Catéchèse

DIX-SEPTIÈME CATÉCHÈSE, SECOND DISCOURS SUR CES MOTS : Sur le Saint-Esprit.

SOMMAIRE.

I. Exposition du sujet. Témoignages en faveur du St-Esprit puisés dans le Nouveau Testament. – II. Il est un indivisible et indivisé, quoique sous des noms différents. – C’est pourquoi nous disons dans le symbole : nous croyons en un St-Esprit. – IV, V. Diversité des noms qu’on lui donne. Il n’est pas un souffle qui s’évapore, mais il est un être réel, plein de vie. – VI, VII. C’est lui qui a fécondé Marie, sanctifié Elisabeth, Jean -Baptiste, Zacharie. – VIII. Jean fut sanctifié pour baptiser le Seigneur. Il ne donnait pas le St-Esprit. – IX. Le St-Esprit descendit sur Jésus-Christ lors de son baptême. Pourquoi prit-il la forme d’une colombe ? – X. Cette colombe avait été figurée par celle du déluge. – XI. Paroles de Jésus-Christ relatives au St-Esprit. – XII, XIII. Le St-Esprit fut donné aux Apôtres tout de suite après la résurrection par insufflation ; mais cette communication ne fut pas pleine et entière. – XIV, XV. Elle ne fut abondante qu’au jour de la Pentecôte. Manière dont toute l’âme se pénètre du St-Esprit. – XVI. Du don des langues. – XVII. Comparaison entre le don des langues communiqué par le St-Esprit, et la confusion des langues opérée à la tour de Babel. – XVIII, XIX, XX. Les Apôtres étaient véritablement ivres du St-Esprit. La grâce du St-Esprit est plus abondante dans le Nouveau que dans l’Ancien Testament. – XXI, XXII, XXIII. Nombreux témoignages des opérations du St-Esprit, puisés dans les Actes et les Epîtres des Apôtres. – XXIV. Les sept diacres participent aux dons du St-Esprit. – XXV, XXVI. Opérations du St-Esprit dans l’Eunuque de la Reine de Candace qui devint l’Apôtre de l’Ethiopie ; dans Saul qui, de persécuteur, devint l’Apôtre des nations. – XXVII. Dans Pierre, le chef de l’Eglise, le portier du ciel. – XXVIII. Dans Barnabas, compagnon de Paul. – XXIX. Le St-Esprit nous affranchit de la servitude de la loi. – XXX, XXXI, XXXII. Enumération des merveilles opérées par Paul sous l’inspiration su St-Esprit – XXXIII Des diverses hérésies relatives au St-Esprit. XXXIV. L’ordre qui existe dans l’énonciation du symbole est une réfutation de Sabellius. – XXXV. Combien l’hypocrisie est funeste aux catéchumènes. – XXXVI. Le baptême s’administre en tout lieu et par tout le monde. – XXXVII. Dans le baptême nous recevons, non-seulement la rémission des péchés, mais encore beaucoup d’autres dons importants. – XXXVIII. Conclusion et invocation du St-Esprit.

Ces deux Catéchèses sont un traité complet sur le St-Esprit, considéré soit dans l’exposition de la doctrine, soit dans l’exposition de ses effets, soit dans l’explication de ses divers mystères. Il est d’autant plus admirable que ce sujet n’avait pas encore été traité à fond. Il faut surtout remarquer ce qu’il dit des divers noms du St-Esprit, de sa descente sur Jésus-Christ, sous la forme d’une colombe, du baptême des Apôtres, de l’efficacité de sa grâce dans la conversion des Gentils, et de ses dons répandus sur les Fidèles, encore à cette époque, au moment du baptême.

Cette Catéchèse a été prononcée le Jeudi-Saint, puisque la XIVe a été prononcée le lundi de la Semaine sainte.

Alii quidem per Spiritum datur sermo sapientiæ. (1 Corinthiens 12.8.)

« L’un reçoit du St-Esprit le don de parler avec sagesse. »

I.

Dans l’instruction précédente nous avons fait ce que nous avons pu, pour mettre sous vos yeux une faible partie des nombreux témoignages que les livres de l’ancienne loi rendent au Saint-Esprit. Il nous reste aujourd’hui à vous faire passer en revue ceux que nous offre le Nouveau Testament. Tel sera le plan que nous nous proposons de remplir aujourd’hui, avec la volonté de Dieu.

Pour ne pas excéder les bornes que le temps nous a posées, nous serons aussi forcé de réprimer notre zèle. Car, lorsqu’il s’agit du Saint-Esprit, le sujet est intarissable. Nous ne pourrons donc vous faire entendre qu’une faible partie de tout ce que nous aurions à vous dire, quelle que soit notre bonne volonté. Au reste, nous vous avouons ingénument notre faiblesse, et nous vous prévenons que nous sommes écrasé sous le poids des matériaux dont les divines Ecritures nous accablent.

Nous n’emploierons aujourd’hui aucun de ces moyens que le raisonnement humain ou l’imagination savent mettre en œuvre. Ce n’est pas ici leur place ; mais c’est seulement l’Ecriture sainte à la main, que nous nous proposons de vous parler ; c’est la voie la plus sûre, si nous en croyons l’Apôtre des nations, qui à dit : Nous prêchons l’Evangile, non pas de cette manière oratoire qu’enseigne la sagesse humaine, mais selon celle que l’on apprend à l’école du Saint-Esprit, traitant spirituellement les choses spirituelles. (1 Corinthiens 2.13.) Nous sommes ici semblable à ceux qui font des voyages de long cours, soit sur terre, soit sur mer ; malgré leur vif désir d’arriver promptement au terme de leur voyage, la faiblesse humaine les force de s’arrêter dans quelques villes, ou de relâcher dans quelques ports.

II.

Quels que soient les différents points de vue, sous lesquels on puisse parler du Saint-Esprit, il n’en est pas moins toujours un, toujours le même. En vous entretenant de Dieu le Père, nous l’avons considéré, tantôt du côté de sa suprême monarchie (Catéch. VI) tantôt du côté de sa paternité (Catéch. VII) tantôt dans sa toute-puissance (Catéch. VIII) tantôt enfin comme Créateur de toutes choses ; et cependant tous ces différents aspects n’ont pas constitué deux êtres, n’ont apporté dans le dogme aucune division. Il n’en est pas moins resté un, tel que la foi et la piété nous l’enseignent.

Lorsque nous vous avons parlé de Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, nous vous avons entretenus, tantôt de sa divinité (Catéch. X, XI) tantôt de son humanité (Catéch. XII, XIII, XIV, XV) de manière cependant que quelles qu’aient été les divisions que nous avons apportées dans l’examen de notre sujet, nous ne vous avons prêché qu’une foi indivisible en un seul et même Seigneur Jésus-Christ.

De même, quoique dans deux différentes Catéchèses nous vous entretenons du Saint-Esprit, nous ne vous prêchons néanmoins qu’une foi indivise en un seul et même Saint-Esprit ; car il est un, et toujours identiquement un, quoique distribuant à chacun ses dons, selon qu’il lui plaît. (1 Corinthiens 12.11.) Qui parle du Paraclet, parle du Saint-Esprit[1] ; car il est essentiellement un et le même, quoique signalé sous des noms différents. Il vit, il subsiste, il parle, il agit, il sanctifie tous les êtres doués de raison, que Dieu a créés par son Fils, soit les Anges, soit les hommes.

[1] Qui parle du Paraclet, parle du St-Esprit.
Cyrille combat ici les Valentiniens qui faisaient deux êtres du Paraclet et du St-Esprit. Le Paraclet, selon eux, occupait la dix-neuvième place entre les 30 premiers Æons (siècles). Ils le plaçaient en tête de la douzième génération de l’homme et de l’Eglise, avec son épouse Piste (la foi). Le St-Esprit, au contraire, était né avec le Christ après les Eons (siècles) enfants de Nous (intelligence) et de Monogène (fils unique. (Apud Irenæum, lib. I, cap. 1, n. 2 et 5.)
Les Montanistes, au moins la plupart, voyaient également deux êtres, un dans le St-Esprit, un autre dans le Paraclet. L’un était descendu sur les Apôtres, l’autre sur Montan. (Apud Tertull. Appendicis, lib. de Præscript. cap. 52.) (Voy. la note A, XVIe Catéch. pag. 195.)

III.

C’est pour nous garantir de la croyance erronée qu’il existe divers Esprits de Dieu, et de la tentation de diviser, dans notre imagination, celui qui est essentiellement un et unique (erreur où pourraient être entraînées quelques personnes ignorantes, par les divers noms sous lesquels il est désigné) que l’Eglise, toujours prévoyante à lever devant les pieds de ses enfants toutes les pierres d’achoppement, a exposé son dogme en ces termes : Nous croyons en un Saint-Esprit, Paraclet, qui a parlé par les Prophètes, pour que vous puissiez comprendre que, sous plusieurs dénominations, elle n’entend proposer à votre foi qu’un seul et unique Saint-Esprit. De ce grand nombre, nous vous en ferons connaître quelques-unes.

IV.

Il est d’abord appelé Esprit, comme nous venons de le lire dans les paroles de l’Apôtre. L’un reçoit du Saint-Esprit le don de parler avec sagesse. Le Sauveur le nomme l’Esprit de vérité (Jean 16.13) : Lorsque l’Esprit de vérité sera venu. Ailleurs il l’appelle : Paraclet : Car si je ne m’en vais pas, le Paraclet ne viendra pas à vous. (Ibid. 7.) Pour vous faire comprendre que, sous ces diverses dénominations, il n’entend parler que d’un seul et même objet, il avait dit : Mais le Paraclet, qui est le Saint-Esprit, vous enseignera toutes choses (Jean 14.26) ; et pour que vous sachiez bien que le Paraclet et l’Esprit de vérité est le même, il avait déjà dit : Je prierai mon Père, et il vous donnera un autre Paraclet (consolateur) l’Esprit de vérité, pour demeurer éternellement avec vous. (Ibid. 16.) Mais lorsque le Paraclet, l’Esprit de vérité, que je vous enverrai de la part de mon Père, et qui procède du Père, sera venu, il rendra témoignage de moi. (Ibid. XV, 26.)

