Épître aux Corinthiens

IV. Ordre que Dieu a établi dans son Église, respect dû à cet ordre.

Puisque toutes ces vérités nous ont été dévoilées, puisque nous pénétrons maintenant jusque dans les profondeurs de la science divine, faisons avec ordre tout ce que Dieu nous a prescrit de faire.

Il a voulu qu’à des temps marqués, à des heures, à des moments déterminés, on fît les offices et les oblations avec ordre et décence.

Il a même prescrit, d’après sa volonté souveraine, en quel lieu et par qui serait fait tout ce qui tient à son culte, afin que toutes les fonctions remplies avec un cœur pur et droit et selon son désir lui fussent agréables.

Ainsi donc ceux qui font leurs oblations aux temps marqués sont sûrs d’être agréés, et par là même heureux ; car ils suivent les règles établies par le Seigneur lui-même, et dès lors ils ne peuvent s’égarer.

Chez les Juifs, le souverain pontife a des fonctions particulières, le prêtre un rang qui lui est propre, les lévites un ministère déterminé, le laïque des observances qui lui conviennent.

C’est ainsi, mes frères, que chacun de vous doit, dans la place où il se trouve, rendre grâce à Dieu, vivre avec une conscience pure, sans jamais sortir des règles de son ministère, ni des bornes de la modestie.

Chez les Juifs encore, on n’offre point partout le sacrifice perpétuel, ni le sacrifice pour les vœux, ni le sacrifice pour les péchés et les fautes légères, mais à Jérusalem seulement ; et là même, on ne l’offre pas dans tous les endroits de la ville indistinctement, mais devant le temple, à l’autel, quand la victime a été trouvée bonne par le souverain pontife et les autres prêtres dont nous avons parlé. Si quelqu’un enfreint les règles que Dieu même a fixées, il est puni de mort.

Vous le comprenez, mes frères : plus les lumières dont nous avons été honorés au sujet du sacrifice[5] l’emportent sur celles des Juifs, plus il nous faut craindre d’en abuser.

[5] On voit ici une allusion au grand sacrifice des Chrétiens, au sacrifice non sanglant qui remplaçait tous les sacrifices de la loi.

Les apôtres nous ont prêché l’Évangile de la part de notre Seigneur Jésus-Christ, et Jésus-Christ de la part de Dieu. Dieu a envoyé Jésus-Christ, et Jésus-Christ les apôtres ; tout ici s’est passé régulièrement d’après la volonté du Seigneur. La mission donnée, les apôtres déjà persuadés par le miracle de la résurrection de Jésus-Christ, affermis depuis dans la foi par le Verbe lui-même, pleins des dons de l’Esprit saint, et par là au-dessus de toute crainte, sortirent du Cénacle annonçant l’approche du royaume de Dieu.

Lorsqu’ils annoncèrent la vérité dans les villes et les provinces, ils éprouvèrent les premiers convertis, à la faveur des lumières du Saint-Esprit, et les établirent évêques ou diacres sur ceux qui devaient croire. Et ce n’était pas une innovation, car depuis longtemps l’Écriture avait parlé d’évêques et de diacres, puisqu’il est dit quelque part : « J’affermirai leurs évêques dans la justice et leurs diacres dans la foi. »

Faut-il s’étonner si les apôtres, à qui le pouvoir de Jésus-Christ fut confié par le Seigneur lui-même, ont établi ceux dont nous venons de parler, puisque Moïse, ce saint et fidèle serviteur, fut ainsi placé sur toute la maison du Seigneur, et qu’il a consigné dans les livres saints tout ce qui lui fut prescrit ; et il eut en cela pour imitateurs les autres prophètes, qui s’accordent tous à rendre hommage à la sagesse de ses ordonnances.

Dans la rivalité du sacerdoce, à l’époque de la division des tribus qui se disputaient ce glorieux privilège, Moïse ordonna aux douze chefs de lui présenter des verges sur lesquelles chacun d’eux avait écrit le nom de sa tribu. Moïse les prit, les lia, les marqua du sceau des chefs, et les déposa immédiatement après dans l’arche d’alliance, sur l’autel du Seigneur ; et, les portes fermées, il mit un sceau sur les clés, ainsi qu’il l’avait mis sur les verges, et il dit aux chefs : « Mes frères, la tribu dont la verge aura fleuri sera celle que Dieu choisit pour lui offrir des sacrifices et l’attacher à ce ministère. » Or, le lendemain, au lever du jour, Moïse assemble tout Israël, et, à la vue de six cent mille hommes qui se trouvaient réunis, il montre les sceaux des clés aux chefs des tribus, ouvre le tabernacle d’alliance et tire les verges : et c’est alors qu’on vit que celle d’Aaron n’avait pas seulement des fleurs, mais encore des fruits. Que pensez-vous de ce prodige ? Moïse ne l’avait-il pas prévu ? Oui, sans doute, et il s’en servit pour arrêter la sédition dans le camp d’Israël, et faire glorifier le nom du seul et vrai Dieu. Gloire soit rendue à ce Dieu dans tous les siècles !

Les apôtres, éclairés par Jésus-Christ, ont connu qu’un jour des disputes s’élèveraient dans son Église, au sujet de l’épiscopat ; et voilà pourquoi, d’après cette connaissance certaine qu’ils avaient reçue d’avance, ils ont établi ceux dont nous avons parlé plus haut, et ont déterminé un ordre de succession ; ils ont voulu qu’après leur mort le ministère et les fonctions qu’ils exerçaient passassent à des hommes éprouvés.

Les prêtres établis par les apôtres et ceux qui furent choisis depuis par des hommes recommandables avec l’assentiment et l’approbation de toute l’Église, et qui gouvernèrent le troupeau de Jésus-Christ avec une humilité, une modération, une noblesse qui leur a concilié l’estime générale, ces hommes, tel est mon sentiment, ne peuvent sans injustice être exclus de leurs fonctions.

Nous-mêmes nous ne pourrions, sans nous rendre très-coupables devant Dieu, déposer de l’épiscopat des hommes dont la conduite fut sainte et irréprochable dans l’exercice de leur ministère. Heureux les prêtres qui, parvenus au terme de la carrière, trouvent dans une sainte mort la récompense d’une sainte vie ! ils ne craignent plus de se voir enlever la place qui leur était destinée.

Et vous, vous arrachez des ministres du Seigneur d’une vie exemplaire aux fonctions qu’ils exerçaient, non-seulement sans reproche, mais avec honneur !

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