Démonstration évangélique

LIVRE VII

CHAPITRE II

MICHÉE

Le lieu de la naissance de Dieu prédit ; c’est de Bethléem, en Palestine, que sortira celui qui existe avant le temps, le prince de la race fidèle. Ce même Seigneur doit aussi conduire le troupeau de ceux qui des extrémités de la terre auront embrassé sa foi.

« Et toi, Bethleem, maison d’Ephrata, tu es la plus petite entre les villes de Juda, de toi sortira le chef qui doit conduire et diriger Israël, et sa sortie est du commencement et des jours de l’éternité ; aussi il les abandonnera jusqu’au temps de celle qui doit enfanter. Elle mettra au monde, et le reste de ses frères reviendra vers les enfants d’Israël. Alors le Seigneur s’affermira, il apparaîtra et conduira son troupeau avec puissance, et ils vivront dans la gloire du nom du Seigneur, leur Dieu, parce qu’ils seront glorifiés jusqu’aux extrémités de la terre, et telle sera la paix » (Mich., V, 2). Il a été montré avec clarté par les témoignages exposés, que l’Emmanuel, c’est-à-dire le Dieu avec nous, naît d’une vierge, et que l’ange du grand conseil se fait petit enfant. Mais il fallait encore indiquer le lieu de sa naissance. Or il est prédit que de Bethléem doit sortir un prince d’Israël, dont la sortie est du commencement, des jours de l’éternité, ce qui, loin de convenir à la nature humaine, ne s’applique qu’à l’Emmanuel, qu’à l’ange du grand conseil. Car être dès l’éternité, à qui cela peut-il convenir, sinon à Dieu seul ? C’est donc de Bethléem, petit bourg peu éloigné de Jérusalem, que doit sortir celui qui existe dès l’éternité. Or nous trouvons qu’il n’en sortit de personnage illustre que David, et après lui notre Sauveur Jésus, le Christ de Dieu, et nul autre qu’eux. Mais David a précédé l’époque de la prophétie, et il est mort bien des années avant qu’elle ne fût prononcée, et d’ailleurs il n’est pas sorti dès les jours de l’éternité. Il reste donc que tout ce qui est prédit se soit accompli en celui qui est né depuis à Bethleem, le véritable Emmanuel, le Verbe Dieu qui a précédé toute existence, et le Dieu avec nous ; car sa naissance à Bethléem témoigne évidemment la venue de Dieu par les merveilles dont elle fut accompagnée. Voici comment Luc la raconte (Luc, II, 1) : « Il advint en ces jours-là qu’il parut un édit de César-Auguste, pour faire le dénombrement des habitants de la terre. Ce premier dénombrement fut fait par Cyrinius, gouverneur de Syrie. Et tous allaient se faire inscrire chacun en sa ville. Or, Joseph aussi monta, de Galilée, de la ville de Nazareth, en Judée, en la cité de David, qui est appelée Bethleem, parce qu’il était de la maison et de la famille de David, pour être inscrit avec Marie, son épouse, qui était enceinte. Et comme ils étaient là, il arriva que les jours de l’enfantement furent accomplis. Et elle enfanta son fils premier-né ; elle l’enveloppa de langes, et le coucha dans une crèche, parce qu’il n’y avait point de logement pour eux dans l’hôtellerie. Or en la même contrée il y avait des bergers qui gardaient leurs troupeaux durant les veilles de la nuit. L’ange du Seigneur apparut au-dessus d’eux, et la gloire de Dieu les environna, et ils furent saisis d’une grande crainte. L’ange leur dit : « Ne craignez pas, car je vous annonce une grande joie, qui sera pour tout le peuple, c’est qu’aujourd’hui en la cité de David il vous est né un Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur, et ceci sera un signe pour vous. Vous trouverez un enfant enveloppé de langes et couché dans une crèche. » Et aussitôt avec l’ange parut la multitude de l’armée céleste, louant Dieu et disant : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix aux hommes de bonne volonté sur la terre. » Et, après que les anges se furent retirés dans le ciel, les bergers dirent entre eux : « Allons jusqu’à Bethleem, et voyons ce qui est arrivé et ce que le Seigneur nous a fait connaître, et