Ailleurs il est appelé l’Esprit de Dieu. Jean vit l’Esprit de Dieu qui descendait. (Matthieu 3.16.) Car quiconque agit par l’Esprit de Dieu est enfant de Dieu. (Romains 8.14.) Ailleurs c’est l’Esprit du Père. Puisque ce n’est pas vous qui parlez, mais c’est l’Esprit de votre Père qui parle en vous. (Matthieu 10.20.) C’est pourquoi, dit Paul, je fléchis les genoux devant le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ… pour qu’il vous fortifie par son Saint-Esprit. (Ephésiens 3.14, 16.) Pourquoi, dit S. Pierre, conspirez-vous entre vous, pour tenter l’Esprit du Seigneur ? (Actes 5.9.) Paul lui donne le titre d’Esprit du Père et du Fils ; écoutez-le : Mais, pour vous, vous ne vivez pas selon la chair, mais selon l’Esprit, si toutefois l’Esprit de Dieu est en vous ; car si quelqu’un n’a point l’Esprit de Jésus-Christ, il n’est point à lui. (Romains 8.9.) Car je sais que l’événement m’en sera salutaire par vos prières et le secours de l’Esprit de Jésus-Christ. (Philippiens 1.19.) Le même Apôtre l’appelle aussi l’Esprit du Fils de Dieu : Et parce que vous êtes ses enfants, Dieu a envoyé dans vos cœurs l’Esprit de son Fils. (Galates 4.6.) Le Prince des Apôtres lui donne le même titre : Ayant examiné quand et comment l’Esprit du Christ se mani-festerait en eux. (1&nbs;Pierre 1.11.)

V.

Vous rencontrerez beaucoup d’autres dénominations sous lesquelles il est désigné. S. Paul l’appelle l’Esprit de sanctification (Rom. I, 4) l’Esprit d’adoption Car vous n’avez pas reçu l’esprit de servitude, pour vous laisser subjuguer par la crainte ; mais vous avez reçu l’Esprit d’adoption qui nous fait crier : Mon Père ! mon Père ! l’Esprit de révélation : Soit que… le Père de gloire vous donne l’Esprit de sagesse et de révélation pour le connaître (Ephésiens 1.17) ; l’Esprit de promission : Lorsque vous avez cru en lui, vous avez été marqués du sceau de l’Esprit de promission (Ephésiens 1.13) ; l’Esprit de grâce : Qui aura outragé l’Esprit de grâce. (Hébreux 10.29.) L’Apôtre le signale encore sous plusieurs autres dénominations.

Dans la précédente instruction, vous avez entendu que le Psalmiste donne au Saint-Esprit les épithètes de bon, de principal ; et qu’Isaïe le désigne sous le nom d’Esprit de sagesse, d’intelligence, de conseil, de force, de science, de piété, de crainte de Dieu. (Cat. XVI, 28, 30.)

De tout ce que nous avons dit antérieurement, et que nous venons de dire, il faut conclure que, sous divers noms, nous n’entendons parler que d’un seul et même Esprit-Saint qui vit, qui subsiste, et qui est toujours présent avec le Père et le Fils.

Ce ne sont ni la bouche, ni les lèvres du Père ou du Fils[2] qui lui donnent l’être, soit en respirant, soit en parlant. Mais il jouit d’une hypostase, soit qu’il parle, soit qu’il opère, soit qu’il gouverne ; son action pour notre salut est une, indivise, concordante avec celle du Père et du Fils, comme nous l’avons déjà dit. Surtout n’oubliez pas ce que nous avons dit naguère, retenez bien qu’il n’existe aucune différence, aucune distinction entre le Saint-Esprit dont parlent la loi et les Prophètes, et celui dont parlent les Evangiles et les Apôtres ; mais que c’est un seul et même Esprit qui a dicté dans l’un et l’autre Testament les divines Ecritures.

[1] Ce ne sont ni la bouche ni les lèvres du Père ou du Fils.
Il n’y avait guère que les Ariens et les Eunomiens qui soutinssent que, de même que le Fils procédait du Père par voie de création, le St-Esprit procédait du Fils par la même voie. On rencontre cependant dans S. Athanase, et quelques autres Pères Grecs, quelques passages qui sembleraient attribuer au Fils seul l’origine immédiate du St-Esprit.
D’un autre côté on trouve parmi les autres auteurs contemporains, grecs et latins, des autorités graves qui font procéder le St-Esprit immédiatement de Dieu le Père à l’exclusion du Fils. Peut-être du temps de S. Cyrille cette question n’était-elle pas encore suffisamment éclaircie.
Observez que dans la XVI Catéch. n. 24, il répète souvent qu’il nous suffit, pour être sauvé, de croire au Père, au Fils, au St-Esprit.

VI.

C’est ce même Saint-Esprit qui a fécondé le sein de Marie. Car, lorsque le Fils unique de Dieu fut conçu, la vertu du Très-Haut la couvrit de son ombre, et le Saint-Esprit, descendant en elle, la sanctifia, pour la rendre digne de porter dans ses entrailles celui par qui tout a été fait. (Luc 1.35.) Je n’ai pas besoin d’entrer dans de longs discours, pour vous faire comprendre combien il était nécessaire que cette génération fût exempte de toute souillure et de toute tache. Vous avez entendu l’Ange Gabriel qui lui dit : « Je ne suis ici, devant vous, que l’envoyé de Dieu, pour vous annoncer les merveilles qui vont s’opérer. Mais je n’y participe en rien ; car, quel que soit mon rang dans la hiérarchie angélique, quoique je sois Archange, je suis, par mon rang et mon devoir, totalement étranger au conseil du TRÈS-HAUT. C’est en son nom que je vous salue, et vous invite à vous réjouir. Mais comment s’effectuera le mystère de votre maternité ? C’est ce qui ne m’a pas été confié. Tout ce que je sais, c’est que le Saint-Esprit descendra sur vous, vous couvrira de son ombre, et le Saint qui naîtra de vous, sera appelé le Fils de Dieu. » (Luc 1.35.)

VII.

C’est ce même Saint-Esprit qui vient encore manifester sa puissance chez Elisabeth. Car ce n’est pas aux vierges seules, qu’il se complaît à prodiguer ses dons, mais encore aux épouses, pourvu que leurs liens soient légitimes. Elisabeth fut remplie du Saint-Esprit, (Ibid. 44) et prophétisa : D’où me vient, dit l’humble servante du Seigneur, ce bonheur de voir venir à moi la Mère de mon Seigneur ? Car c’est son propre bonheur qu’Elisabeth préconisa.

Zacharie, époux d’Elisabeth, père de Jean, saisi du même Esprit, devint aussi prophète. Il vit dans l’avenir les biens innombrables que la naissance de cet unique enfant devait apporter sur la terre. Il vit le baptême que Jean son fils administrerait un jour ; il vit, il reconnut qu’il était destiné à être le précurseur du Sauveur.

C’est le même Esprit qui révéla à Siméon le Juste[3] que la mort ne l’atteindrait pas qu’il n’eût vu le Christ du Seigneur, qu’il ne l’eût reçu dans ses bras. Et c’est de ce fait qu’il rendit dans le temple témoignage public, en portant ce précieux enfant dans ses bras. (Luc 2.26 et seq.)

[3] C’est le même Esprit qui révéla à Siméon le Juste.
C’est ici le lieu de placer une note sur S. Siméon, surnommé le Juste, que nous extrairons avec Galatin, du Talmud, au livre Ioma, c’est-à-dire, des jours. On y lit ce qui suit : La tradition des Rabbins (ou maîtres) nous apprend que l’année de sa mort Siméon leur dit : Je mourrai cette année. – D’où le savez-vous ? lui dirent-ils. Pendant les 40 ans que je suis entré dans le Saint des Saints, je me voyais toujours accompagné d’un vieillard vêtu de blanc, qui entrait et sortait avec moi. Mais aujourd’hui un vieillard vêtu de noir est entré avec moi. Cela dit, il fit une maladie de sept jours et mourut.
Il est aisé de reconnaître dans ce conte rabbinique le fait rapporté dans l’Evangile, que Siméon connaissait l’heure prochaine de sa mort, parce qu’il avait vu le Christ du Seigneur.
Le même livre raconte plusieurs prodiges funestes qui arrivèrent dans le temple, depuis la mort de Siméon jusqu’à la prise de Jérusalem, tandis que, pendant les 40 années que Siméon avait servi dans le temple, les signes les plus propices s’étaient constamment manifestés. C’est à cette cessation de signes protecteurs que les Rabbins rapportent ces paroles du Roi-Prophète Signa nostra non vidimus, jam non est Propheta, et nos non cognoscet ampliùs. (Ps. LXXIII, 9.) « Nous n’avons plus vu nos signes. Déjà il n’y a plus de Prophètes (parmi nous) et (le Seigneur désormais) ne nous connaîtra plus. »

VIII.

Jean, rempli de l’Esprit-Saint dans le sein de sa mère, fut sanctifié, parce qu’il était destiné à baptiser le Seigneur. Son baptême, sans doute, ne conférait pas le Saint-Esprit[4], mais il était le prélude de celui qui devait le conférer ; car il dit : Je vous baptise dans l’eau pour vous disposer à la pénitence ; mais celui qui vient derrière moi, vous baptisera dans le Saint-Esprit et dans le feu. (Matthieu 3.11.) Pourquoi dans le feu ? Parce que c’est dans les langues de feu que devait en effet s’opérer la descente du Saint-Esprit. C’est à ce feu divin que faisait allusion Jésus-Christ, lorsqu’il disait avec joie : Je suis venu jeter le feu sur la terre ; et que désiré-je ? Sinon qu’il soit déjà allumé. (Luc 12.49.)

