ce moment même vers leurs éternelles demeures, et nous sommes, nous aussi, arrivés sur la plage et sur le point de partir comme eux. Une partie de cette grande armée a déjà passé le fleuve. » Voyez-les ! ils sont là-bas, sur la plage opposée ; et l’autre partie de l’armée est encore de ce côté-ci des profondes eaux. Nous sommes déjà sur la rive, prêts à nous embarquer ; mais nous ne formons qu’une même armée, — une chaîne ininterrompue, depuis Abel jusqu’au dernier des saints qui part en ce moment, — un seul et même corps, qui ne sera complet que le jour où les portes du saint lieu se refermeront sur eux pour les protéger à jamais.

« Nos mains peuvent déjà ; par la foi, presser les mains chéries de ceux qui nous ont devancés, et saluer les glorieuses phalanges qui se pressent sur les rives éternelles, et dont les vêtements portent la marque du précieux sang qui les a rachetés. »

Je termine maintenant par quelques mots à l’adresse des pécheurs. O toi qui ne connais pas Dieu, toi qui ne crois pas en Christ ! la mort est pour toi une chose terrible. Je n’ai pas besoin de te le dire, car ta conscience te le déclare déjà. O homme ! tu peux te moquer de la religion à ton aise ; mais tu ne t’en ris pas alors que tu es seul vis-à-vis de toi-même. Les plus grands vantards de la terre sont les plus grands lâches. Quand j’entends quelqu’un dire : « Ah ! je n’ai pas peur de mourir, votre religion m’importe peu ! » je ne m’y laisse pas prendre ; je sais ce que cela signifie. Il ne parle ainsi que pour cacher aux autres et se cacher à lui-même ses propres craintes, comme celui qui chante quand il se trouve seul pendant la nuit. Regardez comme il pâlit lorsqu’une feuille d’arbre vient se heurter le soir contre la vitre ! Observez-le au moment d’un orage, quand le tonnerre ébranle le sol : Ah ! quel éclair ! s’écrie-t-il. Ou, s’il a les nerfs robustes, peut-être ne dira-t-il rien, mais une terreur comprimée pèse sur lui pendant que la tempête gronde. Ainsi ne fait pas le chrétien ; ainsi ne fait pas celui qui est animé d’un véritable courage. Moi, j’aime les éclairs ; j’aime la voix du tonnerre de mon Dieu, jamais je ne me sens aussi heureux que lorsque je contemple les sublimes horreurs de l’orage. Il me semble alors que j’ai des ailes et toute mon âme est en jubilation. Je me plais à répéter ces paroles d’un cantique :

Ce Dieu terrible est à moi ;
Il est mon Père bien-aimé !
S’il veut que je monte vers Lui,
Il m’enverra ses messagers puissants.

Oui, je le sais, vous avez peur de mourir ; et voici ce qui me reste à vous dire : Vous avez bien raison de craindre la mort, et surtout de redouter de mourir maintenant ! Mais, parce que vous avez souvent échappé au trépas, vous pensez peut-être y échapper longtemps encore ?… O tranquillité funeste ! La mort est là qui vous presse de toutes parts : ne la voyez-vous pas frappant à droite et à gauche !… Supposons que nous prenions un homme, que nous l’attachions à l’une de ces colonnes et que nous chargions un bon tireur de prendre son arc et ses flèches et de les décocher sur lui : une première flèche pourra bien s’écarter et frapper quelqu’un à sa droite ; une seconde pourra frapper quelqu’un à sa gauche ; une autre pourra passer au-dessus de sa tête, et une autre tomber à ses pieds ; mais, tandis que les flèches volent et déchirent l’air en sifflant à ses oreilles, vous ne supposez pas que cet homme puisse rire et se moquer ?… S’il savait que l’archer continue à le prendre pour point de mire de ses coups, et s’il était parfaitement certain d’être atteint un moment ou l’autre, qui pourrait rendre la terreur qui s’emparerait de lui ! Ah ! il ne rirait pas ; il ne dirait pas : « Je ne mourrai point. » Voyez, cet homme en a tué plusieurs à mes côtés, mais jamais il ne me touchera. Non, la chance de mort suffirait pour le mater et le tenir en éveil ; car, au moment où il n’y penserait pas, la flèche pourrait partir et le percer. Hé bien ! aujourd’hui, cet homme dont je parle c’est vous-même. Dieu a placé la flèche sur l’arc : un de vos voisins est tombé à votre droite et un autre à votre gauche. La flèche va bientôt se diriger sur vous ; elle vous aurait même déjà frappé si Dieu l’avait voulu. Ah ! ne vous moquez donc pas de la mort et ne méprisez pas l’éternité ; mais demandez-vous plutôt si vous êtes prêt à mourir, de peur que la mort ne survienne et ne vous trouve en défaut. Souvenez-vous qu’elle ne vous attendra pas. Si vous avez renvoyé d’y penser, elle ne renverra pas votre départ pour s’accommoder à vos besoins ; elle ne vous laissera pas même un instant de plus pour vous donner le temps de vous tourner vers Dieu. La mort tue du premier coup qu’elle frappe, et après elle vient la damnation, sans espoir de renvoi. « Quiconque croit et a été baptisé sera sauvé, mais celui qui ne croit pas sera condamné. » Je vous prêche donc l’Évangile selon que Dieu veut qu’il soit prêché. « Allez, dit-il, par tout le monde, et prêchez l’Évangile à toute créature. Allez, instruisez toutes les nations et les baptisez au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Voici, je vous l’ai dit, la foi en Jésus-Christ est la seule chance de salut qu’il reste à toute âme, et cette foi, on en fait profession devant les hommes par le baptême. Telle est la méthode choisie de Dieu. Que le Seigneur daigne vous faire la grâce d’obéir à ces deux grands commandements, pour l’amour de Christ ! Amen.

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