ils vinrent en hâte, et ils trouvèrent Marie et Joseph et l’enfant couché dans la crèche. Et l’ayant vu ils connurent la vérité de tout ce qui leur avait été dit de cet enfant. Et tous ceux qui les entendirent admirèrent ce qui leur était dit par les bergers. » Tel est le récit de Luc. Matthieu en exposant les circonstances de la naissance du Sauveur s’exprime ainsi (Matth., II, 1) : « Jésus étant né à Bethleem de Juda aux jours du roi Hérode, voilà que des mages vinrent de l’Orient à Jérusalem, disant : Où est celui qui est né le roi des Juifs, car nous avons vu son étoile en Orient et nous sommes venus l’adorer. » A cette parole le roi Hérode fut troublé et toute Jérusalem avec lui. Et ayant assemblé les princes des prêtres et les scribes du peuple, il s’informa d’eux où devait naître le Christ. Ils lui dirent : en Bethleem de Juda ; car il a été écrit par le prophète : « Et toi, Bethléem, maison de Juda, tu n’es pas la moindre parmi les villes de Juda ; car c’est de toi que sortira le chef qui régira mon peuple d’Israël. » Alors Hérode, ayant appelé en secret les mages, s’informa soigneusement du temps où l’étoile leur était apparue. Il les envoya à Bethleem, et dit : Allez, informez-vous soigneusement de l’enfant et lorsque vous l’aurez trouvé, avertissez-moi, afin que moi aussi j’aille et je l’adore. Après avoir entendu le roi, ils partirent. Et voilà que l’étoile qu’ils avaient vue en Orient les conduisait jusqu’à ce qu’elle s’arrêta au-dessus du lieu où était l’enfant. Or, à la vue de l’étoile, ils conçurent une grande joie. Et, pénétrant dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie, sa mère, ils se prosternèrent et l’adorèrent ; et, ouvrant leurs trésors, ils lui offrent des présents, l’or, l’encens et la myrrhe. Et, ayant reçu dans leur sommeil l’ordre de ne pas retourner vers Hérode, ils revinrent dans leur pays par un autre chemin. » J’ai rapporté ces témoignages divers comme exposition de ce qui se passa à Bethléem à la naissance de notre Sauveur, car ils établissent avec évidence qu’il est celui que la prophétie annonça. Maintenant encore les habitants de ce lieu, dépositaires de la tradition que leur ont transmise leurs pères, confirment la vérité devant les étrangers qui viennent à Bethleem, et leur attestent la vérité des faits en leur montrant le champ où la Vierge mère déposa son fils ; aussi est-il dit : « C’est pourquoi il n’abandonnera Juda qu’au jour de celle qui enfante elle enfantera et le reste de ses frères reviendra. » Ainsi le prophète nous montre en ce passage celle qui enfante, qui est nommée, dans les prophéties déjà citées, vierge et prophétesse qui doit enfanter l’Emmanuel et l’Ange du grand conseil. Jusqu’à son époque et jusqu’au moment de celui qu’elle doit enfanter se maintint la constitution du peuple antique ; car le jour de celle qui doit enfanter, c’est-à-dire la merveilleuse naissance du fils de la Vierge, leur était marquée pour terme ; depuis, leur monarchie fut détruite ; le reste de leurs frères, ce sont ceux qui ont reçu le Christ de Dieu, apôtres, disciples et évangélistes de notre Sauveur convertis, le Seigneur sait les conduire après leur retour, non pas comme autrefois par le ministère des anges ou de ses serviteurs, mais par lui-même, de sorte que celle glorieuse faveur les rendra célèbres jusqu’aux extrémités de la terre ; car ils sont devenus célèbres alors que leur voix s’est prolongée dans l’univers et que leurs paroles ont retenti dans le monde. Or, il est facile de voir quel nombreux et grand troupeau de brebis intelligentes et humaines s’est formé au Seigneur, sur la terre, par les soins des apôtres. Le Seigneur, berger et maître de ce troupeau doit, dit le prophète, le garder et le faire paître en sa force ; et sous la main puissante et le bras élevé du maître et du pasteur, les brebis n’ont point à redouter les entreprises des animaux féroces et sauvages.