[4] Son baptême, sans doute, ne conférait pas le St-Esprit.
Cyrille a cependant dit (Catéch. III, 7) et dira encore (Catéch. XX, 6) que le baptême de Jean avait l’efficacité de remettre les péchés et de délivrer des peines éternelles. Mais dans la Procatéchèse, n. 9, et dans celle-ci, n. 15, il attribue au St-Esprit, non-seulement le pouvoir de remettre les péchés, mais il dit que le St-Esprit est le feu salutaire qui dévore les épines du péché et rend à l’âme sa pureté et son éclat, qui, dans le baptême, enlève les taches du péché ; enfin dans le même numéro, il dit de plus que le St-Esprit concourt à la régénération des enfants de Dieu et à la rémission des péchés, et qu’aucun péché ne peut être remis sans la grâce du St-Esprit. Comme le dit fort bien S. Jérôme en s’adressant aux Lucifériens : « Pourquoi dites-vous que, sans la descente du St-Esprit, les péchés peuvent être remis chez les Ariens par le seul effet du baptême ? Comment l’âme sur laquelle le St-Esprit ne serait pas descendue, pourrait-elle être purgée de ses antiques souillures ? Car l’eau ne lave pas l’âme, mais elle est d’abord purifiée par le St-Esprit, pour laver spirituellement les autres. »
Telle est aussi la doctrine de S. Cyrille (Catéch. II, 4) ; lors donc qu’il dit que le baptême de Jean ne conférait pas le St-Esprit, il entend parler ou de ce caractère baptismal dont le St-Esprit scelle nos âmes (Vid. n. 35) ou de cette grâce qui abolit le péché jusqu’aux plus légères souillures (Vid. n. 15) et qui réintègre l’âme dans sa pureté primitive, ou de la grâce propre au sacrement de confirmation qu’il désigne sous le nom de don d’adoption (Vid. Catéch. XX, 6) qui étaient autant de grâces caractéristiques qui distinguaient le baptême de Jean d’avec celui de Jésus-Christ.
Il ne voyait point enfin dans le baptême de Jean ces dons spéciaux du St-Esprit, tels que celui de prophétie et celui des langues dont les Apôtres furent gratifiés à la Pentecôte et que Jean promettait, tandis que du temps de Cyrille ces dons étaient fréquemment la suite du baptême.

IX.

Au baptême de Jésus-Christ on vit encore descendre le Saint-Esprit, pour manifester la dignité de celui qui s’y soumettait, et pour justifier ces paroles de Jean-Baptiste lui-même : Celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : Celui sur qui vous verrez descendre le Saint-Esprit et demeurer, est celui qui baptise dans le Saint-Esprit. (Jean 1.33.)

A côté de ces paroles, placez celles de l’Evangéliste : Les cieux s’ouvrirent. Ils s’ouvrirent, pour rendre hommage à la dignité de celui qui descendait. Puis il ajoute : Et il (Jésus) vit l’Esprit de Dieu qui descendait en forme de colombe, et qui se reposa sur lui. (Matthieu 3.16.) Cette descente du Saint-Esprit s’opéra par sa propre et unique volonté, sans intermédiaire quelconque. Car il importait, selon quelques interprètes, que les prémices des dons que le Saint-Esprit devait verser sur ceux qui recevraient le baptême, fussent consacrées à l’humanité du Sauveur qui ‘confère la même grâce. Il parut peut-être, comme le pensent quelques -uns, sous la forme d’une colombe, comme étant le symbole de cette pure et simple innocence qu’il devait rendre un jour, par l’efficacité de son intervention, à ses enfants, en les régénérant et les réconciliant avec Dieu son père, ainsi qu’il avait été prédit énigmatiquement dans ces paroles mystiques du Cantique : Tes yeux sont comme des colombes qui planent sur la surface des eaux. (Cantique 5.12.)

X.

D’autres ont encore vu la figure de Jésus-Christ dans cette colombe dont nous parle l’histoire de Noé[5]. Car, de même qu’à cette époque le salut et la régénération de l’espèce humaine s’opérèrent par le bois et l’eau, et qu’on vit sur le soir la colombe rentrer dans l’arche, portant au bec une feuille d’olivier ; ainsi, disent-ils, le Saint-Esprit descendit, sous la figure de la colombe, sur le vrai Noé auteur de la nouvelle régénération, à qui il était réservé de réunir autour de lui toutes les volontés, tous les caractères, tous les hommes de tout âge, de tout sexe, de toutes les conditions, de tous les climats, de toutes les nations, comme Noé avait rassemblé tous les genres et toutes les espèces d’animaux, même les plus disparates par leurs figures et leurs habitudes. A l’avènement du second Noé, on vit en effet les loups et les brebis paître ensemble. Dans son Eglise, nous voyons le taureau et la génisse paître d’un commun accord, avec le lion, c’est-à-dire, avec les Princes de la terre, et marcher sous la houlette du chef de l’Eglise.

[5] D’autres ont vu la figure de Jésus-Christ dans cette colombe.
Cette comparaison mystique de la colombe de Noé avec celle qui parut au baptême de Jésus-Christ fut généralement admise dans toute l’antiquité. On la retrouve dans S. Grégoire de Nazianze (Orat. XXXIX, n. 16) dans Victor d’Antioche (in cap. 1,9 martii) dans Sévère d’Antioche (in Joh. XIX, 17, in Catend Corderii.) Origène, dans sa 2e homélie sur la Genèse, voit aussi dans la réunion de tous les animaux dans l’arche de Noé la figure de tous les hommes qui devaient un jour entrer dans l’Eglise de Jésus-Christ. Cette interprétation mystique a été généralement suivie de tous les commentateurs subséquents.

Ainsi donc, dans le sens de ces interprètes, le Saint-Esprit se rendit, à l’époque du baptême, sous la forme sensible d’une colombe, pour signaler celui-là même qui, sur le bois de la croix, devait sauver tous les croyants, et dont la mort arrivée sur le soir devait être une planche de salut pour tous les hommes.

XI.

On pourrait peut-être donner d’autres raisons également solides, pour expliquer ces faits. Mais laissons parler ici le Sauveur lui-même sur le Saint-Esprit : En vérité, je vous le dis, si un homme ne renaît de l’eau et du Saint-Esprit, il ne peut entrer dans le royaume des cieux. (Jean 3.5.) Et pour vous montrer que son père est le dispensateur de cette grâce, il dit ailleurs : A combien plus forte raison, mon Père qui est dans le ciel, donnera-t-il le Saint-Esprit à ceux qui le lui demanderont. (Luc 11.13.)

Veut-il nous apprendre à adorer Dieu en Esprit, voici ses termes : Mais l’heure vient, elle est déjà venue, que les vrais adorateurs adoreront le Père en Esprit et en vérité. Car ce sont de tels adorateurs que le Père cherche. L’Esprit est Dieu, et il faut que ceux qui l’adorent, l’adorent en Esprit et en vérité. (Jean 4.23.) Puis ailleurs : Si je chasse les démons par l’Esprit de Dieu. Et encore un peu plus loin : C’est pourquoi je vous le dis, tout péché, tout blasphème sera remis aux hommes ; mais le blasphème contre le Saint-Esprit ne leur sera pas remis. Et quiconque aura parlé contre le Fils de l’homme, il lui sera remis ; mais si quelqu’un a parlé contre le Saint-Esprit, il ne lui sera remis ni en ce siècle ni en l’autre à venir. (Matthieu 12.28, 31, 32.) Je prierai mon Père, et il vous donnera un autre Paraclet, pour qu’il soit éternellement avec vous : il vous donnera l’Esprit de vérité que le monde ne peut recevoir, parce qu’il ne le voit et ne le connaît pas. Quant à vous, vous le connaissez, parce qu’il demeure avec vous et sera dans vous. (Jean 14.16, 17.) Je vous ai dit ceci, étant encore avec vous ; mais le Paraclet que mon Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses, et rappellera à votre mémoire tout ce que je vous ai dit. (Ibid. 25, 26) Lorsque le Paraclet que je vous enverrai de la part de mon Père, lorsque l’Esprit de vérité qui procède du Père sera venu, il rendra témoignage de moi. (Jean 15.26)

Si je ne m’en vais pas, le Paraclet ne viendra pas à vous ; et lorsqu’il sera venu, il convaincra le monde touchant le péché, la justice et le jugement. (Jean 16.7-8.) Il me reste encore beaucoup de choses à vous dire. Mais elles surpassent maintenant la portée de votre esprit. Quand l’Esprit de vérité sera venu, il vous enseignera toute vérité ; car il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu’il aura entendu, et il vous annoncera les choses à venir. Il me glorifiera, parce qu’il recevra de ce qui est à moi, et il vous l’annoncera. Tout ce qu’a mon Père est à moi. C’est pourquoi je vous dis qu’il recevra de ce qui est à moi, et vous l’annoncera. (Ibid. 12 à 15.)

Je viens de vous faire entendre les paroles mêmes du Sauveur, pour que vous ne prêtiez pas l’oreille aux discours mensongers que vous entendriez autour de vous.

XII.

Jésus-Christ fut fidèle à sa promesse ; et les Apôtres ne tardèrent pas à en recevoir les effets. Car il est écrit : Ayant dit ces mots, il souffla sur eux et leur dit : Recevez le Saint-Esprit. A qui que ce soit que vous remettiez les péchés, ils seront remis ; à qui que ce soit que vous les reteniez, ils seront retenus. (Jean 20.22.) Cette seconde insufflation était devenue nécessaire[6], parce que la première avait été obscurcie par les péchés volontaires des hommes. D’ailleurs, il fallait accomplir les paroles du Prophète : Il monta et souffla sur ta face pour te délivrer de la tribulation. (Nahum 2.4. Sept.) Que signifie ce mot ? Il monta. D’où ? – Des enfers. Car l’Evangile nous dit que ce ne fut qu’après sa résurrection qu’il donna aux Apôtres, par voie d’insufflation, le pouvoir de remettre les péchés. Mais il ne s’en tiendra pas là ; bientôt à cette faveur il en ajoutera d’autres plus abondantes encore et plus étendues. C’est comme s’il leur eût dit : « Je suis prêt à verser sur vous des dons plus magnifiques encore ; mais le vase est trop étroit, et ne pourrait les contenir ; recevez pour le moment la faveur dont vous êtes susceptibles ; mais attendez-en une autre plus insigne : Demeurez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus de la force d’en haut. (Luc 24.49.) Recevez donc pour le moment ce que je vous accorde. Bientôt mon effusion de grâce sera complète, et vous serez en état de les porter. Car celui qui reçoit, ne possède souvent qu’en partie ce qui lui est donné ; mais celui qui est revêtu, est entièrement couvert, enveloppé. Ainsi vous n’aurez rien à redouter des armes et des traits des puissances infernales. Car l’Esprit vous couvrira de son égide, vous enveloppera de sa puissance. »

[6] Cette seconde insufflation était devenue nécessaire.
Cyrille comprend ici dans les grâces du St-Esprit cette première insufflation dont il est parlé dans la Genèse, qui communiqua à Adam une âme spirituelle, qui en fit l’image de Dieu. (Vid. Catéch. XIV, 10.) Cette opinion n’est pas particulière à Cyrille. Elle fut même si répandue, que Philastrius comprenait au nombre des hérétiques, n. 50, ceux qui ne la partagaient pas. Mais, comme le dit Bellarmin, son jugement est souvent erroné.

Rappelez-vous, au reste, ce que nous vous disions naguère (Catéc. XVI, 12) : Le Saint-Esprit est un et indivisible ; il n’y a de divisible que la grâce qu’il confère.

XIII.

Jésus, après son ascension, ne tarda pas à remplir sa promesse. Car il leur avait été dit : Je prierai mon Père, et il vous donnera un autre consolateur. (Job 14.16.) Pleins de confiance en ces paroles, ils demeurèrent dans l’attente de l’Esprit-Saint, réunis en un même lieu, dans la ville de Jérusalem, jusqu’à ce que les jours de la Pentecôte fussent accomplis. (Actes 2.2.) Je dis dans la ville de Jérusalem. Car telle est notre magnifique prérogative, que nous n’avons point ici à parler d’événements qui se soient passés dans des pays lointains, mais de ceux dont tout ce qui nous environne ici, rend témoignage.

A peine la sainte cinquantaine fut-elle accomplie, que le Saint-Esprit vint et les trouva tous réunis ; l’Esprit consolateur, le gardien, le sanctificateur de l’Eglise, le modérateur des âmes, le patron, le conducteur de ceux qui naviguent au milieu des tempêtes, l’étoile polaire qui ramène dans leur route ceux-là qui se sont égarés, l’arbitre suprême de ceux qui sont entrés dans la carrière des combats, celui enfin qui distribue les palmes et les couronnes aux vainqueurs.

XIV.

L’Esprit-Saint descendit pour baptiser les Apôtres et les revêtir de sa force. Encore quelques jours, leur avait dit le Sauveur, et vous serez baptisés dans le Saint-Esprit. (Actes 1.5.)

Ce n’est plus une demi-grâce, mais une grâce pleine et entière qui va se répandre sur eux. Car de même que celui qui est baptisé, plongé dans les eaux, en est enveloppé de toutes parts, de même aussi tel qui est baptisé dans le Saint-Esprit, s’y trouve plongé et enveloppé. Mais l’eau n’atteint que l’extérieur de notre corps, tandis que l’Esprit pénètre, parcourt dans sa subtilité tous les replis les plus secrets de notre âme. Que trouverions-nous, au reste, en cela de prodigieux, lorsque les corps les plus grossiers, les plus vils, en fournissent un exemple sensible et palpable aux intelligences les plus bornées ? Si le feu pénètre un morceau de fer dans toute son épaisseur, dans toutes ses dimensions, si non-seulement il convertit en feu le corps le plus froid, si de noir et d’obscur qu’il était, il en fait un corps lumineux et scintillant, si enfin le feu qui est un corps, peut ainsi s’identifier avec une masse de fer sans obstacle, quelle difficulté trouverez-vous à ce que le Saint-Esprit pénètre l’intérieur de nos âmes ?

XV.

Pour donner aux hommes une idée juste de la sublime faveur dont il allait gratifier son Eglise, ce fut au son des trompettes célestes qu’il opéra ce nouveau prodige. On entendit tout à coup un grand bruit, comme celui d’un vent impétueux (Actes 2.2) précurseur de celui qui devait apprendre aux hommes à emporter de vive force le royaume des cieux. Il signala sa puissance à leurs yeux par des langues de feu, à leurs oreilles par l’explosion d’une tempête surnaturelle, qui remplit toute la maison où les Apôtres étaient assemblés. (Ibid.) Elle devint aussitôt un vaste réservoir d’eau spirituelle, dans lequel les Disciples se trouvèrent plongés, selon la promesse qui leur en avait été faite, et couverts dans leur âme et dans leur corps d’un vêtement divin et salutaire.

En même temps ils virent des langues comme de feu, qui se divisèrent sur chacun d’eux, et tous furent remplis du Saint -Esprit. (Ibid. 3, 4.) Les voilà donc imprégnés de feu, non pas de ce feu matériel qui dévore ou calcine tout, mais de ce feu salutaire qui ne s’attache qu’à consumer les épines du péché, qu’à rendre à l’âme son éclat et sa pureté primitive. Encore quelques jours, et une pareille grâce vous sera dévolue. Ce feu descendra dans vous, comme sur les Apôtres, pour y consumer, y dévorer les ronces et les épines du péché, nettoyer et purifier votre âme, et lui rendre son premier éclat.

L’Esprit-Saint se reposa sur leurs têtes en langues de feu, c’est-à-dire, il ceignit leurs têtes d’un diadème spirituel d’un genre nouveau, symbole de la puissance qu’ils allaient exercer dans le monde. Jadis un glaive flamboyant et exterminateur avait été placé dans les mains d’un Ange, pour interdire à nos pères coupables la rentrée du paradis terrestre. (Genèse 3.24.) Aujourd’hui c’est une langue de feu, conciliatrice du salut, qui réintègre le genre humain dans ses droits.

XVI.

Et ils commencèrent à parler diverses langues, selon que le Saint-Esprit les leur mettait dans la bouche. (Actes 2.4.)

Voilà donc Pierre le Galiléen, et son frère André qui parlent aujourd’hui le mède et le persan ; Jean et tous les autres Apôtres qui parlent, qui s’annoncent dans tous les idiomes en usage chez les différentes nations qui peuplent la terre. Car, ce n’est pas d’aujourd’hui que les peuples sont dans la coutume d’accourir ici de toutes les parties du monde[7].

[7] Sont dans la coutume d’accourir ici de toutes les parties de la terre.
C’est ici une allusion aux pèlerinages de Jérusalem que les Juifs disséminés sur la terre avaient coutume de faire, vers le temps de la Pentecôte, en mémoire de la loi donnée sur le mont Sinaï. Ce pèlerinage, après la destruction de Jérusalem et du temple, semblait avoir dû cesser. Mais il n’en fut rien ; Jérusalem et son temple n’avaient jusqu’alors intéressé que les Juifs ; mais après l’accomplissement des prophéties, Jérusalem, la montagne de Sion, celle des Oliviers, Bethleem, le Golgotha, devinrent autant de lieux sacrés, non plus pour une nation, mais pour tous les peuples, pour toutes les langues, pour tout l’univers ; non plus pour quelques jours solennels, mais pour tous les jours de l’année ; non plus pour un temps, mais pour tous les temps jusqu’à l’extinction du monde entier. Jérusalem, la ville sainte, n’avait qu’un temple ; mais toute la Palestine n’est aujourd’hui qu’un temple pour l’univers entier. (Vid. Eusèbe) Demonst. Ev. lib. VI, 18) Jérôme (Epist. XVII, alias XLIV, ad Marcellam.)
Dieu n’a cependant pas voulu que ce seul point de la terre fût privilégié et fécond en prodiges ; la Palestine avait été le sanctuaire de l’Ancien, comme du Nouveau Testament ; elle avait été le théâtre des premières merveilles du Très-Haut. Mais la nouvelle loi étant devenue le partage de toutes les nations, Dieu se plut à disséminer sur tous les points du monde chrétien des monuments de sa puissance et de sa bonté, dans l’intercession des Saints, et surtout de Marie. (Note du Traducteur.)

Où trouva-t-on jamais un docteur qui infusa tout à coup sa science dans la tête de ses disciples sans même leur parler ? Combien d’années n’employons-nous pas pour apprendre la grammaire et les autres arts, pour apprendre seulement à parler correctement la langue grecque ? Et cependant tous ne la parlent pas également bien.

Le rhéteur parviendra peut-être à bien parler, et le grammairien, malgré toute sa pureté, ne pourra atteindre le don de plaire. Le grammairien sera souvent étranger aux plus simples notions de la philosophie ; mais voici un docteur, et c’est le Saint-Esprit qui a jeté tout d’un coup dans la tête de ses disciples, plusieurs langues qui eussent exigé de ces savants, le travail de toute leur vie, sans pouvoir jamais les atteindre dans leur perfection.

Voilà certes une œuvre de haute sagesse. Mais c’est l’œuvre de Dieu. Quelle témérité n’y aurait-il pas à comparer l’ignorance de tous ces savants, qui, après tant d’années d’études et de travaux, ont couru inutilement après la possession de quelques langues, avec cette éloquence, cette faconde qui vient ici, dans des hommes illittérés, se manifester tout à coup, qui varie suivant l’idiome de chaque peuple, qui se plie à tous les génies, à tous les climats, qui se revêt de toutes les couleurs oratoires dont une langue est susceptible ?

XVII.

Au milieu de la multitude des auditeurs il s’opéra une nouvelle confusion, bien différente de celle qui s’était opérée à Babylone, ce foyer de la dépravation humaine. Là, avant la confusion des langues, il y avait eu division de cœurs, de volontés, et d’esprits. Là, toute pensée était ennemie de Dieu. Ici, l’harmonie fut rétablie, tous les esprits se trouvèrent à l’unisson, parce que les motifs qui réunissaient cette multitude, étaient pieux. Par l’impiété la société avait été dissoute, par la piété elle fut reconstruite. L’ordre se rétablit par les mêmes voies que s’était introduit le désordre.

Tel est le prodige qui frappa d’étonnement tous les auditeurs, et qui leur fit se demander les uns aux autres : Comment donc les entendons-nous parler chacun la langue de notre pays ? (Actes 2.8.) Il n’y a rien d’étonnant, si vous ne le comprenez pas ; car il fut dit à Nicodème qui ne pouvait se rendre compte des effets du Saint-Esprit, dont l’entretenait le Sauveur : L’Esprit souffle où il veut, et vous entendez sa voix. Mais vous ne savez ni d’où il vient, ni où il va. (Jean 2.8.) Si donc, lorsque j’entends sa voix, je ne sais d’où elle vient, comment pourrai-je me rendre compte de sa substance ?