C’est ainsi que se sont passés les événements qui ont rapport à la naissance en Bethléem, et à la sortie de cette ville du Dieu annoncé par les prophètes. Déjà précédemment j’ai exposé, d’après le même prophète, la venue du Seigneur et du pasteur du ciel sur la terre il disait : « Peuples, écoutez tous ; que la terre et tout ce qu’elle contient soit attentive ; le Seigneur sera témoin contre vous, le Seigneur qui va sortir de son saint temple. Voici que le Seigneur sortira de sa demeure, et descendra, etc. Michée ajoute : « et cela, à cause du crime de Jacob, et des iniquités de la maison d’Israël » (Michée, I, 2). Il est évident par les paroles qui suivent du même prophète, que ce n’est pas seulement à cause de l’impiété des Juifs que Le Seigneur est venu, mais encore pour le salut et la vocation des Gentils ; car il ajoute plus loin : « Et au dernier des jours la montagne du Seigneur apparaîtra, et les peuples se hâleront vers elle ; et les nations accourront, disant : Venez ; montons à la montagne du Seigneur » (Michée, IV, 1). Aussi, après avoir annoncé que celui qui précéda les siècles devait sortir de Bethléem, le prophète remarque qu’il gouvernera non seulement les Juifs, mais encore tous les peuples, jusqu’aux extrémités de la terre. Il dit donc : « Le Seigneur s’affermira et il verra, et il conduira son troupeau avec puissance, et ils seront entourés de la gloire du nom du Seigneur leur Dieu. Aussi seront-ils glorifiés maintenant jusqu’aux extrémités de la terre, et telle sera la paix » (Michée, V, 4). Or, sur qui règnera cette paix, sinon sur la terre, où seront glorifiés les troupeaux du Seigneur ? Or, la manière dont s’est accomplie cette prophétie à l’avènement de Notre-Seigneur Jésus Christ est évidente. En effet, avant sa venue, il y avait plusieurs chefs d’empire, et toutes les nations étaient ou soumises à des princes, ou formées en démocratie, de sorte que les hommes n’avaient nul commerce entre eux, et que, par exemple, les Egyptiens étaient gouvernés par un monarque particulier ; de même les Arabes, les Iduméens, les Syriens et les autres peuples : les nations étaient opposées aux nations, les villes aux villes ; en tout lieu, en toute contrée se dressaient des sièges, jusqu’à ce que parût le Sauveur et Seigneur. A sa présence parmi les hommes, et sous Auguste, le premier des Romains qui eut l’empire du monde, cette multitude de chefs fut dissipée, et la paix vint régner sur la terre, suivant la prophétie que nous venons de lire, et qui s’exprime ainsi sur les disciples du Christ : « Aussi seront-ils glorifiés jusqu’aux extrémités de la terre, et telle sera la paix. » C’est à cette paix que se rapporte la prophétie des psaumes au sujet du Christ : « La justice se lèvera en ces jours, ainsi que l’abondance de la paix : » c’est pour cela, ce me semble, qu’il a été nommé prince de la paix dans une prophétie précédente : mais remarquez comment le prophète cité dit d’abord que le Seigneur viendra du ciel, et qu’il ne conduira les hommes qu’après que celui qui est annoncé sera né en Bethleem. Or, l’Evangéliste rend témoignage à l’accomplissement de cette prophétie en notre Sauveur et Seigneur par les paroles que j’ai déjà citées. Cependant le Christ est annoncé comme le pasteur et le chef d’Israël, d’après l’usage de la sainte Ecriture, qui nomme véritable Israël, dans le sens spirituel, quiconque parvient à la contemplation et vit pour Dieu par la vertu ; comme aussi elle nomme ceux de la circoncision qui se souillent du péché, Chananéens, et race de Chanaan et non pas de Juda, princes de Sodome et peuple de Gomorrhe, conformément à leurs mœurs. Autrement, et d’après la lettre, toute l’application de notre Sauveur se porta sur le peuple juif, et il devint le chef de plusieurs dans Israël, de ceux qui le reconnurent et qui crurent en lui parmi les circoncis. Ainsi s’est accomplie la prédiction citée ; les paroles qui suivent doivent être à part, et sont ainsi conçues « Lorsque l’Assyrien sera entré en votre terre et qu’il y aura pénétré, sept pasteurs et huit morsures d’hommes seront suscités contre lui, » etc. (Michée, V, 5) : paroles dont ce n’est pas ici le lieu d’expliquer le sens. On pourra dire qu’après l’invasion des Assyriens en Judée, dans laquelle ils soumirent la nation, ont eu lieu autant d’incursions et d’outrages qu’il en est indiqué par les sept bergers et les huit morsures ; que ceux qui ont écrit l’histoire d’Assyrie peuvent le savoir ; et qu’à la fin de ces agressions est né celui qui devait sortir de Bethleem, après ces sept pasteurs et ces huit morsures dont les Assyriens ont été affligés dans les derniers temps de leur agression contre la Judée. Mais ce n’est pas le temps de traiter une difficulté qui nécessite une longue explication.