XVIII.

Mais d’autres s’en moquaient et disaient : C’est qu’ils sont pleins de vin doux[8]. (Actes 2.13.) Ils disaient vrai, tout en plaisantant ; car ce vin était réellement du vin nouveau. C’était la grâce du Nouveau Testament, c’était le vrai vin nouveau de la vigne spirituelle qui avait déjà souvent porté ses fruits par la voix des Prophètes, et qui jetait avec profusion de nouveaux bourgeons par la bouche des Apôtres. Car, pour ne pas sortir de cet exemple qui tombe sous nos sens, de même que la vigne est toujours ce qu’elle fut dans le principe, toujours plus ou moins fertile, toujours chargée de nouveaux fruits suivant les saisons ; ainsi le Saint-Esprit est toujours ce qu’il fut. Il avait opéré avec force dans la personne des Prophètes ; mais il développe aujourd’hui une énergie toute nouvelle qui frappe d’admiration tous les témoins. Jadis cette vigne n’avait produit en faveur de nos pères, qu’une récolte ou une grâce suffisante ; mais aujourd’hui c’est un abondant torrent. Jadis nos pères étaient en communication avec le Saint-Esprit ; aujourd’hui les Apôtres sont plongés, baptisés dans le Saint-Esprit.

[8] C’est qu’ils sont pleins de vin doux.
S. Cyrille fait ici allusion aux paroles du prophète Joël : Redundabunt torcularia vino. Vos pressoirs regorgeront de vin.

XIX.

Pierre, possédé de l’Esprit de Dieu, connaissant très-bien le principe qui le faisait agir et mouvoir, penser et parler, leur dit : O enfants d’Israël ! qui parlez souvent du Prophète Joël, et qui ne comprenez pas les Ecritures, sachez que ces personnes ne sont pas ivres, comme vous le pensez. (Ibid. II, 15.) Elles sont ivres sans doute, mais non pas comme vous le croyez, mais comme l’a écrit le Prophète-Roi : Ils seront enivrés de l’abondance qui règne dans votre maison, et vous les abreuverez du torrent de vos délices[9]. (Psaumes 35.9.) Elles sont ivres, mais de cette sobre ivresse qui tue le péché, vivifie le cœur, qui est bien opposée à celle que vous soupçonnez ; car celle-ci efface de notre mémoire ce que nous savons, celle-là au contraire nous initie aux mystères les plus occultes. Elles sont ivres ; parce qu’elles ont bu le vin de la vigne spirituelle de celui qui a dit : Je suis le cep de la vigne, vous en êtes les sarments. (Jean 15.5.) Si vous doutez de mes paroles, les circonstances du temps vous feront comprendre ce que je dis. Car c’était, dit l’Historien sacré, la troisième heure du jour (neuf heures du matin.) Et ce fut à cette heure, dit S. Marc (Marc 15.25) que Jésus-Christ fut crucifié, et ce fut à cette même heure qu’il envoya sa grâce. Or, la grâce de l’un n’est pas autre que celle de l’autre. Jésus crucifié l’avait promise, et sa promesse fut accomplie par l’émission du Saint-Esprit. En voulez-vous une preuve ? C’est Pierre lui-même qui vous la donnera. Ecoutez-le (Actes 2.16.) C’est ce qui a été dit par le Prophète Joël : Dans la suite des temps, dit le Seigneur, je répandrai mon Esprit sur toute chair. (Joël 2.28.) Remarquez ce mot : Je répandrai ; il marque ici une effusion abondante. Car, dit l’Apôtre bien-aimé, Dieu ne donne pas son Esprit par mesure : le Père aime le Fils, et lui a remis toutes choses entre les mains. (Jean 3.34-35.) Il lui a donc donné le pouvoir de conférer la grâce du Saint-Esprit à qui il lui plaît. Mais reprenons : Je répandrai mon Esprit sur toute chair ; vos fils, vos filles prophétiseront………. En ces jours je répandrai mon Esprit sur mes serviteurs et mes servantes, et ils prophétiseront. (Joël 2.29.) L’Esprit-Saint n’a point égard aux personnes ; il ne recherche pas les dignités, mais la piété. Ainsi, que ceux qui nagent dans les richesses du siècle, ne s’en fassent pas un mérite ; et vous pauvres, ne perdez pas courage, et ne vous laissez pas abattre ; que chacun de vous se prépare seulement de son mieux à recevoir les dons du ciel.

[9] Vous les abreuverez du torrent de vos délices.
S. Augustin explique ce verset dans le même sens que S. Cyrille, et en fait également l’application aux miracles de la Pentecôte.
Rapprochant de ce verset cet autre du Ps. XXII, 5 : Calix tuus inebrians quam præclarus est ! « C’est, dit-il, de ce calice dont étaient ivres ceux qui, marchant au martyre, ne reconnaissaient plus leurs femmes, leurs pères, leurs enfants. Ne vous en étonnez pas, ils étaient ivres. D’où étaient-ils ivres ? C’est qu’ils avaient bu à la coupe enivrante ; ils avaient bu au calice de la Passion. » (Enarr. in Psal. XXXV, 9.) (Note du Traducteur.)

XX.

Nous avons aujourd’hui discuté et éclairci beaucoup de questions, vos oreilles en sont peut-être même fatiguées. Il me reste cependant encore beaucoup de choses à vous dire, et ce ne serait pas dans une troisième ni même dans plusieurs autres instructions que je pourrais atteindre mon but. J’ai double excuse à vous demander : l’une de prolonger mon discours au-delà des bornes accoutumées, l’autre de ne pas, malgré cela, remplir toute ma carrière. Mais le temps presse ; mais Pâques ne nous laisse aucun répit. C’est pourquoi nous avons aujourd’hui donné plus d’extension à notre discours, et malgré cela nous n’avons pu mettre sous vos yeux tous les témoignages qui se présentent ici en foule, sortant du Nouveau-Testament, et qui appartiennent à notre sujet. Car il nous resterait à vous exposer toutes les preuves que nous fournissent les Actes des Apôtres, sur l’action puissante qu’exerça le Saint-Esprit sur Pierre et tous ses collègues, toutes les preuves qui ressortent des lettres Catholiques, et surtout des quatorze Epîtres de S. Paul. Mais de cette immense prairie nous ne pourrons vous rapporter que quelques fleurs, et cela seulement pour vous en rafraîchir la mémoire.

XXI.

Pierre, muni de la vertu du Saint-Esprit, soutenu de la volonté du Père et du Fils, se présenta debout avec les onze Apôtres, éleva la voix (Actes 2.14) suivant ces paroles du Prophète (Esaïe 40.9) : O vous qui évangélisez dans Jérusalem, élevez fortement la voix ; et dans un seul discours, comme dans un seul coup de filet, il fit la conquête à Jésus-Christ de trois mille âmes. (Actes 2.41.) La grâce qui agissait alors dans tous les Apôtres, fut si énergique qu’on vit une multitude de Juifs, même déicides, qui avaient trempé leurs mains dans le sang du Christ, recevoir le baptême au nom de ce même Christ, persévérer dans sa doctrine et dans la communion des Apôtres. Ce fut encore avec le même secours, que Pierre et Jean montant au temple à l’heure de la prière (trois heures après midi) redressèrent cet homme boiteux dès le ventre de sa mère, âgé de quarante ans, assis près de la BELLE porte, pour accomplir ces paroles du Prophète : C’est alors qu’on verra le boiteux aussi agile à la course quele cerf. (Esaïe 35.6.)

De cette guérison Pierre prit occasion d’adresser au peuple Juif un autre discours, ou, si vous aimez mieux, de jeter un autre coup de filet dont le résultat fut la conversion de cinq mille personnes (Actes 4.4) et de convaincre d’erreur et de stupidité les Prêtres et les Princes du peuple. (Ibid. 21.) Ce n’était certes pas l’effet de leur propre sagesse ; car ces deux hommes étaient illittérés et des idiots (Ibid. 3) pour parler le langage de l’Ecriture ; mais ils étaient dominés par l’Esprit-Saint. En effet l’Historien sacré nous dit : Alors Pierre, rempli du Saint-Esprit, leur dit. (Actes 4.8.)

L’opération du Saint-Esprit, par l’entremise des douze Apôtres, fut si efficace sur ceux qui crurent à l’Evangile, qu’on les vit bientôt ne former qu’un cœur et qu’une âme, et ne faire de leurs biens qu’une masse commune. Chacun d’eux versant aux pieds des Apôtres le prix de tout ce qu’il possédait, tous se trouvèrent à l’abri des besoins de la vie temporelle. C’est alors qu’Ananie et Saphire conçurent l’affreux projet de constituer en défaut l’intelligence du Saint-Esprit ; mais leur témérité fut suivie d’une prompte et sévère justice. (Actes 5.1, 11.)

XXII.

Cependant, continue l’Historien sacré, les Apôtres faisaient beaucoup de miracles et de prodiges parmi le peuple. (Actes 5.12.) Ils étaient enveloppés d’une telle profusion de grâces, que, quoique d’un caractère très-doux, ils étaient néanmoins un objet de terreur pour leurs ennemis. Car, est-il dit, personne d’étranger à leur doctrine n’osait les accoster ; mais le peuple leur prodiguait de grandes louanges, et le nombre d’hommes et de femmes qui croyaient au Seigneur, se multipliait à l’infini ; de sorte qu’on apportait les malades dans les rues, et qu’on les exposait sur des lits et des grabats, pour que Pierre, en passant, en couvrit de son ombre au moins quelques-uns. (Actes 5.13-15.) Aussi voyait-on accourir des villes voisines dans la sainte Jérusalem, une multitude de personnes qui amenaient les malades et des personnes agitées par les esprits immondes ; et tous étaient guéris par la puissance et la vertu du Saint-Esprit.

XXIII.

Les Princes des Prêtres ne purent souffrir plus longtemps qu’on prêchât au peuple la divinité de Jésus qu’ils avaient crucifié ; ils firent arrêter et jeter dans les fers ces prédicateurs importuns. Mais l’Ange du Seigneur les ayant délivrés la nuit, contre toute attente, on les revit tout aussitôt prêcher dans le temple, et de là traînés encore une fois en présence du Sanhédrin. C’est là qu’ils se proclamèrent, en face de leurs juges irrités, les témoins de Jésus crucifié et de sa doctrine. Ayant ajouté à leurs discours que Dieu a donné son Saint-Esprit à ceux qui lui obéissent, ils furent battus de verges. Glorieux de cette première épreuve, ils continuèrent à prêcher Jésus-Christ crucifié, et à enseigner sa doctrine au peuple. (Actes 5.17 et suivants.)

XXIV.

La présence de l’Esprit-Saint ne se manifesta pas seulement dans les douze Apôtres, mais encore dans les premiers-nés de cette Eglise ; je veux dire, dans les sept Diacres[10] : Ils avaient été choisis pleins de l’Esprit-Saint et de sagesse. (Actes 6.3.) Parmi eux se trouva Etienne qui fut digne de cueillir, comme son nom le prophétisait, la première couronne du martyre[11]. Homme plein de foi et du Saint-Esprit, qui faisait de grands miracles et de grands prodiges parmi le peuple (Ibid. 5, 8) et qui triomphait de tous ceux qui disputaient contre lui. Car on ne pouvait résister à sa sagesse et à l’Esprit qui parlait en lui. (Ibid. 10.) Traîné par la calomnie au pied des tribunaux, il y parut sous des traits angéliques. En effet, à tous ceux qui étaient assis dans le conseil et qui avaient les yeux sur lui, son visage parut comme celui d’un Ange. (Ibid. 15.)

[10] Je veux dire, dans les sept Diacres.
Je pense que S. Cyrille appelle les sept Diacres les premiers-nés de l’Eglise, comme étant les prémices -de la prédication apostolique conquise sur le Paganisme après l’ascension du Sauveur. En effet, tous leurs noms sont grecs.
Plusieurs Pères ont cru que S. Etienne avait été converti par la prédication de S. Pierre. (Hilarius in Matth. cap. XVII, 13. Ambrosius, lib. V. Hexameron, cap. 6, n. 16.) On comptait parmi eux Nicolas d’Antioche, prosélyte. Le motif de leur institution semblait, au reste, exiger qu’on les prît chez les Hellènes.

[11] La couronne du martyre.
Le nom d’Etienne ou Stephanus signifie en grec couronne.

Après avoir repoussé la calomnie par une apologie pleine de sagesse, confondu ses adversaires, ces Juifs, ces têtes dures, ces incirconcis de cœur et d’oreilles toujours en révolte contre l’Esprit de Dieu (Ibid. VII, 51) il vit les cieux ouverts, le Fils de l’homme debout à la droite de son Père. (Ibid. 55.) Non pas que ses propres yeux lui eussent découvert ces merveilles ; mais c’est que, comme dit l’Ecrivain sacré, il était plein du Saint-Esprit ; et c’est pourquoi la gloire de Dieu, et Jésus assis à la droite de son Père se manifestèrent à ses yeux. (Ibid. 55.)

XXV.

Animé du même Esprit, Philippe prêchait aux Samaritains Jésus crucifié. Des prodiges nombreux soutenaient, et appuyaient sa doctrine. A sa voix les démons poussaient des rugissements, se hâtaient de sortir des corps qu’ils tourmentaient ; les paralytiques quittaient leurs grabats, les boiteux se redressaient ; et Philippe enrôlait dans la milice chrétienne une foule innombrable de fidèles. A cette nouvelle, Pierre et Jean vinrent à Samarie, prièrent et imposèrent les mains sur cette nouvelle Eglise. Simon le Magicien fut le seul qui fut déclaré indigne de participer aux faveurs du Saint-Esprit. (Ibid. VIII, 14 et suiv.)

L’Ange du Seigneur appela Philippe sur la route de Gaza, pour venir au secours d’un eunuque Ethiopien, homme très-pieux. Alors l’Esprit dit à Philippe : Avancez, approchez-vous de ce chariot. (Ibid. 29.) Il instruisit, il baptisa l’Ethiopien, et envoya un nouvel Apôtre dans les contrées de l’Afrique. C’est ainsi que furent accomplies ces paroles du Roi-Prophète. L’Ethiopien se hâtera de tendre les mains vers Dieu. (Psaumes 67.32.) Cela fait, l’Ange du Seigneur enleva Philippe, qui continua d’annoncer l’Evangile dans toutes les villes où il passa.

XXVI.

Ce fut encore le même Esprit qui descendit sur Paul, lorsque le Seigneur l’eut appelé à l’apostolat. Nous aurons ici pour témoin le pieux Ananie habitant de Damas, qui lui dit : Saul mon frère, le Seigneur Jésus qui vous a apparu dans le chemin qui vous amenait ici, m’a envoyé pour vous rendre la vue, et pour que vous soyez rempli du Saint-Esprit. (Actes 9.17.) Ce qui eut lieu à l’instant même. Car il rendit la vue à Saul, lui imprima en même temps le sceau du Saint-Esprit[12], et en fit un vase d’élection, capable de proclamer à la face des rois et des enfants d’Israël le nom de celui qui lui avait apparu, de manière à faire d’un persécuteur acharné un Apôtre intrépide, un bon et fidèle serviteur, qui porta le nom de Jésus crucifié de Jérusalem en Illyrie, qui planta la croix au milieu de la capitale du monde païen, au-delà des colonnes d’Hercule, qui affronta et supporta des travaux immenses, laissa sous ses pas le souvenir d’une multitude de prodiges, de miracles, dont il nous suffit, pour le moment, de faire mention.

[12] Lui imprima en même temps le sceau du St-Esprit.
De quel sceau Cyrille veut-il ici parler ? Est-ce de celui du baptême ou de celui de la confirmation ? Sans doute de l’un et de l’autre ; car c’est par ce dernier que Saul devint un vase d’élection et fut digne de porter avec intrépidité la parole de Dieu à la face des Puissances du siècle et de devenir l’Apôtre des Gentils. Au reste, c’est le sacrement de confirmation que Cyrille désigne par le mot sceau du St-Esprit, (Vid. Catéch. II, 13, 14 ; XVII, 36, 37 ; XXI, 4.) Paul a été baptisé et confirmé par Ananie, qui sans doute était prêtre ; car on voit assez généralement qu’à cette époque tout prêtre jouissait par concession, et non pas en vertu de son ordination, de beaucoup de pouvoirs réservés à l’Evêque. Ananie se dit envoyé par Jésus-Christ, pour le remplir du Saint-Esprit.
Ces mots dans les Actes des Apôtres semblent désigner le sacrement de confirmation. En effet, nous ne voyons pas que Paul ait eu recours à d’autres Apôtres pour recevoir ce sacrement, et nous le voyons aussitôt se livrer à la prédication et au ministère de l’Apostolat.

XXVII.

Ce fut sous l’influence et l’action immédiate du Saint-Esprit que Pierre le Prince des Apôtres, qui ouvre et ferme la porte du ciel, rendit la santé à un paralytique nommé Enée, dans la ville de Lydda, aujourd’hui Diospolis, et qu’il ressuscita à Joppé Tabithe, cette femme riche en bonnes œuvres. (Actes 9.33 ; 9.36 et suiv.)

C’est encore dans cette ville qu’il vit vers le midi, étant en extase sur la terrasse de la maison qu’il habitait, le ciel s’ouvrir, et comme une grande nappe qui en descendait, sur laquelle il voyait toutes sortes d’animaux quadrupèdes, reptiles et volatiles.

C’est alors qu’il apprit de l’Esprit-Saint qu’aucun homme, étranger à la nation juive, n’était impur ou immonde par lui-même. En même temps Corneille le fit appeler, et il entendit la voix de l’Esprit-Saint qui lui dit : Voilà trois hommes qui vous demandent ; levez-vous, descendez, et ne faites point difficulté d’aller avec eux, parce que c’est moi qui vous les ai envoyés. (Ibid. X, 19,20.) Et pour rendre plus sensible cette importante vérité, que l’Esprit de Dieu ne dédaigne pas de se communiquer aux Gentils, Pierre fut à peine arrivé à Césarée, où il était attendu, il eut à peine parlé, que l’Esprit-Saint descendit sur tout son auditoire, dit l’Historien sacré, de manière que les circoncis qui avaient accompagné Pierre, furent stupéfaits de voir que la grâce du Saint-Esprit se répandait aussi sur les Gentils. (Ibid. 45.)

XXVIII.

La nouvelle des prodiges que la prédication de l’Evangile opérait à Antioche capitale de la Syrie, étant venue à Jérusalem, les Apôtres y envoyèrent Barnabas, homme puissant en œuvres et en paroles, plein de foi et de l’Esprit de Dieu.

A la vue de l’abondante moisson qui se présentait à son ardeur, Barnabas courut à Tarse, chercher Saul (Paul). Le nombre des fidèles s’accrut tellement, que ce fut là qu’ils prirent pour la première fois le nom de Chrétiens. (Ibid. XI, 26.) Je crois que c’est le Saint-Esprit lui-même qui imposa ce nouveau nom aux fidèles qui composaient cette Eglise. Et comme il se plaisait à répandre sur elle ses grâces avec profusion, on vit bientôt surgir de son sein des prophètes et des docteurs, au nombre desquels l’Histoire sacrée compte Agabus. (Ibid. 28.) Or, pendant qu’ils sacrifiaient au Seigneur et jeûnaient, le Saint-Esprit leur dit : Séparez-moi Paul et Barnabas pour l’œuvre à laquelle je les ai appelés. (Ibid. XIII, 2.) Alors, après avoir reçu l’imposition des mains, ils allèrent là où l’Esprit de Dieu les dirigea. (Ibid. 4.) Voilà donc l’Esprit de Dieu qui parle, qui donne la mission, qui agit, qui subsiste, qui opère toujours et partout avec une égale efficacité, comme nous l’avons dit.

XXIX.