DU PSAUME CXXXI

David cherchant le lieu de la naissance du Dieu prédit, l’Esprit saint lui révèle Ephrata, c’est-à-dire Bethleem.

« Seigneur, souvenez-vous de David et de toute sa mansuétude. Rappelez-vous le serment qu’il fit au Seigneur, le vœu qu’il offrit au Dieu de Jacob : Je n’entrerai pas dans l’intérieur de mon palais ; je ne monterai pas sur le lit de mon repos ; je n’accorderai pas le sommeil à mes yeux, ni le repos à mes paupières, jusqu’à ce que j’aie trouvé une demeure au Seigneur, un tabernacle au Dieu de Jacob. Voilà que nous avons appris qu’elle était en Ephrata ; nous l’avons trouvée dans des campagnes couvertes de forêts. Nous entrerons en la maison du Seigneur ; nous adorerons au lieu où se sont arrêtés ses pieds : » Le saint roi ajoute : « A cause de David, votre serviteur, ne rejetez pas la face de votre Christ. Le Seigneur a juré à David dans sa vérité, et il ne révoquera pas son serment : Je placerai sur votre trône un fils qui naîtra de vous. » Il dit enfin : « Là je signalerai la force de David : j’ai préparé le flambeau de mon Christ ; je couvrirai ses ennemis de honte, et ma sainteté sera la couronne de sa tête. » Cette prophétie s’accorde avec la précédente, et elle annonce que le Dieu prédit sortira de Bethleem. David, qui ignorait d’abord celle circonstance, en demande à Dieu l’intelligence et l’obtient après avoir prié. Lorsqu’il eut reçu l’oracle du psaume où il lui est dit de lui-même : « Je placerai sur votre trône un fils qui naîtra de vous, » et encore : « Là je signalerai la corne de David j’ai préparé le flambeau de mon Christ, alors il se prosterne justement devant Dieu ; étendu sur la terre, il l’honore : et persévérant dans sa prière, il jure à Dieu qu’il ne retournera pas dans l’intérieur de son palais, qu’il n’accordera pas le sommeil à ses yeux, et le repos à ses paupières, ou qu’il ne montera pas sur le lit de son repos ; mais qu’étendu sur la terre, il adorera et honorera jusqu’à ce qu’il ait trouvé une demeure au Seigneur, et un tabernacle au Dieu de Jacob ; c’est-à-dire jusqu’à ce qu’il ait appris par une révélation du Seigneur, la naissance du Christ. Après cette prière et l’expression de son désir d’apprendre cette grande circonstance, il ne tarda pas à connaître de l’esprit de Dieu les événements futurs ; car Dieu a promis d’exaucer les fidèles, même au moment de leur prière. Alors il fut honoré d’une révélation qui lui désigna Bethleem comme le lieu futur de la demeure du Seigneur et du tabernacle du Dieu de Jacob. Lorsque l’esprit de Dieu le lui eut manifesté, le roi s’écouta lui-même, et ajouta : « Voilà que nous avons appris qu’elle était en Ephrata. » Or Ephrata est Bethleem, ainsi qu’il ressort de la Genèse, où il est dit de Rachel, qu’ils « l’ensevelirent dans l’hippodrome d’Ephrata, qui est Bethleem » (Gen., XXXV, 19). La prophétie citée précédemment disait : « Et toi, Bethléem, maison d’Ephrata, » « Voilà, dit-il, que nous l’avons appris, à savoir, la naissance du Christ et le tabernacle du Dieu de Jacob. » Mais quel est ce tabernacle du Dieu de Jacob, sinon le corps du Christ qui est né dans le bourg de Bethléem ? En ce corps, comme en un tabernacle, a séjourné la divinité du Fils unique. Le tabernacle n’est pas dit seulement de Dien, mais, avec une addition, du Dieu de Jacob, parce que celui