Le même Saint-Esprit qui, de concert avec le Père et le Fils, avait suscité dans l’Eglise catholique le Nouveau Testament, nous affranchit aussi des anciennes lois dont le joug était si pénible. (Romains 8.2.) Je veux parler de ces lois qui établissaient une distinction entre les animaux mondes et immondes, ou qui concernaient l’observation du sabbat, des néoménies, de la circoncision, des aspersions, des sacrifices. Ces lois, que Dieu avaient dictées en raison des temps et des circonstances (Hébreux 9.10 ; 10.1) étaient l’ombre ou la figure des biens qu’il nous réservait dans sa Providence. L’éclat de la vérité devait effacer les ombres ; et ces lois prophétiques ou typiques devaient s’éclipser en face de la réalité.

Ce fut au sujet d’une question qui s’éleva parmi les fidèles d’Antioche, sur la nécessité de la circoncision et de l’observation des lois mosaïques, que Paul et Barnabas furent députés à Jérusalem, pour la soumettre aux Apôtres.

Ceux-ci, réunis en concile, affranchirent l’univers, par une lettre œcuménique, de toute institution légale ou figurative. Mais ce n’est pas sur eux qu’ils prirent la solution d’une aussi importante question. C’est le Saint-Esprit lui-même qui la dicta. Car il a semblé bon au Saint-Esprit et à nous de ne point vous imposer d’autres charges Que celles-ci qui sont nécessaires : Savoir, de vous abstenir de ce qui aura été sacrifié aux idoles, du sang, des chairs étouffées et de la fornication. Abstenez-vous de ces choses, et vous ferez bien. (Actes 15.28-29.)

Ces paroles indiquaient suffisamment au monde entier que c’étaient bien moins les Apôtres, que le Saint-Esprit lui-même, qui avait porté cette décision solennelle. Paul et Barnabas se chargèrent de la signifier à l’univers entier.

XXX.

Arrivé jusqu’ici, je suis forcé de vous demander pardon, ou plutôt au Saint-Esprit qui habitait dans l’Apôtre des nations, si je ne puis, soit en raison de ma propre faiblesse, soit à cause de la fatigue que vous devez éprouver, donner à mon sujet tout le développement qu’il exige.

Comment pourrais-je vous reproduire avec la dignité que l’histoire exigerait, toutes les merveilles opérées par le Saint-Esprit, au nom de Jésus-Christ, par l’entremise de Paul ? l’aveuglement dont il frappa, dans l’île de Chypre, Bar-Jesu surnommé le Magicien ou Elymas[13] ; la guérison du boiteux, opérée à Lystres, et tous les prodiges qui signalèrent ses pas dans la Cilicie, dans la Phrygie, dans la Galatie, dans la Mysie, dans la Macédoine, dans la seule ville de Philippes ; les heureux effets de sa prédication ; l’esprit Python chassé du corps d’une femme esclave ; sa sortie de prison, à la suite d’un tremblement de terre qui avait brisé les fers et les verrous de tous les prisonniers, et opéré la conversion du geôlier et de toute sa famille ; ses travaux à Thessalonique ; ses prédications au milieu de l’Aréopage d’Athènes à Corinthe et dans toute l’Achaïe.

[13] Bar-Jesu surnommé le Magicien ou Elymas.
Elymas en arabe signifie : Magicien : c’était un Juif qui habitait l’île de Crète. Origène (in Exod. Edit. Huet, p. 22 et 23) Chrysostome (in Act. Homil. XXVI) Isidore et d’autres croient qu’il se convertit et que S. Paul lui rendit la vue. (Note du Trad.)

Où ce discours m’entraînerait-il, si je devais suivre Paul à Ephèse, et vous raconter toutes les merveilles de l’Esprit-Saint dont il y fut l’instrument ? C’est là qu’il le fit connaître à ceux-là qui n’en avaient jamais ouï parler, et qui, après l’imposition des mains, s’en trouvèrent tout à coup tellement saisis, qu’ils parlaient diverses langues et prophétisaient. (Actes 19.6.)

La grâce fut si abondamment répandue sur la personne de Paul, que non-seulement son attouchement, mais celui des linges servant à sa personne, rendait la santé aux malades, mettait en fuite les démons, et que ceux, qui par état s’étaient livrés à la pratique des arts magiques, venaient à ses pieds brûler publiquement leurs livres infernaux. (Actes 19.19.)

XXXI.

Je passe sous silence son voyage, ses prédications à Troade, l’accident d’Eutychus, qui, assis sur une fenêtre, surpris par le sommeil pendant que Paul parlait, tomba d’un troisième étage et se tua, et qui fut ensuite rendu à la vie par l’Apôtre. (Actes 10.9, 12.) Je passe sous silence cette touchante allocution qu’il adressa aux Anciens de l’Eglise d’Ephèse, qu’il avait convoqués à Milet, dans laquelle il leur dit : Sans que je sache ce qui doit m’y arriver, sinon que dans toutes les villes par où je passe, ainsi que le Saint-Esprit me l’a fait connaître, des chaînes et des afflictions m’y attendent. (Ibid. XX, 23.) Ces mots par toutes les villes servent ici à marquer les grâces merveilleuses que le Saint-Esprit répandait sur tous ses pas, lorsqu’il évangélisait au nom de Jésus-Christ qui parlait par sa bouche.

Entraîné par l’Esprit de Dieu, Paul se hâtait de se rendre à Jérusalem, où l’attendaient les persécutions qu’Agabus lui avait prédites. Tout le long de sa route il sema la parole de Dieu. Conduit à Césarée, il se vit traîné de tribunaux en tribunaux, comme un vil criminel, devant Félix, devant Festus, devant Agrippa. Partout l’Esprit de Dieu le suivit, l’assista et le fit triompher de ses calomniateurs, jusqu’à arracher de la bouche du Roi des Juifs ces paroles remarquables : Peu s’en faut que vous ne me persuadiez d’être chrétien. (Ibid. XXVI, 28.)

De·Césarée il est conduit à Rome, toujours sous l’égide de l’Esprit-Saint ; il descend à Malte, il y est mordu d’une vipère ; mais son venin est sur lui inoffensif, et partout les malades ressentent les effets bienfaisants du Dieu tout-puissant qui dirigeait ses pas.

C’est l’Esprit-Saint qui l’amène dans Rome, la Capitale du monde païen, au pied du Capitole, pour proclamer dans le palais des Césars’ le nom de Jésus, de celui-là même dont il avait été le plus acharné persécuteur. C’est là qu’il triompha de l’obstination d’un grand nombre de ses compatriotes, les réduisit sous le joug de la nouvelle alliance, et confondit les récalcitrants avec ces paroles du Prophète Isaïe : Allez vers ce peuple, et dites-lui : Vous écouterez, et vous n’entendrez point ; vous verrez, et, tout en voyant, vous ne verrez rien. (Actes 28.26 ; Esaïe 6.9.)

XXXII.

Mais n’allez pas croire que l’Esprit-Saint s’était concentré exclusivement dans Paul. Non ; c’est lui-même qui nous apprend que tous les autres Apôtres jouissaient des mêmes prérogatives que lui, ainsi que tous ceux qui croyaient alors, ou qui, dans la suite des temps, croiraient en Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit (consubstantiel)[14]. Je n’ai point employé dans mes paroles et mes prédications les discours persuasifs de la sagesse humaine, mais je vous ai montré les effets sensibles de l’Esprit et de la puissance de Dieu. (1 Corinthiens 2.4.) Puis ailleurs C’est Dieu qui nous a marqués de son sceau, qui, pour arrhes, nous a donné le Saint-Esprit. (2 Corinthiens 1.22.) Celui qui a ressuscité Jésus-Christ d’entre les morts, rendra aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en nous. (Romains 8.11.) Gardez le dépôt qui a été mis en vos mains, dit-il encore à Timothée, par le Saint-Esprit qui nous a été donné. (2 Timothée 1.14.)

[14] (Consubstantiel.)
Nous avons, à l’exemple du Père Touttée, mis entre deux parenthèses le mot consubstantiel, qu’on trouve dans l’édition de Grodécius, de 1621, et qu’on ne trouve pas dans les manuscrits d’Ottoboni, de Roé et de Casaubon. Ce mot, qui est isolé, qui n’a ni antécédent, ni conséquent, paraît être ici posé par une main étrangère.

XXXIII.

Tout ce que nous venons de dire, vous a suffisamment démontré que le Saint-Esprit subsiste, vit, parle, harangue. Ajoutez à ces preuves ces paroles de l’Apôtre à Timothée : Or, l’Esprit dit expressément que, dans la suite des temps, quelques-uns abandonneront la foi. (1 Timothée 4.1.) Et c’est précisément ce que nous avons vu dans les siècles passés, ce que nous voyons aujourd’hui de nos propres yeux ; car l’hérésie pullule de toute part sous les formes les plus variées. Il dit ailleurs, en parlant du mystère du Christ, qu’il n’a point été révélé aux enfants des hommes, comme il a été révélé maintenant par le Saint-Esprit à ses saints Apôtres et aux Prophètes. (Ephésiens 3.5.) C’est pour cela que le Saint-Esprit a dit. (Hébreux 3.7.) C’est ce que le Saint-Esprit nous a déclaré lui-même. (Ibid. X, 15.) Et s’adressant à la milice de justice, il dit : Prenez encore le casque du salut, armez-vous de l’épée spirituelle qui est la parole de Dieu, en l’invoquant, en le suppliant sans cesse. (Ephésiens 6.17-18.) Ne vous laissez pas aller aux excès du tin, source de luxure ; mais remplissez-vous du Saint-Esprit en vous entretenant de psaumes, d’hymnes et de cantiques spirituels. (Ephésiens 5.18-19.) Que la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et la charité de Dieu, et la communication du Saint-Esprit demeure avec vous tous. (2 Corinthiens 13.13.)

XXXIV.

De tout ce que nous avons dit, et bien plus encore, de tout ce que nous avons été contraints de passer sous silence, tout être doué d’intelligence comprend qu’il existe hypostatiquement une puissance divine ou Esprit de Dieu, qui sanctifie, qui opère énergiquement. Le temps ne me permet pas de vous exposer ici tout ce que renferment sur cette intarissable matière les quatorze Epîtres de S. Paul, où ce sujet est traité sous les formes les plus variées, les plus complètes et les plus dignes de respect.

Demandons à l’Esprit-Saint qu’il nous pardonne, en raison du peu de jours qui nous restent, l’omission que nous faisons aujourd’hui ; demandons-lui qu’il y supplée par une plus abondante effusion de sa grâce dans l’âme de mes auditeurs, pour que ceux d’entre vous qui se livrent à l’étude des Livres saints, apprennent de leur fréquente lecture ce qui nous reste à leur faire connaître ; demandons-lui enfin que de cette instruction, et de toutes celles qui ont précédé, ils en conçoivent une foi plus ferme en un seul Dieu Père tout-puissant, en Notre-Seigneur Jésus-Christ, et DANS LE SAINT-ESPRIT PARACLET.

Comme ce mot ESPRIT est souvent pris indifféremment dans les Livres saints pour DIEU en général, et souvent pour chacune des personnes en particulier ; par exemple : S. Jean dit en parlant de Dieu le Père : Dieu est esprit (Jean 4.24) comme Jérémie le Prophète l’avait dit en parlant du Fils : Le Seigneur Christ Esprit à nos yeux a été pris pour nos péchés (Lamentations 4.20) l’ordre établi dans le symbole de notre foi doit nous suffire, pour nous garantir de l’erreur de Sabellius.

Mais revenons à notre sujet. Car en vérité le temps presse.

XXXV.

Prenez garde de vous présenter au baptême comme Simon le Magicien, et de donner dans votre cœur accès à la plus légère teinte d’hypocrisie ; ouvrez-le tout entier à la vérité. Notre devoir est de vous instruire et de vous prévenir ; le vôtre est celui de vous tenir sur vos gardes. Si vous êtes fidèles à la foi, vous serez heureux ; mais si vous avez chancelé, ah ! je vous en conjure, raffermissez-vous et armez-vous d’une forte et intime conviction. Car, lorsque le moment du baptême sera venu, lorsque nous vous présenterons ou à vos Evêques, ou à vos Prêtres, ou à vos Diacres, allez franchement à celui qui baptise, sans égard à l’homme visible qui va devenir le ministre du sacrement[15] ; mais songez seulement qu’il est le ministre de ce Saint-Esprit dont nous vous avons entretenus. Car partout, dans les villages comme dans les villes, par les ignorants comme par les savants, par les esclaves comme par les personnes libres, la grâce est également communiquée, puisque ce n’est pas une faveur des hommes, mais un don de Dieu dont ils sont les dispensateurs.

[15] Sans égard à l’homme visible qui va devenir le ministre du sacrement.
Ce que dit ici S. Cyrille est en parfaite harmonie avec ce que raconte Sozomène, du baptême conféré par Athanase encore enfant, jouant avec d’autres enfants. Voici le fait :
« Un jour de fête solennelle, Alexandre PC. d’Alexandrie se promenait seul après les offices sur une terrasse qui dominait les bords de la mer, en attendant des personnes qu’il avait invitées à dîner. Au pied de la terrasse il aperçut un groupe d’enfants qui jouaient sur le rivage : l’un faisait l’évêque, d’autres les acolytes, d’autres les catéchumènes. Le saint homme prit d’abord plaisir à voir ces enfants s’amuser ainsi et rendre dans leur jeu, avec toute la gravité possible, tout le cérémonial de l’Eglise ; mais lorsqu’ils en vinrent ensuite aux mystères, il fut troublé. C’est alors que, se tournant vers ses premiers clercs qui étaient à quelque distance de lui, il leur montra ces enfants et se les fit amener. Il leur demanda à quel jeu ils jouaient, les interrogea sur leurs gestes et leurs paroles. Ceux-ci effrayés nièrent d’abord ; mais rassurés ensuite par le ton paternel du saint homme, ils avouèrent qu’Athanase était leur évêque et qu’il avait baptisé quelques enfants qui n’étaient pas encore initiés aux mystères. Alexandre interrogea soigneusement ces petits néophytessur ce qu’avait dit et fait leur évêque. Il reconnut qu’ils avaient rigoureusement observé ce cérémonial. Comperit universum ordinem ac ritum ecclesiasticum ab illis exquisitè servatum. Et après avoir pris conseil des prêtres qui étaient avec lui, il décida qu’on ne devait pas rebaptiser ces enfants qui, dans la simplicité de leur cœur, avaient mérité de recevoir les effets de la grâce. Il rendit à leurs parents Athanase et ses camarades pour les élever au service des autels. Athanase répondit à sa vocation, et ce fut lui qu’Alexandre, au lit de mort, désigna pour son successeur sur le siège de S. Marc. » (Vid. Sozomène, Hist. lib. II, cap. 16.)
A ce fait nous ajouterons encore la réponse que fit le Pape Nicolas Ier, consulté par Michel Roi des Bulgares, sur ce qu’on devait faire à l’égard des personnes qu’un certain Juif, homme d’une foi très-équivoque, avait eu l’audace de baptiser : Hic profectò, si in nomine sanctæ Trinitatis baptizati sunt, constat non esse denuo baptizandos. (Resp. ad consult. Bulgarum, cap. 104.) (Note du Trad.)

Allez donc au baptême sans considérer celui qui en est le ministre ; n’ayez devant les yeux que le Saint-Esprit dont nous venons de vous entretenir. Car il est là tout prêt à marquer votre âme de ce sceau céleste et divin qui fait trembler les esprits infernaux, et qui les met en fuite, ainsi qu’il est écrit : C’est en lui qu’après y avoir cru, vous avez été scellés de l’Esprit de promission. (Ephésiens 1.13.)

XXXVI.

Oui, il met l’âme à l’épreuve et ne jette pas les perles devant les pourceaux ; et si vous approchez des saints Mystères sous le masque de l’hypocrisie, les hommes vous baptiseront, mais le Saint-Esprit ne vous baptisera pas. Si au contraire la foi vous anime, les hommes ne seront ministres que de ce qui tombe sous les sens[16] ; mais le Saint-Esprit vous donnera ce qui échappe aux yeux.

[16] Que de ce qui tombe sous les sens.
C’est la confirmation de la note précédente. Mais aucun des Pères n’a insisté avec plus de force sur la puissance des matières sacramentelles que S. Cyrille, lorsqu’il enseigne, par exemple (Catéch. III, 3) que l’eau acquiert la force de sainteté par l’invocation de la sainte Trinité, et (Catéch. XXI, 3) que le St-Chrême est efficace après l’invocation faite au St-Esprit en raison de la présence de sa divinité. (Note du Traducteur.)

C’est une heure que durera votre comparution pour la revue de la milice chrétienne, où s’opérera le choix des braves. Si vous avez le malheur d’être rejetés par le Saint-Esprit dans ce moment fatal, votre mal sera irréparable[17] ; si vous êtes au contraire trouvés dignes de grâce, votre âme sera éclairée et vous serez revêtus d’une force qui vous était jusqu’alors inconnue. Vous serez couverts d’armes redoutables aux puissances infernales. Tant que vous ne vous en dépouillerez pas, tant que vous porterez sur vous le sceau de votre baptême, vous serez inaccessibles au démon ; vous serez pour lui un objet d’horreur, puisque c’est au nom de l’Esprit de Dieu qu’on met en fuite ces redoutables ennemis.

[17] Votre mal sera irréparable.
Soit parce que le baptême ne peut se réitérer (Procatéch. n. 7) soit parce qu’après le sacrement de pénitence les taches ou cicatrices du péché restent toujours, et que le baptême seul peut les effacer. (Catéch. XVIII, 20 ; XXIII, 23 ; XII, 6,9).

XXXVII.

Si vous avez la foi, non-seulement vos péchés vous seront remis, mais il vous sera encore accordé des dons surnaturels, et plût à Dieu que vous fussiez trouvés dignes du don de prophétie ! Mais vous recevrez, au reste, autant de grâces que vous en pourrez porter[18]. Je ne m’explique pas sur la quantité, parce que je pourrais être au-dessous de la réalité, parce que vous pouvez en recevoir plus que je ne dirais, parce que la foi est un vase incommensurable.

[18] Vous recevrez autant de grâces que vous en pourrez porter.
Tel est aussi le sens de ces paroles de l’Apôtre : Alia claritas solis, alia claritas lunæ, alia stellarum ; stella enim à stella differt in claritate : sic et resurrectio mortuorum. (1 Corinthiens 15.41.) Dieu donne à tous abondamment, mais selon la disposition particulière d’un chacun. Secundùm propriam cujusque dispositionem. (Trid. Sess. VI, 7.) Il en est du banquet spirituel comme du festin deBalthasar, chacun buvait selon son âge. (Daniel 5.1.)

Vous serez constamment assistés d’un gardien, d’un protecteur et d’un consolateur. Il veillera sur vous comme un capitaine sur son soldat. Il sera plein de sollicitude pour vous ; il aura l’œil ouvert sur vos allées, vos venues, sur vos ennemis, sur les embûches qu’ils vous tendront ; il ne mettra aucune borne à sa générosité, pourvu que vous ne le contristiez pas par le péché. Car il est écrit : N’attristez pas l’Esprit de Dieu dont vous avez été marqués comme d’un sceau, pour le jour de la rédemption. (Ephésiens 4.30.)

Qu’est-ce donc que conserver la grâce ? C’est se préparer à la recevoir ; et, une fois reçue, se garantir du péché qui la fait nécessairement perdre.

XXXVIII.

Que le Dieu créateur de l’univers, qui a parlé dans le Saint-Esprit par les Prophètes, qui, au jour de la Pentecôte, l’envoya aux Apôtres, ici même, aux lieux où nous parlons, daigne également le répandre sur vous, et verser sur nous ses abondantes bénédictions, pour qu’en tout temps nous portions les fruits du Saint-Esprit, celui de la charité, de la joie, de la paix, de la patience, de l’humanité, de la bonté, de la foi, de la douceur, de la continence et de la chasteté, dans Jésus-Christ Notre-Seigneur par qui, avec qui, dans le Saint-Esprit, sera rendu gloire au Père, maintenant, toujours, dans tous les siècles des siècles.

Ainsi soit-il.

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