qui l’occupe n’est autre que le Dieu qui s’est manifesté à Jacob sous la figure et l’extérieur d’un homme, motif qui l’a fait honorer du nom d’Israël, comme voyant Dieu ; car tel est le sens de ce nom. Or, au commencement de cet ouvrage, nous avons établi que celui qui se montra à Jacob n’était autre que le Verbe de Dieu. Ainsi donc, la contrée de Bethléem fut désignée à David, qui priait et désirait voir la demeure et le tabernacle du Seigneur et du Dieu de Jacob ; aussi, après avoir dit : « Voilà que nous avons appris qu’elle était en Ephrata, » il ajoute : « Nous adorerons au lieu où se sont arrêtés ses pieds. » Ainsi donc, en ce psaume, c’est à Ephrata ou Bethleem que le Seigneur et le Dieu de Jacob doit établir sa demeure et son tabernacle, conformément à ces paroles de Michée « Et toi, Bethleem, maison d’Ephrata, de toi sortira celui qui doit conduire, et sa sortie est du commencement et des jours de l’éternité. » Tout récemment en approfondissant ces paroles, nous avons établi qu’elles ne se rapportaient qu’à notre Sauveur et Seigneur seul, Jésus, le Christ de Dieu, né à Bethleem, suivant les prophéties. Personne donc n’en saurait montrer un autre, sorti avec gloire de Bethléem après les temps de la prophétie. Ni roi, ni prophète, ni quelque fidèle Israélite, ne peut en effet être montré et comme sorti de la race de David, et comme né en ce lieu, sinon notre Sauveur et Seigneur seul, le Christ de Dieu. Voici donc le moment de reconnaître que celui qui est annoncé ici est Jésus et non pas un autre, et que le psaume l’établit encore plus bas, quand il l’appelle par son nom de Christ, lorsqu’il dit : « A cause de David, votre serviteur, ne rejetez pas votre Christ. » Et, « Là je signalerai la corne de David : j’ai préparé un flambeau à mon Christ. Je couvrirai ses ennemis de honte, et ma sainteté sera la couronne de sa tête. » Mais de quel lieu dit-il : « Là je signalerai la corne de David, » sinon de Bethleem, Ephrata ? car c’est de là que la corne de David, le Christ, s’est élevée selon la nature humaine, comme une grande lumière ; et c’est là que la lampe du Christ a été préparée par le Dieu de l’univers. Or, cette lampe, c’est le corps humain, à travers lequel, comme à travers une enveloppe de terre, ainsi que par une lampe, il fait briller les rayons de sa lumière à ceux qui étaient plongés dans l’ignorance de Dieu et dans des ténèbres épaisses. Or, je pense que ces paroles établissent clairement que le Dieu de Jacob, qui existe dès le commencement et dès les jours de l’éternité, doit venir sur la terre et naître non pas ailleurs qu’à Bethleem, près de Jérusalem, qui subsiste encore, et dont, après les jours des prophètes, nu ! autre personnage illustre et célèbre parmi les hommes que le seul Jésus, le Christ, est attesté sorti par les habitants du lieu, conformément aux paroles de l’Evangile. Bethleem s’interprète maison de Pain, nom qu’elle porte avec celui qui en est sorti, notre Sauveur, le Verbe Dieu, nourriture des intelligences ; ce qu’il établit lui-même en disant : « Je suis le pain descendu du ciel » (Jean, VI, 51). Mais comme cette ville a été aussi la patrie de David, le fils de David, selon la chair, dut en sortir, suivant les promesses prophétiques. Ainsi, le motif qui lui a fait donner Bethléem pour patrie n’est plus obscur.

Il est encore désigné comme nourri à Nazareth, et de plus comme devant être appelé Nazaréen. Il faut donc savoir que le nom hébreu de Nazaréen est employé dans le Lévitique à l’occasion de l’onction du Christ chez les Juifs, c’était celui qui, prince à l’image du grand et vrai pontife, le Christ de Dieu, était le christ figuratif et typique, car ce passage sur le grand prêtre que les septante ont traduit de la sorte : Et il ne profanera pas ce qui a été consacré au Seigneur, parce que l’huile du Christ son Dieu est sainte, est ainsi conçu dans l’hébreu parce que l’huile nazer, Aquila lit : parce que l’huile de l’onction qu’il a reçue de son Dieu est une séparation. Symmaque met : parce que l’huile de l’onction qu’il a reçue de son Dieu ne peut être profanée ; et Théodotion : parce que l’huile nazer est celle dont son Dieu l’a oint. Ainsi nazer, c’est, suivant les septante, saint ; suivant Aquila, séparation ; et ce qui ne peut être profané, d’après Symmaque ; de sorte que le nom de Nazaréen qui en dérive signifie ou le saint, ou le séparé, ou l’incorruptible. Or, les anciens prêtres oints de l’huile préparée et appelée Nazer par Moïse, de l’onction du Nazer, furent appelés Nazaréens ; mais notre Sauveur et Seigneur saint, incorruptible et séparé par son essence, et supérieur à une onction humaine, fut néanmoins appelé de ce nom par les hommes, non qu’il fut devenu Nazaréen par l’effusion de l’huile nazer, mais parce qu’il l’était de sa nature ; et encore il fut appelé par les hommes Nazaréen, de Nazareth où il fut élevé dès l’enfance par ses parents selon la chair. Aussi lit-on en Matthieu : « Mais averti dans son sommeil » (Matth., II, 22), il s’agit de Joseph, il se retira dans la Galilée et il vint habiter la ville appelée Nazareth, afin que la parole des prophètes fût accomplie : « Il sera appelé Nazaréen. » Car il fallait que déjà Nazaréen en essence et en vérité, c’est-à-dire saint, et incorruptible et séparé, il reçût encore ce nom des hommes. Mais comme il ne dut pas ce nom à l’huile nazer, supérieur à l’onction humaine, il le tira de Nazareth.

Cela établi ainsi, il faut examiner maintenant de quelle race et de quelle tribu des Hébreux il est prédit que sortira le Sauveur de nos âmes, le Christ de Dieu. A ce sujet j’exposerai d’abord les passages de l’Evangile ; puis j’y joindrai les témoignages des prophètes comme un cachet portant la même empreinte.

Matthieu donc expose ainsi la généalogie selon la chair du Sauveur : « Livre de la génération de Jésus -Christ, fils de David, fils d’Abraham. Abraham engendra Isaac ; Isaac engendra Jacob ; or, Jacob engendra Juda (Matth., I, 1), et le reste. L’Apôtre s’accorde avec lui quand il dit qu’il a été choisi pour prêcher l’Evangile de Dieu qui a été annoncé par les prophètes dans leurs saints écrits touchant son fils qui est né de la race de David selon la chair » (Rom., I, 1-2). Or ces passages sont conformes aux promesses ainsi conçues.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant